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25/09/2021

MORT DE BERNARD SESBOUE, FIGURE MAJEURE DE LA THEOLOGIE DU XXème SIECLE

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C’est un théologien de premier plan qui s’est éteint à l’âge de 92 ans, à l’aube du mercredi 22 septembre. N’ayant pas peur de se confronter aux sujets épineux, Bernard Sesboüé avait l’art de rendre accessibles les questions les plus exigeantes. Un travail patient qui n’empêchait pas les prises de position fermes et argumentées dans les débats de société aussi bien qu’au sein de l’institution ecclésiale.

Homme attentionné et modeste, généreux et discret, il refusait toute mise en avant : « D’accord pour parler d’un sujet, pas de moi », concédait-il à son éditeur Marc Leboucher qui a publié plusieurs ouvrages du théologien jésuite, dont un livre d’entretien. « Il était originaire du Perche et avait ce sens terrien qui l’a conduit à mener aussi bien des recherches pointues qu’à engager des polémiques intelligentes », poursuit Marc Leboucher.

Un itinéraire jésuite

Né à La Suze (Sarthe) en juillet 1929, Bernard Sesboüé était entré au noviciat de Laval en 1948, après sa scolarité au collège jésuite du Mans, puis une licence de Lettres classiques à la Sorbonne. Après ses années de philosophie et de théologie à Chantilly (1952-1961) et son ordination sacerdotale (1960), il fait son « Troisième an » (année de discernement spirituel dans la Compagnie de Jésus) à Paray-le-Monial (Saône-et-Loire), puis part à Rome où il soutient une thèse de doctorat sur Basile de Césarée.

Dès son retour en France, et pendant dix ans (1964-1974), il enseigna la patristique et la dogmatique à la Faculté de théologie jésuite de Lyon-Fourvière. Héritier d’Henri de Lubac tout aussi bien que de François Varillon ou Jean Daniélou, il trouvait les mots pour faire face à l’athéisme contemporain : « Dieu est celui qui nous reconnaît, qui s’intéresse à nous, s’approche de nous et veut nous communiquer sa propre vie », insistait-il.

Mais le théologien, qui passait volontiers ses vacances dans les Alpes, ne restait pas perché dans les hauteurs de la pensée. Un après-midi par semaine, il confessait les fidèles de passage à l’église Saint-Ignace à Paris, et accompagnait de nombreuses personnes. « Pour garder les pieds sur terre », confiait-il.

Lui qui n’a jamais oublié la brûlure de la foi, quand il citait un autre jésuite, le père de Grandmaison (1868-1927) : « Tous les travaux des spécialistes ne valent que pour nous donner accès à la source : arrivé près d’elle, que celui qui a soif s’agenouille, et qu’il boive. » Et Michel Fédou, autre théologien jésuite de renom, souligne encore : « Il avait une foi discrète, pudique et robuste qui transparaissait dans ses enseignements et ses ouvrages ».

Confrontations

Travailleur infatigable, il n’est guère de questions théologiques auxquelles ce jésuite passionné ne se soit pas frotté depuis plus d’un demi-siècle d’enseignement, de recherche et de publication. Les titres de ses livres en témoignent, qu’il s’agisse de L’autorité dans l’Église ou encore la formule Hors de l’Église point de salut. Des recherches qu’il avait à cœur de partager : « Pédagogue, il était très fraternel, toujours disponible, confie François Euvé, jésuite et rédacteur en chef de la revue ÉtudesTrès proche des étudiants, c’était un pilier de la formation dans la Compagnie. »

Soucieux du rejet du christianisme par l’Occident, Bernard Sesboüé n’hésitait pas à se lancer dans des ouvrages plus polémiques, afin de répondre, par exemple à Gérard Mordillat ou Frédéric Lenoir (Christ, Seigneur et Fils de Dieu, DDB, 2010), ou dénonçant encore les « insinuations mensongères » de Dan Brown et de son Da Vinci Code : « Il y a là quelque chose de très grave : les bons catholiques ignorent tout des origines du christianisme et de la manière dont la foi s’est répandue ».

Cette vivacité d’esprit, il l’aiguisa aussi à l’égard de l’institution elle-même, notamment vis-à-vis des ministères confiés aux laïcs, invitant l’Église à plus d’audace, ce qui n’a pas toujours été très apprécié de l’épiscopat. « Ce n’était pas de la provocation, précise encore Michel Fédou, mais une fidélité profonde à ce qu’il pensait, il portait une grande attention à ce dont l’Église a besoin aujourd’hui. »

« Écrire un livre de théologie, c’est casser des œufs pour faire une omelette », confiait le père Sesboüé avec cet humour qu’il cultivait notamment en communauté. C’était la liberté du théologien et du chrétien qui l’animait, invitant, par exemple, à une catéchèse qui engage un discours critique et qui n’en reste pas « à une catéchèse pour enfants auxquels on dit ce qu’il faut croire ».

Une parole vive, qu’il délivrait avec une humilité qui était aussi l’une des qualités de ce théologien souriant, vigilant et confiant : « L’Église ne sera jamais à la hauteur du Christ, il faut le reconnaître. La tâche redoutable de l’Église est d’être suffisamment transparente et fidèle pour pouvoir être le témoin toujours crédible du Christ. »

(1) Les funérailles du père Bernard Sesboüé seront célébrées lundi 27 septembre à Lille. Une célébration en mémoire du défunt aura lieu à l’église Saint-Ignace, à Paris, dans les prochains jours.

LA CROIX, Christophe Henning, avec Claire Lesegretain

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