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15/05/2024

UN LIVRE SUR LE STATUT DES PRÊTRES

Publié le par Garrigues et Sentiers

 

Un livre sur le statut des prêtres

Le livre de Jean-Marc Eychenne, évêque de Grenoble, intitulé Prêtres à l’école du lavement des pieds (paru chez Salvator en 2024) jette un pavé dans la mare sur le rôle des prêtres. Nous donnons ci-dessous un aperçu sur ce livre, puis nous dirons pourquoi nous pensons que le compte n’y est pas, qu’il serait nécessaire de revoir les prémisses sur ce qu’est le prêtre si on veut éviter un simple replâtrage.

L’auteur part d’un constat : actuellement les prêtres rencontrent d’énormes difficultés qu’ils ne peuvent surmonter. Ils ont un statut d’omniscients, d’omnipotents, ce qui les mine et qui est contraire à ce qu’ils devraient être. On en arrive, dans leurs formations, à les faire briefer par des cadres dirigeants qui les aident à devenir des managers ! Il y a nécessité de revisiter la théologie et la spiritualité pour sortir de cette vision du prêtre et de ce statut qui est insupportable pour eux et pour le peuple de Dieu.

Jean-Marc Eychenne demande de retrouver la kénose, l’esprit de l’épître aux Philippiens (« Il s’anéantit lui-même, prenant la condition d’esclave […] il s’abaissa lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix » en Ph 2, 7-8) ou si l’on préfère, de revenir au lavement des pieds : le message de Jésus aux apôtres est de servir et non d’être servis et de commander. Mystère de dépouillement et d’abaissement. Déjà la tentation de considérer les ministres comme appartenant à un autre monde que le nôtre se trouve dans les Actes avec Pierre et Jean au chapitre 3, avec Paul et Barnabé au chapitre 14, le peuple veut les diviniser. La sacralisation des prêtres opère la même dérive.

Les prêtres sont comme tout le monde, ils ne sont pas choisis pour leurs mérites et il y a une grande disproportion entre ce dont ils sont capables et leur mission (encore plus quand cette mission est enflée par des désirs de pouvoir). « Ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi » (1 Cor 1, 27). C’est la grâce de Dieu qui agit, non la force ou la science du prêtre, l’auteur les invite à rentrer dans le rang !

Les prêtres sont appelés à accompagner les baptisés pour les aider à trouver Dieu, à témoigner de l’amour de Dieu pour nous et de l’amour que nous avons pour Dieu et nos frères. C’est cela leur ministère, quant au gouvernement, il y a une « capacité de tous les baptisés à exercer un pouvoir de gouvernement ».

Si l’on veut susciter des vocations, il faut donc repartir de l’esprit du lavement des pieds et appeler des chrétiens qui veulent être au service de l’amour. L’auteur finit en citant le Père de Lubac :« J’aime cette grande Église [… ] où ceux qui jouent un rôle public sont portés sans le savoir par la prière de plus humbles que le monde ne connaît pas ».

Fin de la présentation du livre.

Nous pensons que le compte n’y est pas

Il est vrai que si déjà on suivait ces quelques conseils, bien des choses changeraient. Mais il ne faudrait pas que cela devienne une sorte de « green-washing » à la mode actuellement.

Dès le premier chapitre, l’auteur assène une vérité bien discutable : « Le sacerdoce ministériel est né au cours du dernier repas de Jésus avec ses disciples ». C’est affirmer que Jésus ne s’adressait qu’aux apôtres, mais cela ne tient pas. L’envoi en mission a aussi été adressé aux seuls apôtres, le commandement d’amour aussi ! Et tout le monde est bien d’accord que dans ces deux cas c’est aux chrétiens qu’il s’adressait à travers ses disciples ; dès lors,  pourquoi pas lors de la Cène, si ce n’est pour réserver le pouvoir de l’Eucharistie à une caste qui se choisit ? Cela est en contradiction avec la pratique de l’Église du premier siècle, l’Eucharistie était présidée par le chrétien qui recevait chez lui. On n’avait pas inventé les prêtres, le sacerdoce était exclusivement chez les Juifs. Que l’institution ait désiré changer les choses est bien réel, mais cela ne permet pas d’affirmer que « le ministère de l’Ordre » est fondé sur la Cène, ce qui a permis de faire de l’ordination un sacrement... rendre sacré le prêtre.

Dans l’introduction déjà l’auteur affirme que « la présence du prêtre est indispensable à la vie d’une communauté chrétienne ». Ceci est bien vrai si on a interdit aux baptisés de partager la Parole et l’Eucharistie, et bien d’autres choses encore. Si on réserve « les pouvoirs » au prêtre, alors il devient indispensable. Mais on a fabriqué ce caractère indispensable, oubliant totalement le sacerdoce des baptisés. « Utile » serait plus pertinent qu’« indispensable ».

L’auteur dit que le « ministère sacerdotal » est inférieur au sacerdoce baptismal. On pourrait alors croire que pour lui, il ne s’agit que d’un « ministère », d’autant qu’au chapitre 2 il refuse de mettre le prêtre du côté du sacré, « appartenant à un autre monde que le nôtre ». Bravo... mais par ailleurs il montre qu’il n’en est rien dans son esprit : déjà au chapitre 6 il semble réserver au prêtre la présidence de la prière et des sacrements, est-ce obligatoire ? C’est certainement le cas actuellement au point que les « célébrations sans prêtre » dans les lieux où il n’y en a pas, ont été interdites, mais est-ce pertinent ?

Jean-Marc Eychenne a surtout cette phrase du premier chapitre : « Le sacrement de l’Ordre nous établit, ontologiquement, dans le mystère du dépouillement ». Nous voilà dans cet enseignement constant : le prêtre, par son ordination, serait transformé dans son être même, ontologiquement. Et l’Église d’insister en disant, très logiquement alors, qu’on reste prêtre quoiqu’il arrive : « sacerdos in aeternum ». Cette affirmation (« tu es prêtre pour l’éternité selon l’ordre de Melchisedech ») est une reprise du psaume 110 dans He 5,6, elle s’adresse au Christ. Les prêtres se la sont attribuée, disant qu’ils sont d’autres Christ, se réservant ce qualificatif. Mais tous les chrétiens le sont tout autant. 

Alors si le prêtre est transformé par son ordination ontologiquement, il rentre dans le domaine du sacré quoiqu’en veuille Jean-Marc Eychenne, et le sacré lui est réservé. On peut donner à d’autres des parcelles de pouvoir (faire du « green-washing »), ce sont les personnages sacrés qui dominent dans tous les domaines. Et on ne peut demander aux « dominants » de vivre dans l’esprit du service, ce seraient des mots creux, comme on le constate bien souvent.

Tout ce que demande l’auteur aux prêtres, hormis le célibat où son argumentaire semble bien faible, c’est demandé à tous les chrétiens : être le Christ parmi ses frères. On aurait envie de résumer le texte par cette demande aux prêtres : soyez fidèles à votre baptême parmi les hommes que vous côtoyez, comme vous le leur demandez à eux !

Ne méprisons pas l’ordination à un ministère qui est utile pour nous aider, chrétiens, à vivre notre foi. Il nous faut des « pasteurs » qui vivent à partir du lavement des pieds, Jean-Marc Eychenne a totalement raison, mais il devrait pousser son audace un peu plus loin…

Marc Durand

LOGIQUE D'INTENDANCE

Logo Saint-Merry Hors les Murs Violet

 

Panneau Propriété Privée Bois Cormorey St Cyr Menthon

 

 

Comment sortir de l’impasse sociale de la propriété privée exclusive ? Guillaume Dezaunay propose un essai fondé sur les « paraboles des intendants » des évangiles : nos biens et nos pouvoirs ne nous appartiennent pas vraiment, seule compte leur utilité sociale. Un livre inspirant quelles que soient les convictions du lecteur.

Le livre se présente comme une réflexion à propos des « paraboles des intendants » qui fourmillent dans les évangiles sur l’argent, la gestion, l’avoir et le pouvoir. Chacun des 19 courts chapitres met en exergue une parabole parmi les plus connues ou d’autres plus inattendues. Derrière le titre évidemment provocateur du livre – la notion de bien commun est-elle communiste ? – Guillaume Dezaunay propose une lecture de la radicalité du message du Christ que l’on pourra qualifier aussi bien spirituelle, philosophique ou politique. Une lecture accessible à tous, attrayante parce qu’elle n’est pas si fréquente et qu’elle a le mérite de s’attaquer aux grandes questions politico-économiques contemporaines. La logique d’intendant ou de gestionnaire de ce qui nous est confié est l’inverse de la logique de propriétaire, nos pouvoirs sur les biens et les personnes ne sont que de services et il ne s’agit pas de métaphores.

Couv Christ Rouge

Pensée sociale de l’avoir et du pouvoir

Dezaunay est un jeune philosophe marqué par la lecture d’Emmanuel Levinas, d’Hannah Arendt et surtout, en l’occurrence, de « Résurrection » de Tolstoï. Dans ce roman, un aristocrate prend conscience de ses privilèges et les abandonne progressivement. C’est un peu le chemin que propose d’emprunter Dezaunay. Les points centraux des deux premières parties sont peut-être la critique de l’appropriation privative qui apparaît en définitive stérile, génératrice de violence à cause du mimétisme humain et incapable de répondre à notre vif désir de sécurité (p 40-43) ; la critique de l’héritage, absurde s’il est égoïstement dilapidé ou s’il ne sert pas la justice, illégitime s’il ne produit pas des fruits de bonté (p 45-47) ; la critique de l’argent qui asservit s’il ne sert pas l’harmonie sociale et la fraternité (p 29-34); la critique de la marchandisation à outrance (p 59-66).

L’auteur évoque ainsi des éléments de pensée sociale sur les thèmes de l’avoir et du pouvoir, et il esquisse « une théologie de l’expropriation » qui vient contrer la « pseudo-théologie de la prospérité » faisant croire que les profits sont mérités et dons de Dieu (p 99). « Choisir la vie plutôt que la mort » (Deutéronome 30, 19) signifie pour lui choisir la justice et la bonté qui résume « l’esprit du Règne », non pas la compétition et l’esclavage. Il faut « quitter l’anthropocentrisme déviant ». Mais pourquoi est-on si peu attentif à ce désir de justice, et pourquoi faisons nous si peu pour lutter contre l’injustice sociale ? L’auteur esquisse une théorie sur le libéralisme qui historiquement serait parvenu à nous convaincre indument que le profit comme but en soi est incontournable, que les pauvres n’ont droit à rien et qu’au total seul une rationalisation de l’égoïsme serait efficace (p 19). On aurait aimé qu’il développe ce point, peut-être sera-ce pour un ouvrage ultérieur.

Pistes pratiques

La troisième partie (“Que faire ?”) propose des pistes plus pratiques pour soi et pour notre monde, en réaction devant les dérives économiques, sociales et environnementales. « Il est temps de retrouver la dimension matérialiste de la spiritualité chrétienne », c’est-à-dire satisfaire vraiment les besoins des nécessiteux (p 122). « L’éthique est une optique » disait Levinas, n’est-ce pas ce qu’indique aussi Mt 25, 40 « ce que vous avez fait au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » ? Il s’agit d’apprendre « à être de bons intendants », « la voie d’un pouvoir qui devient service et qui se répand en autonomisation des plus fragiles » (p 127). Dezaunay propose aussi sa vision de l’écologie intégrale sortant la théologie chrétienne traditionnelle de sa torpeur immobiliste face à l’appropriation du vivant, la surconsommation, la globalisation sans limites, l’identitarisme, la méritocratie, etc.

Une lecture possible de ce livre est qu’il s’agit de « réchauffer la magnifique doctrine sociale de l’Église malgré ses conceptions culturelles limitées » (p 13). L’auteur propose en effet une illustration personnelle des grands principes de cette doctrine et des écrits du pape François : la « destination universelle des biens », le « bien commun », la « justice », « l’amitié sociale », « la fonction sociale de la propriété », etc.

Radicalité des évangiles

Il s’adresse principalement à la « bourgeoisie catholique » dont il fait partie, et dans le prologue, installé à une terrasse d’aéroport, se disant riche, décroissant et chrétien, il décide de prendre l’avion pour la dernière fois, qu’il est temps « de comprendre que le christianisme sans quête de justice sociale et sans recherche du bon régime économique n’est pas le christianisme » et que lire des textes révolutionnaires réclamant justice pour tous sans jamais aller dans « les trous des pauvres » paraît hypocrite (p 10). Pour la « bourgeoisie catholique », les paroles et les gestes du christ rapportés par les écritures font en principe autorité. C’est pourquoi Dezaunay cherche à la convaincre en renversant l’interprétation classique qu’en donne le christianisme identitaire. Comment en effet ne pas être stupéfait par l’écart entre les croyances conservatrices qui se satisfont fort bien de privilèges indécents, et la lecture des évangiles comme la critique la plus sévère qui soit de nos errements socio-économiques contemporains ? L’Évangile ne serait-il pas l’instance critique la plus radicale pour toute pensée concernant le plus humain de l’humain, comme l’avait suggéré Maurice Bellet ? Ou bien le christianisme n’existerait-il pas encore vraiment (Dominique Collin) ? En dépoussiérant le sens du texte, en choisissant des mots simples sans se laisser aller à des simplifications abusives ou à des dénis de réalité, Dezaunay fait œuvre extrêmement utile. Il témoigne notamment d’une perspective très positive pour l’Église en lui suggérant qu’il n’y a pas de religion valable qui ne soit toujours en train de réinterpréter sa vérité.

Lire ce livre revient certainement à redécouvrir la nouveauté révolutionnaire des évangiles et de la pensée sociale catholique. Mais c’est d’abord un essai de bon sens et de saine réaction contre les méfaits du capitalisme mondialisé. Le souffle de ce livre n’est pas seulement salutaire pour les chrétiens, il intéressera aussi tous les passionnés de justice et de démocratie. L’ouvrage a l’apparence d’un témoignage personnel mais c’est tout le contraire : il s’agit de la genèse d’une parole collective qui fonde l’action, et l’amorce d’une prise de conscience qui vaut pour une Église neuve comme certainement pour d’autres institutions aussi. Ce livre, agréable à lire et facile d’accès, est recommandé à toute personne que la soif d’un avenir commun intéresse.

Guillaume Dezaunay, Le Christ rouge, Salvator, 2023, 170 pages, 17,90 €

jacq.debouverie
Jacques Debouverie, Ingénieur-urbaniste de métier, conseil auprès des collectivités locales et formateur. Responsable associatif dans le domaine du droit au logement des jeunes. Participant de la communauté de Saint Merry depuis les années 80, en équipe à la Mission de France. Père de famille et diacre.
 

13/05/2024

LETTRE OUVERTE SUR L'ECOLOGIE INTEGRALE AUX CANDIDATS AUX ELECTIONS EUROPEENNES

Élections Européennes : Discerner Avec Laudato Si’ 3

A l’initiative du Mouvement "Laudato Si", une trentaine de mouvements, associations, congrégations, etc. chrétiens, dont notre communauté de Saint-Merry Hors-les-Murs, ont signé une lettre aux principales listes candidates aux élections européennes afin de les interpeller sur leur engagements en faveur de l’écologie intégrale. Cette lettre ouverte a été envoyée aux principales têtes de listes françaises afin de leur rappeler les enjeux essentiels de ces élections pour la sauvegarde de notre Maison Commune et de celles et ceux qui y vivent (*), et publiée le 9 mai dans La Croix sous forme d’une tribune.

Cher monsieur …, chère madame …

Vous portez une liste candidate aux élections du Parlement européen. Vous vous engagez ainsi au service du bien commun et nous vous en remercions. Cet engagement courageux vous oblige car vous exercerez votre mandat dans une période marquée par des crise écologiques et sociales qui ont de plus en plus d’influence sur la vie des Européens et de tant d’autres êtres humains. 

Nous, associations, communautés, congrégations catholiques et chrétiennes, sommes particulièrement préoccupées par la crise climatique et environnementale, dans la lignée des enseignements de l’Église, en particulier l’encyclique du pape François Laudato Si’ (publiée en 2015) et l’exhortation apostolique Laudate Deum (publiée en 2023). 

Les institutions européennes ont été façonnées par des personnes motivées par le bien commun. Certaines y étaient poussées par leur foi chrétienne, comme Robert Schuman, récemment déclaré Vénérable par le Pape, c’est-à-dire dont la vie est proposée en exemple aux chrétiens. Fondée sur la volonté de créer une paix durable en Europe grâce à une solidarité en actes, l’Union Européenne peut voir dans ce défi de la transition écologique un nouveau projet commun unificateur. C’est pourquoi, en 2024, il nous semble clair que l’UE doit miser sur sa conversion écologique pour rester fidèle aux intuitions initiales.

L’UE a su jouer un rôle pionnier sur le plan climatique dans la mise en œuvre des engagements internationaux, depuis le Protocole de Kyoto jusqu’à l’adoption de l’Accord de Paris. Elle a su se placer en fer de lance de la transition écologique au niveau mondial en se dotant d’un véritable plan pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris : le pacte vert. En s’attaquant aux enjeux climatiques mais également à la biodiversité, aux pollutions et en cherchant une transition juste, le pacte vert inscrit la transition écologique dans une vision systémique et une politique de long terme. S’il nous permet d’aller dans la bonne direction, il doit cependant être mis en œuvre, approfondi et mis en cohérence, notamment sur le plan de la politique commerciale avec de vraies clauses miroir.

Le débat public contemporain tend à opposer les enjeux sociaux et environnementaux. C’est une erreur fondamentale, comme nous le rappelle le pape François :  “Il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale.”, ce qui implique d’entendre “la clameur de la Terre et la clameur des pauvres”.

Vos engagements pour une écologie intégrale sont donc très importants aux yeux des associations, communautés, congrégations catholiques et chrétiennes que nous représentons et du point de vue de notre foi chrétienne, car “vivre la vocation de protecteurs de l’œuvre de Dieu […] n’est pas quelque chose d’optionnel ni un aspect secondaire dans l’expérience chrétienne.” Nous croyons que notre “intelligence de la foi” peut être une contribution utile au débat public.

Nous vous proposons donc de nous rencontrer ou de nous transmettre par écrit vos engagements pour la sauvegarde de notre Maison Commune. En particulier, nous aimerions savoir si vous vous engagez à soutenir les dispositions du pacte vert en agissant pour :

1- Travailler à une sortie des énergies fossiles, en Europe comme dans le monde. Cela nécessite notamment de : 

  • s’assurer que les institutions européennes ne financent ou ne facilitent pas la construction de nouvelles infrastructures fossiles, comme des terminaux méthaniers par exemple,
  • envoyer des signaux clairs aux acteurs financiers en classant le gaz fossile comme un investissement brun,
  • soutenir l’adoption d’un traité international de non-prolifération des énergies fossiles, qui permettrait une sortie concertée, organisée et compensée des fossiles, dans un esprit de justice internationale.

2- Que l’Union européenne défende la justice climatique internationale, à travers notamment :

  • Un financement par l’UE ou ses membres, nouveau, additionnel et sous forme de dons, destiné aux nations plus pauvres afin qu’elles puissent atténuer et s’adapter  au dérèglement climatique,
  • Un soutien fort aux négociations en cours pour une convention sur la fiscalité à l’ONU, qui permettrait de rééquilibrer les flux financiers liés à l’impôt des multinationales, faisant bénéficier les pays du Sud de davantage de ressources propres,
  • L’abondement du fonds “pertes et dommages”, récemment créé mais insuffisamment doté pour effectivement compenser les souffrances vécues par nos frères et sœurs des pays les plus vulnérables,
  • L’annulation de la dette des pays du Sud qui en ont besoin, pour faciliter leurs investissements dans des politiques d’atténuation et d’adaptation au réchauffement climatique.

3- La conversion écologique des systèmes agricoles, ce qui passe par un retournement de paradigme : mettre l’agriculture au service des hommes et du vivant, en passant d’une agriculture industrielle à une agriculture agroécologique qui restaure les écosystèmes, l’eau et la biodiversité, dans le respect de la dignité du travail et des droits humains de chacun et en particulier des agriculteurs. Cette démarche doit être guidée par la recherche d’une souveraineté alimentaire pour tous les pays, y compris ceux du Sud. La souveraineté alimentaire doit être comprise comme l’accès à une alimentation saine, produite avec des méthodes durables, et le droit pour les populations de définir son propre système agricole et alimentaire.
Cette transition vers des systèmes agroécologiques passe donc aujourd’hui passe par deux leviers :

(1) le partage de la terre, c’est-à-dire des mesures de limitation de l’agrandissement des exploitations (régulation du prix du foncier, décorrélation des aides de la PAC de la taille des exploitations, avec une pondération à l’actif).

(2) La promotion de pratiques agroécologiques au sein de l’UE (réduction de l’usage des pesticides) et hors de l’UE en mettant en cohérence les politiques agricoles, commerciales et d’aide au développement, pour limiter le dumping alimentaire et les concurrences déloyales.

4- Sortir du “paradigme technocratique” dénoncé par le Pape François, par exemple en refusant les ‘fausses solutions’. Car “nous courons le risque de rester enfermés dans la logique du colmatage, du bricolage, du raboutage au fil de fer, alors qu’un processus de détérioration que nous continuons à alimenter se déroule par-dessous. Supposer que tout problème futur pourra être résolu par de nouvelles interventions techniques est un pragmatisme homicide, comme un effet boule de neige.” Défendre l’absence d’action immédiate en raison de potentielles mais incertaines innovations techniques est une imprudence majeure, sans compter que les techniques apportent avec elles leurs lots de risques nouveaux. Nous pensons aux techniques de captage et de stockage de carbone ou au développement de carburants alternatifs dans l’aviation, qui peuvent désinciter à la réduction immédiate des émissions de gaz à effet de serre notamment par plus de sobriété dans les usages.

5- Proposer un horizon au-delà du consumérisme, à travers des politiques de sobriété, comme par exemple des réglementations sur l’affichage environnemental ou de réparabilité, une réflexion démocratique sur la limitation du trafic aérien, une réduction du parc automobile en parallèle de la fin des moteurs thermiques ou la lutte contre l’éco-blanchiment.

Bien sûr, nous vous encourageons à lire les textes publiés par le Pape (en particulier Laudato Si et Laudate Deum), ou à regarder le documentaire La Lettre que le Mouvement Laudato Si a co-produit, qui évoque Laudato Si’ pendant environ une heure.

Pour la sécurité et la paix en Europe, pour la justice dans le monde, pour l’avenir des plus jeunes, nous prions pour vous et votre engagement. Nous restons à votre disposition afin de vous accompagner dans vos discernements futurs.

Avec nos plus respectueuses sollicitations,

Signataires :

Anne Doutriaux, Coordinatrice France du Mouvement Laudato Si
Sylvie Bukhari de Pontual, présidente du CCFD-Terre Solidaire
Emmanuelle Huet, membre du collectif Lutte et Contemplation
Margot Chevalier et Jean-Luc Bausson, coprésidents de Chrétiens dans le Monde Rural (CMR)
Véronique Devise, présidente du Secours Catholique-Caritas France
Anne-Marie Maison, présidente du Mouvement Chrétien des Retraités (MCR)
Sœur Anne Méjat, responsable de la conversion écologique de la province France-Belgique-Tunisie des salésiennes de Don Bosco.
Manon Rousselot-Pailley, présidente du Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC)
Philippe Blaise, animateur d’Écologie Paroles de Chrétiens Nantes – Église verte 44
Arnoult Boisseau, président du CA et Christine Lamolinerie, Vice-Présidente de la Délégation Catholique pour la Coopération (DCC)
Sœur Corinne Tallet, supérieure générale des sœurs de saint François d’Assise
Père François Michon, responsable de la Communauté du Chemin Neuf
Sœur Hélène Noisette, référente Église verte de la Province de France-Belgique des Sœurs auxiliatrices
Christine Vogel, coordinatrice nationale France de la Communauté Mondiale pour la Méditation Chrétienne
Michel Roy, secrétaire général de Justice et Paix
Jacques Debouverie, Équipe pastorale de Saint-Merry Hors-les-Murs
Nathalie Verhulst, présidente de l’action catholique des milieux indépendants (ACI)
Sébastien Dumont, président d’Oeko-logia
Fabien Revol, directeur du Centre Hélène et Jean Bastaire, Berganty (46)
Pierre Dupouet, référent national CVX-Laudato si.
Frère Columba, prieur administrateur de l’abbaye d’En-Calcat
Frère Jean-Marie, prieur de l’abbaye Notre-Dame de Sénanque
Sœur Thérèse Revault, référente de la Congrégation des Filles du Saint-Esprit.
Frère Marie-Benoît, directeur de l’Académie pour une écologie intégrale – sanctuaire Notre-Dame du chêne
Marcel Rémon, directeur du Centre de Recherche et d’Action Sociales (Ceras)
Sœur Bénédicte-Marie Lecaillon, responsable de l’écologie pour la congrégation des sœurs Trinitaires
Daniel Federspiel, provincial des Salésiens de Don Bosco
Philippe Leroux, président des Chrétiens dans l’Enseignement Public (CdEP)
Patrick Raymond, président de l’Action Catholique des Enfants (ACE)
Alfonso Zardi, délégué général de Pax Christi France
Gilbert Landais et Elisabeth Flichy, coprésidents de Chrétiens Unis pour la Terre (CUT)
Dominika Ercsey et Sandrine Nourry, responsables de la Fraternité Politique du Chemin Neuf

(*) Nous proposons à tous les chrétiens d’interpeller eux-mêmes les candidats avec cette lettre. La marche à suivre pour le faire est détaillée ici (c’est très simple et ne nécessite pas plus de 5 minutes de votre temps).