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16/08/2024

APRES LE J.O. OU SONT PASSES LES SANS ABRIS PARISIENS

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Analyse 

Si chacun s’accorde à dire que le nombre de sans-abri dans les rues de Paris a beaucoup diminué à l’approche des Jeux olympiques, associations et préfecture divergent fortement sur le nombre de personnes mises à l’abri.

  • Nathalie Birchem,  

Après les JO, où sont passés les sans-abri parisiens ?

Mais où sont les SDF parisiens ? Alors qu’en janvier 2024, la Nuit de la solidarité parisienne dénombrait 3 462 personnes à la rue, tentes installées sur le macadam et silhouettes allongées au sol ont quasiment disparu de la capitale dans les semaines précédant les Jeux olympiques et paralympiques. Une concomitance qui ne doit rien au hasard, selon le Revers de la médaille, collectif d’acteurs de terrain qui estime, dans un rapport paru en juin, qu’un « nettoyage social » a eu lieu pour avoir une capitale plus présentable à l’approche des JO.

Selon ce collectif, 138 expulsions de bidonvilles, regroupements de tentes et squats ont été réalisées par les autorités durant la période allant d’avril 2023 à mai 2024, contre 122 durant la même période en 2022-2023, et 121 l’année précédente. Ces expulsions ont concerné 12 545 personnes, soit une 

augmentation de 38,5 % par rapport à la période 2021-2022, affirme le rapport. De plus, un communiqué du 4 août fait état de 42 nouvelles expulsions en mai, juin et juillet 2024, concernant 2 572 personnes, dont 1 043 en juillet, ce qui marque une forte intensification à l’approche de la cérémonie d’ouverture. Au total, ce sont donc près de 15 000 sans-domicile qui auraient été délogés dans les quinze mois précédant les JO, selon le Revers de la médaille.

Des chiffres non comparables

« Nous démentons à la fois le terme de nettoyage social et les chiffres du collectif, dont on ne comprend pas du tout comment ils ont été calculés, répond Christophe Noël du Payrat, directeur de cabinet du préfet d’Île-de-France. Nous procédons depuis plusieurs années à des opérations de mise à l’abri, indépendamment des JO. Sur 2023, 6 643 personnes ont ainsi été prises en charge, soit quasiment autant qu’en 2022 et qu’en 2021. En 2024, 1 728 personnes l’ont déjà été. » Un chiffre très différent de celui du Revers de la Médaille. Et pas seulement parce qu’il concerne un intervalle de temps non comparable mais aussi parce que le recensement préfectoral se base sur les opérations d’évacuations assorties de mises à l’abri, quand celui du collectif s’appuie sur des observations de terrain de toute forme d’expulsion de lieux de vie informels.

Toutefois, la préfecture reconnaît une intensification des évacuations avant les JO. « Nous assumons d’avoir augmenté le nombre de mises à l’abri, qui est passé de 35 pour tout 2023 à 39 rien que pour ce début de 2024. » Mais pas pour des raisons de nettoyage social : « Cela s’explique par deux évolutions dans nos méthodes de travail. Alors qu’avant, on faisait des opérations uniquement quand on avait des grands campements de 1 500 à 2000 personnes, désormais, on fait des mini mises à l’abri chaque semaine. De plus, nous allons aussi maintenant dans les accueils de jour pour proposer aussi des hébergements. Ce sont deux évolutions positives, il me semble. » Au total, selon la préfecture, 3 215 personnes ont été mises à l’abri depuis début 2024, dont 1 728 à l’issue des 39 mises à l’abri de l’année.

Une minorité hébergée, un avenir incertain

15000 depuis quinze mois ou 3 215 depuis sept mois… quel que soit leur nombre, où sont allées ces personnes ?

D’abord, 216 grands marginaux, qui vivaient, souvent depuis plusieurs années, à proximité des sites olympiques se sont vus proposer des hébergements pérennes. Un chiffre que ne conteste pas le Revers de la Médaille. « On a aussi ouvert quelques places pour des usagers de drogue, ce qui en tout monte le nombre de personnes en errance depuis de nombreuses années prises en charge durablement à 256 », précise la préfecture.

Mais pour le reste des délogés, « seule une petite minorité a été hébergée, estime Antoine de Clerck, coordinateur du Revers de la Médaille. Au départ, la seule proposition qui a été faite à l’issue des évacuations a été d’aller dans un des dix sas régionaux créés depuis 2023 en province. 5 630 ont accepté. Mais beaucoup ont refusé car c’est à Paris qu’ils ont leur travail, l’école de leurs enfants, leur réseau d’entraide. » Toutefois, précise-t-il, « en juillet, il s’est passé quelque chose de différent car l’État a hébergé près de 1 000 personnes dans des « sites tampons temporaires », ouverts en Île-de-France en vidant des centres d’accueil et examen de situations administratives » (Caes).

Combien sont encore hébergés à l’heure actuelle ? Côté Revers de la médaille, on est pessimiste. « Sur les 6 530 personnes parties en sas régionaux, on estime que 40 % sont des demandeurs d’asile et ont été envoyés dans des centres dédiés, explique Antoine de Clerck. Mais le reste des personnes envoyées en province n’a été pris en charge que trois semaines en moyenne avant d’être invitées à appeler le 115, qui est le plus souvent déjà saturé. Beaucoup reviennent donc ensuite sur l’Île-de-France. À Bordeaux, on avait estimé que c’était le cas pour 15 % des gens. » Et il est craint un retour à la rue aussi pour ceux qui ont été hébergés en juillet dans des sites franciliens car « le contrat ne prévoit que 30 jours d’hébergement », selon Antoine de Clerck.

La préfecture, elle, estime que sur les 3 215 personnes évacuées depuis janvier 2024, 1 707 ont été orientés dans un sas régional et le reste, sont allés dans les CAES d’Île-de-France. À l’issue de ces hébergements, « on n’a pas de fichier pour savoir ce que les personnes deviennent une par une, assure Christophe Noël du Payrat. 35 % des personnes en sas vont dans un centre pour demandeur d’asile et le reste est orienté vers de l’hébergement d’urgence, qui n’est pas toujours synonyme de courte durée, loin de là, notamment pour les familles. »

Enfin, suite à l’évacuation sans proposition d’hébergement de plusieurs campements de jeunes migrants à la rue car non reconnus comme mineurs pal’Aide sociale à l’enfance, la mairie de Paris a ouvert plusieurs gymnases, comme elle l’avait fait durant la trêve hivernale. Au total, « on a 800 jeunes en gymnases à Paris mais que vont-ils devenir à la rentrée quand la mairie va avoir besoin de les reprendre ? », interroge Antoine de Clerck.

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