06/12/2023
DEMASCULINISER LA THEOLOGIE ? MAIS LES FEMMES SONT LA !
06/12/2023
Isabelle de Gaulmyn,
Le néologisme n’est guère élégant : « Démasculiniser », en italien demaschilizzare. Recevant la commission théologique internationale, le pape François a compté tout haut le nombre de femmes, cinq seulement sur les trente membres. Il a donc estimé qu’il était temps de « démasculiniser » la théologie et s’est ensuite lancé dans une improvisation sur les apports des femmes théologiennes, confiant que lui-même avait beaucoup appris d’une théologienne.
Pas assez de femmes théologiennes ? Pourtant, des femmes théologiennes, l’Église, du moins en Occident, n’en est nullement dépourvue. Le problème n’est pas tant qu’il n’y a pas de femmes théologiennes mais que l’institution ne leur laisse que peu de place. Justement, cette semaine où le pape demande que l’on « démasculanise »la théologie, une théologienne française, femme et religieuse, a quitté ce monde, après une trop longue maladie. Régine du Charlat, sœur auxiliatrice. Elle n’était pas seulement, comme me l’a écrit un confrère « une grande dame », mais une belle théologienne. Comme beaucoup de religieuses, que l’institution a trop longtemps ignorées. Régine du Charlat a enseigné à l’Institut catholique de Paris, à une époque où les femmes n’étaient pas si nombreuses. Elle restait discrète. Peut-être ne la mettait-on pas en valeur. Aujourd’hui, quelques religieuses, Véronique Margron, dominicaine, ou Nathalie Becquart, xavière, parviennent à briser le plafond de verre de la reconnaissance. Et encore, est-ce parce qu’elles ont choisi des domaines (les abus pour l’une, le synode pour l’autre) ou peu de théologiens hommes s’aventurent encore.
Régine du Charlat, qui fait partie de la génération précédente, est restée dans l‘ombre. Pourtant, elle-même entretenait des relations avec moult célébrités de l’Église, théologiens, prêtres, évêques, qu’elle invitait souvent à sa table, bien connue pour sa cuisine comme pour le niveau de la réflexion. Est-ce parce qu’elle était une femme ? Elle avait de la théologie une perception non pas doctorale, ou descendante, mais conversationnelle. La théologie, chez elle, n’était pas seulement un savoir, mais un art de vivre, plein de fraternité (sororité ?) et d’hospitalité. L’autrice de ces lignes, qui en a tant profité, sait ce qu’elle lui doit.
En revanche, contrairement aux théologiens, ces religieuses n’attendaient guère de reconnaissance de l’Église. Ne pouvant ni être prêtre, ni évêque, ni cardinal, elles ne nourrissaient aucune ambition en la matière, d’où une grande liberté intérieure. Et une lucidité sur l’Église, avec ses dysfonctionnements et ses faiblesses. Je me souviens d’un texte, publié par Régine du Charlat, en novembre 2004, qui trouve toute sa résonance aujourd’hui. Constatant la crise de la pratique religieuse, elle notait qu’il ne fallait peut-être pas chercher à tout garder, mais qu’il pouvait «nous être demandé de consentir à perdre ce qui pourtant était bon, pour nous ouvrir à ce que nous ne savons pas mais qui pourra être dit le meilleur si cela surgit de la nouveauté de l’Évangile ». «Et si c’était la condition pour que nous acceptions d’entendre l’Évangile – seul véritable fondement – à frais nouveaux ?» Il y a vingt ans, ce texte avait, pour certains, l’allure d’une sonnerie de défaite, un appel à tout lâcher. Aujourd’hui, dans une institution profondément en crise, on voit bien que ce n’était que la seule attitude spirituelle possible. Celle, comme le dit Paul dans une phrase que Régine du Charlat affectionnait, de s’offrir «à Dieu comme des vivants déjà revenus de la mort » (Romains 6, 13). De faire ce passage par la mort, pour, écrivait-elle, « être capables d’accueillir ce que Dieu qui œuvre sans cesse veut, et donc peut, faire surgir de neuf dans notre monde ».
MIGRATION
Migration ***
de Benjamin Renner et Guylo Homsy
Film d’animation américain, 1 h 22
Il aura réussi à mettre sa patte sur cette histoire de canards. Benjamin Renner, as du dessin animé à la française qui a coréalisé les excellents Ernest et Célestine(2012) etLe Grand Méchant Renard(2017), a su insuffler un supplément d’âme à une grosse production américaine en images de synthèse en 3D.
Migration est le nouveau long métrage des studios Illumination, filiale d’Universal basée à Paris, qui a fait déferler sur la planète des hordes de Minions, serviteurs gaffeurs d’un super-méchant au cœur d’artichaut (la saga Moi, moche et méchant). Au menu de ces films d’animation calibrés pour le marché mondial : animation soignée, saynètes burlesques et personnages attachants.
La recette est peu ou prou la même dans Migration, qui ne lésine pas sur les archétypes. Dans la famille Colvert, je demande le père, papa poule qui n’aime rien tant que sa paisible mare de Nouvelle-Angleterre, la mère, heureuse en couple mais qui rêve de sortir du « coin-coin » quotidien, le grand frère, ado sensible en mal de liberté, et la petite sœur, « canetonne » adorable mais froussarde. Sans oublier le grand-oncle, papy déplumé et bedonnant au franc-parler désarmant.
Hérons « perchés » et pigeons paranos
C’est lui qui convainc, bien malgré lui, son neveu de migrer vers d’autres latitudes pour passer l’hiver au chaud en Jamaïque. Le début d’une aventure, qui, comme on s’y attend, ne se passera pas comme prévu. Au détour d’escales parmi des hérons « perchés » ou des pigeons paranos, le récit enchaîne les gags inventifs et les chutes comiques.
Le plan de vol est connu d’avance, mais l’esthétique héritée de la BD franco-belge et le sens du timing comique de Benjamin Renner donne des ailes à ce gros-porteur taillé pour l’international. La palme revient à Gwen, dont les œillades destinées à attendrir ses parents dérideront les spectateurs les plus circonspects.
À l’image, tout est presque trop impeccable, animé avec délicatesse, mis en scène avec élégance, éclairé avec soin. Rien ne dépasse, sauf, heureusement, les quelques plumes sur la tête de nos héros. Leurs défauts et leurs maladresses donnent de l’épaisseur à cette histoire de famille qui voyage pour se réinventer. Quitte à y laisser quelques plumes.
• Non ! * Pourquoi pas ** Bon film *** Très bon film **** Chef-d’œuvre