‣ Un an après le succès du film « Des hommes et des dieux », une nouvelle manière de parler de religion s’impose au cinéma.
‣ Hier, quelques acteurs et professionnels du cinéma se sont retrouvés à l’abbaye de Lérins, pour un aperçu de la vie monastique.
‣ Ce « Festival de silence » était proposé parallèlement au Festival de Cannes.
Les acteurs Michael Lonsdale(de dos) et Brigitte Fossey échangent avec Dom Vladimir Gaudrat, abbé de la communauté de Lérins.Hier, le Festival de Cannes s’est o ert une parenthèse spirituelle sur l’île Saint-Honorat, à quelques encablures de la Croisette et de son animation.
Les salles obscures auraient-elles été touchées par la grâce ? La question peut prêter à sourire. Mais à en croire Sœur Geneviève Roux, religieuse et cinéphile avertie, un vent de spiritualité souffle sur la Croisette. Cette xavière, responsable d’un ciné-club de Nice, habituée du festival, se dit même « frappée » par l’omniprésence de « la question du sens » dans la sélection officielle de cette année : Jeanne captive de Philippe Ramos, Habemus papam de Nanni Moretti ou encore L’Arbre de vie , de Terrence Malick…
« La présentation, lundi, de ce film très attendu a été bien accueillie » , observe-t-elle. Un film très « américain » , à la « sensibilité proche des Églises évangéliques ou anglicanes » , qui rejoint de toute évidence les préoccupations existentielles d’un monde parfois frénétique : « La question de Dieu traverse ce film tout du long. Plus généralement, reprend-t'elle, cette dimension passe mieux qu’il y a dix ans, elle est mieux admise par le public. » De la même façon, le long métrage du réalisateur italien Nanni Moretti, qui brosse avec humour les états d’âme d’un futur pape tétanisé par l’ampleur de sa charge, lui apparaît « sympathique » , alors qu’on pouvait s’attendre à quelque chose de « redoutable ». « Ici, l’Église est ridiculisée gentiment, avec un message très fort : on vous attend dans le monde. »
C’est évidemment le succès du chef-d’œuvre de Xavier Beauvois, présenté l’an dernier à ce même festival, qui signe cette évolution de façon spectaculaire, avec plus de 3 200 000 spectateurs. Et si ce triomphe s’explique sans doute pour partie par la forte mobilisation des catholiques, il semble évident que l’histoire des moines de l’Atlas a touché un public plus large. « Ce succès est révélateur d’une profonde soif spirituelle, analyse Vincent Mirabel (1), réalisateur et formateur en cinéma, lui-même croyant. Ce type de film fait du bien et comme il y a un public en attente d’œuvres profondément humaines, où la prière et l’amour se donnent à voir, sans prosélytisme. » Des hommes et des dieux serait selon lui de ces « rares films » qui laissent « affleurer l’âme »,«sans mâcher l’interprétation ».
Professeur de cinéma à l’Université catholique de Lyon, Michèle Debidour constate elle aussi que la « demande de sens » se fait plus insistante. Présidente du jury œcuménique qui a primé, en 2010, Des hommes et des dieux, à Cannes, elle s’étonne d’avoir été « extrêmement sollicitée » pour présenter ce film, et ce « pendant une longue période » , ce qui est « inhabituel » . Derrière cette quête spirituelle, c’est aussi l’Église, en tant qu’entité, qui se laisse redécouvrir.
« Les gens se sont éloignés du christianisme, dont ils gardent une certaine représentation, parfois caricaturale, souvent liée à l’enfance, analyse-t-elle. À travers ces films, ils le redécouvrent de l’intérieur, et sous différents aspects » : la vie monastique féminine dans De silence et d’amour (Michael Whyte, 2010), le pentecôtisme chez les Gitans dans Jimmy Rivière (Teddy Lussi-Modeste, 2011) ou encore les conséquences ppp
« Il y a un public en attente d’œuvres profondément humaines, où la prière et l’amour se donnent à voir, sans prosélytisme. »