14/11/2013
LETTRE D'INFORMATION DE LA COMMUNAUTE MISSION DE FRANCE - LDI N° 360 - NOVEMBRE 2013
Editorial
Le travail à pied d'oeuvre
par Arnaud Favart
17 octobre, journée mondiale du refus de la misère sur la place du Trocadéro.
Je salue le Docteur Yang et la jeune femme interprète, membres de la délégation chinoise. Apprenant que je suis prêtre-ouvrier, la jeune chinoise manifeste une grande surprise. Les yeux brillants, elle serre longuement mon bras pour vérifier : « Je croyais qu’il n’en existait plus ! » Nous sommes à deux pas du musée du patrimoine, et je me sens comme une sorte de dinosaure. Permanente d’ATD Quart-Monde à Taïwan, elle me confie : “C’est le combat contre la misère qui nous rend frères.”
Le docteur Yang me raconte l’histoire de ce conducteur d’un triporteur qui n’a jamais été à l’école, mais qui par son maigre salaire n’a cessé toute sa vie d’aider les jeunes à faire des études.
La condition humaine suppose que l’homme travaille pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Mais du labeur pour gagner son pain, il peut faire une oeuvre libératrice. Le travail relève de la nécessité, l’oeuvre élève et libère. Ce qui distingue l’oeuvre du travail, c’est l’imprévisible fécondité de l’action humaine, le surgissement créateur, même à partir du travail le plus obscur. Ce que cet humble triporteur réalisa en apportant sa pierre à la construction d’un monde plus humain.
Le risque est de subordonner l’oeuvre au travail. Soit que l’oeuvre se dégrade en objet de consommation, et ce qui est censé libérer les humains les asservit davantage comme producteur - consommateur. Soit que l’accès au travail se restreigne, et les personnes sans emploi se comprennent comme superflues, privées de reconnaissance.
« Est-ce qu’il pourrait y avoir des chinois prêtres-ouvriers ? », reprend la jeune interprète. « Et des femmes prêtres-ouvriers aussi ? » Le terme de prêtre-ouvrier nous rapporte à l’oeuvre, au fruit d’une présence étonnamment signifiante bien au-delà des frontières de la religion et des cultures. Nous ne sommes pas que des prêtres au travail, nous sommes à pied d’oeuvre, mus par l’incroyable fécondité de l’évangile.
Arnaud Favart,
Vicaire général de la Mission de France
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