Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

23/02/2019

GRÂCE A DIEU

 Revue Etudes

La rédaction d' Etudes - Article Web

GRACE A DIEU.jpg

Grâce à Dieu

Le film de François Ozon, « Grâce à Dieu », annoncé depuis plusieurs semaines, sort aujourd’hui dans les salles, à la veille de l’ouverture à Rome de la rencontre des présidents des conférences épiscopales sur les questions d’abus sexuel. Le projet du réalisateur s’est centré sur la figure des victimes. Comment est-il possible de se reconstruire (ou, simplement, de vivre) après une telle catastrophe ? Le personnage principal est celui d’Alexandre (Melvil Poupaud), représentant typique d’une bonne famille lyonnaise, catholique engagé qui découvre un beau jour que son prédateur, que l’on avait dit écarté de tout contact avec des jeunes, occupe toujours un ministère paroissial, entouré d’enfants de chœur. Il cherche à entrer en relation avec d’autres victimes. Certaines refusent le contact, d’autres l’acceptent avec gratitude. Deux personnages retiennent l’intérêt du réalisateur, François (Denis Ménochet), l’athée plus éruptif, qui sera l’animateur principal de la « Parole libérée », et Emmanuel (Swann Arlaud), plus complexe, l’homme qui reste profondément blessé et peine à se reconstruire. Ce sont donc trois « tableaux » qui se succèdent. Entre les victimes (avec leurs épouses dont le rôle est essentiel, et parfois les parents), les débats sont vifs : question de tempérament, de relation à l’Eglise, à la foi. Le film montre bien les engagements mais aussi les hésitations, les doutes.

On peut regarder le film comme le difficile accès à la parole juste. Il y a les sentiments immédiatement exprimés, les discours officiels et convenus, les formules « spirituelles » qui arrivent à contretemps lorsque la prière semble instrumentalisée. L’accès à la parole ne peut pas faire l’économie de la violence, car il est pénible et douloureux pour tous. En outre, les révélations font mal. On comprend la raison des silences, celui des victimes, celui de l’institution et celui des familles (pourquoi remuer ce passé ?). Pourtant la dissimulation aggrave la souffrance. On comprend le besoin de communiquer publiquement sur cette affaire. C’est aussi la question du pardon qui est soulevée. Il ne va pas de soi et ne doit pas servir d’« instrument » : la parole doit à la fois être dite et reçue. Le vrai pardon vient en son temps.

Par contraste, le monde ecclésiastique paraît plus terne, administratif. Sans doute aurait-il été souhaitable de montrer la complexité aussi de ce côté-là (et la solitude des responsables). Mais, comme le disait Mgr Ribadeau-Dumas dans son audition au Sénat, les responsables étaient « pétrifiés ». C’est l’action opiniâtre d’une multitude d’acteurs (victimes, journalistes, policiers, juges) qui contribua à briser le roc des certitudes.

Le film peut aider à continuer de libérer la parole. Ce ne sera pas sans turbulences (alimentées par une aura de scandale dans le contexte actuel). Mais, comme L’histoire d’un silence d’Isabelle de Gaulmyn (Seuil, 2016), il apporte des éléments qui permettent un vrai débat. Ce n’est pas un documentaire, puisqu’y entre une bonne part de fiction, le regard particulier du réalisateur. Ce sont de « types » qui nous sont présentés. À ce titre, c’est une réflexion sur l’humanité fragile et blessée..

Les commentaires sont fermés.