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26/02/2020

"QUERIDA AMAZONIA : UNE LETTRE D'AFFECTION PATERNELLE" PAR MGR EMMANUEL LAFONT

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« Querida Amazonia : Une lettre d’affection paternelle », par Mgr Emmanuel Lafont
Publié le 13 février 2020

Querida Amazônia ! Le titre, à lui seul, manifeste la tendresse de Dieu pour les peuples d’Amazonie. François s’en fait l’écho, et nous invite à regarder avec une affection semblable les peuples et la terre. Tout, en effet, est dans le regard. Il écrit une lettre d’amour, avec ses poèmes et ses rêves ! Elle est lyrique par moments, contemplant la splendeur, le drame et le mystère que l’Amazonie présente au monde.

21 octobre 2019 : Synode sur l’Amazonie. A son arrivée à la salle du synode, le pape François, accompagné de Mgr Lafont, reçoit en cadeau un châle et un paréo sur lequel est inscrit une parole tirée du Nouveau Testament « soyez courageux, j’ai vaincu le monde ».

Le pape nous surprend dès le début, situant son exhortation non pas comme une conclusion du synode mais comme l’accompagnement du père qui a tout écouté, beaucoup retenu, intensément prié, et qui nous livre le fruit de sa méditation en appui du document final du synode. « Je ne prétends pas le remplacer ni le répéter. Je désire seulement fournir un bref cadre de réflexions… une synthèse de certaines grandes préoccupations que j’ai exprimées dans mes documents antérieurs, et qui aide et oriente vers une réception harmonieuse, créative et fructueuse de tout le chemin synodal. »

François nous invite à lire intégralement et donc à travailler et approfondir ce document final ainsi que tout le travail en amont. D’ailleurs, le chemin synodal n’est pas terminé. Pour la première fois me semble-t-il un « Conseil spécial » chargé du « suivi » des travaux du synode a été constitué. J’ai la chance d’en faire partie. L’aventure continue.

Les quatre rêves de François

Les rêves élargissent le regard, ils embrassent l’horizon, nous conduisent dans les étoiles et cultivent l’espérance. Ils résument ce qui, pour le pape comme pour les évêques du synode, représente le cœur, le noyau dur du chemin synodal dans lequel s’est engagée l’Eglise en Amazonie, non sans inviter toutes les Églises du monde.

François commence par le commencement, le rêve social, ou humain pourrait-on dire. C’est capital : la réalité est plus importante que l’idée. Nous ne devrons jamais plus cesser de pratiquer l’écoute attentive, empathique, fraternelle, des peuples et de la terre. L’incarnation est le principe de toute mission. Une Eglise qui n’écoute pas n’a rien à dire. Les peuples ont tant de choses à nous dire. Cette écoute nous appelle parfois à nous indigner. Nous ne devons jamais nous habituer au mal. S’il le faut, nous demandons pardon.

Le rêve culturel est essentiel aussi. Jésus s’est incarné dans la culture juive. Paul se faisait grec avec les Grecs et romain avec les Romains… sans inculturation réelle, sans reconnaissance que l’Esprit nous précède dans chaque culture, aucune bonne nouvelle n’est audible.

Le rêve écologique de François rejoint celui de Benoît XVI : l’écologie est une aventure spirituelle. L’homme et la terre sont totalement liés, la maison et son locataire ne peuvent s’ignorer.

Une pastorale synodale et missionnaire

Enfin le rêve pastoral. Quel souffle ! Il est délibérément missionnaire : nous n’avons qu’un mandat, proposer l’amitié de Jésus ! Tout trouve là son origine et sa fin, car en Lui tout a été créé et en Lui tout sera transfiguré. Ce rêve suppose une Eglise profondément renouvelée, synodale, c’est-à-dire faisant marcher ensemble tous ses membres, clercs et laïcs, pour abandonner le cléricalisme mortifère qui fait croire que le pouvoir est lié aux ordres sacrés ! Pour François il n’en est rien. Le ministère des évêques et des prêtres est un service. Le pouvoir des laïcs, particulièrement des femmes, est déjà grand, mais il n’est pas reconnu. Ce serait un drame de n’imaginer sa reconnaissance que sous l’angle d’une cléricalisation de leurs fonctions et de leurs ministères.

Nous avions bien senti cela pendant le Synode et nous nous étions posé la question : comment faire pour reconnaître les ministères laïcs, féminins ou masculins, sans en faire des clercs ? Nous n’avions pas la solution. Le pape nous propose de continuer la réflexion, de laisser l’Esprit Saint nous guider. Il nous invite à ne pas trop nous presser. Il suggère de prendre le temps de dépasser des propositions apparemment contradictoires en cherchant, ensemble, une solution non encore visible mais génératrice d’une communion plus profonde.

Marie, Mère de l’Amazonie, saura nous guider sur ce chemin. papefrancois livre amazonie.jpg

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  +Mgr Emmanuel Lafont
Évêque de Cayenne

 

25/02/2020

JEAN VANIER OU DEUX POIDS DEUX MESURES

TC.GIF    La déflagration qui frappe le petit monde catholique depuis la révélation par l’Arche internationale des abus commis par le fondateur Jean Vanier produit d’étranges réactions.

Publié le 

Ah, comme on voudrait lui pardonner au motif que chacun a une part d’ombre : d’une certaine façon le personnage n’en serait que plus romanesque et notre désir de héros serait intact. Bizarrement, ce raisonnement semble moins approprié lorsqu’il s’agit de Marcial Maciel, fondateur des Légionnaires du Christ. Là, beaucoup s’étonnent que la Légion n’ait pas été purement et simplement dissoute.

C’est que Jean Vanier, non seulement est notre Mère Teresa, mais il fait notre admiration pour son attention fraternelle et bienveillante à l’égard des handicapés mentaux, dont peu d’entre nous seraient capables. En l’admirant, nous exprimons notre mauvaise conscience et son dévouement en quelque sorte nous rachète…

Sauf que voilà que l’homme est dévoilé : menteur et abuseur. Menteur car il savait très exactement depuis 1952, comme le révèle rapport de l’Arche, qui était Thomas Philippe, son directeur spirituel.

La sanction du Saint-Office qui tombe en 1956 vise non seulement Thomas Philippe, mais aussi tous ceux qui, à l’époque faisaient partie de la communauté de l’Eau vive, et en tout premier lieu, Jean Vanier à qui Thomas Philippe avait remis les rênes. La condamnation du Saint-Office est grave, non parce qu’il y a abus sur des femmes, mais parce que ces abus sont commis au nom d’une doctrine spirituelle à caractère sexuel qui fait de l’union sexuelle une image de l’union mystique de Jésus et de Marie. L’Eau vive est considérée alors comme une sorte de secte d’initiés à cette doctrine. La monition du Saint-Office est claire. Déposition pour Thomas Philippe qui ne peut plus exercer aucun ministère de prêtre – sanction qui n’a jamais été levée – et dispersion pour les membres qui ont interdiction de reformer leur groupe. Quant à Jean Vanier, qui semble-t-il était tout prêt d’être ordonné prêtre, il est précisé que pour ce faire, il devra aller se former sérieusement plusieurs années dans un séminaire.

Et pourtant, le petit groupe se reforme : Jean Vanier n’a jamais laissé tomber Thomas Philippe, et c’est ensemble qu’ils fondent une nouvelle communauté, ce sera l’Arche de Trosly. Nous sommes en 1963-1964, et visiblement, manque de suivi ou oubli, les autorités catholiques, tant les dominicains que Rome ne semblent pas se rendre compte de ce qui se passe. On notera en passant que c’est la même doctrine spirituelle pourrie que l’autre frère Philippe, Marie-Dominique, exporte chez les fils et filles de Saint Jean, lesquels ont reconnu le caractère pervers de leur fondateur et le fait que ses pratiques avaient essaimé dans la communauté.

Les frères Philippe ont donc des disciples, des affidés… et Jean Vanier est l’un d’eux depuis l’origine. C’est cela l’horrible vérité dévoilée par le rapport de l’Arche.

Jean Vanier ne se cachait pas du lien profond qui l’unissait à Thomas Philippe : il déclarait par exemple : « La théologie du père Thomas m’a donné des principes solides et forts. Je n’en ai jamais vraiment cherché ailleurs. Si des gens trouvent que je suis très libre dans ma vie intellectuelle, même dans une interprétation de l’évangile de Saint-Jean et dans le développement d’une anthropologie qui colle à la réalité humaine et spirituelle, c’est bien parce que je suis pétri de la pensée et de la méthode du père Thomas ».

Les responsables actuels de l’Arche font tout ce qu’ils peuvent pour tenter de sauver l’organisation. Ils ont choisi la vérité dans ce qu’elle a de plus nue et de plus terrible. Nous pouvons les en remercier et espérer que leur détermination ne fléchira pas.

En revanche, pour Jean Vanier, force est de dire que c’est depuis sa jeunesse qu’il avait souscrit à la doctrine mystico-spirituelle perverse de son maître, qu’il n’a cessé de la soutenir et qu’il l’a fait en toute connaissance de cause et en toute désobéissance aux décisions de l’Église catholique.

En conséquence, évitons pour notre part les gloses spirituelles et émotionnelles.

Christine Pedotti

09/02/2020

FOI ET ENGAGEMENT EN POLITIQUE- JEAN-MARC EYCHEYNE, EVÊQUE DE PAMIERS, COUSERANS ET MIREPOIUX

La foi et la politique.

Retrouver tous les articles du “blog de l’évêque”.

Alors que nous approchons d’échéances importantes au regard de la politique locale, dans un pays fortement marqué par la séparation des églises et de l’état, nous pourrions nous demander si des gens étant considérés comme des croyants peuvent s’engager en politique.


« Mon royaume n’est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes gens auraient combattu … Mais mon royaume n’est pas d’ici. 
» (Jn 18, 36)

Les chrétiens, alors qu’ils ont leur regard tourné vers « un royaume qui n’est pas de ce monde », seraient-ils de ceux qui renonceraient à̀ s’engager dans un effort de transformation de la société ? Non, nous croyons au contraire que la foi peut être un moteur puissant de changement social. L’Esprit de l’Évangile nous pousse à ne pas nous satisfaire de l’état du monde, et particulièrement de tout ce qui blesse l’être humain (Image de Dieu) et son environnement (Création). Comment pourrait alors se traduire cet engagement ? On peut distinguer deux grands domaines :

1 – L’éducation : Le monde se transforme à mesure que les personnes individuelles modifient leurs attitudes et deviennent plus respectueuses de la création, des autres créatures humaines, de la justice et de l’équité. Transformer le monde signifie alors s’investir dans un effort sur soi, et sur ceux qui se trouvent dans notre zone d’influence éducative. Le Pape François, dans cette encyclique sociale importante qu’est Laudato Sii, nous indique que « tout changement à besoin d’un chemin éducatif » (n°5).

2 – La politique : Tout en accordant une grande place à l’engagement éducatif, nous ne devons pas déserter le champ politique, car l’organisation sociale peut favoriser, comme elle peut entraver, le développement humain intégral visé par l’éducation déployée. L’enseignement social de l’Église parlera parfois, selon l’expression de Jean- Paul II, de « structure de péché » pouvant caractériser certains modes d’organisation du vivre ensemble. C’est donc véritablement un devoir pour les chrétiens de s’engager non seulement dans une conversion individuelle, mais aussi dans un effort de modification de l’organisation de la société. Avec d’autres traditions religieuses les disciples de Jésus se sont nourris de ces paroles du prophète Isaïe :

 « Ne savez-vous pas quel est le jeûne qui me plaît ? Oracle du Seigneur Yahvé : Rompre les chaînes injustes, délier les liens du joug ; renvoyer libre les opprimés, briser tous les jougs ; partager ton pain avec l’affamé, héberger les pauvres sans abri, vêtir celui que tu vois nu et ne pas te dérober devant celui qui est ta propre chair. Alors ta lumière poindra comme l’aurore… » (Is 58, 6-8)

La conception que nous avons de l’homme, de sa place dans la société et dans l’environnement, devrait parfois nous conduire à prendre position au regard du respect de la nature, de la protection de la vie, de l’aménagement du territoire, d’une juste redistribution des richesses, de la participation de tous au bien commun, de l’accueil des plus fragiles, etc. Il ne s’agit pas nécessairement de s’engager dans des choix de politiques politiciennes ou partisanes, mais de faire droit “au politique” au sens où l’entendait Václav Havel, ou encore le Pape Pie XI qui le définissait comme étant : « Le champ le plus vaste de la charité ».

Alors, oui, nous nous réjouissons de ce que les membres des communautés chrétiennes s’intéressent à la politique et s’engagent en politique. À la condition, bien évidemment, que les projets qu’ils veulent mettre en avant, et que le « style » de leur engagement, corresponde à la vision de l’homme portée par l’Évangile du Christ.

Et si nous lisions ou relisions la lettre du Pape François, Laudato Si, en cette période d’agitation sociale et d’élections municipales… C’est la grande encyclique sociale du début du XXIème siècle !

+ Jean-Marc Eychenne – Évêque de Pamiers, Couserans et Mirepoix