Le christiano-gauchisme?
Encore plus surprenante, une autre tribune, dans Libération cette fois, journal pourtant pas toujours tendre avec le christianisme. Signé du philosophe Michaël Fœssel, le titre est un brin provocateur : « Le christiano-gauchisme, phénomène méconnu ». Là encore, le texte démarre sur une citation du pape François, pour remonter à Léon XIII avant de revenir aux sources, c’est-à-dire l’Évangile… On retrouve Simone Weil, accompagnée cette fois de Bernanos. Enfin, L’Obs de cette semaine consacre un grand portrait au jésuite Gaël Giraud, présenté comme l’un des critiques les plus mordants « du néolibéralisme façon Macron » et « symbolisant le retour des catholiques de gauche »…
On le voit, toutes les nuances politiques du christianisme social sont ici représentées. Mais cette manière de se référer explicitement à la religion pour entrer dans le débat politique n’est pas courante en France. Ces dernières années, les catholiques sont surtout sortis du bois « en tant que » catholiques, pour défendre les questions de l’intime et de la famille, notamment, pour certains, en manifestant contre le mariage pour tous. Que des chrétiens soient investis personnellement dans les domaines économiques et sociaux n’est pas nouveau. Qu’ils le disent et le revendiquent comme sources de leur action publique, l’est plus.
Le christianisme comme ressource
Sans doute sont-ils pris dans une forme d’urgence. Le sentiment que le monde ne va plus, que les déséquilibres sociaux et environnementaux menacent profondément l’avenir de l’humanité. Que les polémiques sans fin vont mener notre pays au bord de la guerre civile. Que le Covid a mis en lumière le besoin de sens dans nos sociétés lancées à corps perdu dans une quête de consommation effrénée. Et que, dans ce contexte, la prochaine élection présidentielle risque de déboucher en France sur une grave crise politique si aucune alternative au débat n’est proposée. Parmi ces alternatives, le christianisme, donc : comme ressource, éthique, manière de penser, d’agir, mais non comme solution toute faite. Ce que l’on avait un peu vite classé au rang de vieille idéologie dépassée peut apporter sa pierre à l’édifice du bien commun. Peut-être parce que les chrétiens sont bien placés, avec cette conviction que, pour reprendre les mots de Jacques Maritain (1), « le domaine politique et social est un domaine non pas seulement technique, mais d’abord et essentiellement humain. C’est-à-dire moral ».
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