Chaque nouvelle décennie voit l’apparition de nouveaux traitements prometteurs et l’amélioration saisissante du pronostic de nombreuses maladies. Pourtant, la médecine a ses failles que le soin essaie de combler. En association aux traitements curatifs, il existe une possibilité de soins palliatifs, malheureusement inaccessibles dans de nombreux territoires. Lorsque l’art médical est en échec, qu’une maladie est incurable et que les symptômes qu’elle occasionne sont devenus insupportables, les soignants sont amenés à utiliser des sédatifs dont l’usage continu et à doses progressives mène au décès.
Des décisions exceptionnelles, sans nouvelle loi
Dans les services accueillant des patients atteints de cancers ou d’hémopathies malignes, les médicaments morphine-midazolam-scopolamine sont fréquemment administrés sans que l’on parle pour autant d’aide active à mourir. En effet, la loi Claeys-Leonetti permet de répondre de manière proportionnée à de nombreuses situations insoutenables, que ce soit par l’utilisation de sédatifs voire par l’arrêt de la nutrition et l’hydratation artificielles.
Parce qu’elle respecte la vocation soignante autant qu’elle tient compte des situations difficiles, cette loi fait l’objet d’un large consensus dans la communauté soignante. Si des situations insolubles existent encore malgré la loi déjà existante (en soins palliatifs comme ailleurs), elles pourraient néanmoins faire l’objet de discussions éthiques collégiales et pluriprofessionnelles pouvant motiver des décisions exceptionnelles mais ne justifiant pour autant pas l’automatisme d’une nouvelle loi.
Insuffisances collectives
Or, les arguments avancés pour l’aide active à mourir dans l’espace public sont souvent d’une tout autre nature : le sentiment d’être rendu indigne par la souffrance ou le handicap, le refus d’une agonie insupportable, la possibilité de choisir sa mort, le progrès qui consisterait à connaître la date et le lieu de sa mort. Ils mettent en évidence nos insuffisances collectives à prendre en charge la douleur réfractaire, la souffrance mentale, à accompagner les personnes les plus vulnérables, à offrir la possibilité d’une fin de vie à domicile.
En conséquence, l’aide active à mourir ne saurait être envisagée que comme un dernier recours, après avoir comblé les lacunes précédemment citées. D’autant que dans ce débat, l’argument de la pente glissante doit être pris au sérieux. Le CCNE lui-même émet des réserves sur le risque « d’un recours à cette aide (active à mourir) par défaut d’un accompagnement adapté ». Quant à nos confrères belges et néerlandais, ils font désormais le constat d’une banalisation de l’acte ainsi que du frein que cela a constitué au développement des soins palliatifs dans leur pays.
Un interdit fondateur
Nous demeurons convaincus de l’égale dignité de chacun et réaffirmons l’inaliénabilité de l’interdit fondateur « Tu ne tueras pas ». Alors que nous défendons la possibilité de sédation profonde et continue dans des situations d’impasse médicale, nous nous élevons contre toute sorte d’euthanasie ou de suicide assisté, dans lesquels la liberté de choix du suicidant doit être questionnée, celui-ci étant de facto très vulnérable.
Bien que nous la côtoyions tous les jours, la mort reste toujours aussi violente pour les soignants. Elle l’est d’autant plus que nous ne nous y préparons pas ni ne la prenons en charge, collectivement. Or, dans l’amour qui habite le soin, il y a un combat pour la vie (que nous connaissons) et contre la mort (qui nous échappe). C’est ce combat qui nous garantit la confiance de nos patients, qui savent de quel côté nous sommes. De notre point de vue, légaliser l’aide active à mourir fragiliserait grandement l’alliance thérapeutique sur laquelle reposent le soin et la médecine.
ASSOCIATION CROYANTS ET CHRETIENS
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