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23/03/2023

QU'EST-CE QUE LE RAMADAN ?

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S’il devait identifier une différence entre sa manière de vivre le Ramadan et celle de ses parents, Mohammed parlerait de la nourriture. Au moment de la rupture du jeûne, après le coucher du soleil et la prière de Maghreb, ses parents préparent une table garnie de nombreux plats traditionnels – chorba (1) ou bricks – symbole d’un moment de grande convivialité et de partage vécu en famille pendant ce mois « béni » en islam.

Mais Mohammed, lui, accorde moins d’importance à l’abondance du repas. Le jeune homme de 28 ans voudrait se contenter du minimum pour pouvoir jeûner le lendemain, et préfère éviter de manger trop gras ou trop sucré. « C’est un moment où le corps peut se purifier, et c’est dommage de le gâcher avec une mauvaise alimentation », estime ce sportif. Pour lui, le Ramadan est une sorte d’entraînement spirituel, qui se vit aussi bien dans son corps que dans son âme. Il s’est fixé un objectif : lire entièrement le Coran en arabe. Chaque année, il a le sentiment de sortir de ce temps « purifié », d’être « plus proche de Dieu et de son coran ».

Pendant le Ramadan, qui débute jeudi 23 mars, s’exprime chez les nouvelles générations de musulmans un recentrage sur la dimension spirituelle du jeûne, le souci d’une alimentation plus saine et sobre, ainsi qu’un effort d’organisation optimale pour atteindre ses objectifs spirituels. Cette subtile évolution traduit l’ascension sociale de jeunes générations de musulmans dont les aspirations se mêlent à celles des classes moyennes et supérieures, mais surtout - chez certains - le passage d’un islam culturel à un islam plus spirituel et intériorisé.

« Une expérience spirituelle »

« On observe une sorte d’embourgeoisement d’une partie des populations musulmanes en France, liées à des trajectoires d’ascension sociale, par rapport à la génération de primo-arrivants qui était majoritairement issue de classes populaires », explique Sarah Aïter, doctorante en sociologie politique et spécialiste de l’islam. « La génération suivante, qui a davantage accès à l’éducation et aux études supérieures, adopte les modes de consommation de la société majoritaire », décrit-elle. Ce souci d’une alimentation saine pendant le Ramadan se décline ainsi le reste de l’année par le développement d’une demande de produits halal éthiques, voire bio.

Le rapport à la religion, lui aussi, évolue. « Pour la génération précédente, l’islam représente un héritage culturel qui n’a pas forcément été réinterrogé personnellement et intimement », développe Sarah Aïter. Parmi les plus jeunes, certains vivent encore leur religion sur un mode identitaire, ou se focalisent sur l’observation stricte des rites. « Mais une partie de la nouvelle génération a un souci de spiritualité beaucoup plus fort. Pendant le Ramadan, il ne s’agit pas seulement de jeûner et de faire une belle table, mais de vivre une expérience spirituelle. »

Cette situation se retrouve chez Emira, lycéenne de 17 ans à Strasbourg. Sa mère, tunisienne, jeûne la journée, cuisine deux heures toutes les après-midi pour préparer l’iftar (2), et réveille ses filles avant le lever du soleil pour qu’elles fassent leur prière, mais elle-même ne prie pas. Sa fille, Emira, s’efforce, elle, de faire toutes ses prières à l’heure et se rend à la mosquée le soir après la prière de ichaa, pour effectuer les tarawih, prières nocturnes surérogatoires, autrement dit non obligatoires. « Pour les nouvelles générations de musulmans, je n’hérite pas seulement de l’islam, je le rechoisis, précise Sarah Aïter. Il y a une volonté de redonner un sens aux pratiques. »

« Le mois du contrôle de soi »

Le Ramadan est ainsi vécu comme le mois du changement, celui de l’examen spirituel et de conscience. « Vous avez un mois pour changer vos habitudes », disent souvent les imams dans les mosquées, rapporte Sarah Aïter. Oussama, 23 ans, étudiant à Strasbourg, attend ce mois-là avec impatience. C’est le moment où il tourne la page de l’année précédente et prend de bonnes résolutions. « C’est une renaissance », décrit-il. « Notre corps se débarrasse des impuretés, on essaie de se passer du superflu, de ne penser qu’à Dieu, aux bonnes actions et d’être attentif aux autres. C’est le mois du contrôle de soi », poursuit celui qui prévoit de débrancher ses réseaux sociaux et s’est fixé un programme de lecture du Coran.

De fait, le souci d’organisation est particulièrement présent dans les préparatifs de ce temps très exigeant. Oussama va s’efforcer de concilier les prières, la lecture du Coran, le manque de sommeil dû aux prières nocturnes, avec sa licence de langues et son service civique. Mafory, 15 ans, s’est aussi procuré un « planner » de Ramadan, de ceux qui fleurissent sur les présentoirs des librairies musulmanes, pour cocher toutes les prières qu’elle fait et l’avancement de ses lectures spirituelles. « On observe un recoupement de notions spirituelles et de développement personnel », commente Sarah Aïter, qui note l’attention à « optimiser son temps » et à « se fixer des objectifs ».« C’est un peu comme un challenge, conclut Oussama. Un mois où Dieu va nous tester. »

(1) La chorba est une soupe traditionnelle d’Afrique du Nord. Pendant le Ramadan, elle est servie traditionnellement après la rupture du jeûne.

(2) Repas de rupture du jeûne, après le coucher du soleil.

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