Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30/03/2023

LS EVANGELIQUES A LA CONQUÊTE DU MONDE

mobile-logo

A voir sur ARTE le 4 avril à 20h45 et sur ARTE TV

© Artline Films

Les Évangéliques à la conquête du monde

Photo © Artline Films

Certes, le titre de cette enquête est un peu racoleur. Mais elle s’avère fort éclairante sur une réalité très mal connue par le public français. Ce travail, guère empathique on le devine, donnera de bonnes bases au néophyte.

La première partie, intitulée « La grande croisade », retrace les origines religieuses du boom évangélique, fruit du dernier mouvement de « réveil » observé chez les héritiers de Luther, après 1945 aux États-Unis. Elle met en avant la figure majeure de Billy Graham (1918-2018), prédicateur à la renommée mondiale, qui remplira les stades et utilisera la télévision pour diffuser la bonne parole. C’est avec lui que la parole évangélique rencontre le politique, du côté du parti républicain. On y apprend que Graham tenait à ne pas séparer Blancs et Noirs dans les foules lors de ses prêches, et qu’il fut proche de Martin Luther King, mais sans jamais faire siennes ses idées égalitaristes, de peur de diviser ses fidèles. À la fin de sa vie, Graham prendra toutefois de la distance avec le monde politique.

Une sagesse que n’auront pas ses héritiers, comme on le voit dans le second volet de la série. Ainsi, la pasteure Paula White fut une influente conseillère spirituelle de Donald Trump à la ­Maison-Blanche, pour le « protéger des forces du mal ». L’autre grande réussite de l’évangélisme politique se nomme Jair Bolsonaro. Le documentaire montre le président brésilien s’écriant devant 3 millions de fidèles, à la tribune de la marche pour Jésus de São Paulo en 2019 : « Le Brésil au-dessus de tout. Dieu au-dessus de tout » ! C’est surtout sur le terrain de l’éthique familiale que ces courants évangéliques prospèrent. Au service de la campagne de Ronald Reagan, président des États-Unis de 1980 à 1988, le pasteur Jerry Falwell a lancé l’idée d’une « majorité morale » contre le « sécularisme fédéral ». On y trouve l’apologie du modèle patriote et blanc, et les refus absolus de l’avortement et de l’homosexualité. Désormais, les lobbys sont au cœur de la vie politique américaine. En ­janvier 2021, en pleine insurrection, des émeutiers se mettent à prier au sein même du Capitole – ces images hallucinantes font l’ouverture du dernier volet, « Dieu au-dessus de tout ? ». Quand Trump décide de transférer l’ambassade des États-Unis en Israël de Tel Aviv à Jérusalem, des proches lui attribuent un rôle de héros biblique. Le même Trump brandira le Livre saint comme réponse universelle face aux manifestants de Black Lives Matter, créant une alliance toxique entre Bible et suprématisme blanc.

La fin de la série présente des oppositions à cette mainmise. Car la famille évangélique est en réalité très diverse, dans ses composantes ethniques comme dans son apostolat. Aux États-Unis, le réseau Évangéliques pour l’action sociale a ainsi choisi de se rebaptiser « Chrétiens », tellement la dénomination initiale apparaît connotée aujourd’hui. Et un pasteur est parti en lutte contre le deuxième amendement de la Constitution, qui permet à tout citoyen de détenir une arme, alors qu’il est si cher à la « majorité morale ».

Seule référence à l’évangélisme à la française dans la série : l’Église Martin Luther King de Créteil montre un dynamisme évident. Mais sans aucune velléité politique, que d’ailleurs notre tradition nationale laïque ne tolérerait pas. Par contre, on découvre qu’un axe d’extrême droite européen, autour du dirigeant hongrois Viktor Orbán, mobilise largement les mêmes thématiques de défense d’un continent judéo-chrétien en résistance contre le mal cosmopolite contemporain. Mais, pour l’heure, sans connexion avec un mouvement religieux.

Cette enquête ne laisse pas d’inquiéter sur le talent commercial indéniable de cet évangélisme politique à l’œuvre dans de grandes démocraties. Les auteurs veulent clairement alerter sur les risques, en donnant largement la parole à des chercheurs et à des ex-militants repentis. « Nous formons des leaders à cette résistance, pour ne pas faire la même erreur que l’Église protestante allemande dans les années 1930, explique Robert Schenck, fondateur de l’Institut Dietrich-Bonhoeffer, du nom du célèbre pasteur allemand exécuté dans un camp nazi en 1945, qui n’eut de cesse de prévenir contre le péril hitlérien, sans succès.

Philippe Clanché est journaliste depuis 1992. Il travaille principalement sur les questions religieuses et sociales pour divers titres (Témoignage chrétien, La Vie, Marianne, le Canard enchaîné…). Auteur de l’essai Mariage pour tous, divorce chez les cathos (Plon, 2013), il est membre du collectif de pigistes Extra Muros. Par ailleurs il est secrétaire adjoint de l’association inter-convictionnelle « Les Voix de la paix ».

 

HALTE AU FEU

TC.GIF

Photo : Florian Pépellin, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

Photo : Florian PépellinCC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

" Il faut savoir terminer une grève », disait Maurice Thorez. Ici, il faut dire : « Il faut savoir retirer une loi. » La sagesse prônée par le leader communiste est ce à quoi il faut aujourd’hui appeler l’exécutif, et en premier lieu le Président. Une main lui est tendue, celle du très sage Laurent Berger, qui, comme nous le suggérions la semaine dernière, propose non de retirer la loi mais de suspendre son application. Oui, c’est possible : si la Constitution fait obligation au président de la promulguer, il peut le faire et suspendre sa mise en œuvre, le temps de reprendre langue avec les partenaires sociaux, de discuter sereinement d’une possible loi sur les conditions de travail que tout le monde appelle de ses vœux. En bref, il faut faire de la politique et avoir le courage du compromis. Peu importent les raisons économiques ou financières, bonnes ou mauvaises, qui ont présidé à l’élaboration de cette loi. Ça ne passe pas, ça ne passera pas, même si les manifestations venaient à s’essouffler.

L’essoufflement ou l’étouffement ne sont pas des options. Il nous faut respirer.

C’est pourquoi le moment est désormais politique. Il faut céder, apaiser, reculer, parce que c’est précisément ça faire de la politique. Peu importe d’avoir raison ou pas. Peu importe ce que disent calculs et prévisions. Il faut lire les cœurs, sonder les âmes, comprendre les colères et non seulement les respecter mais aussi les aimer en ce qu’elles sont le reflet de véritables souffrances, de sincères angoisses. Les Français et les Françaises ne sont pas seulement des unités comptables mesurées par l’Insee. On trouve dans la Bible une étrange sagesse : il y est interdit de faire un recensement des humains. David est condamné par Dieu pour l’avoir fait – évidemment pour lever des impôts. Pourquoi ? Parce que les êtres humains, aujourd’hui, les citoyens et citoyennes, ne se résument pas à des statistiques, et l’espérance de vie, réalité mathématique, ne dit rien des destins individuels. La politique ne traite pas des chiffres mais gouverne des êtres humains.

Sans doute la potion est-elle amère pour le Président, et le calice plein de lie. Mais c’est la seule bonne issue. Sa mission n’est pas seulement d’équilibrer les comptes, elle est de maintenir l’unité de la nation, et c’est maintenant.

Christine  Pedotti