Le pape François fut, paraît-il, un danseur de tango doué et demeure un amateur de football passionné, deux exercices dans lesquels il est bon de maîtriser l’art du contre-pied, pour renverser la partenaire dans la danse ou feinter défenseurs et gardien sur le terrain. Et, de fait, on peut avoir le sentiment de retrouver l’exercice de cet art chez un pape jésuite qui publie une « Lettre apostolique » en hommage à Blaise Pascal pour les quatre cents ans de la naissance du philosophe et mathématicien français, le 19 juin 1623.
En effet, si la foi chrétienne brûlante de Pascal ne fait aucun doute, son hostilité résolue aux jésuites de son temps n’est pas un mystère non plus, Les Provinciales en témoignent abondamment. Faisons à François l’hommage d’être sans rancune. Et pourtant, les critiques de certains courants catholiques à son égard ressemblent à s’y méprendre à celle que Pascal faisait aux jésuites, à savoir d’être beaucoup trop miséricordieux en confession, arrangeants, même, et de faire ainsi perdre à leurs pénitents le sens de l’exigence chrétienne. Mais qui sait si Pascal, tout à son zèle, et si proche de Port-Royal et des jansénistes, n’aurait pas fait le même reproche à Jésus lui-même ?
Dans un autre genre, lors des commémorations du 18-Juin, Emmanuel Macron a annoncé la prochaine entrée au Panthéon de Missak Manouchian et de son épouse Mélinée. La figure héroïque de Manouchian est indiscutable : Arménien rescapé du génocide de 1915, réfugié en France en situation d’apatridie, ouvrier et poète, communiste, il s’engage dans la Résistance en 1942. Arrêté en novembre 1943, il est fusillé en février 1944 au Mont-Valérien. La fameuse « affiche rouge » publiée par l’occupant allemand pour susciter un sursaut xénophobe contre ces résistants étrangers, collectivement dénommés « l’armée du crime », obtient le résultat inverse et fait de ces hommes des héros, au premier rang desquels figure Missak Manouchian. Louis Aragon mettra en poème les derniers mots de sa lettre à sa femme et Léo Ferré, en les mettant en musique, les gravera dans notre mémoire.
Là encore, paradoxe et contre-pied de la part d’Emmanuel Macron en plein débat sur l’immigration et les moyens de lutter contre le Rassemblement national. Le Président, il est vrai, a étudié chez les jésuites.
Christine Pedotti
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