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13/07/2022

"HALTE AU FEU !"

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Tribune de Benoist de Sinety 
sur le site Aleteia . fr 

« Halte au feu ! 

Lorsque la mort frappe, surtout lorsqu’elle survient dans la violence du désespoir, il est normal de pleurer, de crier, de chercher à comprendre.
Ce qui ne l’est pas c’est de se heurter à un mur de silence qui s’érige immédiatement comme s’il s’agissait de protéger une institution - dans le cas du P François de Foucauld, l’Eglise - en donnant du coup l’impression forte qu’elle a beaucoup à se reprocher. 
C’est ce réflexe devenu quasi névrotique qu’il serait sans doute bon designer et de nommer: personne n’a ni le devoir ni la mission de sauver l’Eglise. A moins de transformer l’Eglise en secte.
Quelle que soit la hauteur de la mitre, nul ne peut, sain d’esprit, imaginer réparer les dégâts causés par le péché dont des membres du corps se sont rendus complices.
Il n’est plus possible aujourd’hui, et en fait il ne l’a jamais été, de décréter que « tout peut rentrer dans l’ordre » sans évoquer le mécanisme  qui a conduit à la catastrophe, la responsabilité de ceux qui y ont pris part et de demander pardon pour les conséquences que cela a entraîné.
Or ce mécanisme est connu: il découle de la mission même qui est demandée à ceux qui reçoivent une charge pastorale.
Parce qu’on y mêle à la grâce sacramentelle l’exercice de pouvoirs temporels, comme si cela allait de soi, comme si la prière pouvait  à elle seule suffire à garantir la capacité. Quel que soit le degré de cette responsabilité, il est irresponsable de laisser de pauvres hommes seuls face à une attente surhumaine. Où on les conduit au découragement, ou à la toute puissance. 
Ce que l’on reproche à l’Etat : refus des corps intermédiaires, considérer qu’il a, à lui seul, la solution à tout et que la fin justifie les moyens; ne voyons-nous pas que les mêmes maux sont à l’œuvre dans l’Eglise?
Jusqu’à une époque récente la pratique du silence et de l’arrangement était de mise pour les délits et crimes sexuels: on soupirait fort devant l’incapacité du clerc à se contenir et puis on trouvait une solution pour ne pas écorner de trop l’autorité de l’Eglise, qui se devait d’apparaître toujours virginale et pure, comme si Jesus n’aimait que des créatures sans failles et sans défauts…
Et puis nous nous sommes décidés à accepter d’écouter ceux que nous trouvions suspects par principe: psychologues, psychiatres, sociologues, ainsi que les victimes qu’ils essayaient de soutenir. 
L’insistance de ces victimes a d’abord agacée. Les mêmes qui soupiraient devant les pulsions incontrôlées de leurs confrères, s’exaspérèrent de ces cris que rien ne parvenaient à faire taire: ni les appels à la conversion, ni les menaces, ni les discours « raisonnables »…
Et puis il y eut la CIASE. Sans pour autant éviter que quelques quarterons de défenseurs auto-proclamés de l’Institution ne jugent bons de chercher à en discréditer le rapport et les conclusions.
Nous voici désormais avec la question lourde des abus de pouvoirs. Ils sont réels: le nombre de personnes qui évoquent avoir souffert dans leurs paroisses, leurs communautés, leurs diocèses, d’évêques, de prêtres et de responsables est sans doute d’un ordre de grandeur terrifiant. Cela ne veut pas dire que tel ou tel corps soit, en soit, pire qu’un autre mais que l’exercice de la responsabilité doit être repensé, revu et réformé.
Qu’au Moyen Âge, ceux qui avaient la capacité de lire et d’écrire, qui détenaient ainsi les clés du savoir, puissent du même coup exercer dans la communauté humaine une responsabilité forte et sans beaucoup de contre pouvoir peut aisément se comprendre.
Ce qui m’interroge c’est de voir qu’il nous est encore assez naturel à nous, clercs, de penser que cela va aujourd’hui de soi. Que le fait d’avoir reçu l’onction sacerdotale, ou épiscopale, suffit à justifier de prendre toutes sortes de décisions sans que puisse s’exercer un véritable contre pouvoir autre que des conseils qui n’ont rien de coercitifs et où, la plupart du temps, la volonté du chef est appliquée sans sourciller.
Comment éviter alors que celui qui commande ne devienne vite incapable d’entendre et de recevoir une parole autre que la sienne avec, chez certains, les risques d’une vraie dérive morale? C’est ce qu’exprimait le P François de Foucauld dans sa tribune devenue connue de tous en démontrant le processus de mise sur la touche et d’élimination du jeu de celui dont la voix perturbe les règles tacitement admises.
C’est ce qui explique aussi le départ silencieux de bien des baptisés qui n’acceptent pas d’être ainsi infantilisés dans leur vie de foi par des hommes auxquels ils reconnaissent d’autres compétences que celles dont ces-derniers se réclament.
Sans nier l’importance que chacun assume les responsabilités de ses actes ou de ses décisions, il est urgent de crier le « halte au feu ». Car rien ne se réglera dans la recherche de boucs émissaires. 
L’appel à la synodalité est sans doute le moment de mettre à plat un certain nombre de systèmes pervers. Le moment de nous parler comme on le fait en famille, non en laissant la parole à ceux que l’on respecte le plus mais en laissant chacun s’exprimer, fors de la certitude que la parole du plus humble aura au moins l’autorité que l’on reconnaît d’emblée au puissant.
Bien malin qui pourra dire ce qu’il en sortira: l’Esprit seul peut nous guider. Cet Esprit dont il nous est dit que nous ne savons jamais complètement d’où il vient et où il va mais dont nous expérimentons au quotidien qu’il est la seule réponse aux violences de ce monde. A condition toutefois de nous laisser porter par lui sans déterminer d’avance le chemin qu’il doit emprunter. »

Père Benoist de Sinety
Curé de la paroisse St Eubert à Lille
Églises St Maurice, St Étienne et St Sauveur

06/07/2022

MORT DE FRANCOIS DE FOUCAULT - LE CRI D'UN PRETRE

  • La Croix logo 

Le prêtre François de Foucauld a mis fin à ses jours, dimanche 1er juillet. Même si on ne peut jamais comprendre un suicide, ce drame doit nous conduire à regarder en face le profond malaise qui affecte les prêtres de l’Église de France.

François de Foucauld, 51 ans, prêtre au sein du diocèse de Versailles, a mis fin à ses jours. DR

Le suicide d’un prêtre de Versailles, le père François de Foucauld, a profondément affecté la communauté catholique de l’Ouest parisien. Il faut se garder de toute interprétation ou, pire, récupération. Les « raisons » d’un suicide relèvent de l’intime et conserveront toujours, même si c’est douloureux pour l’entourage, leur part de mystère.

Pourtant, ce suicide touche. Non seulement parce qu’il concerne un prêtre en vue, brillant, entreprenant. Mais aussi parce qu’on le savait en proie à des difficultés avec sa hiérarchie et profondément déstabilisé par des accusations qu’il vivait comme très injustes. Ce suicide nous touche aussi à La Croix, car nous lui avions donné la possibilité de s’exprimer dans une tribune, où il avait livré une analyse sans fard des difficultés de la gestion des prêtres dans un diocèse.

Le cri derrière l’acte tragique

Ce n’est pas le lieu, ici, de chercher les causes, d’accuser sa hiérarchie ou au contraire de relever telle ou telle fragilité psychologique personnelle. En revanche il y a un cri, derrière cet acte tragique, que nous devons être capables d’entendre. Le cri d’un prêtre, qui rejoint le profond malaise de nombreux autres dans l’Église de France aujourd’hui. N’est-il pas temps de nous interroger, collectivement, sur la manière dont nous traitons les prêtres dans notre Église ? Nous fêtons le héros le jour de son ordination, mais ensuite ? Personne ne se préoccupe de savoir comment ils sont soutenus et quelles structures de médiation sont prévues, autres que celles créées par le bon vouloir de l’évêque, qui fait office à la fois de « père » et de patron… Les prêtres ont-ils des temps pour souffler, un accompagnement psychologique, des possibilités de coaching ?

On parle beaucoup de la « grande démission », ce mouvement de fond qui touche les salariés des entreprises refusant de travailler sans voir le sens de leur tâche. Pour les prêtres, cette « grande démission » a commencé voilà bien cinquante ans, avec une chute drastique des vocations, sans que l’on s’en soucie vraiment. Les uns ont accusé le manque de foi : il faut plus prier ! Les autres l’absence de possibilité de mariage – à une époque où le mariage est de plus en plus déconsidéré ! Mais ne faudrait-il pas s’interroger plutôt sur les perspectives qui s’ouvrent devant eux ?

Indifférence coupable à l’égard des prêtres

La manière dont ils sont nommés dans une paroisse, souvent avec pas mal d’arbitraire, laisse perplexe. On ne gère plus les personnes aujourd’hui comme autrefois… Le seul modèle qui attire encore est celui du XIXe siècle, avec des prêtres très engagés mais selon un type d’Église rigide, hiérarchique, qui ne correspond plus à la réalité. Le concile Vatican II a beaucoup parlé des évêques et des laïcs. Mais très peu des prêtres. Benoît XVI avait décrété une « année du prêtre », mais en donnant comme modèle le saint curé d’Ars, dont le moins que l’on puisse dire c’est qu’il ne rencontrait pas les mêmes problèmes que les prêtres d’aujourd’hui.

Car c’est bien là l’urgence. Notre indifférence à ce que vivent les prêtres est coupable car ils sont au premier rang de la crise très profonde de l’Église. Si la désaffection de la pratique et l’effacement du christianisme de la société sont durs pour nous tous, imaginons combien ils sont terribles pour le prêtre, qui incarne l’institution ! « Nous savons ce que nous sommes en train de perdre, mais nous ignorons ce que nous allons devenir », me confiait l’un d’eux.

La transition est violente, brutale. Beaucoup font preuve d’une grande créativité, mais d’autres s’épuisent. Qui peut affronter seul une telle crise sans vrai soutien de la communauté ? C’est une question qui nous concerne tous, et pas seulement les évêques. Le synode qui vient de se dérouler en France a donné lieu à d’intenses prises de parole. Mais à aucun moment il ne parle des prêtres, sauf pour les critiquer. D’ailleurs, ces derniers n’y ont que peu participé. Un silence significatif. Et inquiétant.

Mort de François de Foucauld : le cri d’un prêtrechronique Isabelle De Gaulmyn rédactrice en chef

https://www.la-croix.com/Debats/Le-cri-dun-pretre-2022-07...

01/07/2022

UNE INTERPELLATION

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« Le fait qu’un grand pays ayant une longue tradition démocratique ait changé sa position sur cette question interpelle le monde entier. » C’est par ces mots que les autorités catholiques, au Vatican, commentent la décision de la Cour suprême des États-Unis de révoquer l’arrêt Roe vs Wade, qui, depuis 1973, assurait la légalité de l’avortement sur l’ensemble du territoire américain. Désormais, chacun des États de l’Union peut déterminer sa politique en la matière, jusqu’à choisir l’interdiction absolue. Quelques heures après la décision de la Cour, treize États l’avaient interdit et treize autres en prenaient le chemin.

Le Vatican a raison sur un point, c’est que cette décision interpelle, et en premier lieu, la démocratie. En effet, les juges de la Cour suprême des États-Unis ne représentent pas directement la nation. Ils sont normalement là pour protéger les droits constitutionnels des citoyens et citoyennes. C’est précisément là que le bât blesse. Écrite à la fin du XVIIIe siècle et amendée principalement au début du XIXe, la Constitution ne connaît pas « les citoyennes », lesquelles n’obtiennent le droit de vote que par la ratification du dix-neuvième amendement en 1920.

Dès lors, une lecture fondamentaliste et littéraliste permet aux juges de prétendre que le droit des femmes sur leur propre corps n’est pas garanti par la Constitution. Et ceci en dépit de cinq décennies de légalité de l’avortement et du soutien très majoritaire de l’opinion publique à l’arrêt Roe vs Wade.

Une petite minorité, riche, militante et agissante a donc eu raison, contre la majorité et la santé des femmes, surtout celles des femmes pauvres qui ne pourront pas aller avorter dans un autre État. Pauvres et… noires, intersection des malheurs.

Ne soyons pas dupes ; la question n’est pas celle du respect de la vie, contrairement à ce que le Vatican voudrait faire croire. La Cour suprême en a d’ailleurs fait la preuve, la veille, en interdisant aux États de restreindre le droit du port d’arme. Ce qui est en question, c’est le corps des femmes et le droit que les hommes s’arrogent de le soumettre et de le contrôler. Ici, il n’est pas question de morale, mais de politique. Et, si on soulève le voile prétendument pudique du respect de la vie, on trouve la grande peur , celle d’un grand remplacement, d’une guerre des ventres gagnée par les « autres » – Noirs, métis, musulmans. De quoi, en effet, être interpellés.

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Photo : Ted Eytan (CC BY-SA 2.0)