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21/11/2022

QUEL CHRISTIANISME A VENIR ?

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CHRSTIANISME A VENIR.jpg « Quel christianisme à venir ? »

Qu’est-ce que le christianisme ? C’est là une question que nous n’avons pas ­l’habitude de nous poser tant la réponse peut sembler évidente dans un pays comme la France, « fille aînée de l’Église » selon la formule consacrée et, surtout, terre de chrétienté depuis tant de siècles – il suffit de regarder ces églises plantées au cœur des villes et des villages, ces croix qui ornent la croisée de nos chemins, les pierres de nos cimetières.

À rebours, les statistiques religieuses montrent la chute inexorable de tous les marqueurs chrétiens. La pratique religieuse mensuelle concerne environ 4 % de la population, la pratique hebdomadaire 2 %. Le reste est à l’avenant ; en 2019, un enfant sur quatre est baptisé, tandis que 44 000 mariages religieux sont célébrés – une chute de moitié en dix ans. Même les obsèques religieuses ne sont plus souhaitées que par 50 % des Français et Françaises. Quant au personnel religieux, principalement les prêtres, son recrutement est de plus en plus maigre. À ce tableau, il faut ajouter deux éléments dont les impacts sont pour l’heure difficiles à mesurer et plus encore à dissocier : l’effet du Covid et des confinements et le choc de la révélation des abus. Pour l’heure, on observe une accélération de la désaffection de la pratique religieuse et des sacrements sans qu’on sache encore si elle est réversible.

Mais la fréquentation des églises ou la pratique des sacrements ­suffisent-elles à cerner le christianisme ? Évidemment pas. Car, si nous sommes désormais dans un monde où la forme religieuse ­chrétienne est devenue marginale, son empreinte demeure profonde et va bien au-delà d’une coloration culturelle. Cette façon d’envisager la vie, de regarder l’avenir, de supporter l’incertitude, la souffrance, de vivre avec autrui continue de nous imprégner puissamment, que nous soyons croyants ou pas. Souvent, on parle de valeurs chrétiennes pour envelopper en un seul terme la variété de ces influences. Le terme est impropre parce qu’il laisse à penser qu’il s’agirait principalement de valeurs morales, alors qu’il s’agit d’un mode de pensée total. On voit bien d’ailleurs que nos contemporains, tout en s’éloignant de ce qu’on nomme religion, demeurent attachés à ce paysage culturel et esthétique, intellectuel et moral. Certains le nomment Occident, d’autres chrétienté ou « racines chrétiennes ». Il nourrit notre imaginaire et parfois nos fantasmes identitaires – au sens où il permet de faire la différence entre « nous », qui en sommes, et « eux », les autres, étrangers, non au sens juridique mais du point de vue symbolique.

Origines et paradoxes
S’il est pourtant une caractéristique originelle du christianisme, c’est précisément d’avoir rompu avec l’idée que la religion était liée à un lieu, un peuple, une terre, et même à une histoire commune. Né dans la périphérie orientale de l’Empire romain, il s’en émancipe et se répand tout autour de la Méditerranée. Puis il agrégera ceux qu’on nomme barbares et gagnera petit à petit les confins du monde connu, jusqu’à traverser les océans, et manifestera ainsi sa compétence universaliste : le christianisme est pour tous les hommes, de toutes origines, et même pour les femmes – quoique, sur ce point, tant l’orthodoxie que le catholicisme soient encore sérieusement à la traîne.

L’un des paradoxes, le plus singulier sans doute, est que c’est sur les terres et dans les cultures qu’il a le plus profondément et le plus longuement imprégnées que la forme religieuse et institutionnelle du christianisme est la plus massivement mise en cause et frappée d’obsolescence. Le philosophe Marcel Gauchet en a proposé une interprétation aujourd’hui largement reprise en énonçant que le christianisme serait « la religion de la sortie de la religion », étant précisé qu’il ne s’agit pas d’une sortie de la croyance religieuse mais d’une « sortie d’un monde où la religion est structurante, où elle commande la forme politique des sociétés et définit l’économie du lien social ».

Le débat demeure dans les différents courants chrétiens. Faut-il plus de religion et réaffirmer un régime de normes strict en négligeant le risque d’un destin de marge ou de secte ? Faut-il imaginer une survie de la foi sans plus guère de forme religieuse, dans de petites communautés électives et chaleureuses ? Mais, là encore, le danger sectaire guette. À moins que le christianisme ne se transforme en un grand système de transmission culturelle qui définirait un substrat commun pour vivre ensemble dans un cadre commun. On peut aussi privilégier la part solidariste, fraternelle et pacifiste de l’Évangile et transformer nos Églises en puissantes ONG, ou encore se spécialiser dans ­l’accompagnement symbolique des grandes étapes de la vie…

Toutes ces voies sont possibles et peuvent coexister. Assurent-elles l’avenir du christianisme ? La question atteint une urgence et une acuité jamais égalée. La crise que nous traversons est profonde. Le désir de croire persiste et très souvent s’exprime dans le sens de la crédulité. Ainsi, en France, la jeune génération dit ne pas croire en Dieu mais accorde du crédit à la sorcellerie. Le désir d’absolu s’incarne dans des engagements radicaux et parfois violents, et beaucoup préfèrent croire à un gigantesque complot mondial plutôt que d’accepter la complexité du monde et les aléas de la vie.

Une chose est certaine, un chantier immense s’ouvre, il a besoin de bras, d’intelligence et il ne suffira pas d’ouvrir l’ordination à des hommes mariés au sein du catholicisme pour retrouver l’énergie vitale, la source jaillissante du christianisme, celle qui fait courir les disciples d’Emmaüs vers Jérusalem, « le cœur tout brûlant ».

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