La France est un pays bien singulier. C’est du moins l’avis des nations qui nous entourent à la vue du spectacle que nous sommes en train de produire autour de la réforme des retraites. Là où l’affaire devrait donner lieu à quelques débats législatifs après discussions avec les principaux représentants des forces économiques, la France rêve de s’offrir un remake de la prise de la Bastille, de la Commune de Paris, du Front populaire et de Mai 68 tout à la fois. La cause vaut-elle cette théâtralité, les invectives des uns, les postures martiales des autres ? Personne ne trouve agréable de devoir travailler deux années de plus, c’est l’évidence. Et c’est d’autant plus vrai pour ceux et celles qui ont exercé un métier éreintant, usant, assommant. Faut-il pour autant refuser toute réforme ?
Rappel de quelques réalités. Non, le système ne s’écroulera pas si on ne bouge pas l’âge légal de départ. Il sera, certes, chroniquement déficitaire, mais il y a bien d’autres déficits. Oui, la France est une exception en Europe et dans l’OCDE, mais la France, quoiqu’on y travaille moins longtemps chaque jour, chaque semaine, chaque année et qu’on y parte en retraite plus tôt qu’ailleurs, a une productivité exceptionnelle. C’est peut-être pour ça que nous sommes fatigués. Nous travaillons peu mais très intensément. En revanche, il est vrai que la part des retraites rapportée à la richesse nationale est très élevée. Aujourd’hui, 14,4 % du PIB, 332 milliards, quand le budget général de l’État dépasse tout juste 400 milliards.
De fait, c’est bien la question du poids relatif des retraites dont il s’agit, car ce qui est dépensé ici ne l’est pas là. La solution « prendre l’argent aux riches » fonctionne de la même façon : ce qui serait dévolu au financement des retraites ne le serait pas à l’amélioration de la santé publique et de l’éducation car même « l’argent magique » ne se dépense qu’une fois.
Toutes ces questions, nous devrions pouvoir les discuter, les soupeser afin de faire un arbitrage juste. Cela supposerait que les uns et les autres se parlent « vrai », sans totem ni tabou. On en est très loin quand on voit les positions respectives du gouvernement, des oppositions et des syndicats. Nous allons donc continuer le show sous les yeux de nos voisins incrédules et amusés.
Christine PEDOTTIPublié le
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