09/02/2024
MORT DE ROBERT BADINTER : QUAND l'ANCIEN GARDE DES SCEAUX S'OPPOSAIT FERMEMENT A L'EUTHANASIE
Robert Badinter est mort dans la nuit du 8 au 9 février, à 95 ans. « La vie, nul ne peut la retirer à autrui dans une démocratie », avait affirmé, en 2008 l’ancien garde des sceaux devant une mission sur la fin de vie à l’Assemblée nationale.
C’est une phrase prononcée en 2008 qui est restée ancrée dans la mémoire des opposants à l’euthanasie. Régulièrement, ils la brandissent en rappelant que celui qui l’a prononcée est le ministre ayant aboli la peine de mort en France. « La vie, nul ne peut la retirer à autrui dans une démocratie », a dit Robert Badinter le 16 septembre 2008 à l’Assemblée nationale devant une mission sur la fin de vie, placée notamment sous la responsabilité du député Jean Leonetti. « Ma position fondamentale, bien connue, est simple et catégorique : le droit à la vie est le premier des droits de tout être humain – c’est le fondement contemporain de l’abolition de la peine de mort – et je ne saurais en aucune manière me départir de ce principe. Tout être humain a droit au respect de sa vie, y compris de la part de l’État, surtout en démocratie », avait ajouté l’ancien garde des sceaux.
:Cette mission sur la fin de vie intervenait trois ans après le vote de la loi Leonetti du 22 avril 2005 qui avait notamment interdit l’obstination déraisonnable. L’objectif de la mission de l’Assemblée nationale était de voir s’il convenait d’apporter des compléments à ce texte législatif. Elle avait été mise en place après le suicide en mars 2008 de Chantal Sébire, une enseignante atteinte d’une tumeur incurable au visage, qui avait réclamé une aide active à mourir.
En réponse à une forte émotion de l’opinion, des voix s’étaient fait entendre pour réclamer l’instauration d’une « exception d’euthanasie ». De manière concrète, certains réclamaient qu’un comité puisse réfléchir sur les cas difficiles, à la demande du malade, de son entourage ou du médecin, pour se prononcer sur le caractère licite ou non de la demande d’euthanasie.
C’est dans ce contexte que Robert Badinter, alors sénateur socialiste des Hauts-de-Seine, avait été auditionné. Il avait d’abord souligné que le droit pénal n’a pas uniquement une « fonction répressive » mais aussi « expressive ». À ce titre, « il doit traduire les valeurs d’une société », avait estimé l’ancien président du Conseil constitutionnel, avant d’ajouter que cela faisait soixante ans qu’il entendait parler du débat sur l’euthanasie. « Dans ce débat qui se poursuit depuis si longtemps et qui n’est pas près de s’arrêter, ma position est celle que je viens d’évoquer : fournir à autrui des moyens de se donner la mort, ce n’est pas donner la mort, c’est prêter la main à un suicide. Autre chose est le fait de donner la mort à autrui parce qu’il la réclame et pour ma part, je n’irai jamais dans cette direction », avait martelé Robert Badinter.
L’ancien ministre de la justice s’était opposé à l’instauration d’un comité chargé d’étudier les demandes exceptionnelles d’euthanasie. « Je ne concevrais pas qu’un comité puisse donner une autorisation de tuer (…). Je ne concevrais pas que, dans notre pays, dans notre démocratie, on délègue cette décision à des personnes qui ne sont pas médecins ou soignants, qu’on demande à des tiers d’apprécier et de donner une autorisation de procéder à une injection létale ou à un autre processus quel qu’il soit d’euthanasie », avait affirmé Robert Badinter. « Si on légalise l’exception d’euthanasie, vous aurez des zones d’ombre. Au sein d’une famille, certains diront : “Non, grand-mère ne voulait pas mourir !”, et d’autres : “Si, elle m’a dit qu’elle voulait mourir !” Il m’est arrivé de connaître de telles situations et d’entendre de tels propos. »
Tout en disant son refus de l’acharnement thérapeutique, Robert Badinter avait exprimé son soutien au développement des soins palliatifs et au respect des volontés du malade dûment informé. « Je ne défends pas du tout une vision stoïcienne ou extrêmement religieuse, selon laquelle la souffrance fait partie de la condition humaine (…) ! Tel n’est pas du tout mon état d’esprit, avait-il assuré. En revanche, je soutiendrai toujours que la vie d’autrui n’est à la disposition de personne. Dans le cadre de la fonction médicale, cela s’inscrit d’une façon différente. Et je rappelle que chacun est libre, dans la mesure où il a la capacité de choisir, de décider de sa fin et de se suicider. »
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