Salon de l’Agriculture à Paris, salon de l’Auto à Francfort. De part et d’autre du Rhin, un moment sacré pour chacune des deux nations au temps des fastes du XXe siècle. Dans une Allemagne d’après-guerre « interdite » d’attributs de la puissance militaire, la ferveur patriotique se réfugia dans le succès de l’industrie automobile. Les bolides Porsche ou la fameuse VW Coccinelle, aux constructeurs amnésiques de leur passé, symbolisèrent ainsi le retour de l’Allemagne dans le concert des nations. Pendant près de soixante-dix ans, Francfort fut, avec son million de visiteurs, le plus grand salon automobile au monde… La grand-messe s’est arrêtée en 2019, emportée par la révolution écologique et les manifestations violentes qui, lors de son ouverture, épinglaient la responsabilité du moteur thermique dans le réchauffement climatique. Depuis, réfugié à Munich, le salon a perdu 50 % de son public, alors que l’industrie automobile allemande peine à s’adapter aux défis du véhicule électrique, auquel elle n’a pas cru alors que l’Europe a sonné la fin du moteur thermique pour 2035.
C’est en 1855, au Champ-de-Mars, que se tient le premier Concours agricole universel, à l’aube d’une transformation radicale de la société française qui, dans le siècle qui suivra, provoquera l’exode rural que l’on sait. C’est dire le rôle qu’il jouera et joue toujours dans notre récit national, pour une France qui n’oublie pas qu’elle fut, pendant mille ans, un pays de champs et de clochers que résumait si bien l’affiche électorale de François Mitterrand en 1981. En 1855 était trouvée la formule magique : réunir au centre de Paris « veaux, vaches, cochons ». En 2023, le salon de l’Agriculture présentait ainsi à plus de 700 000 visiteurs quelque 4 000 animaux, pour plus de 400 races. Même s’il se tient toujours à Paris et reste immensément populaire, il est à son tour pris dans la tourmente, comme l’ont démontré les chaotiques journées précédant son ouverture au public.
Du tracteur à la Mercedes, nous payons notre trop longue cécité collective quant à l’avenir de secteurs vitaux de nos économies… et de nos identités. Voilà que s’ouvre hélas un temps de crises que traversent tant bien que mal ces grands-messes patriotiques héritées de nos histoires.
Henri Lastenouse
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