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28/06/2021

LIBERTE, LIBERTE CHERIE !

La chronique de Guillaume de FONCLARE

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                                                            Liberté, liberté chérie ! 

Cette antienne résonne dans ma tête depuis que les dernières mesures de couvre-feu ont été levées, et que nous pouvons à nouveau circuler à visage découvert dans les rues, boulevards et avenues de nos métropoles. Ce vers de notre hymne national (sixième couplet) prend une dimension nouvelle en ces temps de libération, alors que les libertés publiques reprennent place en notre belle démocratie. D’aucuns de prétendre, un peu abusivement il me semble, que nous sommes à l’aube d’années folles, à l’image de celles qui ont succédé à la fin de la Première Guerre mondiale. Nous n’avons pas connu la guerre, et le chiffre des morts n’égale pas, et de loin, celui des victimes du premier conflit mondial. Certes, la pandémie, si tant est qu’elle soit derrière nous, a été éprouvante, éprouvante pour nos anciens, éprouvante pour tous ces jeunes isolés et dépités, mais elle n’est pas à l’aune d’une confrontation guerrière.

Il n’en demeure pas moins que nous avons retrouvé le plaisir de vaquer comme bon nous semble, bas les masques, retrouvé la joie de partager des moments de convivialité à la française dans nos bars et restaurants, retrouvé la possibilité de célébrer la musique ensemble, à l’unisson. Et pourtant, ce sentiment de liberté si particulier, si intimement lié à notre organisation démocratique, il nous paraît si naturel que nous en oublions un peu vite qu’il est tout à fait original à l’échelle de notre planète, rare et à préserver coûte que coûte. Le taux d’abstention des élections régionales démontre une usure, une lassitude des citoyens qui doit interpeller les consciences. Nous qui nous réjouissons de pouvoir, à nouveau, exercer pleinement nos droits à circuler et à nous réunir sans contraintes, nous délaissons les urnes, nous abandonnons notre devoir civique à l’abstention, remisant dans les oubliettes de la négligence notre liberté à choisir nos représentants, liberté conquise de haute lutte par ceux qui nous ont précédés, et qui ont parfois payé du prix fort cette conquête collective. Nos aïeux ont cru qu’en établissant la République, il permettrait à chacun, par son droit de vote, de peser sur le destin de tous. Il faut convenir que nous avons perdu le sens de cette leçon, et que notre système est à un point de rupture.

Ce parallèle entre le déconfinement général et les élections locales peut paraître osé. Il ne l’est pas, pourtant, car, privés de libertés essentielles pendant presque un an, nous avons pu mesurer ce qui doit compter en termes de droits fondamentaux, et l’attachement à la démocratie aurait pu, aurait dû en sortir grandi. Le fait que ce ne le soit pas n’est pas un épiphénomène ; c’est une révolution en devenir. Le fossé entre les citoyens et ceux qui sont censés les représenter s’est tellement creusé qu’il a désormais tout du gouffre. À qui la faute ? Aux politiques eux-mêmes, qui ont si facilement tendance à nous infantiliser ? Aux citoyens, qui n’ont plus conscience des atouts qu’incarne le système représentatif et qui oublient un peu vite que vivre en démocratie est une chance auguste ? Je ne saurais le dire. Néanmoins, si l’on s’intéresse à l’actualité internationale et à l’histoire de notre planète, je regrette amèrement qu’on ne se compare pas davantage à tous ceux dont les cris sont étouffés par la censure et la répression. Eux mesurent ce qu’être privé de liberté veut dire. Et nos atermoiements collectifs les laissent sans doute pantois.

Voter, c’est choisir. Et à ces élections, le panel de choix était immense. Refuser de voter, c’est montrer sa volonté de refuser de choisir. Je le comprends, et j’en comprends partiellement les raisons. Beaucoup de promesses nous ont été faites, et peu ont été tenues au cours de ces dernières décennies. Cela ne doit pas empêcher l’espoir de demeurer vivace, et de s’intéresser à la chose publique. C’est à nous de faire entendre la voix du changement, et de mener le combat pour maintenir nos privilèges démocratiques, sociaux, républicains. Je ne suis pas un censeur, simplement un citoyen qui réfléchit, qui s’inquiète, et qui attend un sursaut qui ne vient pas. Non, ami lecteur, je ne jette la pierre à personne ; je m’interroge pourtant sur notre désir commun de vivre ensemble, dans une société libre et démocratique, et je me questionne sur notre détermination à construire main dans la main un destin collectif. Alors, oui, plus que jamais, chantons notre amour sacré de la Patrie. Liberté, Liberté chérie !

Journal LA CROIX 28 06 2021

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