Si Pierre Dharréville était un personnage de BD (une de ses passions), il faudrait le dessiner très grand et mince, souvent en costume, avec une boucle à l’oreille gauche. Une silhouette aisément reconnaissable. Les cheveux et les yeux seraient clairs, comme en vrai. Et l’accent viendrait du Sud (charge à celui qui tient le crayon de faire chanter sa voix dans les bulles). La chronologie pourrait être éclatée. Le prochain chapitre, après tout, concerne le second tour de l’élection législative dans la 13e circonscription des Bouches-du-Rhône (la Côte bleue offre un beau décor à cette histoire), où Pierre Dharréville, député communiste soutenu par la Nupes (35,83 % des voix au premier tour), espère être réélu contre le candidat du RN (31,01 %).
 

Papa à la CGT, maman à la CFDT

Mais nous évoquons ici des planches qui restent encore à dessiner. Tournons les pages : en 1975, Pierre Dharréville est joufflu et tout rose, il vient de naître. Sa mère est enseignante. Son père travaille à la Sécurité sociale. Tous deux sont syndicalistes. Papa à la CGT, maman à la CFDT. « J’ai dû choisir », plaisante le fiston. Un grand-père a été mineur dans les Cévennes. L’autre s’est échiné dans une scierie. Une grand-mère est immigrée italienne et employée de maison. C’est la classe ouvrière. « J’ai toujours su d’où je venais. On m’a sensibilisé très tôt aux inégalités sociales, aux combats pour la dignité de chacun », relève l’élu.

On en arrive là à la description du type de personnage que Pierre Dharréville serait dans une BD fidèle à sa vie. Quelle devise ? « Faire le monde un peu plus beau ». Quel objectif (à atteindre sans superpouvoir) ? « Combattre les injustices » . Cela peut sonner un peu cliché, mais c’est très sérieux. On ne plaisante pas avec la souffrance des gens, ni avec l’opiniâtreté de ceux qui refusent le monde tel qu’il est et veulent le changer. Pierre Dharréville fait partie de ces citoyens qui ont « quelque chose dans le ventre » (c’est d’ailleurs le titre d’un roman qu’il a écrit). Et, dans ces tripes-là, il y a « la volonté farouche de combattre pour ces femmes et ces hommes bafoués par les lois de l’argent ». Et « l’envie d’être heureux ». En résumé, Pierre Dharréville tient à la fois du révolté et du bon Samaritain. On peut d’ailleurs le dessiner dans une église. « Mes parents se sont rencontrés à la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), dont j’ai été permanent national. C’est assez fondateur », indique-t-il.

Marx, Jaurès et Jésus

Catholique, il précise tout de suite « être le député de tous, que les citoyens soient athées ou croyants, quelle que soit la religion, car je suis profondément laïque ». On pourra quand même mettre un portrait de Marx et de Jésus dans ce projet de BD. Et de Jaurès aussi. Car Pierre Dharréville est devenu journaliste à l’Humanité à 23 ans, chargé de suivre Jospin à Matignon. « Une période passionnante, en plein dans la marmite de l’actualité. Moi qui adore écrire, j’avais la chance de le faire tous les jours sur l’action de la gauche, les grands enjeux, les obstacles… » Sa plume se balade aussi en pages culture, où il a été critique de bandes dessinées (ah, c’est pour ça !), en plus de participer à la relance du magazine Pif Gadget. « La BD est un art à part entière qui m’a toujours fasciné. C’est un champ de création très vivant, populaire, qui prend de plus en plus de place dans les librairies », apprécie celui qui est membre du jury du prix Bulles d’Humanité.

« L’obsession d’être utile »

Reste que, dans la vie, Pierre Dharréville se méfie des cases toutes faites… Il faudra donc être inventif dans notre BD, au moment de le montrer grattant une guitare avec son groupe les Bons Bardes, aux côtés de Marie-George Buffet, dont il a été collaborateur lorsqu’elle dirigeait le PCF, ou encore participant au sauvetage du journal la Marseillaise en 2014. « Il était promis à la liquidation. Nous avons mené une grande bataille pour lui donner un avenir. » Cela fait déjà quelques pages à colorier… Sans oublier celles ouvertes en 2017 à l’Assemblée, où le député a été de tous les combats face aux projets de la Macronie, en première ligne contre les ordonnances ciblant le Code du travail ou lors de la réforme (avortée) des retraites. À tel point qu’il est arrivé premier au classement des députés d’opposition les plus actifs, réalisé par le magazine Capital.

« J’ai l’obsession d’être utile », souffle l’élu, qui a démarré le mandat avec une proposition de loi qui a ouvert la porte à l’indemnisation du congé de proche aidant, et l’a terminé avec un texte consacré à la protection des biens communs. « Il s’agit d’obtenir toutes les victoires possibles, et aussi d’ouvrir l’avenir », explique Pierre Dharréville, qui espère bien siéger dans une majorité avec la Nupes d’ici quelques jours.