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27/02/2023

"2022, ANNEE CHARNIERE"

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Présentation de notre dossier « 2022, année charnière »

Zeitenwende, « changement d’époque » : c’est le terme qu’utilise le chancelier allemand Olaf Scholz le dimanche 27 février 2022 dans son discours devant le Bundestag. Nous sommes trois jours après le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Il est toujours hasardeux de désigner ces moments de l’histoire qui marquent des changements d’époque. On admet communément que la bascule des siècles n’obéit pas au calendrier. Ainsi, 1715, fin du règne de Louis XIV, ferait passer du XVIIe au XVIIIe siècle, 1815, chute de Napoléon et congrès de Vienne, dans le XIXe, et 1914 et la Première Guerre mondiale dans le XXe. La lecture devient ensuite plus délicate.

Indiscutablement, 1989 et la chute du Mur nous ont amené à un nouvel équilibre, ou peut-être à un déséquilibre. Nous avons voulu voir l’attentat du World Trade Center à New York comme l’année du passage dans le deuxième millénaire. Certes, cette date marque un avant et un après, mais est-ce un changement d’époque ? Pas certain.

L’irruption du Covid à la fin de l’hiver 2020 et les grands confinements qui ont suivi nous ont fait fantasmer sur le « monde d’après », et il a bien fallu se rendre à l’évidence que cet après ressemblait comme un jumeau à l’avant.

Alors, au nom de quoi prétendre que 2022 sera reconnue comme l’année du Zeitenwende ? C’est à cette relecture de l’année que nous avons voulu vous inviter, et nous l’avons fait en nous relisant nous-mêmes, qui, avec vous, observons chaque semaine le monde tel qu’il est, tel qu’il va, tel qu’il devient.

La grande bascule de 2022 est bien sûr d’abord géopolitique. Elle voit la rupture de nos certitudes les mieux ancrées, dont celle de l’impossibilité d’une guerre à l’échelle de celle qui se déploie en Ukraine, sur le territoire européen. On objectera que la dernière décennie du siècle dernier (1991-2001) a vu se développer sur le sol européen celles qu’on nomme guerres de Yougoslavie ou guerres des Balkans. Leur bilan est élevé : entre 130 000 et 140 000 morts en dix ans. Cependant, ni l’équilibre des forces en Europe, ni la géostratégie mondiale n’en ont été bouleversés. La disparition conflictuelle de l’ex-Yougoslavie s’apparente, avec son lot d’atrocités, à une guerre civile, et son théâtre reste limité.

La guerre d’Ukraine, en revanche, oblige les uns et les autres à se positionner, et les alliances à s’affirmer ou à disparaître. Paradoxalement, c’est l’agresseur lui-même qui désigne ses ennemis, non pas l’Ukraine, qui n’est qu’une proie dont l’identité nationale est niée, mais l’« Occident global », selon la terminologie poutinienne.

De fait, c’est bien cet Occident qui se forge de nouveau une identité autour de ce conflit ; à travers l’Otan, miraculeusement ressuscité, à travers l’Union européenne, qui, contrairement à ce que Poutine escomptait, ne s’est pas déchirée, bien au contraire.

La Chine en arbitre muet

Ce retour d’un conflit de bombes, de sang, de chair, de larmes sur la terre européenne fait ressurgir à quatre-vingts ans de distance les spectres atroces de la précédente guerre : Bakhmout est comparée à Stalingrad, où, en mémoire de la victoire de 1943, Poutine inaugure un buste de Staline. Zelensky, traité de nazi – quoique juif – par la propagande russe est admiré à l’Ouest pour son côté churchillien. Le spectre d’un conflit nucléaire est agité. L’histoire bégaie en ce qu’elle a de plus tragique.

Le reste du monde observe. Si les alliés directs et actifs de la Russie sont peu nombreux, et déjà au ban de la société mondiale – Iran et Corée du Nord –, la plupart des autres nations s’abstiennent de condamner l’agresseur russe. Dans ce paysage, la Chine fait figure de grand modérateur : l’affirmation de son amitié indéfectible à l’égard de la Russie ne va cependant pas jusqu’à lui fournir la moindre arme. L’évidence est que, bien que dangereuse en ce qu’elle possède un arsenal nucléaire considérable, la Russie, même gonflée de l’orgueil démesuré de son président, ne fait plus partie des « grands » en termes de géopolitique mondiale.

Si 2022 est une année charnière, c’est peut-être parce que le conflit ukrainien et ses conséquences, bien plus que l’épidémie mondiale de Covid, met un terme à l’illusion d’une mondialisation paisible, sinon heureuse, dans laquelle le commerce universel garantirait stabilité et équilibre à l’échelle de la planète. La crise de l’énergie générée par le conflit oblige à revoir les politiques d’approvisionnement. L’énergie nucléaire est redevenue acceptable, du moins dans le temps de la transition, c’est-à-dire pour quelques décennies. Mais, plus généralement, la question de l’autosuffisance vient déranger les logiques de délocalisation qui prévalaient jusqu’alors. C’est le cas pour de nombreux médicaments et pour les composants électroniques.

La recomposition des forces et des alliances est en cours et loin d’être achevée ; espérons qu’elle se fera sans générer de nouveaux conflits. L’autre point de rupture de cette année 2022 a bien évidemment trait au changement climatique. Cette fois, la conscience d’un point de non-retour est devenue massive. Pour autant, il est toujours aussi difficile de prendre collectivement des décisions extrêmement coûteuses en termes de confort de vie. Et cette difficulté concerne aussi bien les nations développées, qui n’envisagent pas de perdre leur bien-être, que les nations émergentes, qui veulent obtenir un niveau de développement équivalent à celui des vieux pays. Le Giec a d’ailleurs orienté sa communication vers les possibilités d’adaptation tout en alertant sur le seuil au-delà duquel la vie humaine, mais aussi animale et végétale, telle que nous la connaissons sera sinon impossible, du moins totalement modifiée. Il est hélas probable que les tensions internationales ne soient pas favorables à des décisions collectives pourtant indispensables.

L’Église catholique en chute libre

En France, malgré les échéances électorales importantes, l’heure est plutôt à la continuité, avec en point de mire une très légitime inquiétude quant à la montée des extrêmes et tout particulièrement de l’extrême droite, qui se normalise de plus en plus. En cette matière, la navrante neutralité des autorités catholiques a permis à de nombreux catholiques de basculer vers un vote qui jusqu’alors était considéré comme inenvisageable.

C’est une responsabilité bien lourde que portent les évêques de cette génération et c’est d’autant plus incompréhensible que le pape François est, lui, d’une totale clarté sur les choix qu’impose l’Évangile. Sur un tout autre plan, les historiens auront à se prononcer sur la gravité de la chute du catholicisme liée aux effroyables affaires d’abus sexuels et d’emprise sur les consciences, concernant des victimes tant mineures que majeures. La perte de crédibilité de l’Église catholique atteint un paroxysme, tandis que les signaux de la pratique religieuse sont tous au rouge. Quels que soient les défauts de l’institution, il n’y a guère lieu de se réjouir d’un tel cataclysme : devant les défis qui s’offrent à l’humanité, nous demeurons convaincus que la dimension de l’espérance et de la fraternité portée par le christianisme est plus que jamais nécessaire.

Christine Pedotti Christine_Pedotti-100x100 (2).jpg

26/02/2023

4000 MILLE NUMEROS

Les anniversaires sont des dates frontières. Ils sont l’occasion tout à la fois de se retourner vers le passé et de se projeter dans l’avenir. Le passé de TC est glorieux. La naissance du journal dans l’un des moments les plus sombres de l’histoire de la France et du monde est à la fois une immense fierté et un poids. Au cours de sa longue vie, plus de quatre-vingts ans, TC a porté et cette gloire et ce poids. Notons d’ailleurs qu’en hébreu, la gloire, kabod, signifie précisément « être lourd ». Ce poids a été, au long des années, difficile à porter. C’est que les circonstances ne sont pas toujours, et même rarement, héroïques. Et c’est tant mieux : l’héroïsme est bien trop épuisant pour être un vêtement de tous les jours. Au long de ces quatre mille numéros, il y a eu bien des jours ordinaires.

Les temps qui viennent vont-ils de nouveau être ceux de l’héroïsme ? Espérons que non. Et pourtant, avec la guerre qui rugit aux marges de l’Europe, nous sommes en train de nous souvenir que la vie quotidienne et banale a du bon, et nous souhaitons qu’elle dure longtemps encore.

Que sera le monde au numéro 5000 ? Bien malin qui peut le dire. La prospective à distance d’une année est déjà un exercice périlleux, alors à vingt ans…

Ce qui est certain, c’est que l’« histoire », celle qui raconte les équilibres des forces, la montée des périls et des puissances, la naissance des nations, la chute des empires, et dont Francis Fukuyama avait prédit la fin en 1992, cette histoire s’est remise en marche. La suprématie d’une démocratie libérale qui s’étendrait lentement, sûrement et irréversiblement dans un monde apaisé se révèle être un rêve, une illusion dissipée par le retour de l’affrontement des empires. Ces lourdes tensions, grosses de futurs conflits, s’accroissent, tandis que, simultanément, la menace environnementale liée à la surexploitation de la planète se rapproche.

Que pouvons-nous faire ? Parce que le monde est compliqué, il nous faut d’abord accepter cette complexité, tout faire pour la comprendre et refuser tous les simplismes, les raisonnements binaires, les anathèmes et les excommunications. C’est un héroïsme du quotidien et c’est en son nom que nous vous donnons rendez-vous… dans un premier temps la semaine prochaine, pour le numéro 4001.

 Publié le
Christine Pedotti

18/02/2023

TOTEM ET TABOU

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FEVRIER 2023

La France est un pays bien singulier. C’est du moins l’avis des nations qui nous entourent à la vue du spectacle que nous sommes en train de produire autour de la réforme des retraites. Là où l’affaire devrait donner lieu à quelques débats législatifs après discussions avec les principaux représentants des forces économiques, la France rêve de s’offrir un remake de la prise de la Bastille, de la Commune de Paris, du Front populaire et de Mai 68 tout à la fois. La cause vaut-elle cette théâtralité, les invectives des uns, les postures martiales des autres ? Personne ne trouve agréable de devoir travailler deux années de plus, c’est l’évidence. Et c’est d’autant plus vrai pour ceux et celles qui ont exercé un métier éreintant, usant, assommant. Faut-il pour autant refuser toute réforme ?

Rappel de quelques réalités. Non, le système ne s’écroulera pas si on ne bouge pas l’âge légal de départ. Il sera, certes, chroniquement déficitaire, mais il y a bien d’autres déficits. Oui, la France est une exception en Europe et dans l’OCDE, mais la France, quoiqu’on y travaille moins longtemps chaque jour, chaque semaine, chaque année et qu’on y parte en retraite plus tôt qu’ailleurs, a une productivité exceptionnelle. C’est peut-être pour ça que nous sommes fatigués. Nous travaillons peu mais très intensément. En revanche, il est vrai que la part des retraites rapportée à la richesse nationale est très élevée. Aujourd’hui, 14,4 % du PIB, 332 milliards, quand le budget général de l’État dépasse tout juste 400 milliards.

De fait, c’est bien la question du poids relatif des retraites dont il s’agit, car ce qui est dépensé ici ne l’est pas là. La solution « prendre l’argent aux riches » fonctionne de la même façon : ce qui serait dévolu au financement des retraites ne le serait pas à l’amélioration de la santé publique et de l’éducation car même « l’argent magique » ne se dépense qu’une fois.

Toutes ces questions, nous devrions pouvoir les discuter, les soupeser afin de faire un arbitrage juste. Cela supposerait que les uns et les autres se parlent « vrai », sans totem ni tabou. On en est très loin quand on voit les positions respectives du gouvernement, des oppositions et des syndicats. Nous allons donc continuer le show sous les yeux de nos voisins incrédules et amusés.

Christine PEDOTTIPublié le

03/02/2023

28ème RAPPORT SUR L'ETAT DU MAL LOGEMENT EN FRANCE 2023 - ABBE PIERRE -

Fondation Abbé Pierre

Après la crise sanitaire liée au Covid-19, qui a fragilisé de nombreuses personnes sur le fil, l’année 2022 a été marquée par une hausse des prix inédite depuis 30 ans.

Cliquez ici pour accéder directement au téléchargement du 28e rapport 2023.

La facture logement, liée à trois décennies de hausse des prix à l’achat et à la location, est encore alourdie par des dépenses énergétiques devenues insoutenables pour de nombreux ménages modestes qui doivent régulièrement choisir entre se chauffer, manger et se soigner convenablement, payer leur loyer.

 

Dans ce contexte économique et social tendu, alors que le logement occupe une place de plus en plus importante dans le développement de l’exclusion et des inégalités, la puissance publique et le gouvernement ne semblent pas avoir pris toute la mesure de l’enjeu.

Face à des situations indignes, à l’heure où des milliers de personnes, notamment des enfants, sont refusées chaque soir par le 115 faute de places d’hébergement, il est pourtant devenu urgent de relancer la politique du « Logement d’abord » et de cesser les coupes budgétaires sur les allocataires des APL et sur le monde Hlm.

Face à la pénurie de logements accessibles, à la hausse des coûts de construction et à la panne de production de logements sociaux, il est pourtant essentiel que les pouvoirs publics investissent à nouveau fortement dans la construction et la rénovation de logements à prix modérés. 

« LE GENRE DU MAL-LOGEMENT »

Jusqu’à présent le sexe a rarement été considéré comme un facteur déclenchant ou aggravant du mal-logement. Pourtant, face au logement, être un homme ou une femme, ou appartenir à une minorité sexuelle, affecte considérablement les risques de subir diverses dimensions du mal-logement et bouleverse la manière même de vivre ce mal-logement.

C’est pourquoi, par-delà ces analyses critiques sur l’action des pouvoirs publics face au mal-logement, ce 28e rapport se focalise sur « le genre du mal-logement » : dans quelle mesure et comment les femmes et les minorités de genre sont-elles particulièrement touchées par les difficultés de logement ?

 
À bien des moments-clés de leur vie, qu’il s’agisse de la décohabitation de chez les parents, de la séparation conjugale, de la prise en charge des enfants pour les mères célibataires, de l’héritage ou du veuvage, les femmes et les personnes LGBT+ subissent des ruptures résidentielles douloureuses, sont parfois victimes de violences sexuelles et sexistes et de discriminations qui reflètent les rapports de domination qu’elles subissent encore trop souvent dans la famille, le couple et le monde du travail.

Même à logement équivalent, les femmes sont également souvent en première ligne pour affronter les conséquences domestiques de l’habitat indigne, du surpeuplement ou de l’errance résidentielle.

La surreprésentation de la monoparentalité dans les situations de mal-logement, et les fragilités que rencontrent les femmes et les autres minorités de genre dans leur rapport au logement au cours de leur vie mettent en lumière toute une série d’inégalités, d’obstacles et de discriminations liés au genre.
 
La forte présence des violences de genre, qui constitue la toile de fond plus ou moins tacite de nombreuses situations d’exclusion sociale, représente une cause structurelle du mal-logement et de l’invisibilisation des victimes, au sein des familles, dans l’espace public mais aussi au sein du système de veille sociale et d’hébergement.
 
Ces enjeux posent la question de la spécificité de l’accueil en structures d’hébergement et de la non-mixité. Les réponses à apporter ont un caractère multidimensionnel et plurisectoriel dans la mesure où cette question touche à des registres de la politique du logement qui entretiennent des liens avec d’autres politiques publiques (emploi, justice, fiscale, sociale, etc.).

TÉLÉCHARGER LE 28E RAPPORT SUR L'ÉTAT DU MAL-LOGEMENT EN FRANCE 2023

LE RAPPORT INTÉGRAL
Le 28e rapport sur l’état du mal-logement en France 2023.

LE DOSSIER DE SYNTHÈSE
Le dossier de synthèse complet du 28e rapport sur l’état du mal-logement en France 2023.
– D’une crise à l’autre. Une politique du logement sans ambition face à une situation sociale dégradée
– Le genre du mal-logement
– 2022 : année de transition ou année perdue ?
 Les chiffres du mal-logement.

TÉLÉCHARGEMENT DU RAPPORT PAR PARTIES
Partie 1 – Le genre du mal-logement
Partie 2 – 2022 : année de transition ou année perdue ?

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