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30/11/2021

LETTRE OUVERTE DE GUY AURENCHE A MGR MICHEL AUPETIT

28/11/2021/ SAINT MERRY HORS LES MURS

Frère Michel, 
Dans le brouhaha qui vous assaille, rassurez-vous : je n’éprouve aucune satisfaction, mais plutôt de  la tristesse. Je réprouve le mélange fait scandaleusement, par certains médias, entre une supposée relation affectueuse que vous auriez éprouvée et les questions de fond que pose la réforme de l’Église. 

Marcher ensemble !
Contrairement à ce qu’affirment certains, Saint-Merry Hors-les-Murs, n’est aucunement impliqué dans une quelconque cabale contre vous. Au contraire depuis neuf mois il a multiplié les démarches pour que vous acceptiez le dialogue. 
Je sais d’expérience que la richesse de l’Église est d’être plurielle : « À l’heure actuelle, il est si important de marcher ensemble, de se rencontrer, de s’écouter et de discerner ensemble… » (Cardinal De Kesel, Études, décembre 2021).
Votre décision de remettre « entre les mains du pape » votre mandat ne répond à aucune des urgences que souligne la démarche synodale souhaitée par le pape François. Au contraire elle va figer les positions de chacun ; la vôtre confortée par votre confirmation, comme celle de ceux qui vous reprochent un exercice autoritaire et peu évangélique dans l’animation du diocèse.
Acceptons de parler en vérité au service de l’annonce de l’Évangile. Pour cela, comme modeste membre de ce Peuple de Dieu, je vous suggère d’organiser pour juin 2022 un grand Rassemblement du Peuple de Dieu qui vit à Paris. En retenant par exemple ces trois questions. 

Vivre en Peuple de Dieu
Comment répondre à l’ecclésiologie du Peuple de Dieu affirmée par le concile Vatican II ? Comment faire participer le plus possible ledit peuple dans sa diversité femmes/hommes, la variété des sensibilités spirituelles, les différences dans la lecture des Écritures. « De la crise actuelle émergera l’Église de demain… L’Église sera véritablement perçue comme une société de personnes volontaires. En tant que petite société, elle sera amenée à faire beaucoup plus souvent appel à l’initiative de ses membres », écrivait en 1969 le cardinal Ratzinger. À Paris quel conseil pluraliste faut-il créer ? Quels mécanismes seront mis sur pieds pour entendre la voix de tous et en particulier des plus fragiles ? Quel processus éclairera ceux (pourquoi pas celles) qui prendront les décisions ? 

Spécificité de la mission du prêtre 
Comment oser mettre à plat la question de la spécificité de la mission confiée aux prêtres ? Il ne s’agit en rien d’une « lutte des classes », ni de permettre aux laïcs d’exercer le pouvoir à la place de… ! « Vivre la coresponsabilité pour nous… c’était se donner la possibilité de changer le visage de l’Église » (J.-C. Thomas, Et vous m’avez accueilli. Contributions pour une Église vivante, éditions Salvator, 2021). 
À plusieurs reprises a été mise en cause la « sacralisation » de la personne du prêtre et de son rôle. « Le positionnement doctrinal reconnu au prêtre par la tradition peut se voir détourné par certains au profit d’abus de pouvoir, d’abus spirituels, voire de violences sexuelles », constatait le rapport de la Ciase, invitant l’Église à « s’interroger (sur) des causes structurelles », systémiques, des abus sexuels. Yves Congar, l’un des théologiens français ayant pesé sur la discussion lors du concile Vatican II, éclairait le service confié au prêtre en faisant de lui le témoin d’un « triple signe ». Une symbolique temporelle : le prêtre reliant la communauté au passé de toute l’Église. Une symbolique spatiale en veillant à chaque personne dans le groupe et en intégrant celui-ci dans l’universalité de l’Église. Une symbolique d’altérité en rappelant à chacun(e) que la mission lui est confiée par un Autre. Il faut y ajouter une symbolique d’invitation : le prêtre invitant toute la communauté au grand repas partagé par Jésus-Christ. 

Un langage au service de l’Évangile
Comment, pour être au service de l’annonce de l’Évangile, adapter les mots, le langage, les gestes de l’Église afin qu’ils soient compréhensibles par nos contemporains ? Dire une Bonne nouvelle exige, au moins, de se soucier d’être compris par ses interlocuteurs. L’Église n’a pas à s’adapter à toutes les modes de son temps, mais, à chaque génération, elle doit tenir compte des « peines et des joies » du monde qui l’entoure. Aussi bien dans les messages de vie qu’elle propose que dans la liturgie qu’elle célèbre. Le rendez-vous principal de l’Église, son unique rendez-vous sans doute, est bien de se laisser imprégner de l’Esprit d’Évangile et de savoir le partager.
Le grand rassemblement du Peuple de Dieu qui vit à Paris prendrait alors toute sa place dans la démarche synodale, « le rendez-vous que Dieu désire pour l’Église du 3e millénaire » (pape François). 
Oui, au-delà de légitimes divergences, riches de nos diversités, désireux de répondre à l’appel de la mission, rencontrons-nous sans tarder, et construisons ensemble. 

 Guy Aurenche : "Construire une société française qui choisit d'accueillir".  - Université d'été 2019 - CVX -Guy Aurenche, né en 1946, est un avocat français, militant des droits de l'homme, président d’honneur de la Fédération internationale de l'action des chrétiens pour l'abolition de la torture et ancien président du Comité catholique contre la faim et pour le développement. 

29/11/2021

FAIM ET DIGNITE : L'ETAT DE LA PAUVRETE EN FRANCE

Le Secours Catholique-Caritas France a publié jeudi 18 novembre son rapport statistique annuel État de la pauvreté en France 2021. Constats et analyses sur la précarité issus de l’observation sur l’ensemble du territoire national de plus de 38 800 situations (sur les 777 000 personnes accueillies en 2020).

Pour son rapport 2021 qui alerte sur la dégradation du niveau de vie des plus pauvres, l’association a complété son étude d’une enquête approfondie sur la question spécifique de l’aide alimentaire et de l’accès à l’alimentation, à travers une enquête menée auprès de 1 088 ménages qui ont eu recours à l’aide alimentaire d’urgence allouée par le Secours Catholique durant le premier confinement, de mars à mai 2020.

La crise sanitaire a agi comme un puissant révélateur d’une insécurité alimentaire déjà bien ancrée pour des millions de Français. La pandémie de Covid-19 a déstabilisé des situations budgétaires déjà très serrées. Quand les maigres ressources baissent alors que les dépenses augmentent (du fait de la fermeture des cantines scolaires ou de l’augmentation des dépenses d’électricité), les privations deviennent dès lors quotidiennes.

Le Secours Catholique rappelle que la précarité alimentaire est liée à une unique constante : l’insuffisance et l’instabilité des ressources. 

22 % des ménages accueillis ne disposent d’aucunes ressources financières.

1/3 des ménages accueillis n’ont pas accès à un logement stable.

27 % ne mangent pas pendant 1 journée entière ou davantage.

Pour  télécharger le rapport, cliquer sur :

https://www.secours-catholique.org/sites/scinternet/files/publications/rs21.pdf

 

27/11/2021

EN MARCHE VERS BETHLEEM

En marche vers Bethléem - Paul Challan Belval, Vitrailliste auprès du sourire de Notre-Dame de Chartres

En marche vers Bethléem - Paul Challan Belval, Vitrailliste auprès du sourire de Notre-Dame de Chartres

« Si tu viens n’importe quand, dit le renard au Petit Prince, je ne saurai jamais à quelle heure m’habiller le cœur.. »
Le renard de Saint-Exupéry attendait la visite du Petit Prince et voulait donc s’y préparer, attendre, espérer. Dans le même, sens un proverbe africain dit : « le meilleur jour de la fête, c’est la veille ». Or nous entrons aujourd’hui dans le temps de l’Avent, le temps de l’attente pour l’Eglise. Et le mot le plus important de notre évangile de ce premier dimanche de l’Avent, c’est le mot « Veiller ». Mais celui qui veille, celui qui est de garde, il est debout ; celui qui attend les invités s’agite ; celui qui prépare un examen révise ; celui qui s’apprête à partir en voyage prépare l’itinéraire et son bagage.
Attendre, cela n’a donc rien à voir avec le repos ou le fait de ne rien faire.
Pourtant il y a des croyants qui attendent passivement que Dieu vienne à Noël. C’est si beau, chaque année de jouer les enfants naïfs, de rêver, de faire semblant de croire que Dieu naît comme ça, dans la chaleur, dans la tranquillité, dans l’opulence, dans l’insouciance, dans l’euphorie d’une douce nuit de Noël un peu irréaliste.
Il y a aussi des chrétiens qui attendent passivement que Dieu règle les problèmes de l’humanité, car, croient-ils, c’est à lui Dieu, d’agir. Et ceux-là ne prennent pas position car ils croient, à tort, que le chrétien ne doit pas faire de politique.
Il y en a aussi qui, résignés devant les difficultés, confondent ainsi la douceur de l’Evangile et le manque de courage ; ils ne disent rien car il ne faut pas se faire remarquer. Ils oublient que notre baptême nous engage à lutter contre le mal de toutes ses forces même si cela provoque des tensions.
Attendre, oui, c’est une attitude dynamique ; et pourtant il y en a qui croient qu’ils ont la vérité et sont déjà sur le bon chemin sans effort ni volonté de leur part.
Avoir de telles attitudes risque bien de faire de leur vie de croyant un bain de tiédeur, de transformer l’attente chrétienne en un sommeil tranquille, de rendre fade tout ce qui touche à la foi au Christ, d’utiliser l’Evangile comme un paravent qui justifie toutes les paresses, les situations intolérables et les compromissions.

Or attendre, comme le dit le prophète Joël, c’est l’attitude du guetteur qui hurle à pleine bouche : « ne dormez pas ! » Oui, ne dormez pas, sinon jamais le Christ ne sera présent au monde, jamais le Royaume de Dieu ne sera réalité. Attendre en ce temps de l’Avent, c’est donc l’attitude de celui qui n’hésite pas à se jeter dans la mêlée pour hâter la venue d’un monde plus juste. Attendre le jour où le Christ va revenir, c’est se dépêcher vers celui qui est en difficulté, c’est prendre le temps d’écouter celui qui a besoin de vider son sac ou qui en a trop gros sur le cœur, c’est accepter de donner au moins un peu de son superflu pour celui qui n’a même pas le minimum nécessaire.
Attendre le jour du Christ, c’est maintenir, à travers les difficultés du « vivre ensemble », l’idée de bienveillance, l’idée que l’autre, quel qu’il soit, est mon frère. Attendre, c’est risquer une parole engagée, une parole de témoin, une parole de juste et refuser la parole qui condamne globalement tout un groupe sans distinction.
Attendre, c’est préparer ; c’est donc briser sans répit tout ce qui emprisonne l’être humain.

Attendre, attendre le Christ c’est se mettre en situation d’Avent en livrant en chacune de nos vies une lutte sans merci contre toutes les graines de péché qui germent, s’enracinent et ne demandent qu’à grandir en chacun de nous.
En fait, attendre le Christ en vérité, c’est me livrer totalement à la lumière de l’Evangile, c’est me tourner vers Jésus le Christ et laisser sa Parole s’épanouir en moi et me transformer.
Attendre, c’est aussi être prêt à accueillir l’imprévu. Le peuple juif attendait un Messie, roi, prophète et grand prêtre… et c’est un enfant pauvre, un homme à la parole originale libératrice et forte qui arrive.
Aujourd’hui, attendre c’est accueillir et ainsi faire Eglise ; accueillir l’étranger dans nos communautés, mais aussi les jeunes et une musique inhabituelle. Attendre, c’est accueillir pour un baptême ou un mariage ceux que l’on ne voit pas bien souvent à l’église, accueillir une famille en deuil et témoigner de l’espérance chrétienne.
C’est ainsi qu’il nous faut attendre Noël, dans une attente active.
A force d’attendre ainsi le jour de Dieu, un matin du monde notre prière sera exaucée ; cette prière, elle dit : « Notre Père, que ton règne vienne ». Et ce jour-là, on pourra, j’espère, dire de moi, dire de vous : « Heureux es-tu, heureux êtes-vous ».
Alors d’ici Noël, avec le Petit Prince, « Habillez-vous le cœur ».

Père Pierre Tézenas, Curé de la paroisse Sainte-Croix des Puys à Chamalières 
Diocèse de Clermont Ferrand

25/11/2021

VOYAGE AU VATICAN

Les visites de chefs d’État au Vatican sont toujours un étrange objet diplomatique et politique. On se souvient que celle de Mikhaïl Gorbatchev en décembre 1989 entérina la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide. À cette occasion, de façon très singulière, la diplomatie soviétique accorda le point au pape en le canonisant vainqueur du communisme… une façon habile de ne pas le donner aux États-Unis. On n’oubliera pas non plus le visage fermé, voire hostile, de François à l’égard de Donald Trump ; il est des silences renfrognés plus ravageurs que les mots. Hélas, nous avons encore honte de la burlesque visite de Nicolas Sarkozy accompagné de l’humoriste Bigard. Plus récemment, du côté français, la rencontre avec François Hollande fut un peu guindée et protocolaire, tandis que la visite d’Emmanuel Macron sembla plus cordiale et familière. On en déduisit qu’entre le pape disciple d’Ignace et l’ancien élève des jésuites s’était trouvée une communauté de culture.

Les conditions dans lesquelles le président français se rend une nouvelle fois au Vatican en cette fin de novembre sont plus étonnantes. D’abord parce que, de tradition, le pape s’abstient de recevoir des dirigeants en campagne ou près de l’être. Ensuite, parce que l’émoi soulevé par le rapport de la Ciase sur les violences sexuelles et leur dissimulation ne peut laisser ni le pape ni le chef de l’État indifférents. Voilà trois années, nous plaidions en faveur d’une enquête menée de façon indépendante, suggérant une commission parlementaire au motif d’un trouble à l’ordre public qui subvertissait les règles ordinaires de la séparation des Églises et de l’État.

Les conclusions de la Ciase confirment notre inquiétude. Les religieux et religieuses, puis les évêques ont reconnu leur responsabilité institutionnelle. Ils entrent dans un processus de réparation par le biais de l’écoute et de l’indemnisation des victimes. Mais il reste une lourde interrogation quant à la gestion des risques. Quels changements doivent être engagés dans l’organisation des institutions afin de mettre les enfants à l’abri ? Les 330 000 victimes agressées dans le cadre des activités du catholicisme ne sont pas des sous-citoyens parce que catholiques. Espérons que cette grave question sera au centre de l’entretien qui se tiendra au Vatican le 26 novembre.

Publié le 

20/11/2021

GALA INTERRELIGIEUX POUR LA PAIX A BUSSY SAINT GEORGES LE 20.11.2021

JOURNEE MONDIALE DES DROITS DE L'ENFANT
ESPANADE.GIF
 
GALA POUR LA PAIX.jpg
Ce samedi 20 novembre, c'est la journée mondiale des Droits de l'Enfant organisée par l'ONU et l'Unicef. A cette occasion, vous le savez, l'Esplanade des Religions et des Cultures de Bussy St Georges organise un gala pour la paix.
C'est à 20h30 à Notre Dame du Val (entrée possible à partir de 19h45) 33 Boulevard Thibaud de Champagne, à 6 mn du RER A Bussy St Georges. Pass sanitaire demandé.

Nous vous joignons la double page du Parisien de ce vendredi qui raconte l'aventure de l'Esplanade.

Vous pourrez lire aussi la brochure que nous distribuerons aux participants à l'entrée, qui dit comment chaque religion appréhende les Droits de l'Enfant.
Si vous ne pouvez pas venir, vous pourrez voir le gala dans quelques jours sur les chaînes Youtube "Notre Dame du Val" et "Esplanade des Religions et des Cultures".
Nous sommes heureux de vous faire partager la joie de ce bel événement.
Amicalement
esplanade/ Les équipes Cmdf de Bussy et Lagny

18/11/2021

PERVERS !

Publié le par Christine Pedotti

Les véritables pervers ont un talent particulier, celui de savoir utiliser aussi bien les forces que les faiblesses de leurs adversaires ; nous sommes en train d’en faire l’amère expérience avec le satrape biélorusse, Alexandre Loukachenko. L’homme, au pouvoir depuis 1994, tient le pays sous sa dictature : l’interdiction d’accès aux médias imposée à toutes les oppositions et des élections truquées depuis six mandats le maintiennent au pouvoir. Une partie de la communauté internationale, et en particulier l’Union européenne, lui dénient toute légitimité et imposent au pays des sanctions économiques. Il est cependant reconnu tant par la Chine que par la Russie et bénéficie de l’appui et de la bienveillance de Vladimir Poutine, trop heureux de laisser le matamore biélorusse empoisonner la vie des Européens.

Et, en effet, Loukachenko est en train de mettre ses menaces à exécution. Il avait promis d’inonder l’Europe de migrants et de drogue ; les migrants sont là, recrutés par ses soins en Syrie, au Liban ou en Irak ; ils sont conduits à la frontière polonaise, que les gardes les poussent à traverser, tandis que l’armée polonaise les menace de l’autre côté des barbelés.

Sa perversité est monstrueuse en ce qu’elle instrumentalise des hommes désespérés et les transforme en « armes » contre l’Union européenne. Mais Loukachenko exploite aussi les conflits actuels de l’Union. La Pologne, qui veut pouvoir mener à sa guise une politique nationale et nationaliste, refuse toute aide européenne et tout accès tant à la presse qu’aux organisations humanitaires. Son opinion publique redoute l’arrivée de migrants par sa frontière de l’est alors qu’elle a refusé toute contribution à l’accueil de ceux-ci lors de la crise majeure de 2015-2016 et s’oppose toujours à toute arrivée. L’Europe se trouve prise en étau entre la défense de ses valeurs et des droits humains et les misérables arrangements de conscience qui lui ont déjà fait payer tribut au Turc Erdogan afin qu’il garde les migrants syriens sur son territoire. Pourquoi, dès lors, Loukachenko ne tenterait-il pas le chantage à l’égard de l’UE afin de faire lever les sanctions qui pèsent sur son pays ?

Mais peut-on refuser de céder à la pression au prix de plusieurs milliers de vies humaines prises au piège de forêts et de marécages glacés ? Telles sont les lourdes questions qui s’imposent à nous et il n’y a pas de réponses simples.

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Photo : Government.ru (processed by Roman Kubanskiy)CC BY 4.0, via Wikimedia Commons

11/11/2021

DE LA COMMISSION SAUVE A LA COMMISSION DERAIN

Parmi les décisions actées par la Conférence des évêques de France (CEF) à la suite de son assemblée plénière figure la création d’une Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation chargée de prendre en compte les besoins des victimes. Elle sera dirigée par la juriste spécialiste des droits de l’enfant Marie Derain de Vaucresson(1).L’ancienne défenseure des enfants, actuellement cadre du ministère de la Justice, est confiante mais réaliste devant l’ampleur de la tâche.

Après avoir fait partie de la commission Christnacht, qui travaillait sur la situation des prêtres coupables de violences sexuelles, quel est votre plan de bataille pour accompagner les victimes ?

Mon cadre de départ, c’est celui de la justice restauratrice, qui passe par la reconnaissance des faits et de la responsabilité institutionnelle, la manifestation d’une honte, la présentation d’excuses publiques, la prise de mesures préventives et la réparation individuelle, objet de la future commission que je suis appelée à présider. Mais les étapes qui précèdent sont essentielles et, jusqu’à vendredi midi, elles n’étaient pas acquises.

Aujourd’hui, je suis nommée pour constituer en toute liberté une commission. Elle sera probablement constituée d’un noyau dur d’une dizaine de professionnels bénévoles afin de répondre au besoin d’expertise forte : juristes, médecins, psychologues et psychiatres qui connaissent les psychotraumas. J’ai aussi le projet d’associer les victimes, dont le savoir expérientiel sera précieux. Comme l’a esquissé le recueil De victimes à témoins, elles doivent maintenant être actrices de cette construction. Il est inconcevable de travailler sans elles. Enfin, il faudra nous entourer de professionnels de la médiation, pourquoi pas rémunérés. Mes seuls critères de sélection seront les compétences et la capacité à travailler ensemble, avec sans doute un mandat limité dans le temps.

J’ai eu avec Éric de Moulins-Beaufort de très bons échanges, qui me portent à croire que je pourrai compter sur le soutien de la CEF, comme Jean-Marc Sauvé a pu le faire. Nous allons d’ailleurs très probablement hériter des locaux de la Ciase. Si j’en crois les discussions engagées, les moyens ne seront pas un empêchement.

Quelle méthode de travail envisagez-vous pour les mois à venir ?

J’estime qu’il faudrait réussir à apporter les premières réponses aux victimes à partir de janvier 2022. C’est un objectif ambitieux mais pas téméraire ! D’ici là, il va nous falloir trouver un mode de traitement commun des sollicitations. Peut-être un portail numérique, premier point d’entrée, pour s’adresser indifféremment à la CEF ou à la Conférence des religieux et religieuses de France. Ce n’est pas aux victimes de savoir à qui s’adresser, c’est à nous de créer des ponts et d’aiguiller les dossiers. Mon expérience me dicte qu’on ne balade pas les victimes, ne serait-ce que pour ne pas les obliger à répéter leur histoire !

Je suis également en lien avec Jean-Marc Sauvé pour déterminer comment nous pourrons éventuellement faire suivre les témoignages Ciase et prendre contact avec leurs auteurs s’ils le souhaitent. D’autres victimes ne se sont pas encore déclarées, il importe de faire connaître notre commission, avec l’aide des diocèses, afin qu’elles puissent se manifester.

Souhaitez-vous vous appuyer sur l’échelle allemande d’indemnisations suggérée par la Ciase ?

Pas nécessairement. Je ne suis pas favorable à des automatismes d’indemnisation. On ne peut pas appliquer un barème systématique qui s’appuierait sur la seule nature des faits. Il faut partir de l’accompagnement des victimes et de l’expression de leurs besoins, qui évoluera peut-être au fil du temps. Elles ne sont pas toutes en demande de compensation financière. Certaines ont besoin de reconnaissance, de rencontrer les responsables ou les évêques en place au moment des faits, d’obtenir une confrontation, un échange… D’autres ont des besoins matériels précis en lien avec leur traumatisme, des soins médicaux, un suivi psy, une voiture pour aller au travail et échapper à la foule par exemple. Mais il faut être lucide : le no limit que certains appellent de leurs vœux va se heurter au principe de réalité.

J’ai été interpellée récemment par l’Évangile dans lequel Jésus demande à l’aveugle Bartimée : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » (Lc 18, 35-43.) C’est tout l’enjeu de notre commission.

Propos recueillis par Agnès Willaume.

(1) Membre de la Communauté Mission de France

10/11/2021

LA CONTAGION DES MURS

camion gaillot.jpgAvez-vous remarqué cette contagion des murs à travers le monde? Des murs qui séparent des peuples et les  empêchent de circuler. Des murs de la honte. Mur entre Israéliens et Palestiniens, entre Américains et Mexicains, entre Espagnols et Africains…
A la télévision, je regardais avec indignation ce mur de barbelés élevé par la Pologne pour empêcher les migrants venant de Biélorussie d’entrer chez elle. Aujourd’hui, c’est au tour de la Lituanie d’élever son mur de barbelés.
Quand le mur de Berlin a été détruit le 9 novembre 1989, je n’imaginais pas que l’Europe deviendrait une forteresse ! Les murs ne sont-ils pas faits pour être détruits un jour?
Mais il y a, en nous, des murs qui nous séparent les uns des autres.
Le mur de l’argent entre riches et pauvres.
Le mur des préjugés et de la méfiance qui divise tant de familles et de groupes!
Le mur de l’indifférence qui fait que l’on s’ignore.
Le mur de l’oubli qui fait tomber une chape de plomb sur ce que l’on a vécu avec d’autres.
Le mur de la haine surtout, qui crée une séparation apparemment infranchissable entre les humains.
L’homme de Nazareth a passé sa vie à faire tomber des murs.
J’aime qu’il soit né hors les murs et qu’il soit mort hors les murs. Par sa mort sur la croix, il a  détruit le mur de la haine qui nous séparait les uns des autres.
La planète appartient à la famille humaine. Nous sommes faits pour circuler et vivre ensemble. On ne fait  pas la paix avec du béton et des barbelés qui emprisonnent les gens.
Jacques Gaillot GAILLOT JACQUES.jpg
Evêque de Partenia
9 /11/2021

 

L'EGLISE CATHOLIQUE FACE AU CHANGEMENT

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Comme la cathédrale de Paris hier, l’Église de France est aujourd’hui en feu ! Le tocsin sonne. Au moment de se réunir à Lourdes pour décider de son avenir, les évêques l’entendront-ils ?

À l’origine de l’incendie, le terrible rapport Sauvé, qui a révélé le nombre effarant d’abus sexuels pratiqués par des prêtres et des religieux, et le silence organisé de fait par un système qui a d’abord protégé les coupables et non les victimes. L’opinion publique ne peut comprendre et donc pardonner cette cruelle faillite, qui enlève pratiquement toute crédibilité à la parole catholique. En commandant le rapport Sauvé en toute indépendance, l’Église a cependant ouvert un contre-feu en prenant enfin le parti de la vérité, une initiative courageuse dont d’autres institutions ou secteurs de la société, d’autres religions également, pourraient s’inspirer.

Mais, plus largement, l’Église doit aussi prendre en compte le fait qu’un monde est en train de mourir alors que celui de demain est imprévisible tellement l’accélération des changements, principalement en raison des révolutions scientifiques et technologiques, bouleverse nos schémas de pensée et notre capacité à les comprendre. Il y avait un choc des civilisations ; il y a maintenant le risque d’une mort des civilisations. Cette radicale remise en cause des modes d’organisation sociétale a comme première conséquence celle de toutes les institutions, y compris la démocratie, institutions qui étaient hier les principaux piliers du « vivre ensemble ». L’Église, en tant qu’institution, ne peut y échapper. Au pied du mur, face aux gigantesques défis du monde de demain, elle doit – tout comme la société – se réinventer.

La situation est pour l’Église d’autant plus cruelle que sa mission est d’abord d’être « une parole » qui ouvre un espace nouveau à l’homme pour qu’il devienne « sujet » de son histoire. Et c’est précisément ce devenir-là qui est en cause dans les bouleversements mettant en jeu l’avenir de l’humain. Pour répondre à sa vocation, l’Église ne retrouvera une parole crédible que si celle-ci passe par des actes significatifs, c’est-à-dire par des décisions qui permettent une vérification aux yeux de tous. Les trois priorités pour une parole prophétique sont :

– la place des femmes. Elle ne sera pleinement reconnue dans l’Église que lorsque des femmes pourront être ordonnées prêtres ;

– la place des laïcs. Elle ne sera pleinement reconnue que lorsque la responsabilité de la pastorale et la gestion des paroisses seront partagées avec des laïcs, hommes et femmes élus par leur communauté ;

– la désacralisation du prêtre. La prise en compte des deux premières priorités y participera. De plus, la réalité sociale et économique va imposer d’autres décisions allant dans le même sens. Face à la chute des vocations, l’ordination d’hommes mariés est inévitable pour que, partout où des catholiques désirent célébrer la messe, ils puissent se réunir en lien avec l’évêque. Il s’agit alors de déconnecter la vocation sacerdotale de celle du célibat. D’autre part, l’Église n’ayant plus d’argent pour faire face à ses charges, les prêtres de demain devront avoir un métier pour subvenir à leur propre besoin. Ils en seront d’autant plus insérés dans la société.

De telles décisions nécessitent une modification du droit canon dans le seul cadre qui en aurait l’autorité, à savoir un nouveau concile, Vatican III. Le synode sur la façon de faire Église demain, récemment lancé par le pape François pour 2022, pourrait préparer une telle initiative. N’est-ce pas une belle occasion pour les évêques de France de se tourner vers Rome pour réclamer un tel aggiornamento ? Mais qui dit nouveau concile dit nouvelles modalités, afin qu’il soit le signe et le porteur d’un changement radical : double parité dans le vote, celle prêtres/laïcs, et, parmi les laïcs, celle hommes/femmes.

Alors, mais alors seulement, l’Église répondrait à la nécessité d’un nouveau paradigme pour une parole vivante et significative pour tous.

Daniel Duigou, prêtre du diocèse de Paris, journaliste et psychologue-psychanalyste

.L'appel d'un présentateur de JT devenu curé pour en finir avec le célibat  des prêtres

 

08/11/2021

Va où ton coeur te mène - Gabriel Ringlet

"Va où ton cœur te mène", le dernier livre de Gabriel Ringlet

Original et alerte, ce petit livre (1) se lit d’une traite et mène, par des détours inattendus, à dépasser radicalement la représentation de Dieu qui a prédominé et qui prévaut encore dans la tradition judéo-chrétienne. La glorieuse puissance du Très-Haut s’efface pour laisser se révéler une divinité humble et miséricordieuse dans le secret des cœurs. Reprenant la rocambolesque saga des prophètes Élie et Élisée, Gabriel Ringlet fascine par ses intuitions théologiques marquées du sceau de l’Évangile, et touche le lecteur par sa délicate et profonde sensibilité aux gens et aux choses. Sa créativité poétique survole d’instinct les doutes et réserves qui peuvent surgir ici ou là au fil des pages. Pour entendre le subtil message spirituel mis en musique par l’auteur, le lecteur est invité à s’ouvrir à un ailleurs indicible échappant à toute saisie – « De l’âme du violon, oseriez-vous relever les empreintes digitales ? » (Gilles Baudry, cité en exergue)…

Il va sans dire que nous ne pouvons plus croire que les histoires rappelées dans ce livre se sont réellement passées comme relatées dans la Bible – le miraculeux approvisionnement en farine et huile chez la veuve de Sarepta (à l’instar de la manne) et, entre autres prodiges, la résurrection du fils de cette femme par Élie, la foudroyante issue de la compétition sacrificielle entre les prêtres de Baal et le prophète de Yahvé, l’horrible carnage qui s’en est suivi pour imposer la domination du Dieu d'Israël, la traversée à pied sec du Jourdain (calquée sur le franchissement de la Mer Rouge par les Hébreux), l’irruption d’un char de feu pour emporter Élie… Et l’exigence critique ne s’arrête pas là : nous ne pouvons plus adhérer – qu’il s’agisse de l’Ancien ou du Nouveau Testament – à la sacralisation plus ou moins fondamentaliste des Écritures quand, proclamées « Parole de Dieu », elles sont considérées comme l’unique, complète et ultime Révélation divine. Cela étant, comment résoudre les multiples ambiguïtés et contradictions de ces textes pour discerner la Parole qui, en amont des mots, est véhiculée à travers la relativité des langages empruntés par ces récits ? De la Création de l’univers à la Nativité et à la Résurrection de Jésus, tout est à réinterroger sans céder aux interprétations qui arrangent – comme la transmutation de la toute-puissance providentielle en sublime impuissance par exemple, etc. L’Ascension de Jésus qui parachève sa résurrection n’est aujourd’hui pas plus crédible en tant que phénomène physique que l’enlèvement au ciel du prophète Élie ou, d’après le Coran, le voyage céleste du prophète Mahomet sur la jument Al-Borak.
Pourtant, c’est un enrichissant voyage spirituel et théologique que Gabriel Ringlet nous offre dans ce livre en méditant les incroyables événements des récits bibliques concernant le prophète Élie et son disciple Élisée. Un voyage qui transcende l’enracinement culturel de ces narrations vieilles de près de trois mille ans, et qui ouvre des horizons à même d'éclairer nos questionnements actuels. Pour ce faire, l’auteur recourt – avec sa coutumière maîtrise dans ce domaine – au registre de la littérature et de la transfiguration poétique, estimant que les émotions, notamment esthétiques et religieuses, peuvent avantageusement contribuer à dévoiler la portée intrinsèque des Écritures au double niveau symbolique et existentiel, par-delà les déconstructions et reconstructions critiques. Que cette relecture de la vie d’Élie soit ou non conforme à ce qui a été effectivement vécu par ce prophète importe moins, dans cette perspective, que la fécondité des réflexions que l’auteur propose en privilégiant les éléments qui expriment le mieux, selon lui, les enjeux spirituels majeurs des récits plus ou moins mythiques de la Bible. Dieu ne se réduit jamais à ce qui en est dit et l’homme ne peut, en tout état de cause, accéder qu’aux vérités fragmentaires qu’il découvre progressivement en élucidant les croyances du passé et en s’ouvrant aux rencontres et aux connaissances nouvelles. Pourquoi, dès lors, les anges qu’affectionne Gabriel Ringlet ne pourraient-ils pas, qu’ils soient ailés ou simples poètes, parler à leur façon des cieux aux femmes et aux hommes désireux de faire luire un peu de ciel sur notre terre ?

Il s’avère de fait crucial pour l’avenir de la foi de passer, comme ce livre le propose, de la figure archaïque d’un Dieu jaloux et violent à une divinité d’une tendre et universelle compassion. « Dieu, au-delà de Dieu » suggère Gabriel Ringlet : une quête déjà ancienne, mais qui se renouvelle dans l'environnement culturel et scientifique contemporain. « Dieu, après Dieu ? » s’interroge le post-théisme… Alors que plus de la moitié des Français déclarent ne plus croire en Dieu et que les « pratiquants » ne constituent plus que 2 % de la population, comment les Églises peuvent-elles continuer à répéter leurs sermons et leurs rites sans s’interroger sérieusement sur le désamour ou le rejet dont elles font l’objet ? Le cléricalisme systémique et les multiples abus qui en ont découlé ont assurément hâté le naufrage du catholicisme, mais l’indifférence aux questions religieuses a des racines plus profondes. Qui peut encore croire en un Dieu tout-puissant qu’il faut, sous la conduite d’une caste sacerdotale sacralisée, glorifier et supplier selon des modalités analogues à celles autrefois exigées à leur profit par les puissants de ce monde ? Pour retrouver sa ferveur et sa force originelles, le christianisme devra renaître selon l'Évangile en acceptant de mourir dans sa forme actuelle. Le prophétisme biblique porte à sortir du conservatisme et des enfermements religieux, et Jésus a assumé cette vocation jusque sur la croix. Avant de s’abandonner à Dieu en ces termes : « Entre tes mains, Seigneur, je remets ma vie », il a traversé la pire déréliction devant l’issue du projet qu’il avait prêté à Dieu en rapport avec les croyances de son temps : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Dans le sillage de l’expérience religieuse vécue par le prophète Élie, Gabriel Ringlet termine son livre par une évocation très personnelle de l’intime et féconde proximité de Dieu au cœur de la perpétuelle fragilité de l’homme et de notre monde. Les confidences qu’il livre sur ses échanges avec un petit enfant nommé Élie, le dernier-né de ses filleuls, en parlent en termes émouvants. Qu’advienne, au diapason du « Souffle ténu  » qui chante les Béatitudes après son silencieux dévoilement sur le mont Horeb, un monde nouveau dans lequel chacun pourra se réaliser pleinement en toute liberté – « libre, vraiment, y compris libre de Dieu » ! Alors, loin des pulsions individualistes que le consumérisme à la mode présente fallacieusement comme génératrices de bien-être et de développement personnel, nous pourrons entendre et suivre l’exigeante exhortation prophétique qui – empruntée à Qohélet et faisant écho à la fameuse maxime Ama et fac quod vis ! de saint Augustin – a été choisie comme titre pour ce livre : « Va où ton cœur te mène ».Jean-Marie Kohler

(1) Gabriel Ringlet, Va où ton cœur te mène, éd. Albin Michel, septembre 2021, 152 p.,