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31/03/2022

RETOUR DE L'IMPENSABLE

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Publié le 31 mars 2022 par Christine Pedotti

« A fame, bello et peste, libera nos Domine », « De la peste, de la faim et de la guerre, délivre-nous Seigneur. » Cette antique prière (XIVe siècle) trouve aujourd’hui une terrible actualité. Après le Covid et la guerre en Ukraine se profile désormais un risque de pénurie de blé, qui, certes, augmentera chez nous le prix de la baguette, des pâtes et des biscuits, mais qui, surtout, fait planer le spectre de la famine sur les pays dépendants des importations de blé, comme l’Égypte, la Tunisie, le Liban, l’Érythrée, la Somalie, le Yémen, ceux d’Afrique subsaharienne et, dans une moindre mesure, l’Algérie et le Maroc. L’Onu vient de lancer une alerte alimentaire concernant quarante-cinq pays…

Ce surgissement de fléaux que nous pensions avoir laissé à des temps anciens et obscurs nous laisse sidérés. Déjà, voilà deux années, la pandémie mondiale nous avait saisis d’impuissance. Contre un virus nouveau, malgré les progrès de la science et de la médecine, nous n’avons eu, tout d’abord, que la ressource du confinement – cesser de bouger pour arrêter la circulation du virus. En attendant un vaccin, qui, finalement, est venu.

Et voilà que, contre toute attente, et surtout contre toute raison, le chef d’État d’un grand pays, ordinairement inclus dans le concert des nations et ayant un siège permanent au Conseil de sécurité de l’Onu, décide de mener une guerre de conquête dite « de haute intensité » contre son voisin – un peuple frère – avec l’intention pure et simple de l’annexer. La résistance ukrainienne fait dérailler ses plans mais la violence de la frappe transforme un grand pays en champ de ruines, jette des millions de gens sur les routes, fait peser sur l’Europe la menace d’une frappe « non conventionnelle ».

Nous faisons face à l’impensable. Tout ce que nous pensions stable, intangible, devient friable, fragile. Quelle est l’issue ? Elle est tout à la fois simple et rude à mettre en œuvre et tient en trois mots : vivre, faire, aimer. Vivre, c’est-à-dire accueillir chaque jour comme une nouveauté et une espérance ; faire, parce que même le plus petit des gestes retisse de la fraternité, agir pour l’Ukraine, mais aussi pour notre voisin ou notre voisine, nos proches ; aimer, car chaque acte de réconciliation, de pardon, d’élan vers autrui fait barrage au mal et au malheur.

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COUP DE CROSSE

La curie romaine appelée à une révolution

Photo : Republic of Korea (CC BY-SA 2.0)

Publié le 24 mars 2022 par Bernadette Sauvaget Photo : Republic of Korea (CC BY-SA 2.0)

Est-ce le testament de François ? Attendue depuis de longues années, la constitution apostolique Praedicate evangelium (Annoncez l’Évangile) a été officiellement signée, le samedi 19 mars 2022, par le pape. Un texte important pour le pontificat du pape argentin car il fixe les nouvelles règles de fonctionnement de la curie romaine. Une révolution ? Il faudra attendre l’entrée en application du texte, prévue le 5 juin prochain, pour tester la réelle volonté du pape de bouleverser en profondeur le mode de fonctionnement du Vatican… mais aussi les capacités de résistance des cardinaux curiaux, qui désapprouvent sûrement – mais en secret – les axes fondamentaux d’un texte promouvant, du moins en théorie, la synodalité, une forme de décentralisation de l’Église catholique et la fin de la toute-puissance du cléricalisme.

Élu il y a neuf ans, Bergoglio avait été prié par le collège de cardinaux de s’attaquer en priorité au chantier de la rénovation de la curie romaine, dirigé pendant le pontificat de Benoît XVI par le très décrié cardinal Tarcisio Bertone. Le pape François a pris son temps pour aboutir à la publication de sa nouvelle constitution apostolique, tout en apposant sa marque au fil de son pontificat. Praedicate evangelium a surpris, le week-end dernier, le petit monde romain.

Ce qu’il faut en retenir est d’abord la volonté du pape de mettre au premier plan de la curie romaine la mission d’évangélisation. Elle est contenue dans le titre même de la constitution apostolique et se manifeste par la création d’un dicastère de l’évangélisation, arrivant en premier dans la hiérarchie – avant même la Secrétairerie d’État – et présidé par le pape lui-même. Dans sa nouvelle constitution, le pape a clarifié l’organigramme de la curie, organisée désormais en seize dicastères. Parmi les innovations figure la création d’une instance consacrée à la charité, une manière de rappeler la priorité donnée aux pauvres par le jésuite argentin.

Le deuxième axe fort énoncé par le pape réside dans la volonté de redistribuer le pouvoir au sein de l’Église catholique. Pour la première fois, un texte de cette importance reconnaît explicitement qu’un laïc – même femme ! – pourrait diriger un dicastère de la curie romaine. Pour le moment, c’est le cas d’un seul au Vatican, le dicastère pour la communication, qui a à sa tête le préfet Paolo Ruffini. Cette exception est indiquée comme étant désormais la règle. Les cardinaux sont-ils prêts à abandonner cette importante prérogative ? Cela reste à voir.

Le troisième point important de cette réforme est l’accent mis sur une forme de décentralisation. En clair, le pouvoir des conférences épiscopales, par exemple, est davantage reconnu. Dans le premier texte de son pontificat, Evangelii gaudium, François avait émis l’hypothèse d’attribuer une autorité doctrinale aux conférences épiscopales. À l’avenir, pour l’élaboration des textes, la curie romaine devra travailler en collaboration avec elles.

Bernadette Sauvaget, journaliste

29/03/2022

27ème RAPPORT SUR L'ETAT DU MAL-LOGEMENT EN FRANCE EN 2022 - FONDATION ABBE PIERRE

27e rapport sur l'état du mal-logement en France 2022

À moins de trois mois de l’élection présidentielle, la Fondation Abbé Pierre publie son 27e rapport annuel sur « L’Etat du mal-logement en France ». Alors que le pays est encore en proie à une grave crise sanitaire, ce rapport en dessine un portrait marqué par la précarisation de couches entière de la population, avec des conséquences visibles sur le mal-logement.

Cliquez ici :  pour accéder directement au téléchargement du 27e rapport 2022.

Jeunes entravés dans leur accès à l’autonomie, quartiers populaires enlisés, ménages touchés par la hausse des loyers et des prix de l’énergie, service d’accompagnement social engorgés… la crise du logement continue de fracturer en profondeur notre société.

Ce rapport est aussi l’occasion de dresser un bilan critique du quinquennat écoulé au regard des politique de lutte contre le mal-logement et la pauvreté. Ce mandat s’achève loin des promesses d’un « choc de l’offre » de logements et d’un accès important au « Logement d’abord » alors que notre pays compte 300 000 personnes privées de domicile fixe.

Dans un contexte de choix budgétaires et fiscaux profondément inégalitaires entérinés dès 2017, les politiques du logement ont peiné à inverser la tendance. Les crises des gilets jaunes et du Covid ont été l’occasion de soutenir les ménages modestes, d’ouvrir davantage de places d’hébergement d’urgence et de soutenir les aides à la rénovation énergétique, mais les plus pauvres restent les oubliés de ce quinquennat.

Ce rapport est aussi l’occasion de dresser un bilan critique du quinquennat écoulé au regard des politique de lutte contre le mal-logement et la pauvreté. Ce mandat s’achève loin des promesses d’un « choc de l’offre » de logements et d’un accès important au « Logement d’abord » alors que notre pays compte 300 000 personnes privées de domicile fixe.

Enfin, la Fondation dévoile ici ses propositions pour l’élection présidentielle :

Relance du Logement d’abord et du logement social, encadrement des loyers, sécurité sociale du logement, éradication des passoires énergétiques, redistribution des richesses, agence nationale des travaux d’office…

À travers ces propositions, la Fondation Abbé Pierre appelle à la mobilisation générale pour faire face à la politique du logement. Cette mobilisation nécessite de nouvelles politiques de la part de l’Etat, mais aussi une implication sans faille des collectivités locales.

La Fondation Abbé Pierre appelle les candidates et candidats aux élections présidentielle et législatives à s’emparer de ces thèmes pour ne pas se résigner à voir s’accentuer la crise du logement et les fractures qu’elle creuse dans notre société.

28/03/2022

A LA UNE

The Icons on Ammo Boxes: Art by Oleksandr Klymenko-The Savior

Image étonnante que celle de cette œuvre réalisée il y a quelques années par l’artiste ukrainien Oleksandr Klymenko.
Le Christ ressuscité, « Le Sauveur », a été peint à même le bois d’un couvercle d’une caisse de munitions.

Sur le bois,
Mort et Vie se mêlent ensemble.
Le Ressuscité recouvre et transforme ce bois marqué par la mort.

Aujourd’hui, nous assistons avec impuissance à l’invasion d’un pays, au massacre d’un peuple obligé de fuir … quand il peut encore le faire. Nous sommes les spectateurs à la fois proches et lointains de la souffrance d’hommes et de femmes victimes de la guerre en Ukraine, mais aussi dans beaucoup d’autres régions du monde.

Le temps de crises que nous traversons depuis maintenant 2 ans, nous a aussi remis devant notre finitude, la fragilité d’une vie et l’expérience de la mort.

La préparation de l’Assemblée Générale 2023 de la Mission de France nous invite à relire en équipes comment ce temps nous interroge, ce qui s’y vit d’une expérience humaine blessée et meurtrie, et à nous aider mutuellement à balbutier des paroles de foi.

Où puiser les étincelles d’espérance dont nous avons besoin, et que la fraternité nous presse à partager avec ceux dont nous sommes proches, ou avec d’autres visages plus éloignés ?
Quel temps prenons-nous ensemble pour recevoir de l’écoute des Écritures une parole de Dieu pour aujourd’hui ?

Nous sommes en route vers Pâques, et c’est encore et toujours vers le Christ que nous sommes invités à tourner notre regard, à découvrir par lui le Dieu de la Vie et à proclamer avec l’apôtre Paul : « Si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui » (Rm 6, 8).

Anne SONCARRIEU, Déléguée GénéraleAnne SONCARRIEU élue et nommée « Déléguée générale de la Mission de France  » ! - Journal de Denis Chautard

GUERRE EN UKRAINE: UN COMBAT METAHYSIQUE DISENT-T'ILS

GARRIGUES ET SENTIERS.GIFLa guerre déclenchée par le président russe contre l’Ukraine n’est pas une guerre de religion. Plutôt une croisade expansionniste menée au nom de la pureté russe inspirée par l’orthodoxie, afin de lutter contre l’Occident décadent et menaçant.

Le patriarche orthodoxe russe Kirill, l’un des théoriciens de ce discours, confirme, bénit, et sacralise une telle manipulation de la foi chrétienne au service de la guerre. Tout en affirmant que « là où est le diable, là aussi est le mensonge » il ose expliquer que « les ennemis (extérieurs) des peuples russes et ukrainiens s’efforcent par tous les moyens de leur insinuer : vous êtes des ennemis, vous devez faire la guerre ». Il évoque « un combat métaphysique au nom du droit de se tenir du côté de la lumière, du côté de la vérité de Dieu, de ce que nous révèlent la lumière du Christ, sa parole, son Évangile ». Devant tant de mensonges, il me faut bien croire que le diable existe !  

Un détournement de l’histoire

Les autorités russes réécrivent l’histoire pour nier toute existence autonome à l’Ukraine, « fabrication de Lénine », contaminée par l’idéologie nazie, et gagnée par la fièvre maléfique occidentale.

En 988, sous l’autorité du Prince Vladimir, la Rus’ fut baptisée à Kiev et devint chrétienne. Après la rupture en 1054, entre Rome et Constantinople, le fossé s’est creusé ; la religion fut manipulée par tous les pouvoirs. Moscou, la « Nouvelle Rome » devint Église indépendante en 1448, tout en maintenant la prééminence de principe de Constantinople. Peu à peu, les églises situées à proximité de la Russie renforcèrent leurs liens avec Moscou, contre l’ouest. Les liens nationalistes entre l’Église orthodoxe russe et le pouvoir en place furent toujours très fusionnels.

La rupture avec Constantinople fut consommée lorsque Moscou refusa de participer au grand concile panorthodoxe réuni en 2016. Des églises orthodoxes autocéphales, indépendantes des deux grands centres de l’orthodoxie, se formèrent dans divers pays, au gré des évènements. 

En Ukraine, l’Église liée à Moscou est la plus nombreuse. En 2018 une Église orthodoxe ukrainienne indépendante fut créée et reconnue par Constantinople. Il existe aussi une forte église Gréco-catholique rattachée à Rome.

La communion orthodoxe menacée

Certains responsables orthodoxes, pourtant rattachés au patriarcat de Moscou, contestent le discours de Kirill cité plus haut. Ainsi Jean, le patriarche des Églises orthodoxes européennes de tradition russe : « Je ne peux souscrire à une pareille lecture de l’Évangile. Une telle guerre ne peut avoir de justification ni devant Dieu ni devant les hommes ». Il appelle à une condamnation de l’agression russe. L’Église orthodoxe ukrainienne proche de Moscou manifeste également des « fissures » à l’égard du discours officiel. Le métropolite de Lviv (Ukraine) écrit : « Nous voulons une Église indépendante de Moscou pour une raison simple : la Russie est l’agresseur, elle attaque l’Ukraine et le patriarche Kirill ne reconnaît pas cette réalité ». Le courage et une certaine liberté restent bien vivants malgré l’autoritarisme destructeur. 

Si les responsables orthodoxes liés à Moscou sont beaucoup plus prudents en Serbie, Albanie, Tchéquie, Slovaquie, etc., le patriarche Bartholomé de Constantinople a pris position et condamné fermement l’agression russe. Il est suivi par de nombreuses églises orthodoxes à travers le monde. Une démarche de véritable communion sera-t-elle possible après de tels déchirements ?

Et le pape dans tout cela ?

Le pape François a, dès le début du conflit, dit son horreur de la guerre et sa compassion pour les victimes. Il lui fut reproché de ne pas avoir tout de suite désigné le coupable, au nom de la « retenue » du Vatican qui caresse depuis des décennies le projet d’une rencontre au sommet entre Moscou et Rome (Le Monde, 10 mars). Diplomatie oblige, affirment certains. 

Le 13 mars, le pape déplora la barbarie, les bombardements et demanda que soit mis fin immédiatement à « l’inacceptable agression armée. Dieu est seulement le Dieu de la paix, Il n’est pas le Dieu de la guerre et qui soutient la violence en profane le nom ». Sa position est bien claire. Les deux responsables religieux ont pu s’entretenir de la gravité de la situation. 

Par ailleurs, la doctrine catholique ne met pas en cause la légitime défense d’un peuple contre une agression, mais invite la communauté mondiale à se méfier de toute guerre dite « juste ». À aucun moment l’on ne peut prétendre « humaniser la guerre ». Le pape confirme la condamnation de la guerre d’agression et de toute arme de destruction massive. Il met des conditions à la « la guerre juste » sans jamais la légitimer (encyclique Fratelli Tutti).

Dramatique occasion pour toute personne de bonne volonté de s’interroger sur la création progressive des conditions individuelles et mondiales qui empêcheront de céder à la tentation guerrière.

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Guy Aurenche, né en 1946, est un avocat français, militant des droits de l'homme, président d’honneur de la Fédération internationale de l'action des chrétiens pour l'abolition de la torture et ancien président du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD-Terre solidaire)1.         

 

26/03/2022

A OUJGOROD, UKAINE, L'ETRANGE COHABITATION DE L'INSOUCIANCE ET DE LA GUERRE

Quand on arrive dans la ville ukrainienne d’Oujgorod, près de la frontière slovaque, on est frappé par l’ambiance paisible qui y règne.

Publié le par Jacques Duplessy

Au bord de l’Ouj, la rivière dont la ville tire son nom, les promeneurs profitent du soleil et de la douceur le long du quai, les pêcheurs ont mis les lignes à l’eau. Non loin de là, les cafés ont sorti les terrasses et les tables affichent complet, des musiciens jouent des chansons traditionnelles. Cette vie en apparence insouciante loin du fracas des armes, c’est ce qui a surpris Juliana, une déplacée de Kiev. « J’ai fui la capitale avec mon mari et mes deux enfants pour venir retrouver mes parents qui habitent ici. Il nous a fallu dix-sept heures de train pour arriver à Oujgorod. Cela fait du bien de voir des magasins ouverts, de ne plus entendre le bruit des bombes. »

Mais la guerre se rappelle aux habitants de multiples manières. Mercredi, la sirène annonçant un possible bombardement les a réveillés en sursaut à 4 heures. Une fausse alerte. Dans le centre historique, un homme appelle d’une voix forte à donner pour aider les déplacés et financer des équipements militaires. Un peu plus loin, une affiche à la gloire des missiles antichars américains Javelin a été placardée dans une rue commerçante. À quelques pas de là, ceux qui ont fui les combats font la queue devant un bâtiment municipal pour trouver un logement provisoire. Environ 3 000 nouveaux déplacés rejoignent ce havre de paix chaque jour. Ils étaient plus nombreux encore au début de la guerre. Près de 500 000 personnes ont transité par la région pour fuir vers les pays voisins et plus de 80 000 sont installées dans la ville. Beaucoup sont partis sans rien et dépendent de l’aide humanitaire.

Face aux désastres de la guerre, c’est l’Ukraine tout entière qui s’est mobilisée. « L’État s’occupe prioritairement de l’armée, raconte Nathalia Kabatsiy, la directrice de l’ONG Comité d’aide médicale. Ce sont les associations qui s’occupent principalement des populations civiles touchées. Nous avons fait deux révolutions en Ukraine et il y a la guerre au Donbass depuis 2014, alors nous avons l’habitude de nous organiser. Nous avons des réseaux très efficaces. Heureusement, car l’État est un peu dépassé et il y a pas mal de désorganisation. » Le téléphone de la jeune femme ne cesse de sonner, tantôt pour transmettre des demandes, tantôt pour annoncer l’arrivée d’un camion.

« Notre association s’occupait des réfugiés en Ukraine et d’améliorer la prise en charge des personnes handicapées, raconte Nathalia. Je n’avais pas fait d’aide d’urgence depuis les inondations dans la région en 1998 ! Mais les réflexes reviennent vite. » En quelques jours, l’ONG est devenue la chef de file de l’aide humanitaire pour la région de Transcarpatie. Elle loue désormais deux entrepôts dans la ville et un autre en Slovaquie. L’équipe s’est étoffée et compte à présent une dizaine de salariés et une centaine de bénévoles. Grâce à ses partenaires de toute l’Europe, des camions remplis de produits de première nécessité arrivent chaque jour. Ce vendredi matin, deux semi-remorques en provenance d’Autriche et de Paris se présentent. « C’est le cinquième camion qui vient de France, raconte Nathalia, un autre doit arriver demain. Je viens d’apprendre que la Fédération nationale de protection civile doit nous livrer dix camions de duvets et de matériel médical. L’élan de solidarité est vraiment extraordinaire. » Ouest-France Solidarité, l’association du quotidien éponyme, a, elle, versé 45 000 euros pour aider aux frais logistiques et plus de 80 000 euros pour acheter des médicaments qui manquent cruellement.

Le Comité d’aide médicale ne fait pas que venir en aide aux déplacés de la région. Devant le quai de chargement, des véhicules se présentent pour des envois vers les villes touchées par les combats ou proche de la ligne de front, comme Kiev, Kharkiv ou Odessa. Le ballet est incessant. Le gouvernement met aussi gratuitement à disposition des wagons de fret. « Oujgorod et Lviv ne sont pas touchées directement par la guerretémoigne la responsable de l’association. Ces deux villes sont devenues les nœuds humanitaires du pays. »

En traversant le centre-ville d’Oujgorod, Nathalia contemple les terrasses de café : « Ça me fait bizarre de voir ça. Depuis le 24 février, je n’ai pas pris un jour de repos. J’ai l’impression qu’on est un peu dans des mondes parallèles. »

De notre envoyé spécial le par Jacques DUPLESSIS, prêtre de la MISSION DE FRANCE  / Jacques Duplessy

Photo : Kap olenaCC BY-SA 4.0,

11/03/2022

MESSAGE DE CARÊME D'HERVE GIRAUD, PRELAT DE LA MISSION DE FRANCE

« J’écoute: que dira le Seigneur Dieu ? Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles ; qu’ils ne reviennent jamais à leur folie ! » (Ps 84,9)

MDF HG.GIF

L’intervention militaire de la Fédération de Russie en Ukraine a provoqué dans le monde une immense inquiétude. Elle rappelle les guerres du passé, elle nous oblige à ouvrir les yeux sur celles du présent parfois vite oubliées. Le 18 mars 2003, jour du déclenchement de l’invasion de l’Irak par les États-Unis, Jean-Paul II déclarait par son porte-parole : « Qui décide que tous les moyens pacifiques prévus par le droit international sont épuisés assume une grave responsabilité devant Dieu, devant sa conscience et devant l’histoire. » Quel qu’en soit le camp, chaque victime sera de trop : mort, blessé, exilé ou personne séparée de ses proches.

Dans ce contexte, le pape François invite l’Église catholique « à faire du 2 mars, mercredi des Cendres, une journée de prière et de jeûne pour la paix en Ukraine pour être proche des souffrances du peuple ukrainien, pour sentir que nous sommes tous frères et sœurs et pour implorer de Dieu la fin de la guerre ». Les fidèles du Christ dans notre diocèse s’associeront à cette journée. Nous le ferons dans l’attitude qui convient à tous les artisans de paix : sans haine, sans naïveté, sans donner prise au mal ou aux mensonges, avec ferveur.

Des fidèles me demandent parfois si la prière est vraiment efficace « car je prie… et Dieu ne me répond pas ». Saint Augustin écrivait : « Comme dit le Seigneur lui-même, nous prions celui qui sait, avant que nous le lui demandions, ce qui nous est nécessaire. » De fait, Dieu n’ignore pas les besoins du monde. Mais il veut que, par notre prière, « nous soyons capables d’accueillir ce qu’il s’apprête à nous donner » et d’agir en conséquence. Prier pour la paix, en Église, c’est déjà le signe que nous prenons au sérieux l’état de notre monde, tel que Dieu le voit et continue de l’aimer et de le sauver. Prier pour la paix, c’est ensuite prendre conscience qu’elle nous est déjà donnée et que nous en avons tous besoin. Elle est le premier don du Seigneur ressuscité après sa résurrection d’entre les morts : « La paix soit avec vous ». Prier c’est prendre le temps de nous laisser toucher par le don du Christ : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne » (Jn 14,27). Prier pour la paix c’est prendre conscience qu’elle nous manque encore ici-bas, et qu’il est de notre responsabilité de la transmettre. Prier pour la paix, ce n’est pas nous exonérer d’agir pour elle. Le don de Dieu est donc aussi un appel de Dieu : « Où es ton frère ? … Qu’as-tu fait ? » (Gn 4,9-10). La paix ne peut se répandre que par nous. Prier pour la paix, c’est donc la désirer, la recevoir, la transmettre, agir pour elle et donc espérer qu’elle arrive, non par nos forces, mais par celle de l’Esprit Saint. Dieu répond donc à notre prière… quand nous la disons tout simplement, quand nous la faisons ! Oui, il est bon, dans cet Esprit, de « faire une prière », car c’est déjà faire le bien, comme le demande saint Paul : « Ne nous lassons pas de faire le bien… travaillons au bien de tous. » (Ga 6, 9-10a). Prions pour les victimes ; prions pour les coupables de violences ; prions aussi pour les responsables politiques. C’est aussi une manière de nous sentir parfois proches de ceux que l’on considère comme des ennemis !

En ce mercredi des Cendres, en ce temps de guerre, la prière ne suffit pas. L’Évangile invite à partager, prier et jeûner. « Quand tu fais l’aumône… Quand tu pries… Quand tu jeûnes… » Jeûner et prier demandent surtout de décider d’un jour pour jeûner ou d’une heure pour prier ; « faire l’aumône » – partager – demande aussi de bien réfléchir. Des associations multiples s’engagent avec les plus pauvres d’entre nous. Peut-être faut-il ajouter à nos partages habituels un soutien particulier en faveur de la paix, notamment envers les Ukrainiens. Peut-être faut-il décider de se priver de ce qui nous semble nécessaire. Notre foi n’exige-t-elle pas de mettre l’argent à sa juste place pour le service de tous ? Le pouvoir d’achat est d’abord d’assurer le minimum vital à ceux qui ne l’ont pas. Un ami français en Ukraine m’écrivait ces jours-ci : « Le message de Jésus n’a jamais été aussi en contradiction avec nos vies d’hyper-matérialistes que maintenant… de cette contradiction noire, peut jaillir la lumière.  Sous quelle forme, je ne sais. La guerre vécue remet tous les compteurs existentiels à zéro. »

Permettez que je termine avec les mots du pape François pour ce carême : « Face à l’amère déception de tant de rêves brisés, face à l’inquiétude devant les défis qui nous attendent, face au découragement dû à la pauvreté de nos moyens, la tentation est de se replier sur son propre égoïsme individualiste et de se réfugier dans l’indifférence aux souffrances des autres. (…) S’il est vrai que toute notre vie est un temps pour semer le bien, profitons particulièrement de ce Carême pour prendre soin de nos proches, pour nous rendre proches de ces frères et sœurs blessés sur le chemin de la vie. »

Mgr Hervé GIRAUD

10/03/2022

EN UKRAINE, TOUT UN PEUPLE S'EST LEVE

TC.GIFPublié le 10 mars 2022
par Laurent Grzybowski  Laurent GRZYBOWSKI (PARIS) - Copains d'avant
Deux semaines déjà qu’un peuple s’est levé, résistant, refusant l’inévitable. Devant l’invasion de leur pays par la puissante armée russe, la bravoure et la détermination des Ukrainiens et des Ukrainiennes nous donnent une prodigieuse leçon de résistance. Plus les troupes surarmées de Vladimir Poutine avancent, plus les citoyens sont nombreux à s’engager. Étudiants, instituteurs, chauffeurs de taxi, ouvriers, artisans, un grand nombre d’entre eux ont répondu à l’appel de leur leader, Volodymyr Zelensky.

Se filmant lui-même dans les rues de Kiev, après avoir refusé sèchement toutes les propositions d’exfiltration – « C’est ici qu’ont lieu les combats, j’ai besoin de munitions, pas d’un taxi ! » –, l’ancien comédien devenu président a su galvaniser son peuple. À l’instar du maire de la ville, Vitali Klitschko, ex-champion du monde de boxe, cet homme prêt à sacrifier sa vie incarne le sentiment national ukrainien, portant la contestation vis-à-vis de la Russie à un niveau jamais atteint en Ukraine. Car, face à la brutalité de l’ennemi, la résistance ukrainienne est aussi spirituelle.

À Kiev, tandis que les hommes creusent des tranchées et s’apprêtent à combattre l’ennemi presque à mains nues, leurs épouses, mères et grands-mères s’activent dans des ateliers de fabrication de cocktails Molotov, l’arme des pauvres. Ce n’est pas la première fois que les Ukrainiens doivent se battre pour leur survie. Avec une méthode éprouvée, celle de la guérilla. Les soldats russes ne le savent peut-être pas encore, mais ils vont devoir faire face à une population soudée et déterminée qui va passer son temps à les harceler en leur infligeant de lourdes pertes. Il arrivera un moment où les bombes ne suffiront plus à assurer la victoire.

Il existe en Ukraine une forte tradition de guerre partisane, et le concept de « défense territoriale » – des groupes d’insurgés menant de petites actions sur un terrain qu’ils connaissent bien – y est profondément ancré. Au début de la guerre froide, après que le pays eut été libéré de l’occupation allemande, l’Armée insurrectionnelle ukrainienne a lancé une guérilla contre les Soviétiques. Elle n’a été définitivement vaincue qu’en 1953. S’il a été largement oublié par le reste du monde, ce conflit est bien présent dans les mémoires en Ukraine.

Dans cette lutte acharnée actuelle, les médias sociaux jouent un rôle majeur. À l’image de leur Président, produit talentueux de la télévision et donc orfèvre en la matière, les Ukrainiens en ont fait leur arme de mobilisation massive, à l’intérieur du pays comme à l’extérieur. Avec un avantage indéniable : la justesse même de leur cause. Quoi de plus légitime, en effet, que de s’opposer à un envahisseur dont le but affiché est de détruire un pays en tant qu’État indépendant ? En diffusant des scènes déchirantes de résistance devant l’armée russe par des citoyens aux mains nues, les Ukrainiens montrent qu’ils sont non seulement des héros, mais aussi des éveilleurs de consciences.

Laurent Grzybowski

07/03/2022

SAVOIR VIVRE ET SAVOIR MOURIR

TC.GIF

L’expression « Mourir pour Dantzig » hante nos consciences, reconvertie en « Mourir ou ne pas mourir pour Kiev. » Et nous voici acculés à des réflexions que nous aurions souhaité ne plus jamais avoir à affronter. De fait, nos enfants et petits-enfants n’iront pas mourir en Ukraine. L’état des forces et des traités nous en dispense. Sauf si la folie du satrape russe nous rattrapait, soit qu’il décide de franchir d’autres frontières que nous nous sommes engagés à défendre – pays baltes, Pologne… –, soit qu’il soit assez irresponsable, et ceux qui l’entourent avec lui, pour nous jeter dans un conflit nucléaire.

La brûlante situation qui amène la guerre sur le territoire de l’Europe nous rappelle que la construction européenne n’a pas pour but de nous engager à mourir ici ou là mais à nous faire vivre en paix, ce qui a été le cas depuis plus de soixante-quinze ans. De fait, l’Europe montre un front plus fort et plus uni que ce qu’imaginait M. Poutine, lequel comptait sur notre faiblesse et précisément – le mot est de l’un de ses diplomates – sur le fait que nous, Occidentaux vautrés dans notre confort, « ne savions plus pour quoi nous serions prêts à mourir ».

S’il n’est pas à l’ordre du jour de mourir – et espérons que cela le demeurera –, il est question de vivre et de vivre debout. Cela signifie que pendant que les Ukrainiens et Ukrainiennes sont en train de se battre avec héroïsme, dans une lutte inégale, nous prenions notre part en acceptant les désagréments réels générés par le conflit et les sanctions que nous prenons contre l’agresseur russe. À ce titre, on ne peut qu’être navrés de dégoût quand une Marine Le Pen, dont on sait l’admiration qu’elle a professé pour les démonstrations de puissance virile du Russe, réagit à l’annonce de la guerre en Ukraine en s’inquiétant de ses conséquences sur le pouvoir d’achat de Français et de Françaises. D’Éric Zemmour, qui rêvait d’un Poutine en France, ou rêvait d’être le Poutine français, mieux vaut ne rien dire tant il est clair que chez lui le pétainisme réel a pris le pas sur le gaullisme imaginaire qu’il revendique.

Il est des moments qui sont historiques parce qu’ils déterminent l’avenir. Le nôtre, celui de la démocratie, a un prix, espérons que ce ne sera pas celui de nos vies mais seulement celui du pain, des pâtes, du pétrole et du gaz.

Christine Pedotti Christine_Pedotti-100x100 (2).jpg

04/03/2022

"QUAND JE VOTE, JE PRENDS MA PLACE"

EDITO - COMMUNAUTE MISSION DE FRANCE

Du nouveau ?

L’expérience de l’épidémie mondiale est venue nous bousculer. Elle nous a rappelé quelques fondamentaux : on a besoin les uns des autres, nul ne peut s’en sortir tout seul et la place essentielle dans la société des travailleurs de la première ligne, les « invisibles » comme on disait. Cette période a fait aussi surgir nombre d’initiatives de solidarité. Chacun est invité à participer au collectif, à se sentir responsable dans la société : quand je vote, je participe à la vie démocratique. Cette crise nous a fait rêver du « monde d’après »…

« Quand je vote, je prends ma place. »
Dans cette campagne électorale, des chrétiens de l’Essonne partagent leurs convictions et l’Espérance qui les anime.

L’expérience de l’épidémie mondiale est venue nous bousculer. Elle nous a rappelé quelques fondamentaux : on a besoin les uns des autres, nul ne peut s’en sortir tout seul et la place essentielle dans la société des travailleurs de la première ligne, les « invisibles » comme on disait. Cette période a fait aussi surgir nombre d’initiatives de solidarité. Chacun est invité à participer au collectif, à se sentir responsable dans la société : quand je vote, je participe à la vie démocratique.

Cette crise nous a fait rêver du « monde d’après » : corriger les excès du « toujours plus », construire une société qui prenne en compte l’urgence climatique, valoriser le bien commun et ne laisser personne sur les bas cotés.

Et pourtant aujourd’hui nous constatons de grosses difficultés dans le fonctionnement des hôpitaux et des services publics, une diminution des allocations de chômage, de sévères défaillances dans la prise en charge des personnes très âgées et des personnes en situation de handicap, l’augmentation de la précarité chez les jeunes et la stigmatisation des personnes migrantes. Les écarts de revenus continuent de se creuser.  Face à ces défis, là où nous sommes, dans nos quartiers, nos associations… nous sommes présents et force de proposition à notre échelle.

L’Evangile nous invite constamment à faire du neuf et à regarder en avant.

Nous voulons apporter notre pierre pour construire une société basée sur le bien commun, la rencontre, le respect de chacun et de chacune, le dialogue, la participation de tous et toutes, la solidarité et la fraternité. Nous ne pouvons pas accepter l’appel à la haine, à la discrimination et au rejet de certaines personnes.

Chrétiens, solidaires de cette humanité, interrogeons-nous sur ce que nous pouvons apporter en toute humilité, mais avec détermination pour que chaque être humain, notre sœur, notre frère, habitant de la « Maison Commune », ici ou là-bas, puisse vivre et s’épanouir dans la dignité.

Recherchons les moyens de nous informer afin d’éclairer notre choix électoral.

Voter est un droit ! Nous avons la responsabilité de l’exercer.

Pour conclure, écoutons le Pape François : « Il est inacceptable que les chrétiens… [fassent] parfois prévaloir certaines préférences politiques sur les convictions profondes de leur foi : la dignité inaliénable de chaque personne humaine indépendamment de son origine, de sa couleur ou de sa religion, et la loi suprême de l’amour fraternel. » Fratelli Tutti n°39.

Mouvements signataires