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21/03/2024

AIDE A MOURIR OU SOINS PALLIATIFS ? LES DEUX

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Publié le 

Il était temps. Après un avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), puis une conférence citoyenne organisée par le Conseil économique social et environnemental (Cese) et dont les conclusions ont été remises il y a presqu’un an, Emmanuel Macron s’est enfin décidé à honorer une promesse de campagne de 2022 en proposant de légiférer sur l’aide à mourir. Bien sûr, on ne peut s’empêcher de penser que c’est le souci de redonner, à défaut d’une dimension sociale, une dimension sociétale à son quinquennat qui l’a conduit à passer outre les messages d’opposition réitérés qui lui ont été adressés par l’Église catholique, y compris, au plus haut niveau, par un pape qui a, lors de son déplacement à Marseille en 2023, dénoncé la « perspective faussement digne d’une mort douce, en réalité plus salée que les eaux de la mer ».

Pourtant, on a rarement vu une préparation éthique et démocratique aussi approfondie. Avant ces travaux, beaucoup pensaient que l’équilibre atteint par la loi Claeys-Leonetti de 2016 suffisait. Il repose, sous réserve des directives anticipées du patient, sur le principe de la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Le problème, c’est que, comme l’ont montré les travaux tant du CCNE que de la convention citoyenne, cet équilibre laisse de côté tout une série de situations. C’était le cas de celle de Paulette ­Guinchard-Kunstler, ancienne secrétaire d’État aux Personnes âgées, qui n’était pas particulièrement favorable au « droit à mourir », mais qui, atteinte d’une maladie neurologique, a choisi de recourir au suicide assisté en Suisse, faute de pouvoir bénéficier en France d’un dispositif légal. C’est ce type de situation que vise la nouvelle loi. Des situations où le processus létal n’est pas suffisamment engagé pour qu’il puisse être accéléré, mais qui conduisent à une forme de mort psychologique et sociale. Cette vie biologique végétative et souffrante est-elle encore une vie humaine ? C’est la question que devraient se poser tous ceux qui crient à la rupture anthropo­logique. S’il y a rupture, ce n’est pas là, mais dans la mort elle-même, qui est de moins en moins souvent un passage immédiat de la vie à la non-vie.

Attention toutefois, l’arbre de l’aide à mourir ne doit pas cacher la forêt du problème de société majeur que génère cette évolution. Les opposants à la légalisation ont pointé un risque de dérive : la substitution du recours à l’aide à mourir, beaucoup moins coûteuse, aux soins palliatifs. Un risque probablement surestimé : on voit mal les soignants éliminer les personnes en fin de vie pour faire faire des économies à l’assurance maladie. Mais le vrai problème n’est pas là : le droit à mourir dans des conditions humaines n’était accessible en 2022 qu’à un de nos concitoyens sur deux : le développement des lits de soins palliatifs stagne depuis 2019, alors que leur existence est une condition de l’application de la loi Claeys-­Leonetti. Bien sûr, ce ne sont pas les déclarations qui ont manqué, mais la politique de rationnement que recouvre l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), qui est la principale cause de la crise du système de santé, n’a pas permis de dégager les marges de manœuvre nécessaires pour investir dans ces soins.

Pour rassurer, l’exécutif a prévu que la loi inclue un volet sur les soins palliatifs, dont le principal enjeu serait, semble-t-il, de changer leur nom. Mais il n’est pas besoin de légiférer, ni a fortiori de changer leur nom, pour développer les soins palliatifs. C’est d’abord une question de moyens pour former les soignants, pour créer de nouvelles unités, pour en financer le fonctionnement. Aujourd’hui la dépense annuelle qui leur est consacrée est de 1,6 milliard d’euros, auxquels la « stratégie décennale » qui devrait être présentée à la fin du mois de mars a prévu d’ajouter un milliard d’ici dix ans. On voit bien que cela ne doublera pas l’offre face à un besoin qui va continuer d’augmenter du fait du vieillissement de la population. Surtout, cela suppose une augmentation annuelle de plus de 6 % de l’enveloppe consacrée à ces soins – soit le double du taux de croissance de l’Ondam prévu pour 2024 – qu’il faudra voter chaque année, dans un contexte où le ministre de l’Économie annonce la nécessité d’économies supplémentaires sur l’assurance maladie. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce n’est pas gagné.

Daniel Lenoir

 

19/03/2024

PAPE ET VATICAN - MESSAGE ADRESSE AU MONDE RURAL

VATICAN NEWS

Dans un message adressé à l'occasion de la 8e conférence du Forum rural mondial, qui se tient à partir d'aujourd'hui et jusqu'au 21 mars au Pays basque, ... 

Le Pape a fait l'éloge des agriculteurs familiaux dans son message adressé à l'occasion de la 8e conférence du Forum rural mondial.

Le Pape: respecter les petits agriculteurs, les femmes et les jeunes, moteurs de l'avenir

Dans un message adressé à l'occasion de la 8e conférence du Forum rural mondial, qui se tient à partir d'aujourd'hui et jusqu'au 21 mars au Pays basque, François apporte son soutien aux petits agriculteurs, «essentiels pour rendre les systèmes agroalimentaires plus inclusifs, plus résistants et plus efficaces», regrettant qu’ils soient «affectés par la pauvreté et le manque d'opportunités».
Mettant l’accent sur «les progrès dans l'éradication de la faim, la réduction des inégalités, la protection et la sauvegarde de notre planète», François adresse un message d’encouragement et de proximité de l'Église aux petits agriculteurs et à leurs familles, dans une lettre à l'occasion de la conférence mondiale du Forum Rural Mondial. Il s'agit d'un événement majeur qui réunit les principaux dirigeants du monde agricole familial des cinq continents, ainsi que des représentants de gouvernements, d'institutions internationales, de centres de recherche, de fondations, d'organisations de consommateurs, de jeunes et d'agricultrices. La huitième édition de la conférence est intitulée "Agriculture familiale: durabilité de notre planète", débute ce mardi 19 mars, et se poursuivra jusqu'au 21 mars à Vitoria-Gasteiz, dans le Pays basque espagnol.

Pauvreté et manque d'opportunités

Le Souverain pontife, dans sa lettre à Martín Uriarte Zugazabeitia, président du Forum mondial, fait l'éloge des agriculteurs familiaux «pour la manière solidaire dont ils travaillent et pour le respect et la douceur avec lesquels ils cultivent la terre». Ils sont «essentiels pour rendre les systèmes agroalimentaires plus inclusifs, résilients et efficaces», mais malheureusement, note le Pape, «malgré leur rôle de premier plan dans le progrès de leurs peuples et leur contribution considérable à la production alimentaire mondiale, ils continuent d'être affectés par la pauvreté et la rareté des opportunités».

 

Agriculteurs: une quinzaine d’évêques français solidaires du mouvement

Besoins humains, spirituels, sociaux et techniques

Le successeur de Pierre réitère son invitation à prêter attention aux besoins humains, spirituels et sociaux des agriculteurs, ainsi qu'à leurs besoins techniques: «L'entreprise familiale, en plus d'être une entité productive, est le lieu d'appartenance des personnes, le lieu où elles se sentent comprises et valorisées pour leur dignité, et pas seulement pour ce qu'elles produisent ou pour les résultats qu'elles obtiennent», écrit-il. Il rappelle «l'importance de renforcer les liens qui unissent ses membres, du respect de leurs traditions religieuses, de leurs gisements culturels et de leurs pratiques agricoles».

Le rôle des femmes et des jeunes est important

Parallèlement, l’évêque de Rome souligne «le rôle irremplaçable du génie féminin» dans le contexte agricole: «Les femmes de la ruralité représentent une boussole sûre pour leurs familles, un point d'appui solide pour le progrès de l'économie, surtout dans les pays en voie de développement, où elles ne sont pas seulement bénéficiaires, mais véritables moteurs du progrès des sociétés dans lesquelles elles vivent». Enfin, le Pape n'oublie pas le rôle des jeunes dans l'agriculture: «La véritable révolution pour un avenir alimentaire commence par la formation et l'autonomisation des nouvelles générations», dit-il, «le don que les jeunes nous offrent est celui de solutions innovantes à des problèmes anciens et le courage de ne pas se laisser conditionner par une pensée à courte vue qui résiste au changement».

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9 mars 2024, 11:34

MGR ERIC DE MOULINS BEAUFORT : « Nous portons avec nous notre monde fatigué, inquiet, déchiré par des guerres »

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Dans son discours d’ouverture de l’Assemblée des évêques de France de printemps mardi 19 mars, à Lourdes, Mgr Éric de Moulins-Beaufort évoque les dispositifs mis en œuvre pour lutter contre les abus dans l’Église. Il annonce également un texte commun pour dire l’inquiétude des évêques face au projet de loi sur la fin de vie.

  • Christophe Henning, / 

Mgr Éric de Moulins-Beaufort : « Nous portons avec nous notre monde fatigué, inquiet, déchiré par des guerres »

MGR ERIC DE MOULINS BEAUFORT

Président de la Conférence des évêques de France et archevêque de Reims, Mgr Éric de Moulins-Beaufort a ouvert ce mardi 19 mars l’Assemblée plénière des évêques réunis à Lourdes jusqu’au 22 mars. Une large part de cette session est consacrée au suivi des dispositifs mis en œuvre pour lutter contre les violences sexuelles et assurer l’accompagnement des personnes victimes. Les évêques travailleront aussi à la nouvelle organisation de la Conférence épiscopale, organe national de l’Église de France.

« Nous travaillons avec persévérance à mettre en œuvre ce que nous avons décidé, a déclaré Mgr de Moulins-Beaufort à propos des violences sexuelles et abus spirituels. Il convient cependant que nous avancions sans faiblir le pas, tant pour progresser dans l’accompagnement de la vie des prêtres que dans la définition d’une charte de l’accompagnement spirituel. » Le président de la CEF a indiqué par ailleurs que les « visites régulières » des évêques s’étaient mises en place, sorte de visite fraternelle effectuée par un autre évêque ou un laïc pour porter un regard autre sur le diocèse : « Deux ont déjà eu lieu et plusieurs autres sont demandées et auront lieu dans les mois qui viennent. »

En mars 2025, un rassemblement des évêques et de laïcs devra faire un point d’étape des mesures prises « pour tirer les leçons de la révélation des violences sexuelles et des abus de pouvoir commis dans notre Église, a poursuivi le président de la CEF. Si nous pouvons finir un jour de prendre des décisions, nous ne finirons pas d’être attentifs, vigilants et de relancer notre dynamisme sur ces sujets afin d’œuvrer pour un changement structurel de culture ».

Réforme structurelle

C’est l’autre part importante de cette session : les évêques travailleront à la réorganisation des structures nationales. Dans la série des décisions à prendre, les évêques devront valider les nouveaux statuts de la Conférence. Les six pôles prévus lors d’une précédente assemblée vont être renforcés par des commissions épiscopales qui pourront s’appuyer sur des personnes extérieures, possiblement laïques.

Une part des échanges sera consacrée cette semaine au diaconat permanent dont l’Église célèbre cette année le 60e anniversaire du rétablissement : « Nous pouvons remercier les hommes qui ont accepté de se laisser appeler pour devenir des ministres ordonnés dans le Corps du Christ et de voir leur vie familiale, professionnelle, sociale, porter de manière nouvelle la marque du Christ, a déclaré Mgr de Moulins-Beaufort. Nous remercions leurs épouses, qui les ont soutenus et les soutiennent dans cette aventure, et leurs enfants et petits-enfants. »

Le président a terminé son intervention en évoquant les questions sociétales : « En nous réunissant ici, nous portons avec nous notre monde fatigué, inquiet, déchiré par des guerres que nous ne pouvons oublier et des tensions que nous ne pouvons négliger. » Il a insisté sur les violences qui peuvent traverser la société : « Nous savons combien nos concitoyens juifs souffrent de gestes, de propos, de sous-entendus antisémites ; nous savons combien nos concitoyens musulmans aspirent à vivre le temps du Ramadan dans la paix et l’estime et la bienveillance de tous. Nous portons dans notre réflexion et notre prière celles et ceux dont l’inflation réduit, pour certains fortement, la capacité de vivre avec tranquillité de cœur et d’esprit. »

Un discours d’ouverture qui n’a pu s’achever sans rappeler l’inquiétude des évêques face au projet de loi sur la fin de vie : « Nous entrons dans cette assemblée en portant l’inquiétude de beaucoup de personnes malades, âgées ou non, de beaucoup de soignants », a souligné le président de la CEF, alors qu’une déclaration commune sera soumise mardi 19 mars au vote de l’assemblée et devrait être rendue publique pour la fin de journée : « Notre voix, sur ce sujet comme sur d’autres, est attendue ; elle est même, plus que sur d’autres, espérée. »

15/03/2024

L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE S'IMMISCE DANS LES SERIES

LA CROIX 15/03/2024/ CULTURE

  1. Les nouvelles technologies génératives font progressivement leur entrée dans le processus de fabrication des œuvres audiovisuelles, suscitant l’intérêt autant que l’inquiétude des professionnels.
  2. Un thème d’actualité dont s’empare cette année le festival Séries Mania, qui ouvre ses portes ce vendredi à Lille.

Le Problème à trois corps est projeté ce soir en ouverture du festival Séries Mania. Dans cette série de science-fiction à gros budget, diffusée sur Netflix à partir du 21 mars, les créateurs de Game of Thrones, David Benioff et D. B. Weiss, imaginent une intelligence artificielle capable d’influer sur le cours de l’histoire. Demain, le public lillois découvrira également Rematch (Arte, en compétition internationale) sur la fameuse partie d’échecs opposant en 1997 le champion Garry Kasparov et Deep Blue, le supercalculateur d’IBM. Un bras de fer entre l’humain et la machine transformé ici en thriller psychologique.

En l’espace de deux jours, deux séries à la tonalité plutôt sombre abordent donc la question de l’intelligence artificielle. Mais l’IA n’est pas qu’un support pour l’imagination. « Ces technologies se diffusent et évoluent très vite, c’est important de s’y préparer », souligne Anne Bouverot. La présidente de Séries Mania est bien placée pour le savoir : titulaire d’un doctorat en intelligence artificielle à l’École normale supérieure, cette ancienne ingénieure télécoms vient de rendre à Emmanuel Macron un rapport dans lequel une quinzaine d’experts dressent 25 recommandations pour accompagner cette « révolution technologique incontournable » dans l’ensemble des secteurs d’activité.

Dans l’industrie audiovisuelle, le développement de l’IA suscite questionnements et inquiétudes dont la sixième édition des « Dialogues de Lille », le rendez-vous professionnel du festival, se fait largement l’écho. Plusieurs tables rondes tentent d’évaluer son impact et la nécessité d’encadrer son utilisation par des accords professionnels ou des politiques publiques. En parallèle des débats, le Séries Mania Institute, qui accueille cette année une centaine de participants, fait intervenir des spécialistes de l’intelligence artificielle dans les formations destinées aux scénaristes et aux producteurs, et projette de lancer l’an prochain une formation dédiée.

Une question flotte sur toutes les lèvres : l’intelligence artificielle représente-t-elle une opportunité ou une menace pour la filière ? Difficile de trancher à ce jour. Comme le montre l’étude prospective réalisée par le cabinet Bearing Point pour le CNC (le Centre national du cinéma et de l’image animée), certaines professions vont être amenées à évoluer, voire à disparaître, à court terme. Avec les progrès exponentiels des effets spéciaux et du « sound design », maquilleurs-prothésistes, cascadeurs, décorateurs ou encore bruiteurs pourraient perdre de leur utilité. Quant au doublage, qui permettait jusqu’ici à de nombreux comédiens de boucler leur fin de mois, il peut désormais être réalisé par des logiciels qui modifient même le mouvement des lèvres en fonction de la langue.

Le cas des scénaristes est plus complexe. Selon un sondage récent réalisé par la Cité des scénaristes et l’Afdas, 34 % d’entre eux ont déjà utilisé une intelligence artificielle. Pour autant, comme le rappelle Frédéric Krivine, élu du conseil d’administration de la Guilde française des scénaristes, « aucune série à ce jour n’a été écrite majoritairement ou même significativement avec cette technologie ». En revanche, les auteurs peuvent puiser des idées dans le dialogue avec la machine : « C’est une sorte d’aide au développement, même si de nombreux scénaristes estiment irremplaçable l’échange humain. »

Seules les séries quotidiennes peuvent y voir un réel gain de productivité : nourri par les centaines d’épisodes des saisons passées, un logiciel pourrait fournir en un temps record de nouveaux scénarios, peaufinés ensuite en atelier. « Trois scénaristes réaliseront en trois jours ce que 25 font actuellement en une semaine », estime Frédéric Krivine. Selon David Defendi, fondateur de Genario, son logiciel peut également effectuer des tâches rébarbatives, comme le découpage en séquences lors de l’adaptation d’un livre en scénario. « Un romancier peut désormais transposer lui-même son texte à l’écran », se réjouit-il. En mettant à la portée de tous des techniques et des compétences autrefois réservées à une élite, l’intelligence artificielle sera, selon lui, un « formidable moyen de favoriser la diversité et l’inclusion ». Il imagine déjà des séries innovantes écrites par des habitants des cités ou des collectifs d’artistes.

Cécile Jaurès Cécile Jaurès - chroniqueuse - Radio France | LinkedInchroniqueuse RADIO FRANCE

14/03/2024

QUE FAIRE DES AUTEURS DE VIOLENCES SEXUELLES DANS L'EGLISE ?

LA CROIX 15 mars 2024

Christophe HenningChristophe Henning

Que faire des auteurs de violences sexuelles dans l’Église ?

  1. Ces dernières années ont permis de mettre la lumière sur le drame des victimes de violences sexuelles dans l’Église et sur les mesures à mettre en œuvre pour les prévenir.
  2. Tout un chantier reste encore à mener pour les responsables d’Église, celui du suivi des auteurs d’abus.
  3. Ce sera l’une des questions abordées lors d’un colloque, ce vendredi 15 mars, intitulé « réparation et pratiques du pardon », aux Facultés Loyola Paris.

Sous le coup de mesures conservatoires après un signalement, condamné à une peine de prison, ou encore visé par une peine canonique sans avoir été condamné par la justice nationale… Où sont les prêtres auteurs de violences sexuelles, relevés de leurs missions, et toujours sous la responsabilité de l’institution ecclésiale ? Peuvent-ils revenir à des charges pastorales ? Ces questions restent un casse-tête pour l’Église de France alors que de nombreux efforts ont été déployés depuis le rapport Sauvé pour mettre la victime au centre.

En avril 2016, la Conférence des évêques de France (CEF) avait mis en place une commission nationale d’expertise sur la pédocriminalité, présidée par Alain Christnacht. Toujours en activité quoique peu sollicitée, cette instance, qui travaille sur dossier, a un rôle de conseil auprès des évêques sur les mesures à prendre vis-à-vis d’un prêtre agresseur. « Si l’auteur reste dans le déni de ses actes, nous ne pouvons pas beaucoup l’aider, explique Alain Christnacht. En revanche, la reconnaissance des faits permet de graduer les mesures d’éloignement. »

Que ce soient les évêques ou les supérieurs de communautés, le premier réflexe est souvent de trouver une solution en interne. « Mais il n’y a plus de place aux archives », ironise un prêtre. Les couvents et abbayes ont longtemps servi de « refuge » pour les auteurs, au risque de perturber la vie de la communauté. Devant la multiplication des demandes, la Conférence monastique de France (CMF) a élaboré une « charte de l’accueil des prêtres pénitents dans les monastères » en 2013. Enfin, le recours à l’aumônerie d’hôpital et même aux postes administratifs, parce qu’il entraîne des contacts avec le public, reste mal perçu. « Il faut pourtant faire quelque chose de ces auteurs. Je ne suis pas favorable à les exclure définitivement, sauf à ce qu’ils présentent un risque de récidive », précise Alain Christnacht.

À la suite de la publication du rapport Sauvé en octobre 2021, les évêques de France ont confié ce sujet à l’un des groupes de travail mis en place conjointement avec la Conférence des religieuses et religieux de France (Corref), chargé de faire des propositions pour « l’accompagnement des mis en cause d’auteurs de violences sexuelles ». Pour son responsable, Bertrand Galichon, « l’auteur est marqué au fer rouge, se trouve dans une grande solitude. » En dépit du choc que provoquent les révélations, « l’accompagnement du mis en cause doit commencer sans délai, dès le signalement, et doit s’inscrire dans la durée », préconise le groupe de travail.

La stigmatisation des abuseurs est renforcée par leur état de prêtre. Plusieurs, mis en cause pour des faits de moindre gravité, n’ont pas supporté l’exposition publique et se sont suicidés : « Il est indispensable de créer un cadre protecteur et bienveillant vis-à-vis de l’auteur », souligne Walter Albardier, psychiatre et responsable en Île-de-France du Centre ressources pour intervenants auprès d’auteurs de violences sexuelles (CRIAVS). Le groupe de travail de la CEF-Corref va jusqu’à formaliser cet accompagnement en conseillant la mise en place d’un « cercle de soutien » auprès de l’auteur.

« S’occuper des auteurs ne minimise certainement pas la gravité des actes ni la douleur des victimes mais permet de mieux comprendre les violences sexuelles dans l’Église », explique le père Nicolas Port, frère de Saint-Jean et chercheur en psychologie. Auteur d’une analyse fine des profils à paraître prochainement, il a pu montrer que « le passage à l’acte ne s’explique pas seulement par la frustration sexuelle, mais implique aussi des éléments comme le pouvoir, l’emprise et les fragilités narcissiques ». Pour Walter Albardier, « les auteurs sont le plus souvent des personnes proches, plutôt chaleureuses qui ont parfois du mal à trouver leur juste place dans la relation à l’autre ». Et Nicolas Port de poursuivre : « On imagine que ce sont des monstres, alors qu’il peut s’agir d’un oncle sympathique ou du curé de la paroisse… ce qui nous frappe d’autant plus. » « La prise en charge des auteurs ne peut pas être exclusivement psychiatrique ou psychologique, insiste Walter Albardier. La parole judiciaire et le cadre social doivent intervenir. » Il y a la mobilisation des différents acteurs, mais aussi le travail personnel de l’abuseur : « Il faut leur donner le temps du retour sur eux-mêmes », prévient Alain Christnacht. Et ce chemin n’est pas plus facile quand les affaires sont révélées très tardivement, l’auteur ayant, d’une certaine façon, bénéficié d’une impunité pendant des années. « Dès qu’il est mis en cause, le prêtre risque d’être écarté définitivement, sa réputation numérique assurant la publicité de la peine pendant des années », constate Bertrand Galichon.

« La mise à l’écart quasi définitive des coupables est une constante de nos sociétés et pas seulement pour les prêtres mis en cause, constate Walter Albardier. Il est vrai que l’Église a été tellement ébranlée par le rapport de la Ciase que les fidèles catholiques ont beaucoup de mal à voir revenir un prêtre dans une mission pastorale. » Quelle place l’Église peut-elle encore accorder aux auteurs ? Le retour à la vie laïque ou le renvoi de la vie religieuse peuvent intervenir lors des cas les plus graves. Les sanctions partielles – interdiction de confesser, de célébrer en public – entravent un réel ministère.

Plusieurs structures existent ou sont en projet pour accueillir pour quelques semaines, voire plusieurs mois les auteurs d’abus mais aussi des prêtres en souffrance ou pris dans des addictions. De ce travail d’accompagnement délicat, les initiateurs – sollicités par La Croix – ne veulent pas parler trop vite, tant la démarche est fragile.

Reste la justice restauratrice qui, en marge des étapes judiciaires et canoniques, participe à la prise en charge à la fois des victimes et des auteurs. « Elle n’est possible qu’avec l’engagement de tous les acteurs, la victime, l’agresseur mais aussi l’entité ecclésiale, diocèse ou communauté, explique le jésuite Guilhem Causse, philosophe et aumônier pénitentiaire qui organise ce vendredi 15 mars un colloque aux Facultés Loyola Paris intitulé « Réparation et pratiques du pardon » (1). « Elle va permettre à l’auteur d’abus, poursuit-il, de prendre conscience de la gravité de ses actes et de dépasser le déni. » Et peut-être aussi, ajoute Walter Albardier, de « réhumaniser l’auteur de l’agression dans l’œil de la victime ».

Christophe Henning

01/03/2024

UN CRI POUR GAZA

Logo Saint-Merry Hors les Murs VioletSAINT MERRY HORS LES MURS

Drapeaux 2

Les articles qui ne pourraient être considérés comme l’expression de la communauté sont publiés dans cette rubrique Tribune, ouverte aux expressions et prises de position individuelles.

Je témoigne pour faire bouger les lignes dans la communauté entre ceux qui sont convaincus que le combat des Palestiniens pour la reconnaissance de leurs droits à la terre est légitime, et ceux qui, bouleversés par le massacre du 7 octobre de 1200 Israéliens, ne voient dans le Hamas qu’une entité islamiste et terroriste.

Je déplore les victimes et je compatis 1, mais aujourd’hui, près de cinq mois après le début du conflit, il y a 30 000 victimes palestiniennes, et un million et demi de Gazaouites déplacés qui vivent sous des tentes dans le froid, la pluie et la boue, rationnés en eau potable et en nourriture ; 80% des infrastructures sont détruites, dont les écoles et les universités, les hôpitaux et les centres de santé, les mosquées et les églises ainsi que plusieurs sites archéologiques.
(NDLR : chiffres provisoires fournis par le Hamas, mais considérés d’un ordre de grandeur fiable par les observateurs internationaux).

A l’origine du Hamas, il y a le Sheikh Yassine, un homme paralysé des quatre membres depuis l’âge de 16 ans, devenu progressivement totalement dépendant de son entourage, qui a vécu avec sa famille dans un camp de réfugiés, puis dans une maison modeste de la banlieue de Gaza. Instituteur de formation, c’était un éducateur qui a guidé plusieurs des actuels dirigeants du Hamas dans leur choix d’études et de métier, puis d’engagement dans leur vie familiale, professionnelle et militante. Son mot d’ordre était l’unité entre les factions palestiniennes qui se combattaient souvent à Gaza 2

A un journaliste qui lui demandait « Haïssez-vous les Juifs ? », il répondait peu de temps avant son assassinat en 2003 : « Nous sommes des fils d’Abraham et des frères. Mais si votre frère vole votre maison, que faire sinon le combattre ? »

Depuis les élections de 2008, l’administration, les systèmes scolaire et universitaire avec deux facultés de médecine, les hôpitaux fonctionnent sous la gouvernance du Hamas 3. C’est dans l’une de ces universités que Ziad Medoukh a dirigé le département de français. A côté des structures gouvernementales, l’agence de l’ONU (UNRWA – United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East) prend en charge les réfugiés palestiniens qui représentent 80% de la population de Gaza. Elle gère des écoles et collèges ainsi que des structures de soins de santé primaires et des services sociaux.

En guise de conclusion, on peut dire que ce conflit est un conflit politique que le gouvernement israélien et les gouvernements qui le soutiennent cherchent à transformer en conflit religieux.
Pour en finir avec lui et arriver à la paix, il faudra considérer le Hamas comme un interlocuteur. C’est ce qu’a fait de Gaulle lorsqu’il a décidé d’ouvrir des négociations avec les ‘’terroristes’’ du FLN, qui ont permis d’aboutir à la paix avec la création d’un état algérien.

Christophe Denantes,
médecin anesthésiste à l’hôpital Avicenne (Bobigny),
membre de la communauté de Saint-Merry Hors-les-Murs,
participant à des missions humanitaires à Gaza depuis 2002 en tant que médecin anesthésiste.

  1. Dans Souvenirs d’une religieuse, son livre posthume, Sœur Emmanuelle écrit :
    « J’ai souvent pensé à cette phrase de Taine qui me parait effrayante de vérité : ‘’Grattez le vernis de cet homme civilisé, vous trouverez un gorille féroce et lubrique.’’ Je flaire en moi une affinité secrète de corruption avec mes malheureux frères humains entrainés vers le mal. Je ressens parfois dans ma chair et mon sang d’étranges fermentations. » ↩︎
  2. Le Hamas n’a jamais figuré sur la liste des organisations terroristes de l’ONU. ↩︎
  3. En effet, le Hamas est en désaccord avec l’autorité palestinienne basée à Ramallah et signataire en 1993 des accords d’Oslo qu’il a dénoncés ; mais il gouverne la bande de Gaza depuis 2007, et a remporté les élections législatives de 2008 dans les Territoires Occupés Palestiniens (comprenant la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est). ↩︎

 

29/02/2024

DU TRACTEUR A LA MERCEDES

TC.GIF

 
 
Publié le
                                    par Henri Lastenouse

Salon de l’Agriculture à Paris, salon de l’Auto à Francfort. De part et d’autre du Rhin, un moment sacré pour chacune des deux nations au temps des fastes du XXe siècle. Dans une Allemagne d’après-guerre « interdite » d’attributs de la puissance militaire, la ferveur patriotique se réfugia dans le succès de l’industrie automobile. Les bolides Porsche ou la fameuse VW Coccinelle, aux constructeurs amnésiques de leur passé, symbolisèrent ainsi le retour de l’Allemagne dans le concert des nations. Pendant près de soixante-dix ans, Francfort fut, avec son million de visiteurs, le plus grand salon automobile au monde… La grand-messe s’est arrêtée en 2019, emportée par la révolution écologique et les manifestations violentes qui, lors de son ouverture, épinglaient la responsabilité du moteur thermique dans le réchauffement climatique. Depuis, réfugié à Munich, le salon a perdu 50 % de son public, alors que l’industrie automobile allemande peine à s’adapter aux défis du véhicule électrique, auquel elle n’a pas cru alors que l’Europe a sonné la fin du moteur thermique pour 2035.

C’est en 1855, au Champ-de-Mars, que se tient le premier Concours agricole universel, à l’aube d’une transformation radicale de la société française qui, dans le siècle qui suivra, provoquera l’exode rural que l’on sait. C’est dire le rôle qu’il jouera et joue toujours dans notre récit national, pour une France qui n’oublie pas qu’elle fut, pendant mille ans, un pays de champs et de clochers que résumait si bien l’affiche électorale de François Mitterrand en 1981. En 1855 était trouvée la formule magique : réunir au centre de Paris « veaux, vaches, cochons ». En 2023, le salon de l’Agriculture présentait ainsi à plus de 700 000 visiteurs quelque 4 000 animaux, pour plus de 400 races. Même s’il se tient toujours à Paris et reste immensément populaire, il est à son tour pris dans la tourmente, comme l’ont démontré les chaotiques journées précédant son ouverture au public.

Du tracteur à la Mercedes, nous payons notre trop longue cécité collective quant à l’avenir de secteurs vitaux de nos économies… et de nos identités. Voilà que s’ouvre hélas un temps de crises que traversent tant bien que mal ces grands-messes patriotiques héritées de nos histoires.

Henri Lastenouse

23/02/2024

PERE ARNAUD FAVART : " LA COURSE A LA PERFORMANCE EST DEVENUE UN CYCLE INFERNAL POUR LES AGRICULTEURS"

La Croix logo 23 02 2024           ARNAUD FAVARD MDF.png   A VIF !

Tribune : Père Arnaud Favart, Délégué de la Mission rurale / 23/02/2024 à 12h15

À la veille du Salon de l’agriculture, le père Arnaud Favart, délégué de la Mission rurale, revient sur le « cycle infernal » dans lequel les agriculteurs sont embarqués, sommés de produire plus pour nourrir la France mais en étant toujours moins bien rémunérés pour leur travail.

 

Père Arnaud Favart : « La course à la performance est devenue un cycle infernal pour les agriculteurs »

« Plus vite, plus haut, plus fort. » Faut-il s’étonner que la devise olympique soit devenue le paradigme de la société industrielle ? Faire davantage, produire de gros volumes, intensifier l’élevage, être performant grâce au machinisme et à la spécialisation, et surtout moins de bras. La mécanisation devait délivrer les paysans de la pénibilité physique et de tâches ingrates, la chimie décupler les rendements, l’agro-industrie assurer la sécurité alimentaire et nourrir abondamment des villes toujours plus grandes. La course à la performance est devenue un cycle infernal pour les agriculteurs qui se sentent dénigrés malgré leurs efforts. Une évolution qui se traduit inévitablement en consommation plus grande d’énergies, fossiles en particulier. Le tout pour des revenus faibles et un endettement croissant.

« Nous aidons vos exploitations à grandir », c’est le placard publicitaire d’une banque qu’on peut lire dans un quotidien régional. En France, la surface des exploitations ne cesse de grandir et le nombre des actifs agricoles de diminuer. Ce qui n’est pas sans conséquences sur les organismes, le biotope et la biodiversité. Il en résulte une pression accrue sur les personnes, car les attentes sociétales sont fortes sur le coût alimentaire, le respect de l’environnement et le bien-être des animaux. Maltraitance sociale, isolement, endettement, suicide sont le cocktail explosif de la colère agricole. En outre, l’agrandissement des exploitations rend la transmission du capital foncier problématique pour des jeunes qui voudraient s’installer.

Une population isolée

Fortement réduite, la population agricole s’est retrouvée isolée, perdant la maîtrise de ses outils et de ses décisions. La structure familiale traditionnelle qui portait l’exploitation n’a plus la capacité de porter un tel modèle. Des contraintes bancaires, administratives, techniques ont remplacé les anciennes servitudes. Prise en étau entre les attentes des consommateurs, l’endettement bancaire, les prix imposés par les industries agroalimentaires liées au marché mondialisé et les prises de conscience environnementales, elle doit faire face à de nombreuses injonctions contradictoires. Le primat du libre-échange et de la concurrence expose les filières agricoles européennes aux produits importés à faible coût et à l’impact environnemental élevé. Le commerce mondial fait l’objet de négociations gagnant-perdant. Ainsi le secteur aérien se voit exonéré de taxe pétrolière, ce dont nul ne s’étonne.

Les subventions sont censées combler le déficit d’un revenu indigne. Remplir un dossier PAC est un parcours du combattant numérique qui demande du temps et des compétences pour généralement récompenser la performance et la compétitivité. Les discours politique et médiatique, complètement hors sol, ne cessent de louer cette excellence, ignorant la nature du vivant, les équilibres des écosystèmes. La détresse économique des agriculteurs ne vient pas des normes environnementales. Quand les sols sont assimilés à des supports de culture, la fertilité s’amenuise et la biodiversité s’effondre. Chaque année, on continue d’arracher des milliers de kilomètres de haies alors qu’on sait très bien le rôle essentiel qu’elles jouent pour l’infiltration de l’eau, la lutte contre la sécheresse et l’érosion des sols.

Complexité du vivant

Les priorités politiques vont clairement aux métropoles, où se projettent les rêves d’un monde urbain déconnecté. Les modes de vie urbains sont déconnectés des contraintes du sol, de la sueur et des saisons. Il en résulte une méconnaissance de la relation terre-alimentation-travail, une artificialisation des sols accrue, un affranchissement des distances géographiques (en grandes surfaces, on trouve de tout, partout), une libération de la pénibilité physique (probablement remplacée par le stress économique) et une déconnexion du temps (météorologique comme celui de la durée).

La vision du progrès est trop souvent associée àune rationalité industrielle capable de produire à bas coût par la standardisation et aveugle à toute perception du vivant comme écosystème. Tout est lié, n’est-ce pas ? Cette économie est avide de circulation des marchandises, car ce qui circule génère du profit. En conséquence, les moyens technologiques et les processus de sélection dépossèdent les paysans de toute maîtrise de la terre, des semences et des animaux. Qu’y a-t-il de commun entre la Champagne crayeuse, les vergers de la Drôme, le maraîchage provençal, la polyculture de montagne, les vignobles du Sud-Ouest, l’élevage intensif breton ou extensif du Cantal ? La complexité du vivant rend inopérante toute approche centralisatrice.

Pour assurer la souveraineté alimentaire, les uns prônent ce modèle productiviste afin de résister à la compétition mondiale. Les autres plaident en faveur d’une agriculture moins démesurée et d’une alimentation locale, paysanne et biologique. Qui l’emportera ?

Arnaud FAVART, est prêtre de la Mission de France

https://www.la-croix.com/a-vif/pere-arnaud-favart-la-course-a-la-performance-est-devenue-un-cycle-infernal-pour-les-agriculteurs-20240223?u

 

LE CORPS DE MON ENNEMI

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Photo Evgeny Feldman, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

Photo Evgeny FeldmanCC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

Alexeï Navalny est mort en détention à l’âge de 47 ans. Pour l’heure, la cause directe de son décès est inconnue. Mais il ne fait aucun doute qu’il s’agit là d’un meurtre longuement prémédité par le pouvoir russe. Miraculeusement sorti vivant d’une tentative d’empoisonnement au Novitchok en 2020 et soigné à Berlin, il est arrêté à son retour sur le territoire russe en janvier 2021. Depuis lors, les procès se sont succédé, le menant au début de l’année 2024 à une incarcération dans une colonie pénitentiaire à régime sévère située au-delà du pôle. C’est là qu’il décède le 16 février. « À l’Ouest », les réactions se sont succédé, pointant sans équivoque la responsabilité de Vladimir Poutine.

Deux questions s’entrecroisent : pourquoi Navalny est-il retourné en Russie, alors qu’il connaissait le danger qui le guettait ? Pourquoi le pouvoir russe a-t-il pris le risque de faire de cet homme un martyr ?

Pour Navalny, l’affaire est assez claire. À bout de moyens politiques classiques, il lui restait son propre corps pour s’opposer au pouvoir : un « être là » suffisant pour être encore et toujours dérangeant, insupportable pour ceux qui auraient voulu le faire rentrer dans le rang, l’effacer, le précipiter dans l’oubli. Pour opposer la seule force de son corps malgré les innombrables vexations, les punitions d’isolement et de mitard utilisés comme d’antiques oubliettes, il a fallu à cet homme un courage hors norme, courage qui, in fine, lui a coûté la vie.

Est-ce pour autant une victoire pour Poutine ? La mort de Navalny ne signifie pas l’oubli. Même si les manifestations de chagrin sont réprimées dans les villes russes, même si les fleurs sont jetées aux ordures, le nom de Navalny est devenu pour longtemps celui d’une résistance inflexible, inébranlable. Navalny mort est plus encombrant que vivant, d’autant que sa mère, telle une éternelle Antigone, réclame son corps aux autorités. Sans doute les Russes, dans leur majorité, n’entendent-ils qu’un écho très incertain de cette affaire, mais elle révèle et expose, au moins à nos yeux, le véritable visage du poutinisme : celui de la peur. Le despote est incertain et apeuré au point de craindre un homme seul enfermé dans une geôle à 2 000 km de Moscou, au point de craindre même le corps de cet homme ! Quel aveu !

Christine Pedotti

Photo Evgeny FeldmanCC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

 

22/02/2024

MISSAK MANOUCHIAN, UN DESTIN EXCEPTIONNEL RACONTE PAR LES ARCHIVES

Missak Manouchian, un destin exceptionnel Missak Manouchian, un destin exceptionnel raconté par les archives

Missak et Mélinée Manouchian. Deux orphelins du génocide des Arméniens engagés dans la Résistance française (de Astrig Atamian, Claire Mouradian, Denis PeschanskTextuel, 192 pages, 39 €)

Deux cent cinquante documents, issus de fonds d’archives publics et privés, en France mais aussi au Liban, en Arménie, en Europe et aux États-Unis. Au moment de la panthéonisation de Missak Manouchian, accompagné de son épouse Mélinée, cet ouvrage permet de reconstituer avec précision leur trajectoire. Construit en quatre parties, il revient sur leur enfance, fauchée par le génocide des Arméniens qui fit 200 000 orphelins, suit leur engagement au sein de la mouvance communiste puis dans la lutte armée, avant d’éclairer le long processus qui a inscrit le poète arménien dans la mémoire collective.

En direct du PANTHEON: https://www.la-croix.com/france/direct-missak-manouchian-pantheon-pantheonisation-groupe-affiche-rouge-melinee-aujourdhui-20240221