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02/11/2023

ET LA MONTAGNE ACCOUCHA D'UNE ...

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Il est vrai que le Vatican est une colline et non une montagne, mais quand même. Le synode « sur la synodalité », qui, chemin faisant, a fini par s’énoncer « pour l’avenir de l’Église », vient d’achever sa première session. On recommence dans un an à « se parler dans l’Esprit » afin de proposer des pistes pour l’avenir, pistes qu’il appartiendra au pape de valider ou pas dans les mois qui suivront, les conclusions finales n’étant en aucune façon impératives. En effet, l’« Esprit », toujours invoqué, pourrait indiquer au pape d’autres voies. Je laisse aux théologiens dogmatiques nous expliquer cette sorte de quadrature du cercle qui fait que l’Esprit souffle de façon plus autorisée sur un seul front, celui du pape, que sur celui de quelques centaines de baptisés, évêques, prêtres, religieux et religieuses et laïcs, hommes et femmes.

Mais, avant même d’attendre que tombe des cieux la parole pontificale, force est de constater que les premières conclusions de ce premier tour de synode sont d’une prudence qui confine à l’insignifiance. Outre les silences plus qu’éloquents sur l’inclusion des personnes LGBT, une phrase qui ne coûte rien sur l’implication théologique et spirituelle que pourrait avoir l’abrogation de l’obligation du célibat pour les prêtres et, sommet de tartuferie, sur les femmes et leur éventuelle accession au diaconat, cette simple proposition : « Poursuivre la recherche théologique et pastorale sur l’accès des femmes au diaconat. » Ces quelques mots ont déjà soulevé le plus grand nombre de votes négatifs, au nom de la Tradition. Cette idole dressée sur le piédestal de sa majuscule cache surtout les frilosités et les paresses intellectuelles de ceux qui ne veulent rien voir, rien entendre, rien changer, et pour qui, au fond, les femmes sont, pour l’éternité, les assistantes de la masculinité.

Comment ne pas être en colère devant tant de bêtise et d’obscurantisme ? Comment ne pas éprouver de honte à voir cette Église oser afficher cette arrogance et demander en même temps à être entendue sur les sujets de l’accueil des pauvres, de la lutte contre les inégalités, sans même voir que les femmes sont les métèques de l’Église, des sous-citoyennes sans droit… Mais bon, pour n’insulter ni l’avenir, ni l’espérance, attendons encore jusqu’à l’année prochaine.

Christine Pédotti

 

26/10/2023

ANTISEMITISME

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Photo : GFreihalter, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Photo : GFreihalterCC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

La parution du magnifique volume Histoire juive de la France, dont nous nous faisons l’écho cette semaine, percute de façon très particulière l’actualité. Une fois encore, se pose la question de la singularité juive, singularité qui a valu à ceux et celles qui se disent fils et filles d’Israël des siècles et des siècles d’inquiétude, pour le moins, de persécutions, souvent, jusqu’à la folie exterminatrice nazie. La violence du sentiment antisémite demeure une interrogation sur laquelle se sont penchés historiens, sociologues, psychanalystes… sans que le mot final puisse être dit.

Cette violence extrême s’est exprimée dans l’abjection du massacre commis par le Hamas les 7 et 8 octobre 2023, où femmes, enfants, vieillards, tous et toutes civils ont été traités pires que bêtes menées à l’abattoir. Le constat de la spécificité de la haine antisémite n’excuse en aucune façon les actes de guerre conduisant à la mort de civils à Gaza, mais il explicite la radicale différence de nature des actes des uns et des autres. Prendre conscience de la persistance du fait antisémite, y compris ici en France, ce n’est pas faire « deux poids deux mesures » mais tout au contraire soupeser le poids spécifique de la haine des Juifs, haïs non pour ce qu’ils feraient mais pour ce qu’ils sont.

La France a une triple singularité : la présence la plus nombreuse en Europe de citoyens et citoyennes juifs et juives, la présence de très nombreux citoyens et citoyennes musulmans et musulmanes, et l’usage d’une forme de laïcité particulière qui a permis l’émancipation des Juifs et qui, en reconnaissant tous les droits aux citoyens et citoyennes, n’en accorde aucun aux communautés. Cette triple singularité l’expose de façon particulière.

Aujourd’hui, l’hydre infâme de l’antisémitisme redresse ses têtes et susurre aux oreilles des faibles d’esprit. Tout en insinuations et en sous-entendus, elle répand son poison lent et criminel. L’hebdomadaire d’extrême droite Rivarol, dans son éditorial, n’hésite pas à prendre la défense d’un Jean-Luc Mélenchon « diabolisé comme l’était hier Jean-Marie Le Pen » ; voilà qui doit nous alerter.

Pour autant, notre vigilance à l’égard de l’antisémitisme ne nous empêche pas de soutenir un processus de paix à deux États en Palestine, ni de rappeler à l’État d’Israël ses obligations en termes de droit international : défense légitime, oui, vengeance, non.

Christine Pedotti Publié le 

 

 

24/10/2023

VIEILLIR

Photo De Matt Bennett Sur Unsplash
Photo de Matt Bennett sur Unsplash

J'ai des cheveux blancs et des rides. Dans le métro, le bus, des plus jeunes me proposent très souvent leur place assise. Une attention qui donne l’impression d’être digne d’intérêt et partie d’une communauté. Or, dans un bus bondé, j’ai assisté à une méchante scène. Un homme âgé est monté, appuyé sur une canne. Il a demandé à un jeune passager de lui céder sa place. La réponse a jailli : « Non, il y a trop de vieux, ils sont inutiles et nous coûtent cher. Ils feraient mieux de mourir ! »

Étant arrivée à destination, je n’ai rien su de la suite. Mais j’y ai repensé, et repensé à ces autres phrases entendues au fil des jours :
« Le pauvre homme, il vaudrait mieux qu’il meure, ce serait une délivrance ! »
« Elle ne se lève plus du lit, elle ne reconnaît plus sa fille. Je ne comprends pas que les médecins n’accélèrent pas son départ. »
« Avec tous ses soins et ses aides, il coûte cher à la Sécu ! »

Certains considèrent les plus âgés comme une charge, au mieux une chance de créer des emplois de proximité. La vieillesse est vue comme un temps du « jamais plus ». On ne sera plus jamais le rédac’ chef, le prof’, le miroitier, l’exploitant agricole ou l’infirmière ; jamais plus celui qui grimpait si facilement au sommet des montagnes ou nageait si longtemps ; jamais plus d’enfants, pour les femmes… On se dit : à quoi bon allonger la vie si grand âge rime avec naufrage, sénescence avec déchéance et vieillir avec mourir.
Alors on a inventé le “bien vieillir“, le vieillir en pleine forme. (J’avoue avoir acheté des crèmes antirides et avalé des yaourts miracles.)

Aujourd’hui, j’en ai assez ; je suis fâchée de ce jeunisme, dégoûtée de ce mépris ! J’ai commencé à comprendre que la vieillesse est ce temps donné pour dépasser nos malheurs, pour que tout s’apaise, pour savourer les petites joies et les nouveaux bonheurs.
Inutiles, les vieux, disait le passager du bus ? Le nombre de nos années prouve aux jeunes qu’ils ont de l’avenir. C’est façon de leur donner espoir et confiance.
Sous le règne de la vitesse, les aînés obligés de vivre au ralenti m’apprennent à apprécier le moment présent dans toute son intensité : un rayon de soleil sur des feuilles d’automne, le parfum du lilas sous la pluie, le chant d’une mésange, le goût d’un bol de chocolat chaud, la douceur d’une parole… Je pense aux vieux et aux vieilles que l’on voit, l’été, assis devant leur porte, immobiles dans le soleil, à ne rien faire. Ils semblent savourer le moment et c’est comme s’ils propageaient des ondes de calme. Comme si, condensés en eux-mêmes, ils s’écoutaient vivre et se rencontraient eux-mêmes assez pour faire fi des questions d’utilité. Nul n’est justifié par son utilité. La vie n’est pas l’utilité.

Le temps de la vieillesse nous apprend à lâcher prise ; impossible de croire encore qu’on peut tout maîtriser. Mes amis malades, qu’on dit “dépendants“, montrent que la vie, c’est aussi s’en remettre à d’autres, s’abandonner avec confiance.
Le jeune homme du bus ne sait pas encore ce que disait le jésuite Jean Vimort (aumônier de maisons de retraites) : « Si nous étions conscients du vieillissement qui fait son œuvre en nous, non seulement de la vieillesse future qui sera la nôtre, mais du vieillissement de nos artères, de nos idées, de nos sentiments, de nos limitations physiques et mentales quel que soit notre âge, alors, devant un vieillard, nous serions devant un semblable.»

19/10/2023

LE PIEGE DE GAZA

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                               Publié le

À l’heure de la rédaction de cet édito, l’armée israélienne n’est pas encore entrée dans Gaza. L’hésitation est légitime car le piège est évident, bien tendu et prêt à se refermer. Si les terroristes du Hamas ont pris le temps – en sacrifiant la vie de nombre d’entre eux – de commettre en Israël l’irréparable, c’est-à-dire des crimes d’une particulière abjection sur des civils, femmes, enfants et personnes âgées, c’est pour tendre ce piège et amener Israël à une réplique terrestre. La réponse aérienne par voie de bombardements « ciblés » a déjà fait plus de victimes côté gazaoui que les massacres perpétrés en Israël, ouvrant le comput d’une effrayante comptabilité macabre. Est-ce qu’une vie vaut une vie ou faut-il prendre en compte l’« intentionnalité » : un enfant tué de façon « collatérale » pèse-t-il moins lourd qu’un nourrisson égorgé ? Le premier élément du piège vient de se mettre en place. L’engagement des troupes terrestres israéliennes, précédé par le blocus du territoire et l’ordre d’évacuation vers le sud d’une population effarée, va amorcer le second ; les victimes seront nombreuses. De part et d’autre, l’odieuse comptabilité va reprendre, accompagnée des images insoutenables d’hommes casqués, armés et surprotégés face à des femmes en larmes portant des enfants blessés ou morts. C’est toute la logique effroyable des guerres asymétriques qui s’enclenche là, guerres d’images et de communiqués. Le Hamas, d’ailleurs, dissuade la population de fuir, prêt à ajouter ce bouclier de civils aux otages israéliens qu’il détient.

Aujourd’hui, la victoire du Hamas est totale. Il a fait vaciller la certitude qu’avait le gouvernement israélien de pouvoir protéger sa population, et il va aisément gagner la guerre de l’opinion mondiale, d’abord auprès du « Sud global », ensuite dans de larges franges de l’opinion occidentale. Il a anéanti les espoirs de conciliation régionale nés des accords d’Abraham. Le sentiment de haine qu’il va faire surgir côté palestinien durera au moins une génération, de sorte que, même si Israël réussit à l’anéantir matériellement en écrasant Gaza, il renaîtra, par la force de cette haine, des cendres et des ruines. La seule issue est réellement héroïque. Elle consiste, pour Israël, à renoncer à la vengeance. Il faut pour cela un immense courage. La génération qui l’aura – sans doute pas celle-ci – y gagnera la paix.

Christine Pedotti

14/10/2023

"LAUDATE DEUM" LA PAROLE DU PAPE VUE PAR UN MILITANT ECOLOGISTE

Gabriel Malek (@GabrielMalek9) / XGabriel Malek Président de l'association Alter Kapitae /le 13/10/2023 à 12:11

Militant écologiste et non-croyant, Gabriel Malek a lu pour La Croix l’exhortation apostolique du pape, Laudate Deum, publiée le 4 octobre dernier. Il se réjouit que les appels de François dépassent largement les milieux chrétiens, et se retrouve dans son analyse du capitalisme.

Les répercussions de ses paroles, comme lors de sa courageuse tirade contre les fantasmes identitaires de l’extrême droite il y a peu à Marseille, sont légion et démontrent que les appels du Saint-Père dépassent largement la communauté catholique. En quoi ce nouvel écrit s’appuie sur une prise de position écologiste radicale et comment expliquer un tel rayonnement auprès de laïcs et d’athées ?

La critique décroissante

Outre les références aux Évangiles comme l’invitation de saint François d’Assise à chérir le Vivant, ce sont bien les idées politiques radicales qui ressortent de la lecture du Laudate Deum. Si le souverain pontife déroule une vision spirituelle du mal qui ronge l’habitabilité de notre planète en faisant référence aux « gémissements de la terre », son analyse reste très concrète.

Le pape y décrit le capitalisme comme « une manière de comprendre la vie et l’activité humaine qui a dévié (…) jusqu’à lui nuire », reprenant la critique décroissante. En fustigeant à maintes reprises la recherche débridée du profit, il rend visible ce que tout le monde sait : que notre modèle économique ne cherche qu’une chose : s’agiter toujours plus, détruire, produire encore et encore au nom d’une approche consumériste de la prospérité. Une vision de la vie comme une éternelle prospection en quête d’une croissance matériellement inatteignable et moralement condamnable pour le pape.

Des arguments classiques de l’anticapitalisme

En reprenant des arguments classiques de l’anticapitalisme, le pape soulève des points que l’on retrouve dans la bouche d’Aurélien Barrau et des militants écologistes. Le Saint-Père condamne ainsi la « décadence éthique du pouvoir réel déguisée par le marketing » et accuse nos élites de nous faire miroiter de faux progrès.

Selon lui, lorsqu’on lance « un projet à fort impact environnemental et aux effets polluants, on illusionne les habitants de la région en leur parlant du progrès local (...), il résultera une terre dévastée, une région désolée, sans vie et sans la joie de la coexistence ». Quel meilleur requiem contre des projets mortifères comme l’A69 ou l’Eacop, condamnés par citoyens et scientifiques, mais soutenus par les élites économiques et politiques ?

Le pape inscrit dans une perspective marxiste

Non seulement le pape explique que la croissance est incompatible avec la préservation des ressources, mais il condamne la pensée techno-solutionniste qui la sous-tend. Il déclare que « les ressources naturelles nécessaires à la technologie comme le lithium, le silicium ne sont certes pas illimitées, mais le plus grand problème est l’idéologie qui sous-tend une obsession ». Cette croyance répandue selon laquelle la technologie nous sauverait de nos excès est une « façon monstrueuse » d’alimenter notre présent paradigme technocratique selon lui.

Comme développé dans le concept de décroissance prospère, le souverain pontife choisit de remettre en cause le fonctionnement élémentaire de notre modèle. Il fustige « la logique du profit maximum au moindre coût, déguisée en rationalité (…) et en promesses illusoires (qui) rend impossible tout souci sincère de la maison commune et pour la promotion des laissés-pour-compte ». Outre la condamnation des ravages sur le Vivant, le pape François s’inscrit aussi dans une perspective marxiste en interrogeant en profondeur la détention très inégalitaire du pouvoir dans notre société.

Des messages aussi spirituels que politiques

De fait, il critique l’accumulation de richesses à laquelle mène invariablement le capitalisme en la reliant à la question du pouvoir : « En quelles mains se trouve (…) tant de pouvoir ? Il est terriblement risqué qu’il réside en une petite partie de l’humanité ». Brisant le leurre néolibéral, le pape François dénonce « la soi-disant “méritocratie” qui est devenue un pouvoir humain “mérité” auquel tout doit se soumettre, une domination de ceux qui sont nés dans de meilleures conditions de développement ». Il est clair que le Saint-Père reprend à son compte une lecture de luttes des classes.

Si les messages du pape sont entendus au sein des sphères laïques, c’est parce qu’ils sont aussi spirituels que politiques. Pas dans le sens politicien du terme, mais dans sa version noble : celle du service de la Cité. Ce nouvel appel est un message spirituel charriant une force immense, épousant les thématiques écologistes de Nausicaä de la Vallée du Vent, et les idées anti-productivistes du Seigneur des anneaux. On ne peut s’empêcher de faire le lien avec le refus qu’ont formulé il y a peu les moines chartreux d’augmenter leur production, refusant philosophiquement le concept de croissance infinie.

Pour ma part, je ne suis pas croyant mais respecte la spiritualité des religions, et je trouve inspirant pour l’Église d’avoir un tel pape. Des leçons d’humanité à Marseille aux enjeux d’écologie radicale, cet homme distille des messages de paix, d’espoir et de prospérité post-capitalisme. Serait il donc un papo-gauchiste comme disent certains ?

Non, il fait simplement preuve d’humanité et de bon sens, et c’est en cela qu’il a des années-lumière d’avance sur nos dirigeants. À ceux qui s’illusionnent encore sur la capacité du capitalisme à nous sauver, méditez ce passage du Laudate Deum : « Face au visage des enfants qui paieront les dégâts de leurs action, la question du sens se pose : quel est le sens de ma vie , quel est le sens de mon passage sur terre (…) et de mes efforts ? »

13/10/2023

TRAGEDIE

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Face aux événements effroyables qui, une fois encore, ensanglantent cette terre que les trois grands monothéismes déclarent « sainte », il est bien difficile de poser des mots justes. Tout d’abord, à ceux et celles qui voudraient renvoyer dos à dos les deux partis, l’État d’Israël et le Hamas, ou encore à ceux et celles qui, pour tenter d’atténuer l’horreur, scandent le mot paix comme ils suceraient des bonbons, il faut rappeler que des mots comme « désescalade » ou « cessez-le-feu » n’ont pas plus de sens dans cette circonstance qu’ils n’en auraient eu au Bataclan, dans les bureaux de Charlie ou dans le métro de Bruxelles.

Ce qui a frappé en Israël porte un nom, le terrorisme, lequel tue pour tuer, massacre pour massacrer, sans autre objectif que d’instaurer la terreur et la haine. Car tel est le but du Hamas en massacrant des gosses qui dansaient, en exhibant des corps martyrisés de femmes ou des otages qui sont des enfants terrifiés, des mères affolées ou des personnes âgées : la terreur d’abord et la haine ensuite. Cette haine anime ces actes et espère faire surgir tant de haine en retour qu’il faudra des années, des décennies peut-être pour l’éteindre. Face à cette monstrueuse intentionnalité du mal, notre condamnation doit être absolue et radicale, sans aucun « mais ».

Dire cela n’empêche pas de dire en même temps que le gouvernement actuel d’Israël est l’un des plus droitiers que ce pays ait jamais connu, que le soutien public à la politique de spoliation et de colonisation fait le lit des extrémistes des deux côtés et que l’armée israélienne fait régulièrement usage d’une violence gravement disproportionnée à l’égard des populations palestiniennes, une violence qui tue. Ceci ne pouvant en aucun cas justifier la barbarie récente des terroristes du Hamas.

Et la suite ? Hélas, le déchaînement de la haine est quasiment certain. Le Hamas va donc atteindre son but. Peut-on appeler Israël à renoncer à la vengeance ? Oui, nous le pouvons et nous le devons afin d’espérer désamorcer le mécanisme implacable de la tragédie. Vouloir libérer les otages est légitime. Les venger sera un crime. Reste-t-il sur cette terre-là un peu de sagesse ? Si nous prions, que ce soit pour que la Sagesse dresse une table à laquelle des hommes et femmes de bonne volonté s’attableront.

Christine Pedotti

03/10/2023

" LE PAPE FRANCOIS A PORTE UNE INTERPELLATION SALUTAIRE" PIERRE DHARREVILLE

La Croix logo 29/09/2023 0 20h29

Pierre DharrévillePierre Dharréville,  Député des Bouches-du-Rhône (13e circonscription), groupe Gauche démocrate et républicaine

Pierre Dharréville revient sur les réactions qu’a suscitées l’appel du pape François à mieux accueillir les migrants. Pour le député communiste, celles-ci vont à contre-courant de l’idéal républicain et révolutionnaire de l’égale dignité des personnes.

    

Pierre Dharréville, député communiste : « Le pape François a porté une interpellation salutaire »

Le pape François reçoit un gilet de sauvetage d'un membre de SOS Méditerranée, une ONG européenne qui sauve les migrants en mer, le 23 septembre 2023.HANDOUT/AFP
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C’était il y a dix ans. Je me souviens. L’un des tout premiers gestes du pape François avait été de se rendre à Lampedusa pour braquer le projecteur sur le sort des migrants. C’était un geste qui marquait une révolte, un appel à l’humanité. 

On pouvait penser qu’il manifestait ainsi sa volonté d’incarner non pas une Église des puissants mais une Église de la justice, non pas une Église cloîtrée mais une Église dans le monde. Cherchant à se rendre utile à ces humains abandonnés aux eaux imprévisibles de la Méditerranée, il entrait dans sa fonction en posant immédiatement la question du lien entre la foi et les actes.

Tensions autour de la question migratoire

Dix ans après, et combien de drames, il est venu à nouveau porter cette interpellation salutaire depuis Marseille. Elle s’adresse à celles et ceux qui partagent sa foi, mais elle s’adresse à toutes et tous. Elle n’est pas la seule mais elle prend sa part.

Certains, cultivant leur indifférence, semblent tentés de trouver tout ça généreux et touchant en lui tapotant sur le bras comme si tout cela n’était que le passage obligé d’un grand moment de folklore. Et à lire les commentaires anonymes qui défilent sous les différentes vidéos publiées sur Internet, d’autres se sentent à ce point pris en défaut qu’ils s’enfoncent, au-delà du déni et de l’indifférence, dans la haine et l’égoïsme. J’ai été profondément blessé par la violence de ces réactions.

Une réponse politique

Quels humains sommes-nous, quelle humanité ? Quels humains, quelle humanité voulons-nous être ?

Il faut répondre aux craintes et à la crise sociale, et affronter les discours de haine, d’égoïsme et de repli. Je sais la force de la solidarité populaire. Elle se vit au quotidien même si pour beaucoup d’entre nous, la vie est difficile.

Il s’agit d’une question politique. C’est ensemble que nous pouvons être solidaires. Suffisamment de richesses sont produites dans notre pays pour vivre mieux et pour partager avec d’autres. Ces richesses sont aujourd’hui accaparées par un tout petit nombre et par le tout petit monde de la finance.

Rôle de l’État pour un accueil digne

Depuis les origines, l’humanité sillonne la planète. L’idée d’une Europe forteresse est une illusion insensée. Il n’y a d’avenir que dans la solidarité, dans la construction de la paix, dans le partage des richesses, dans la relation. Il y a besoin que les institutions et les États travaillent à trouver les voies de solutions communes dans une démarche d’accueil digne, respectueuse des humains et des libertés fondamentales et des droits tels que définis dans les conventions et traités internationaux.

Le énième projet de loi sur l’immigration qui vient m’inquiète parce qu’il va encore durcir le droit et créer des situations de détresse ; parce qu’il va ouvrir la porte à tous les fantasmes, à toutes les instrumentalisations, à tous les discours violents du rejet.

Capitalisme contre l’humanisme

La loi de l’argent, la loi du plus fort, les volontés de domination, le chacun pour soi conduisent l’humanité dans une impasse. Cette société qui culpabilise les plus faibles et légitime l’injustice et les inégalités sociales renforce le repli sur soi. Ces logiques sont à contre-courant de l’histoire de l’humanité, de sa nature même ; elles nous divisent, elles nous opposent, elles viennent rabougrir l’humain en nous.

Notre République affirme que les femmes et les hommes naissent – où qu’ils naissent – et demeurent – où qu’ils demeurent – libres et égaux en droits. Cette idée révolutionnaire a bousculé le monde, et elle nous unit. Elle pose un principe fondamental, celui de l’égale dignité humaine. Il y a urgence à changer de paradigme pour bâtir une civilisation profondément humaine.

 

02/10/2023

LE PAPE ET LE ROYAUME

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Septembre 2023            

                           Photo : © Julie Gazzoti - Hans Lucas via AFP

75/75 : ce n’est pas le score improbable d’un match de rugby, mais l’étrange paradoxe de la mesure de l’opinion des Français et des Françaises basée sur deux sondages concomitants. Ainsi, 75 % des personnes interrogées se déclarent opposées à l’accueil des migrants récemment débarqués à Lampedusa et 75 % identiquement ont une bonne opinion du pape François. On dira que ce ne sont pas les mêmes…

Hélas, les mathématiques ne laissent planer aucun doute, il y a en France au moins 50 % des gens qui manifestent à la fois de la sympathie pour le pape et une opposition à l’accueil des migrants. Voilà qui laisse interrogatif sur l’impact réel du pape sur les opinions publiques. De fait, cette dissonance ne date pas de François. On l’observait déjà avec Jean Paul II à propos des mœurs, contraception, avortement, préservatif et sida. La popularité de l’homme ne modifiait en rien les comportements des personnes.

Pour autant, le pape est-il une voix qui prêche dans le désert ? Pas tout à fait. La plupart des gens font parfaitement la différence entre l’autorité spirituelle de l’homme en blanc et le gouvernement du réel. Ils accordent sans problème au pape le droit à une parole prophétique et dérangeante. Sans doute même le trouvent-ils dans son rôle dans ses appels à la fraternité et à l’hospitalité. Cela modifie-t-il leurs convictions ? Pas sûr… Cette singulière observation ne doit pourtant pas nous désoler. Écoutons les disciples de Jésus le questionner au moment de son Ascension, alors que, nous dit le texte des Actes des Apôtres, il les a entretenus du « Royaume de Dieu pendant quarante jours » : « Seigneur, est-ce maintenant que tu vas restaurer le Royaume en Israël ? »

Comme les disciples, nous voudrions que le Royaume soit instauré tout de suite, ici et maintenant. Et voici la réponse de Jésus : « Il ne vous appartient pas de connaître les temps que le Père a fixés. Mais vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins. » C’est ce que le pape François incarne. Il est le témoin de ce Jésus pour qui nul homme, nulle femme n’est sans valeur. C’est sans doute ce que reconnaissent sans vraiment l’analyser les 75 % de personnes qui disent l’apprécier. Le pape, pas plus que Jésus, n’établit le Royaume de Dieu sur Terre, mais il nous le fait espérer et désirer.

Christine PEDOTTI  Christine_Pedotti-100x100 (2).jpg

 

14/09/2023

LA PEUR OU LA VIE

TC.GIF Bref, il est urgent de réinventer l’écologie.                        

                                                 

Le tremblement de terre qui vient d’endeuiller le Maroc, avec son lot de drames, vient nous rappeler, un peu à contretemps, que la planète a des rythmes qui ne sont pas les nôtres et que nous ne maîtrisons pas. À contretemps car nos inquiétudes face au dérèglement climatique ont tendance à nous faire croire, et c’est paradoxal, que nous sommes les maîtres tout-puissants de la nature. Il est vrai que l’industrie humaine a des conséquences indiscutables sur les milieux naturels. L’extinction de masse qui atteint un nombre considérable d’espèces animales en est la conséquence. Il reste que les volcans mijotent et explosent, que la terre tremble et que nous n’y pouvons pas grand-chose, voire rien, sinon éviter de nous y trouver exposés. Or, c’est précisément cette inconscience des humains, qui continuent à poser leur toit les uns sur les pentes des volcans, les autres sur des failles terrestres, qui devrait nous faire réfléchir.

J’ignore si le séisme marocain était prévisible, mais il est bien connu que, de San Franscisco à Los Angeles, on redoute le fameux Big One, que la ville de Catane en Sicile prospère sur les flancs de l’Etna et Naples sous la menace du Vésuve… Cette incroyable insouciance face à un danger pourtant parfaitement identifié et connu doit nous interroger sur l’efficacité de la peur face au risque environnemental. Récemment, un journaliste spécialisé sur les questions d’écologie déplorait à la télévision que « les gens n’[aient] pas suffisamment peur ». Comme si la peur devait être le moteur principal de l’action. Tout montre que non seulement ce n’est pas le cas, mais que ce sentiment est surtout contreproductif. En effet, si la menace est « On va tous mourir », elle est vaine puisque, en effet, tout être vivant est assigné à la mort. La question doit donc être énoncée de façon inverse : « Comment vivre ? » Face à la menace de la mort, il faut restaurer le désir de vivre et de vivre bien, c’est-à-dire mieux que « survivre ».

L’écologie a besoin de parler de bonheur, de paix, d’harmonie et de joie de vivre, et non de cultiver la crainte, d’entretenir la culpabilité, d’accuser et de pointer du doigt. Elle doit se rendre désirable et non inquiétante car, face au danger, la peur tétanise, paralyse, quand, au contraire, le désir rend dynamique et créatif. Bref, il est urgent de réinventer l’écologie.

Christine Pedotti

12/09/2023

APRES LE TREMBLEMENT DE TERRE DU MAROC

LA CROIX 12 09 2023 /  Arès le tremblement de terre du Maroc

Des équipes mobilisées « 24 heures sur 24 » à Marrakech

                                                                             

                                                                                 CROIX ROUGE FRANCAISE

Après le choc du séisme, de nombreux médecins se sont portés volontaires. Selon eux, l’hôpital parvient à faire face à l’afflux de patients. Tout autour, les familles attendent les nouvelles de leurs proches avec anxiété.

Marrakech (Maroc) De notre envoyé spécial

Elles ont posé quelques couvertures à même le sol, dans le petit jardin face à l’entrée des urgences du CHU de Marrakech. À quelques mètres d’elles, le ballet des ambulances ne cesse de déposer des blessés. Jamila et quelques femmes de sa famille sont originaires d’Ijoukak, tout près de l’épicentre du terrible séisme qui a ­secoué le Maroc vendredi soir. « Nous sommes arrivées hier et nous attendons des nouvelles de ma sœur. Elle a voulu protéger ses ­enfants et a reçu des débris sur la tête et sur le dos. Elle a pu sauver l’une de ses filles. L’autre n’a pas survécu. Il y a eu un nombre incalculable de morts dans notre ­village », décrit Jamila.

Tout autour de l’hôpital, les ­familles des blessés attendent de pouvoir revoir leurs proches. Des bénévoles s’activent pour leur distribuer eau et nourriture. Beaucoup de familles n’ont pas les moyens d’acheter de la nourriture à l’extérieur pendant plusieurs jours. Elles sont nombreuses à dormir dans la rue, à même le sol.

Le professeur Khalid Rabbani, médecin spécialiste de chirurgie viscérale au CHU de Marrakech, est habitué à voir le type de blessures traitées depuis vendredi. « Ce sont principalement des traumatismes des membres ou encore du bassin, des hématomes, des ­commotions… Ce sont des patients polytraumatisés, à l’image de ce qu’il se passe pendant un accident sur la voie publique. La différence, c’est l’afflux inédit de blessés. Là, ce sont des centaines de personnes que nous avons dû accueillir. » Comme de nombreux autres médecins, il s’est rendu spontanément à l’hôpital quelques heures après le séisme, samedi.

Selon le professeur Rabbani, la mobilisation du personnel de l’hôpital a permis d’accueillir tous les patients qui se sont présentés. « Certains médias ou des personnes sur les réseaux sociaux assuraient que l’on manquait de matériel. Je peux vous confirmer que nous avons pu opérer tous les malades qui ­devaient l’être », assure le médecin.

L’épicentre du tremblement de terre, qui a provoqué la mort d’au moins 2 497 personnes et blessé 2 476 autres selon le dernier ­bilan (lire les repères), est ­situé en pleine montagne, dans une zone particulièrement défavorisée. « Nous n’avons pas réfléchi. Nous avons mis notre famille à l’abri et nous nous sommes dirigés vers le CHU pour organiser l’accueil des ­patients », décrit le professeur ­Tarik Salama, médecin spécialiste de chirurgie infantile au CHU.

Toutes les salles de bloc opératoire ont été réquisitionnées pour les blessés du séisme et, selon lui, une grande partie du personnel médical s’est spontanément mobilisée. « Une fois que l’on prend un peu de recul, je ne vous cache pas que l’on subit un choc émotionnel. Ce séisme a décimé des ­familles, rendu des enfants orphelins, ­détruit un nombre incalculable de maisons. Nous essayons de ne pas craquer quand nous exerçons », rapporte Tarik Salama.

Alors que le Maroc a accepté l’aide de quatre pays – l’Espagne, le Qatar, les Émirats arabes unis et le Royaume-Uni –, le professeur Khalid Rabbani estime que tout soutien sera bienvenu à terme. « Mais, pour l’instant, nous arrivons à gérer seuls. Il y a un roulement et nous travaillons 24 heures sur 24. En revanche, ce fonctionnement a un effet sur tous les autres soins. Les activités de chirurgie froide, y compris les cancers, sont arrêtées », explique-t-il.

L’enjeu est aussi de réussir à amener les patients de ces zones isolées, où seuls des centres de santé ou de petits hôpitaux sont implantés. « Certains endroits sont très difficiles d’accès. Mais les équipes civiles et militaires ­travaillent pour choisirl’hôpital le plus approprié, à Marrakech, Taroudant, Agadir… », indique le professeur Rabbani.

Ce sont les hommes du village qui ont eux-mêmes porté la sœur de Jamila sur leur dos, jusqu’à trouver une ambulance, qui l’a transférée à l’hôpital. Selon elle, « le chirurgien a fait une première opération hier. Ils doivent maintenant s’occuper de son dos. Ils ne nous ont pas laissés la voir, et on ­espère seulement que tout s’est bien passé ».

 

PHOTO CROIX ROUGE FRANCAISE

Le bilan provisoire du violent séisme qui a frappé vendredi une région au sud-ouest de la cité touristique de Marrakech au Maroc est monté à 2 497 morts, a annoncé lundi 11 septembre le ministère de l’intérieur marocain.

Le nombre des blessés ­s’élevait quant à lui à 2 476 personnes. Sur ­instructions du roi Mohammed VI, ­l’armée ­marocaine déploie « des moyens humains et ­logistiques ­importants, aériens et ­terrestres », selon l’agence de presse marocaine MAP.

Des équipes de recherche, de sauvetage ainsi qu’un hôpital de campagne sont mis sur pied dans la province d’Al-Haouz, là où se trouvait l’épicentre du tremblement de terre.