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28/03/2022

GUERRE EN UKRAINE: UN COMBAT METAHYSIQUE DISENT-T'ILS

GARRIGUES ET SENTIERS.GIFLa guerre déclenchée par le président russe contre l’Ukraine n’est pas une guerre de religion. Plutôt une croisade expansionniste menée au nom de la pureté russe inspirée par l’orthodoxie, afin de lutter contre l’Occident décadent et menaçant.

Le patriarche orthodoxe russe Kirill, l’un des théoriciens de ce discours, confirme, bénit, et sacralise une telle manipulation de la foi chrétienne au service de la guerre. Tout en affirmant que « là où est le diable, là aussi est le mensonge » il ose expliquer que « les ennemis (extérieurs) des peuples russes et ukrainiens s’efforcent par tous les moyens de leur insinuer : vous êtes des ennemis, vous devez faire la guerre ». Il évoque « un combat métaphysique au nom du droit de se tenir du côté de la lumière, du côté de la vérité de Dieu, de ce que nous révèlent la lumière du Christ, sa parole, son Évangile ». Devant tant de mensonges, il me faut bien croire que le diable existe !  

Un détournement de l’histoire

Les autorités russes réécrivent l’histoire pour nier toute existence autonome à l’Ukraine, « fabrication de Lénine », contaminée par l’idéologie nazie, et gagnée par la fièvre maléfique occidentale.

En 988, sous l’autorité du Prince Vladimir, la Rus’ fut baptisée à Kiev et devint chrétienne. Après la rupture en 1054, entre Rome et Constantinople, le fossé s’est creusé ; la religion fut manipulée par tous les pouvoirs. Moscou, la « Nouvelle Rome » devint Église indépendante en 1448, tout en maintenant la prééminence de principe de Constantinople. Peu à peu, les églises situées à proximité de la Russie renforcèrent leurs liens avec Moscou, contre l’ouest. Les liens nationalistes entre l’Église orthodoxe russe et le pouvoir en place furent toujours très fusionnels.

La rupture avec Constantinople fut consommée lorsque Moscou refusa de participer au grand concile panorthodoxe réuni en 2016. Des églises orthodoxes autocéphales, indépendantes des deux grands centres de l’orthodoxie, se formèrent dans divers pays, au gré des évènements. 

En Ukraine, l’Église liée à Moscou est la plus nombreuse. En 2018 une Église orthodoxe ukrainienne indépendante fut créée et reconnue par Constantinople. Il existe aussi une forte église Gréco-catholique rattachée à Rome.

La communion orthodoxe menacée

Certains responsables orthodoxes, pourtant rattachés au patriarcat de Moscou, contestent le discours de Kirill cité plus haut. Ainsi Jean, le patriarche des Églises orthodoxes européennes de tradition russe : « Je ne peux souscrire à une pareille lecture de l’Évangile. Une telle guerre ne peut avoir de justification ni devant Dieu ni devant les hommes ». Il appelle à une condamnation de l’agression russe. L’Église orthodoxe ukrainienne proche de Moscou manifeste également des « fissures » à l’égard du discours officiel. Le métropolite de Lviv (Ukraine) écrit : « Nous voulons une Église indépendante de Moscou pour une raison simple : la Russie est l’agresseur, elle attaque l’Ukraine et le patriarche Kirill ne reconnaît pas cette réalité ». Le courage et une certaine liberté restent bien vivants malgré l’autoritarisme destructeur. 

Si les responsables orthodoxes liés à Moscou sont beaucoup plus prudents en Serbie, Albanie, Tchéquie, Slovaquie, etc., le patriarche Bartholomé de Constantinople a pris position et condamné fermement l’agression russe. Il est suivi par de nombreuses églises orthodoxes à travers le monde. Une démarche de véritable communion sera-t-elle possible après de tels déchirements ?

Et le pape dans tout cela ?

Le pape François a, dès le début du conflit, dit son horreur de la guerre et sa compassion pour les victimes. Il lui fut reproché de ne pas avoir tout de suite désigné le coupable, au nom de la « retenue » du Vatican qui caresse depuis des décennies le projet d’une rencontre au sommet entre Moscou et Rome (Le Monde, 10 mars). Diplomatie oblige, affirment certains. 

Le 13 mars, le pape déplora la barbarie, les bombardements et demanda que soit mis fin immédiatement à « l’inacceptable agression armée. Dieu est seulement le Dieu de la paix, Il n’est pas le Dieu de la guerre et qui soutient la violence en profane le nom ». Sa position est bien claire. Les deux responsables religieux ont pu s’entretenir de la gravité de la situation. 

Par ailleurs, la doctrine catholique ne met pas en cause la légitime défense d’un peuple contre une agression, mais invite la communauté mondiale à se méfier de toute guerre dite « juste ». À aucun moment l’on ne peut prétendre « humaniser la guerre ». Le pape confirme la condamnation de la guerre d’agression et de toute arme de destruction massive. Il met des conditions à la « la guerre juste » sans jamais la légitimer (encyclique Fratelli Tutti).

Dramatique occasion pour toute personne de bonne volonté de s’interroger sur la création progressive des conditions individuelles et mondiales qui empêcheront de céder à la tentation guerrière.

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Guy Aurenche, né en 1946, est un avocat français, militant des droits de l'homme, président d’honneur de la Fédération internationale de l'action des chrétiens pour l'abolition de la torture et ancien président du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD-Terre solidaire)1.         

 

26/03/2022

A OUJGOROD, UKAINE, L'ETRANGE COHABITATION DE L'INSOUCIANCE ET DE LA GUERRE

Quand on arrive dans la ville ukrainienne d’Oujgorod, près de la frontière slovaque, on est frappé par l’ambiance paisible qui y règne.

Publié le par Jacques Duplessy

Au bord de l’Ouj, la rivière dont la ville tire son nom, les promeneurs profitent du soleil et de la douceur le long du quai, les pêcheurs ont mis les lignes à l’eau. Non loin de là, les cafés ont sorti les terrasses et les tables affichent complet, des musiciens jouent des chansons traditionnelles. Cette vie en apparence insouciante loin du fracas des armes, c’est ce qui a surpris Juliana, une déplacée de Kiev. « J’ai fui la capitale avec mon mari et mes deux enfants pour venir retrouver mes parents qui habitent ici. Il nous a fallu dix-sept heures de train pour arriver à Oujgorod. Cela fait du bien de voir des magasins ouverts, de ne plus entendre le bruit des bombes. »

Mais la guerre se rappelle aux habitants de multiples manières. Mercredi, la sirène annonçant un possible bombardement les a réveillés en sursaut à 4 heures. Une fausse alerte. Dans le centre historique, un homme appelle d’une voix forte à donner pour aider les déplacés et financer des équipements militaires. Un peu plus loin, une affiche à la gloire des missiles antichars américains Javelin a été placardée dans une rue commerçante. À quelques pas de là, ceux qui ont fui les combats font la queue devant un bâtiment municipal pour trouver un logement provisoire. Environ 3 000 nouveaux déplacés rejoignent ce havre de paix chaque jour. Ils étaient plus nombreux encore au début de la guerre. Près de 500 000 personnes ont transité par la région pour fuir vers les pays voisins et plus de 80 000 sont installées dans la ville. Beaucoup sont partis sans rien et dépendent de l’aide humanitaire.

Face aux désastres de la guerre, c’est l’Ukraine tout entière qui s’est mobilisée. « L’État s’occupe prioritairement de l’armée, raconte Nathalia Kabatsiy, la directrice de l’ONG Comité d’aide médicale. Ce sont les associations qui s’occupent principalement des populations civiles touchées. Nous avons fait deux révolutions en Ukraine et il y a la guerre au Donbass depuis 2014, alors nous avons l’habitude de nous organiser. Nous avons des réseaux très efficaces. Heureusement, car l’État est un peu dépassé et il y a pas mal de désorganisation. » Le téléphone de la jeune femme ne cesse de sonner, tantôt pour transmettre des demandes, tantôt pour annoncer l’arrivée d’un camion.

« Notre association s’occupait des réfugiés en Ukraine et d’améliorer la prise en charge des personnes handicapées, raconte Nathalia. Je n’avais pas fait d’aide d’urgence depuis les inondations dans la région en 1998 ! Mais les réflexes reviennent vite. » En quelques jours, l’ONG est devenue la chef de file de l’aide humanitaire pour la région de Transcarpatie. Elle loue désormais deux entrepôts dans la ville et un autre en Slovaquie. L’équipe s’est étoffée et compte à présent une dizaine de salariés et une centaine de bénévoles. Grâce à ses partenaires de toute l’Europe, des camions remplis de produits de première nécessité arrivent chaque jour. Ce vendredi matin, deux semi-remorques en provenance d’Autriche et de Paris se présentent. « C’est le cinquième camion qui vient de France, raconte Nathalia, un autre doit arriver demain. Je viens d’apprendre que la Fédération nationale de protection civile doit nous livrer dix camions de duvets et de matériel médical. L’élan de solidarité est vraiment extraordinaire. » Ouest-France Solidarité, l’association du quotidien éponyme, a, elle, versé 45 000 euros pour aider aux frais logistiques et plus de 80 000 euros pour acheter des médicaments qui manquent cruellement.

Le Comité d’aide médicale ne fait pas que venir en aide aux déplacés de la région. Devant le quai de chargement, des véhicules se présentent pour des envois vers les villes touchées par les combats ou proche de la ligne de front, comme Kiev, Kharkiv ou Odessa. Le ballet est incessant. Le gouvernement met aussi gratuitement à disposition des wagons de fret. « Oujgorod et Lviv ne sont pas touchées directement par la guerretémoigne la responsable de l’association. Ces deux villes sont devenues les nœuds humanitaires du pays. »

En traversant le centre-ville d’Oujgorod, Nathalia contemple les terrasses de café : « Ça me fait bizarre de voir ça. Depuis le 24 février, je n’ai pas pris un jour de repos. J’ai l’impression qu’on est un peu dans des mondes parallèles. »

De notre envoyé spécial le par Jacques DUPLESSIS, prêtre de la MISSION DE FRANCE  / Jacques Duplessy

Photo : Kap olenaCC BY-SA 4.0,

07/03/2022

SAVOIR VIVRE ET SAVOIR MOURIR

TC.GIF

L’expression « Mourir pour Dantzig » hante nos consciences, reconvertie en « Mourir ou ne pas mourir pour Kiev. » Et nous voici acculés à des réflexions que nous aurions souhaité ne plus jamais avoir à affronter. De fait, nos enfants et petits-enfants n’iront pas mourir en Ukraine. L’état des forces et des traités nous en dispense. Sauf si la folie du satrape russe nous rattrapait, soit qu’il décide de franchir d’autres frontières que nous nous sommes engagés à défendre – pays baltes, Pologne… –, soit qu’il soit assez irresponsable, et ceux qui l’entourent avec lui, pour nous jeter dans un conflit nucléaire.

La brûlante situation qui amène la guerre sur le territoire de l’Europe nous rappelle que la construction européenne n’a pas pour but de nous engager à mourir ici ou là mais à nous faire vivre en paix, ce qui a été le cas depuis plus de soixante-quinze ans. De fait, l’Europe montre un front plus fort et plus uni que ce qu’imaginait M. Poutine, lequel comptait sur notre faiblesse et précisément – le mot est de l’un de ses diplomates – sur le fait que nous, Occidentaux vautrés dans notre confort, « ne savions plus pour quoi nous serions prêts à mourir ».

S’il n’est pas à l’ordre du jour de mourir – et espérons que cela le demeurera –, il est question de vivre et de vivre debout. Cela signifie que pendant que les Ukrainiens et Ukrainiennes sont en train de se battre avec héroïsme, dans une lutte inégale, nous prenions notre part en acceptant les désagréments réels générés par le conflit et les sanctions que nous prenons contre l’agresseur russe. À ce titre, on ne peut qu’être navrés de dégoût quand une Marine Le Pen, dont on sait l’admiration qu’elle a professé pour les démonstrations de puissance virile du Russe, réagit à l’annonce de la guerre en Ukraine en s’inquiétant de ses conséquences sur le pouvoir d’achat de Français et de Françaises. D’Éric Zemmour, qui rêvait d’un Poutine en France, ou rêvait d’être le Poutine français, mieux vaut ne rien dire tant il est clair que chez lui le pétainisme réel a pris le pas sur le gaullisme imaginaire qu’il revendique.

Il est des moments qui sont historiques parce qu’ils déterminent l’avenir. Le nôtre, celui de la démocratie, a un prix, espérons que ce ne sera pas celui de nos vies mais seulement celui du pain, des pâtes, du pétrole et du gaz.

Christine Pedotti Christine_Pedotti-100x100 (2).jpg

24/02/2022

VIEILLIR DANS LA DIGNITE

Publié le 21 février 2022 par Garrigues et Sentiers

Vieillir dans la dignité

Mgr Jacques GAILLOT

Nous sommes plus enclins à revendiquer notre droit à mourir dans la dignité, qu’à celui de vieillir dans la dignité. Mais la parution du livre Les Fossoyeurs sur la maltraitance dans certains Ehpad, remet au premier plan l’étape de la vieillesse.

Les révélations de cet ouvrage nous bousculent, nous révoltent, nous anéantissent.

Aujourd’hui, la vieillesse devient un cauchemar planifié, par une course au profit qui l’emporte sur toute autre considération.

Un être humain n’est pas réduit à ce qu’il produit ou à ce qu’il consomme. La dignité d’une personne n’est pas à vendre ou à louer. Elle ne doit jamais être perdue. Ces maltraitances attestent qu’on n’a pas su reconnaître la dignité de nos aînés, ni comprendre que ces personnes du grand âge avaient autant besoin de respect que de soins.

Si l’humain avait été placé au cœur de ces maisons de retraite, tout le monde serait gagnant.

Vieillir, n’est-ce pas tout perdre, au gré du temps ? La solitude est la grande épreuve. La tendresse, si nécessaire, semble disparue. Les personnes âgées ont un grand besoin de relations humaines chaleureuses où elles se sentent accueillies, écoutées, aimées. Nul ne survit au manque d’amour. N’en réchappe que la personne qui est aimée.  

Il n’y a pas de vie perdue quand on aime. Une vie animée par l’amour est source de fécondité. C’est ainsi qu’on peut grandir en humanité. Se donner aux autres, n’est-ce pas le secret de ne pas mourir ?

Nous avons à bâtir une société où personne ne sera laissé de côté. Une société où les anciens auront leur place et seront honorés.

« Les personnes âgées sont comme les racines d’un arbre : si elles sont exclues de la société, l’arbre meurt » (pape François) 

Jacques Gaillot  

Source : https://nsae.fr/2022/02/12/vieillir-dans-la-dignite/?utm_...

13/02/2022

ESPERANCE

LA CROIX le 13/02/2022 à 19:40I Isabelle De Gaulmyn rédactrice en chef

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Tous les ingrédients étaient là. Une banlieue où la crise industrielle a laissé sur le carreau de nombreuses familles d’origine étrangère ; des jeunes désœuvrés, radicalisés par un islam importé ; une petite église vide, avec un vieux prêtre et quelques religieuses, peinant à conserver la flamme du christianisme… L’assassinat du père Hamel aurait pu donner raison à tous ceux qui nourrissent à longueur de discours la théorie du grand remplacement, du choc des civilisations, de la fin du christianisme et du déclin. Guidé par les propagandistes de Daech, c’est précisément ce que ce jeune de Saint-Étienne-du-Rouvray qui n’avait pas 20 ans, Adel Kermiche, a voulu provoquer en tuant le vieux prêtre : que tout le pays s’embrase.

Sauf que la « petite » église se révéla être plus solide qu’il n’y semblait, soutenue par une institution catholique capable de tenir un propos apaisant. Que l’opinion publique a reconnu dans ce vieux prêtre, fils de cheminot, une part d’elle-même. Que le maire communiste fut au côté de l’évêque. Que le président socialiste François Hollande soucieux de laïcité n’hésita pas une minute pour signifier que l’assassinat du prêtre touchait au sacré de la République. Et que les musulmans furent nombreux à manifester leur solidarité aux catholiques qui surent les accueillir.

Certains se plaisent aujourd’hui à attiser les fractures d’une société fragilisée. Dans cette drôle de campagne électorale, ils n’hésitent pas à ressasser des discours de haine opposant les Français entre eux, et à profiter du sentiment d’insécurité pour caricaturer la communauté musulmane. Le procès des assassins du père Hamel, qui commence ce lundi, est l’occasion de leur renvoyer une autre image de la France. Celle d’un pays résilient, d’un peuple capable de se retrouver sur ses valeurs. Celle d’une République qui tient bon. Et qui sait encore cultiver l’espérance. 

https://www.la-croix.com/Religion/Proces-lattentat-Saint-...

15/01/2022

LES MIMI CRA CRA DE LA POLITIQUE

Publié le 

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.C’est un personnage qui a bercé bien des enfances, une petite fille délurée qui n’aime rien tant que sauter à pieds joints dans les flaques pour éclabousser tout le monde, parce que « Mimi Cracra, l’eau, elle aime ça », et surtout l’eau un peu boueuse, même si elle finit la journée dans un bon bain. Le Président doit avoir des envies d’enfance rentrées – de l’inconvénient d’avoir été bon élève –, parce que sa saillie dans Le Parisien sur son envie d’« emmerder » les non-vaccinés relève d’une joie de Mimi Cracra, et que, comme les sales gosses, il répète le mot trois fois, comme s’il gobait des marshmallows ou se gavait de fraises Tagada. Comment s’étonner dès lors que Valérie Pécresse, en réponse, veuille ressortir le « Kärcher » de la cave pour le contrer…

Alors, non, un président ne devrait pas dire ça, même si, comme beaucoup de nos compatriotes, il le pense. L’honneur de la parole publique devrait demeurer de ne pas dire tout haut ce que nous pensons tout bas. Pendant longtemps, seuls les leaders populistes, tel Jean-Marie Le Pen, se vantaient de faire l’inverse. Emmanuel Macron inaugure une étrange chimère ; le populisme d’extrême centre.

De fait, il apparaît de plus en plus clairement que cette campagne électorale est en train de se dérouler à un niveau sonore tel qu’il va falloir être celui ou celle qui crie le plus fort pour être entendu.

Fabien Roussel, le candidat communiste, a certainement été le premier étonné de déclencher une houle médiatique pour avoir déclaré que la gastronomie française, c’était « un bon vin, une bonne viande, un bon fromage ».

Reste-t-il un espace pour un discours politique raisonnable, sensé ? Hélas, on ne voit pas comment l’horizon pourrait se dégager. Du côté gauche, à défaut de buzz, on n’entend guère que du brouhaha, le bourdonnement sourd de trop nombreuses candidatures.

La grande affaire de La Primaire populaire est en train de devenir un piège tragique et les valeureux jeunes gens qui entament une grève de la faim pour exiger une candidature unique, pour être courageux, n’en sont pas moins dans une irréalité peu compatible avec le nécessaire réalisme et le pragmatisme politique. Mais du moins sauvent-ils la morale face au cynisme. À ce titre, ils méritent notre estime.

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Photo : Jacques Paquier (CC BY 2.0)

12/01/2022

VOEUX POUR 2022- VOICI L'HEURE DE SORTIR DE VOTRE SOMMEIL

   Bernard Ginisty, philosophe. Il a été co-fondateur de Démocratie et spiritualité, et directeur de Témoignage chrétien bernard ginisty.jpg

 Vœux pour 2022 : « Voici l’heure de sortir de votre sommeil »

Publié le par Garrigues et Sentiers

En ce début d’année, nous échangeons traditionnellement des « vœux ». Le mot « vœu », dans la langue française, signifie deux attitudes contradictoires. L’une traduit la futilité de ce qu’on appelle des « vœux pieux » formulés sans que leurs auteurs s’interrogent sur ce en quoi ils sont concernés par la réalisation de ce qu’ils « souhaitent », laissant ce soin à un « bon dieu ». La seconde exprime l’engagement de ceux qui se « vouent » à une cause.

L’année 2022, par l’ampleur des crises qui s’annoncent aura besoin, de notre part d’autre chose que des « vœux pieux ». Pour Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International et ancienne rapporteuse spéciale des Nations-Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires, « nous sommes dans une crise des normes, qui se traduit par des attaques contre la dignité humaine, et même contre l’idée d’égalité entre les êtres humains. La mort de réfugiés et de migrants est devenue monnaie courante, presque quelque chose d'acceptable, comme si leur vie avait moins de valeur que la nôtre. La crise aigüe que nous traversons pourrait conduire nos sociétés à des situations du type 1939. Je m’interroge souvent : serons-nous la génération des années 1930 ou celle des années 1948, qui a rédigé la Déclaration universelle des droits de l’homme ? » 

Par ailleurs, il faut bien constater l’inquiétante évolution des États-Unis d’Amérique qui menace l’équilibre mondial. C’est ce que constate l’économiste Jeffrey Sachs, professeur à l’université Columbia (New York) et président du réseau des solutions pour le développement durable des Nations Unies : « Les États-Unis sont devenus un pays de riches, par les riches et pour les riches, refusant toute responsabilité politique pour les dommages climatiques qu’ils imposent au reste du monde. Les clivages sociaux qui résultent de cette situation ont conduit à une épidémie de « morts du désespoir » (notamment par surdose médicamenteuse et suicides), à une baisse de l’espérance de vie (avant même la pandémie due au Covid-19), à une hausse de cas de dépression chez les jeunes. Sur le plan politique, ces profonds désordres mènent vers divers chemins – le plus inquiétant étant celui de Donald Trump, son faux populisme et son vrai culte de la personnalité. Servir les riches tout en distrayant l’attention des pauvres avec la xénophobie, les guerres culturelles et les coups de menton de l’homme fort est peut-être le plus vieux truc du manuel du démagogue, mais il fonctionne encore étonnamment bien ». Kathleen Belew, professeur d’histoire américaine à l’université de Chicago écrit : « Ma grande interrogation est de savoir à quel point ces groupes du white power vont réussir à capter un auditoire dans un cercle concentrique plus large. (…) Plusieurs participants à l’insurrection du 6 janvier ont été élus à des fonctions officielles sous la bannière du parti républicain »

Cette évolution des États-Unis d’Amérique ne doit pas nous éviter d’analyser les faiblesses de la France et plus généralement de l’Union Européenne. Évoquant les cinq années où elle a été rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les exécutions extra judiciaires, Agnès Callamard constate : « Je n’ai pas trouvé que la France jouait un rôle particulièrement important ou positif en matière de droits humains. Les autorités françaises se montrent timorées dès qu’il s’agit de l’Arabie saoudite et de la Chine, privilégiant les exportations, les intérêts économiques et géopolitiques à la défense des droits » 

On a souvent reproché aux chrétiens, parfois à juste titre, de se réfugier dans un arrière monde qui les éloigne des combats pour l’homme ! Mais comment ne pas voir dans la course à l’argent, le désenchantement individualiste, les haines ethniques et raciales, les injustices établies, des “ opiums du peuple ” autrement dangereux ? La Résurrection manifeste que la force vivante en tout homme est plus radicale que ses peurs, ses échecs et ses enfermements. Elle indique, suivant l’étymologie du mot Pâques, que l’aventure humaine se réalise non dans la possession, mais dans le passage. Se vautrer dans la quête d'une intériorité toujours plus affinée est un terrain où prospèrent les idoles. Si Dieu est “ passant ”, c'est qu’il n'est pas “ présent ”. C’est dans le visage de ce qui nous est étranger que nous avons quelques chances de saisir sa trace. Au jeune homme riche qui, en règle avec toutes les lois, veut “ posséder ” la vie éternelle, le Christ propose “ d’entrer dans la vie ” en devenant étranger à ses biens (Mt 19, 1-22). Aux opiomanes tentés d’enfermer l’aventure humaine dans l’avoir, le pouvoir ou la sécurité des appartenances, le message pascal annonce : “ Voici l’heure de sortir de votre sommeil ” 

GARRIGUES ET SENTIERS

11/01/2022

LES INQUIETUDES DU PAPE SUR L'ETAT DU MONDE

Le pape François a développé, lundi 10 janvier, devant les diplomates de toute la planète, ses préoccupations pour le monde. Parmi elles : les vaccins, les migrants et la détention d’armes. Pour la première fois, il s’est montré préoccupé par la « cancel culture ».

Rome De notre envoyé spécial permanent - Loup Besmond de Senneville 

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C’est le grand rendez-vous du début d’année au Vatican. Le pape François s’est longuement exprimé, lundi 10 janvier, lors de la traditionnelle cérémonie de vœux adressés à tous les ambassadeurs accrédités près le Saint-Siège. Durant un discours fleuve, il a dressé un vaste état du monde et a adressé aux 183 États représentés devant lui une vigoureuse exhortation à agir, dans le contexte critique de la pandémie.

Car c’est bien des autorités politiques et sanitaires que dépend la distribution des vaccins, dont François a estimé que, même s’ils ne sont pas « des outils magiques de guérison », ils constituent « la solution la plus raisonnable pour la prévention de la maladie ». Depuis la salle des Bénédictions, au cœur du Palais apostolique, il a d’ailleurs fustigé, en la matière, les « informations infondées » et les « faits mal documentés » qui constituent des « idéologies » en rupture avec « la réalité objective des choses ».

« Un engagement global de la communauté internationale est nécessaire pour que l’ensemble de la population mondiale ait un accès égal aux soins médicaux essentiels et aux vaccins », a-t-il affirmé.

Insistant sur l’importance de l’éducation dans cette période troublée, il a redit sa « douleur » de constater que des abus sur mineurs avaient eu lieu « dans divers milieux éducatifs »« Il s’agit de crimes sur lesquels il faut avoir la ferme volonté de faire la lumière en examinant les cas individuels, afin d’établir les responsabilités, de rendre justice aux victimes et d’empêcher que de telles atrocités ne se reproduisent à l’avenir. »

Autre demande adressée aux États, de la part d’un pape qui est apparu inquiet pour le monde : celle d’accueillir les migrants. Le thème est d’autant plus présent chez lui qu’il estime, comme il l’avait exprimé lors de son voyage en Grèce et à Chypre, début décembre, que le sort des migrants est frappé par l’indifférence générale. S’il s’est dit « conscient des difficultés que rencontrent certains États face à des flux humains considérables », il a aussi affirmé que ces réticences ne pouvaient être le prétexte à une fermeture totale : « Il y a une nette différence entre accueillir, même de façon limitée, et repousser totalement. »

Pour le pape, la solution aux crises migratoires et climatiques se trouve dans une réponse globale, portée par des instances multilatérales. Mais la diplomatie multilatérale, grande priorité du Saint-Siège, fait l’objet d’un affaiblissement réel ces dernières années, et du « manque d’efficacité de nombreuses organisations internationales ». L’une des raisons de cette carence ? « Une forme de colonisation idéologique », a répondu François. Pour la première fois, le pape a évoqué la « cancel culture » (culture de l’annulation), qu’il a définie comme une « pensée unique contrainte à nier l’histoire »« Au nom de la protection de la diversité, on finit par effacer le sens de toute identité, avec le risque de faire taire les positions qui défendent une idée respectueuse et équilibrée des différentes sensibilités », a fustigé le pape.

En décembre, François avait critiqué un guide interne de la Commission européenne, dans lequel il était notamment recommandé de ne plus souhaiter « Joyeux Noël », afin de respecter les différentes traditions religieuses. Un épisode que le pape n’a toutefois pas directement nommé, fidèle à la tradition de la diplomatie du Saint-Siège de ne pas mettre en cause un organisme ou un État de manière frontale. On peut aussi relever l’absence de la mention de deux États, avec lesquels les relations demeurent particulièrement délicates : la Chine et la Russie.

Pour autant, le pape n’a pas évité d’autres sujets difficiles, et à ses yeux prioritaires, comme la détention d’armes. « On a parfois l’illusion que les armements ne remplissent qu’un rôle dissuasif contre d’éventuels agresseurs, a-t-il averti. L’histoire, et malheureusement aussi l’actualité, nous enseignent que ce n’est pas le cas. Celui qui possède des armes finit tôt ou tard par les utiliser. » Une inflexion claire dans la doctrine, qui a longtemps condamné l’utilisation des armes, tout en reconnaissant à la dissuasion une forme de légitimité.

Paroles

« Son diagnostic sonne vraiment très juste »

Patrick Renault
Ambassadeur de Belgique près le Saint-Siège

« Je suis frappé par les propos du pape sur plusieurs points. D’abord, sa condamnation des fausses rumeurs sur les vaccins est claire. Cela peut avoir un impact important sur ceux qui aujourd’hui, notamment en dehors d’Europe, utilisent des arguments religieux pour tenir des discours anti-vaccination. Ensuite, son diagnostic sur le multilatéralisme et la crise des organisations internationales sonne vraiment très juste. Lorsqu’il parle du manque d’efficacité de ces organismes, on ne peut qu’être d’accord. Enfin, il exprime une réelle inquiétude sur le fait que le processus de paix entre Israël et Palestine n’ait pas avancé et il promeut des négociations avec l’Iran pour un accord sur le nucléaire. C'est le soutien fort et très significatif."

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  Recueilli par Loup Besmond de Senneville (à Rome) 

23/12/2021

DOUCE FRANCE

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TC.GIFDOUCE FRANCE

Nous espérions qu’en 2021 nous en aurions fini avec le « maudit virus ». Hélas, les perspectives pour 2022 demeurent inquiétantes, même si l’efficacité de la vaccination est grande et atténue les effets des vagues épidémiques. Le virus circule à vive allure et ne cesse de muter. Si les pays développés ont une forte couverture vaccinale, des pans entiers du reste du monde se heurtent à la fois à la non-disponibilité du vaccin, à des problèmes logistiques considérables et à des hostilités vaccinales extrêmement vives. Tout cela mêlé peut nous faire craindre que 2022 soit encore une année « Covid ». Pourtant, à l’aube de cette nouvelle année, plutôt que de nous laisser aller au découragement, prenons le temps de nous réjouir. Oui, osons nous dire qu’il fait bon vivre en France. Je sais tout ce qui peut être objecté à ces mots, mais prenons le temps de regarder ce qui va, ce qui est beau, bon et juste, afin d’y trouver la force de le défendre, d’entreprendre d’autres conquêtes et de le partager plus largement.

Reparlons donc du virus, des soins et des vaccins, et réjouissons-nous de vivre dans un pays capable de soigner tout le monde, sans exclure qui que ce soit pour des raisons financières. Vivre en France, même sans titre, ouvre le droit à la santé et à des soins de qualité. S’il faut se battre pour sauver une cathédrale, que ce soit celle-ci, celle de la « sécu » pour tous et toutes. Bien sûr, on peut – et il faut – faire encore mieux, rénover l’hôpital et l’offre de soins, mais ne boudons pas ce que nous avons.

Oui, le système de protection sociale – maladie, chômage, famille, retraite, logement, handicap – est lourd et complexe et peut et doit être amélioré, mais il existe et il fonctionne. Et c’est notre honneur de ne le soumettre qu’à des conditions de ressources et non d’origine.

Oui, l’Éducation nationale est une pesante machinerie qui peut et doit être améliorée, mais elle accueille tous et toutes, de la maternelle à l’université, gratuitement ou à très faible coût comparé à bien d’autres pays.

Oui, tant la justice que la police pourraient mieux fonctionner, mais, même cahin-caha, quoi qu’on en dise, la France est l’un des pays les plus sûrs et les plus paisibles au monde.

Réjouissons-nous de ce que nous avons, fruit des luttes, des conquêtes, des révolutions, des réformes. Et protégeons-le jalousement ; c’est la véritable identité de la France.

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09/12/2021

LA FRANCE, LA FRANCE

Photo : Faces Of The World (CC BY 2.0)

Cette fois, nous y sommes ou presque ; les « petits chevaux » sont presque tous alignés sur la ligne de départ pour la grande course présidentielle. Il manque certes le président sortant, mais il ne fait guère de doute qu’il sera candidat à sa succession et, à date, le prétendant le plus sérieux pour le titre, de sorte que tous les autres sont pour l’instant des challengers.

Que dire sinon gémir de tristesse devant l’affligeant émiettement de la gauche ? Au-delà de son incapacité dramatique à présenter un candidat ou une candidate ayant un espoir de figurer au second tour, sa faiblesse et sa dispersion ne lui permettent même pas de peser sur le positionnement d’Emmanuel Macron, qui cherchera plutôt à rattraper des électeurs et des électrices fuyant une droite tendue vers l’extrême. Car c’est bien à droite que ça se passe, une droite dont les différentes nuances n’atténuent pas les couleurs criardes et violentes. Marine Le Pen se retrouve bizarrement à incarner la droite populaire du gros rouge qui tache et du (faux) « bon sens près de chez vous ». Sa bonhomie en deviendrait rassurante comparée à la figure de Zemmour, tout recuit de ressentiment, en appelant à une France pétaino-pompidolienne fantomatique, une France issue de l’accouplement improbable de Dupont Lajoie et de Brasillach. Il a été rejoint, sans grande surprise, par les militants de Sens commun – rebaptisé Mouvement conservateur en 2020 –, une formation droitière issue du combat contre le mariage pour tous.

La campagne de désignation du champion des Républicains quant à elle a d’abord montré des candidats infléchissant leur propos sur des positions de plus en plus nationalistes, xénophobes et autoritaires. Le premier tour a placé Éric Ciotti en tête et, s’il s’est finalement incliné devant Valérie Pécresse, il a quand même atteint 40 % des suffrages en ne cachant pas sa proximité avec l’autre Éric. Il n’a d’ailleurs pas attendu vingt-quatre heures pour peser sur la vainqueure en prétendant lui dicter des choix de campagne aussi radicaux qu’un « Guantánamo à la française » dans la lutte antiterroriste.

Que reste-t-il de la France dans tous ces délires ? La France « millénaire » et fantasmatique de certains est-elle une autre France que celle des Lumières, de l’universalisme, des droits humains, de la liberté, de l’égalité, de la fraternité et de la laïcité ?

Christine_Pedotti-100x100 (2).jpgChristine Pedotti  TC.GIF