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15/05/2024

LOGIQUE D'INTENDANCE

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Panneau Propriété Privée Bois Cormorey St Cyr Menthon

 

 

Comment sortir de l’impasse sociale de la propriété privée exclusive ? Guillaume Dezaunay propose un essai fondé sur les « paraboles des intendants » des évangiles : nos biens et nos pouvoirs ne nous appartiennent pas vraiment, seule compte leur utilité sociale. Un livre inspirant quelles que soient les convictions du lecteur.

Le livre se présente comme une réflexion à propos des « paraboles des intendants » qui fourmillent dans les évangiles sur l’argent, la gestion, l’avoir et le pouvoir. Chacun des 19 courts chapitres met en exergue une parabole parmi les plus connues ou d’autres plus inattendues. Derrière le titre évidemment provocateur du livre – la notion de bien commun est-elle communiste ? – Guillaume Dezaunay propose une lecture de la radicalité du message du Christ que l’on pourra qualifier aussi bien spirituelle, philosophique ou politique. Une lecture accessible à tous, attrayante parce qu’elle n’est pas si fréquente et qu’elle a le mérite de s’attaquer aux grandes questions politico-économiques contemporaines. La logique d’intendant ou de gestionnaire de ce qui nous est confié est l’inverse de la logique de propriétaire, nos pouvoirs sur les biens et les personnes ne sont que de services et il ne s’agit pas de métaphores.

Couv Christ Rouge

Pensée sociale de l’avoir et du pouvoir

Dezaunay est un jeune philosophe marqué par la lecture d’Emmanuel Levinas, d’Hannah Arendt et surtout, en l’occurrence, de « Résurrection » de Tolstoï. Dans ce roman, un aristocrate prend conscience de ses privilèges et les abandonne progressivement. C’est un peu le chemin que propose d’emprunter Dezaunay. Les points centraux des deux premières parties sont peut-être la critique de l’appropriation privative qui apparaît en définitive stérile, génératrice de violence à cause du mimétisme humain et incapable de répondre à notre vif désir de sécurité (p 40-43) ; la critique de l’héritage, absurde s’il est égoïstement dilapidé ou s’il ne sert pas la justice, illégitime s’il ne produit pas des fruits de bonté (p 45-47) ; la critique de l’argent qui asservit s’il ne sert pas l’harmonie sociale et la fraternité (p 29-34); la critique de la marchandisation à outrance (p 59-66).

L’auteur évoque ainsi des éléments de pensée sociale sur les thèmes de l’avoir et du pouvoir, et il esquisse « une théologie de l’expropriation » qui vient contrer la « pseudo-théologie de la prospérité » faisant croire que les profits sont mérités et dons de Dieu (p 99). « Choisir la vie plutôt que la mort » (Deutéronome 30, 19) signifie pour lui choisir la justice et la bonté qui résume « l’esprit du Règne », non pas la compétition et l’esclavage. Il faut « quitter l’anthropocentrisme déviant ». Mais pourquoi est-on si peu attentif à ce désir de justice, et pourquoi faisons nous si peu pour lutter contre l’injustice sociale ? L’auteur esquisse une théorie sur le libéralisme qui historiquement serait parvenu à nous convaincre indument que le profit comme but en soi est incontournable, que les pauvres n’ont droit à rien et qu’au total seul une rationalisation de l’égoïsme serait efficace (p 19). On aurait aimé qu’il développe ce point, peut-être sera-ce pour un ouvrage ultérieur.

Pistes pratiques

La troisième partie (“Que faire ?”) propose des pistes plus pratiques pour soi et pour notre monde, en réaction devant les dérives économiques, sociales et environnementales. « Il est temps de retrouver la dimension matérialiste de la spiritualité chrétienne », c’est-à-dire satisfaire vraiment les besoins des nécessiteux (p 122). « L’éthique est une optique » disait Levinas, n’est-ce pas ce qu’indique aussi Mt 25, 40 « ce que vous avez fait au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » ? Il s’agit d’apprendre « à être de bons intendants », « la voie d’un pouvoir qui devient service et qui se répand en autonomisation des plus fragiles » (p 127). Dezaunay propose aussi sa vision de l’écologie intégrale sortant la théologie chrétienne traditionnelle de sa torpeur immobiliste face à l’appropriation du vivant, la surconsommation, la globalisation sans limites, l’identitarisme, la méritocratie, etc.

Une lecture possible de ce livre est qu’il s’agit de « réchauffer la magnifique doctrine sociale de l’Église malgré ses conceptions culturelles limitées » (p 13). L’auteur propose en effet une illustration personnelle des grands principes de cette doctrine et des écrits du pape François : la « destination universelle des biens », le « bien commun », la « justice », « l’amitié sociale », « la fonction sociale de la propriété », etc.

Radicalité des évangiles

Il s’adresse principalement à la « bourgeoisie catholique » dont il fait partie, et dans le prologue, installé à une terrasse d’aéroport, se disant riche, décroissant et chrétien, il décide de prendre l’avion pour la dernière fois, qu’il est temps « de comprendre que le christianisme sans quête de justice sociale et sans recherche du bon régime économique n’est pas le christianisme » et que lire des textes révolutionnaires réclamant justice pour tous sans jamais aller dans « les trous des pauvres » paraît hypocrite (p 10). Pour la « bourgeoisie catholique », les paroles et les gestes du christ rapportés par les écritures font en principe autorité. C’est pourquoi Dezaunay cherche à la convaincre en renversant l’interprétation classique qu’en donne le christianisme identitaire. Comment en effet ne pas être stupéfait par l’écart entre les croyances conservatrices qui se satisfont fort bien de privilèges indécents, et la lecture des évangiles comme la critique la plus sévère qui soit de nos errements socio-économiques contemporains ? L’Évangile ne serait-il pas l’instance critique la plus radicale pour toute pensée concernant le plus humain de l’humain, comme l’avait suggéré Maurice Bellet ? Ou bien le christianisme n’existerait-il pas encore vraiment (Dominique Collin) ? En dépoussiérant le sens du texte, en choisissant des mots simples sans se laisser aller à des simplifications abusives ou à des dénis de réalité, Dezaunay fait œuvre extrêmement utile. Il témoigne notamment d’une perspective très positive pour l’Église en lui suggérant qu’il n’y a pas de religion valable qui ne soit toujours en train de réinterpréter sa vérité.

Lire ce livre revient certainement à redécouvrir la nouveauté révolutionnaire des évangiles et de la pensée sociale catholique. Mais c’est d’abord un essai de bon sens et de saine réaction contre les méfaits du capitalisme mondialisé. Le souffle de ce livre n’est pas seulement salutaire pour les chrétiens, il intéressera aussi tous les passionnés de justice et de démocratie. L’ouvrage a l’apparence d’un témoignage personnel mais c’est tout le contraire : il s’agit de la genèse d’une parole collective qui fonde l’action, et l’amorce d’une prise de conscience qui vaut pour une Église neuve comme certainement pour d’autres institutions aussi. Ce livre, agréable à lire et facile d’accès, est recommandé à toute personne que la soif d’un avenir commun intéresse.

Guillaume Dezaunay, Le Christ rouge, Salvator, 2023, 170 pages, 17,90 €

jacq.debouverie
Jacques Debouverie, Ingénieur-urbaniste de métier, conseil auprès des collectivités locales et formateur. Responsable associatif dans le domaine du droit au logement des jeunes. Participant de la communauté de Saint Merry depuis les années 80, en équipe à la Mission de France. Père de famille et diacre.
 

13/05/2024

LETTRE OUVERTE SUR L'ECOLOGIE INTEGRALE AUX CANDIDATS AUX ELECTIONS EUROPEENNES

Élections Européennes : Discerner Avec Laudato Si’ 3

A l’initiative du Mouvement "Laudato Si", une trentaine de mouvements, associations, congrégations, etc. chrétiens, dont notre communauté de Saint-Merry Hors-les-Murs, ont signé une lettre aux principales listes candidates aux élections européennes afin de les interpeller sur leur engagements en faveur de l’écologie intégrale. Cette lettre ouverte a été envoyée aux principales têtes de listes françaises afin de leur rappeler les enjeux essentiels de ces élections pour la sauvegarde de notre Maison Commune et de celles et ceux qui y vivent (*), et publiée le 9 mai dans La Croix sous forme d’une tribune.

Cher monsieur …, chère madame …

Vous portez une liste candidate aux élections du Parlement européen. Vous vous engagez ainsi au service du bien commun et nous vous en remercions. Cet engagement courageux vous oblige car vous exercerez votre mandat dans une période marquée par des crise écologiques et sociales qui ont de plus en plus d’influence sur la vie des Européens et de tant d’autres êtres humains. 

Nous, associations, communautés, congrégations catholiques et chrétiennes, sommes particulièrement préoccupées par la crise climatique et environnementale, dans la lignée des enseignements de l’Église, en particulier l’encyclique du pape François Laudato Si’ (publiée en 2015) et l’exhortation apostolique Laudate Deum (publiée en 2023). 

Les institutions européennes ont été façonnées par des personnes motivées par le bien commun. Certaines y étaient poussées par leur foi chrétienne, comme Robert Schuman, récemment déclaré Vénérable par le Pape, c’est-à-dire dont la vie est proposée en exemple aux chrétiens. Fondée sur la volonté de créer une paix durable en Europe grâce à une solidarité en actes, l’Union Européenne peut voir dans ce défi de la transition écologique un nouveau projet commun unificateur. C’est pourquoi, en 2024, il nous semble clair que l’UE doit miser sur sa conversion écologique pour rester fidèle aux intuitions initiales.

L’UE a su jouer un rôle pionnier sur le plan climatique dans la mise en œuvre des engagements internationaux, depuis le Protocole de Kyoto jusqu’à l’adoption de l’Accord de Paris. Elle a su se placer en fer de lance de la transition écologique au niveau mondial en se dotant d’un véritable plan pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris : le pacte vert. En s’attaquant aux enjeux climatiques mais également à la biodiversité, aux pollutions et en cherchant une transition juste, le pacte vert inscrit la transition écologique dans une vision systémique et une politique de long terme. S’il nous permet d’aller dans la bonne direction, il doit cependant être mis en œuvre, approfondi et mis en cohérence, notamment sur le plan de la politique commerciale avec de vraies clauses miroir.

Le débat public contemporain tend à opposer les enjeux sociaux et environnementaux. C’est une erreur fondamentale, comme nous le rappelle le pape François :  “Il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale.”, ce qui implique d’entendre “la clameur de la Terre et la clameur des pauvres”.

Vos engagements pour une écologie intégrale sont donc très importants aux yeux des associations, communautés, congrégations catholiques et chrétiennes que nous représentons et du point de vue de notre foi chrétienne, car “vivre la vocation de protecteurs de l’œuvre de Dieu […] n’est pas quelque chose d’optionnel ni un aspect secondaire dans l’expérience chrétienne.” Nous croyons que notre “intelligence de la foi” peut être une contribution utile au débat public.

Nous vous proposons donc de nous rencontrer ou de nous transmettre par écrit vos engagements pour la sauvegarde de notre Maison Commune. En particulier, nous aimerions savoir si vous vous engagez à soutenir les dispositions du pacte vert en agissant pour :

1- Travailler à une sortie des énergies fossiles, en Europe comme dans le monde. Cela nécessite notamment de : 

  • s’assurer que les institutions européennes ne financent ou ne facilitent pas la construction de nouvelles infrastructures fossiles, comme des terminaux méthaniers par exemple,
  • envoyer des signaux clairs aux acteurs financiers en classant le gaz fossile comme un investissement brun,
  • soutenir l’adoption d’un traité international de non-prolifération des énergies fossiles, qui permettrait une sortie concertée, organisée et compensée des fossiles, dans un esprit de justice internationale.

2- Que l’Union européenne défende la justice climatique internationale, à travers notamment :

  • Un financement par l’UE ou ses membres, nouveau, additionnel et sous forme de dons, destiné aux nations plus pauvres afin qu’elles puissent atténuer et s’adapter  au dérèglement climatique,
  • Un soutien fort aux négociations en cours pour une convention sur la fiscalité à l’ONU, qui permettrait de rééquilibrer les flux financiers liés à l’impôt des multinationales, faisant bénéficier les pays du Sud de davantage de ressources propres,
  • L’abondement du fonds “pertes et dommages”, récemment créé mais insuffisamment doté pour effectivement compenser les souffrances vécues par nos frères et sœurs des pays les plus vulnérables,
  • L’annulation de la dette des pays du Sud qui en ont besoin, pour faciliter leurs investissements dans des politiques d’atténuation et d’adaptation au réchauffement climatique.

3- La conversion écologique des systèmes agricoles, ce qui passe par un retournement de paradigme : mettre l’agriculture au service des hommes et du vivant, en passant d’une agriculture industrielle à une agriculture agroécologique qui restaure les écosystèmes, l’eau et la biodiversité, dans le respect de la dignité du travail et des droits humains de chacun et en particulier des agriculteurs. Cette démarche doit être guidée par la recherche d’une souveraineté alimentaire pour tous les pays, y compris ceux du Sud. La souveraineté alimentaire doit être comprise comme l’accès à une alimentation saine, produite avec des méthodes durables, et le droit pour les populations de définir son propre système agricole et alimentaire.
Cette transition vers des systèmes agroécologiques passe donc aujourd’hui passe par deux leviers :

(1) le partage de la terre, c’est-à-dire des mesures de limitation de l’agrandissement des exploitations (régulation du prix du foncier, décorrélation des aides de la PAC de la taille des exploitations, avec une pondération à l’actif).

(2) La promotion de pratiques agroécologiques au sein de l’UE (réduction de l’usage des pesticides) et hors de l’UE en mettant en cohérence les politiques agricoles, commerciales et d’aide au développement, pour limiter le dumping alimentaire et les concurrences déloyales.

4- Sortir du “paradigme technocratique” dénoncé par le Pape François, par exemple en refusant les ‘fausses solutions’. Car “nous courons le risque de rester enfermés dans la logique du colmatage, du bricolage, du raboutage au fil de fer, alors qu’un processus de détérioration que nous continuons à alimenter se déroule par-dessous. Supposer que tout problème futur pourra être résolu par de nouvelles interventions techniques est un pragmatisme homicide, comme un effet boule de neige.” Défendre l’absence d’action immédiate en raison de potentielles mais incertaines innovations techniques est une imprudence majeure, sans compter que les techniques apportent avec elles leurs lots de risques nouveaux. Nous pensons aux techniques de captage et de stockage de carbone ou au développement de carburants alternatifs dans l’aviation, qui peuvent désinciter à la réduction immédiate des émissions de gaz à effet de serre notamment par plus de sobriété dans les usages.

5- Proposer un horizon au-delà du consumérisme, à travers des politiques de sobriété, comme par exemple des réglementations sur l’affichage environnemental ou de réparabilité, une réflexion démocratique sur la limitation du trafic aérien, une réduction du parc automobile en parallèle de la fin des moteurs thermiques ou la lutte contre l’éco-blanchiment.

Bien sûr, nous vous encourageons à lire les textes publiés par le Pape (en particulier Laudato Si et Laudate Deum), ou à regarder le documentaire La Lettre que le Mouvement Laudato Si a co-produit, qui évoque Laudato Si’ pendant environ une heure.

Pour la sécurité et la paix en Europe, pour la justice dans le monde, pour l’avenir des plus jeunes, nous prions pour vous et votre engagement. Nous restons à votre disposition afin de vous accompagner dans vos discernements futurs.

Avec nos plus respectueuses sollicitations,

Signataires :

Anne Doutriaux, Coordinatrice France du Mouvement Laudato Si
Sylvie Bukhari de Pontual, présidente du CCFD-Terre Solidaire
Emmanuelle Huet, membre du collectif Lutte et Contemplation
Margot Chevalier et Jean-Luc Bausson, coprésidents de Chrétiens dans le Monde Rural (CMR)
Véronique Devise, présidente du Secours Catholique-Caritas France
Anne-Marie Maison, présidente du Mouvement Chrétien des Retraités (MCR)
Sœur Anne Méjat, responsable de la conversion écologique de la province France-Belgique-Tunisie des salésiennes de Don Bosco.
Manon Rousselot-Pailley, présidente du Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC)
Philippe Blaise, animateur d’Écologie Paroles de Chrétiens Nantes – Église verte 44
Arnoult Boisseau, président du CA et Christine Lamolinerie, Vice-Présidente de la Délégation Catholique pour la Coopération (DCC)
Sœur Corinne Tallet, supérieure générale des sœurs de saint François d’Assise
Père François Michon, responsable de la Communauté du Chemin Neuf
Sœur Hélène Noisette, référente Église verte de la Province de France-Belgique des Sœurs auxiliatrices
Christine Vogel, coordinatrice nationale France de la Communauté Mondiale pour la Méditation Chrétienne
Michel Roy, secrétaire général de Justice et Paix
Jacques Debouverie, Équipe pastorale de Saint-Merry Hors-les-Murs
Nathalie Verhulst, présidente de l’action catholique des milieux indépendants (ACI)
Sébastien Dumont, président d’Oeko-logia
Fabien Revol, directeur du Centre Hélène et Jean Bastaire, Berganty (46)
Pierre Dupouet, référent national CVX-Laudato si.
Frère Columba, prieur administrateur de l’abbaye d’En-Calcat
Frère Jean-Marie, prieur de l’abbaye Notre-Dame de Sénanque
Sœur Thérèse Revault, référente de la Congrégation des Filles du Saint-Esprit.
Frère Marie-Benoît, directeur de l’Académie pour une écologie intégrale – sanctuaire Notre-Dame du chêne
Marcel Rémon, directeur du Centre de Recherche et d’Action Sociales (Ceras)
Sœur Bénédicte-Marie Lecaillon, responsable de l’écologie pour la congrégation des sœurs Trinitaires
Daniel Federspiel, provincial des Salésiens de Don Bosco
Philippe Leroux, président des Chrétiens dans l’Enseignement Public (CdEP)
Patrick Raymond, président de l’Action Catholique des Enfants (ACE)
Alfonso Zardi, délégué général de Pax Christi France
Gilbert Landais et Elisabeth Flichy, coprésidents de Chrétiens Unis pour la Terre (CUT)
Dominika Ercsey et Sandrine Nourry, responsables de la Fraternité Politique du Chemin Neuf

(*) Nous proposons à tous les chrétiens d’interpeller eux-mêmes les candidats avec cette lettre. La marche à suivre pour le faire est détaillée ici (c’est très simple et ne nécessite pas plus de 5 minutes de votre temps). 

 

11/04/2024

ISRAËL, LA COURSE A L'ABÏME"

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Israël, la course à l’abîme

Ce pourrait être la goutte qui fera déborder le vase de la patience et de la bienveillance américaines à l’égard du régime de Benjamin Netanyahou : un tir de Tsahal prétendument « non intentionnel » sur un convoi humanitaire de l’ONG World Central Kitchen, faisant sept victimes – le chauffeur traducteur palestinien, une Australienne, trois Britanniques, un Polonais, un Américano-Canadien –, âgées de 25 à 57 ans. Ces morts s’ajoutent à la longue litanie de celles des médecins et journalistes victimes des frappes israéliennes, ainsi que de celles des innombrables civils, enfants, femmes, hommes, dont le principal crime était d’être là parce qu’ils n’avaient nul autre endroit où aller.

Dès le 7 octobre, nous avons écrit ici que l’intention du Hamas était de déchaîner la haine. Il y réussit au-delà de toute espérance… Les Gazaouis perdent la vie et Israël perd son âme. Bien sûr, après l’attaque barbare d’octobre, Israël avait le droit de se défendre, de rechercher les coupables et de décapiter l’organisation terroriste, mais ce droit ne peut s’exercer aux dépens du droit humanitaire, ou même du simple droit de la guerre. La règle de la proportionnalité fait la différence entre la réplique légitime et le crime. Sans nul doute, Israël enfreint largement cette règle : hôpitaux ravagés, cimetières dévastés, tirs sans sommation, bombardements aveugles, pillages, destructions vengeresses, le tout sur fond de désastre sanitaire et d’une famine plus que menaçante. Il semble que l’armée se retire du Sud, mais, pour l’essentiel, que reste-il à détruire ? Rien, sinon les consciences. Celles des Gazaouis, bien sûr, mais aussi celles des militaires israéliens qui exécutent des ordres qu’ils savent illégitimes, celle d’une population israélienne qui jusqu’alors – même si quelques signes contraires commencent à apparaître – ne réussit pas à surmonter le choc d’octobre et à faire chuter le gouvernement criminel de Netanyahou. Aujourd’hui, la seule raison de la poursuite de cette guerre sale est le maintien au pouvoir de l’extrême droite et l’immunité qu’il procure à un Premier ministre aux abois. Le coût humain est aussi exorbitant que le discrédit moral qui s’accumule sur Israël. Et plus cela dure, plus l’effroyable victoire du Hamas est éclatante. La seule issue, puisque la sagesse a quitté cette terre, est que l’administration Biden coupe le robinet d’approvisionnement des armes, non pour perdre Israël mais pour le sauver.

Christine Pedotti         

 

21/03/2024

AIDE A MOURIR OU SOINS PALLIATIFS ? LES DEUX

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Publié le 

Il était temps. Après un avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), puis une conférence citoyenne organisée par le Conseil économique social et environnemental (Cese) et dont les conclusions ont été remises il y a presqu’un an, Emmanuel Macron s’est enfin décidé à honorer une promesse de campagne de 2022 en proposant de légiférer sur l’aide à mourir. Bien sûr, on ne peut s’empêcher de penser que c’est le souci de redonner, à défaut d’une dimension sociale, une dimension sociétale à son quinquennat qui l’a conduit à passer outre les messages d’opposition réitérés qui lui ont été adressés par l’Église catholique, y compris, au plus haut niveau, par un pape qui a, lors de son déplacement à Marseille en 2023, dénoncé la « perspective faussement digne d’une mort douce, en réalité plus salée que les eaux de la mer ».

Pourtant, on a rarement vu une préparation éthique et démocratique aussi approfondie. Avant ces travaux, beaucoup pensaient que l’équilibre atteint par la loi Claeys-Leonetti de 2016 suffisait. Il repose, sous réserve des directives anticipées du patient, sur le principe de la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Le problème, c’est que, comme l’ont montré les travaux tant du CCNE que de la convention citoyenne, cet équilibre laisse de côté tout une série de situations. C’était le cas de celle de Paulette ­Guinchard-Kunstler, ancienne secrétaire d’État aux Personnes âgées, qui n’était pas particulièrement favorable au « droit à mourir », mais qui, atteinte d’une maladie neurologique, a choisi de recourir au suicide assisté en Suisse, faute de pouvoir bénéficier en France d’un dispositif légal. C’est ce type de situation que vise la nouvelle loi. Des situations où le processus létal n’est pas suffisamment engagé pour qu’il puisse être accéléré, mais qui conduisent à une forme de mort psychologique et sociale. Cette vie biologique végétative et souffrante est-elle encore une vie humaine ? C’est la question que devraient se poser tous ceux qui crient à la rupture anthropo­logique. S’il y a rupture, ce n’est pas là, mais dans la mort elle-même, qui est de moins en moins souvent un passage immédiat de la vie à la non-vie.

Attention toutefois, l’arbre de l’aide à mourir ne doit pas cacher la forêt du problème de société majeur que génère cette évolution. Les opposants à la légalisation ont pointé un risque de dérive : la substitution du recours à l’aide à mourir, beaucoup moins coûteuse, aux soins palliatifs. Un risque probablement surestimé : on voit mal les soignants éliminer les personnes en fin de vie pour faire faire des économies à l’assurance maladie. Mais le vrai problème n’est pas là : le droit à mourir dans des conditions humaines n’était accessible en 2022 qu’à un de nos concitoyens sur deux : le développement des lits de soins palliatifs stagne depuis 2019, alors que leur existence est une condition de l’application de la loi Claeys-­Leonetti. Bien sûr, ce ne sont pas les déclarations qui ont manqué, mais la politique de rationnement que recouvre l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), qui est la principale cause de la crise du système de santé, n’a pas permis de dégager les marges de manœuvre nécessaires pour investir dans ces soins.

Pour rassurer, l’exécutif a prévu que la loi inclue un volet sur les soins palliatifs, dont le principal enjeu serait, semble-t-il, de changer leur nom. Mais il n’est pas besoin de légiférer, ni a fortiori de changer leur nom, pour développer les soins palliatifs. C’est d’abord une question de moyens pour former les soignants, pour créer de nouvelles unités, pour en financer le fonctionnement. Aujourd’hui la dépense annuelle qui leur est consacrée est de 1,6 milliard d’euros, auxquels la « stratégie décennale » qui devrait être présentée à la fin du mois de mars a prévu d’ajouter un milliard d’ici dix ans. On voit bien que cela ne doublera pas l’offre face à un besoin qui va continuer d’augmenter du fait du vieillissement de la population. Surtout, cela suppose une augmentation annuelle de plus de 6 % de l’enveloppe consacrée à ces soins – soit le double du taux de croissance de l’Ondam prévu pour 2024 – qu’il faudra voter chaque année, dans un contexte où le ministre de l’Économie annonce la nécessité d’économies supplémentaires sur l’assurance maladie. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce n’est pas gagné.

Daniel Lenoir

 

19/03/2024

PAPE ET VATICAN - MESSAGE ADRESSE AU MONDE RURAL

VATICAN NEWS

Dans un message adressé à l'occasion de la 8e conférence du Forum rural mondial, qui se tient à partir d'aujourd'hui et jusqu'au 21 mars au Pays basque, ... 

Le Pape a fait l'éloge des agriculteurs familiaux dans son message adressé à l'occasion de la 8e conférence du Forum rural mondial.

Le Pape: respecter les petits agriculteurs, les femmes et les jeunes, moteurs de l'avenir

Dans un message adressé à l'occasion de la 8e conférence du Forum rural mondial, qui se tient à partir d'aujourd'hui et jusqu'au 21 mars au Pays basque, François apporte son soutien aux petits agriculteurs, «essentiels pour rendre les systèmes agroalimentaires plus inclusifs, plus résistants et plus efficaces», regrettant qu’ils soient «affectés par la pauvreté et le manque d'opportunités».
Mettant l’accent sur «les progrès dans l'éradication de la faim, la réduction des inégalités, la protection et la sauvegarde de notre planète», François adresse un message d’encouragement et de proximité de l'Église aux petits agriculteurs et à leurs familles, dans une lettre à l'occasion de la conférence mondiale du Forum Rural Mondial. Il s'agit d'un événement majeur qui réunit les principaux dirigeants du monde agricole familial des cinq continents, ainsi que des représentants de gouvernements, d'institutions internationales, de centres de recherche, de fondations, d'organisations de consommateurs, de jeunes et d'agricultrices. La huitième édition de la conférence est intitulée "Agriculture familiale: durabilité de notre planète", débute ce mardi 19 mars, et se poursuivra jusqu'au 21 mars à Vitoria-Gasteiz, dans le Pays basque espagnol.

Pauvreté et manque d'opportunités

Le Souverain pontife, dans sa lettre à Martín Uriarte Zugazabeitia, président du Forum mondial, fait l'éloge des agriculteurs familiaux «pour la manière solidaire dont ils travaillent et pour le respect et la douceur avec lesquels ils cultivent la terre». Ils sont «essentiels pour rendre les systèmes agroalimentaires plus inclusifs, résilients et efficaces», mais malheureusement, note le Pape, «malgré leur rôle de premier plan dans le progrès de leurs peuples et leur contribution considérable à la production alimentaire mondiale, ils continuent d'être affectés par la pauvreté et la rareté des opportunités».

 

Agriculteurs: une quinzaine d’évêques français solidaires du mouvement

Besoins humains, spirituels, sociaux et techniques

Le successeur de Pierre réitère son invitation à prêter attention aux besoins humains, spirituels et sociaux des agriculteurs, ainsi qu'à leurs besoins techniques: «L'entreprise familiale, en plus d'être une entité productive, est le lieu d'appartenance des personnes, le lieu où elles se sentent comprises et valorisées pour leur dignité, et pas seulement pour ce qu'elles produisent ou pour les résultats qu'elles obtiennent», écrit-il. Il rappelle «l'importance de renforcer les liens qui unissent ses membres, du respect de leurs traditions religieuses, de leurs gisements culturels et de leurs pratiques agricoles».

Le rôle des femmes et des jeunes est important

Parallèlement, l’évêque de Rome souligne «le rôle irremplaçable du génie féminin» dans le contexte agricole: «Les femmes de la ruralité représentent une boussole sûre pour leurs familles, un point d'appui solide pour le progrès de l'économie, surtout dans les pays en voie de développement, où elles ne sont pas seulement bénéficiaires, mais véritables moteurs du progrès des sociétés dans lesquelles elles vivent». Enfin, le Pape n'oublie pas le rôle des jeunes dans l'agriculture: «La véritable révolution pour un avenir alimentaire commence par la formation et l'autonomisation des nouvelles générations», dit-il, «le don que les jeunes nous offrent est celui de solutions innovantes à des problèmes anciens et le courage de ne pas se laisser conditionner par une pensée à courte vue qui résiste au changement».

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

9 mars 2024, 11:34

MGR ERIC DE MOULINS BEAUFORT : « Nous portons avec nous notre monde fatigué, inquiet, déchiré par des guerres »

La Croix logo

Dans son discours d’ouverture de l’Assemblée des évêques de France de printemps mardi 19 mars, à Lourdes, Mgr Éric de Moulins-Beaufort évoque les dispositifs mis en œuvre pour lutter contre les abus dans l’Église. Il annonce également un texte commun pour dire l’inquiétude des évêques face au projet de loi sur la fin de vie.

  • Christophe Henning, / 

Mgr Éric de Moulins-Beaufort : « Nous portons avec nous notre monde fatigué, inquiet, déchiré par des guerres »

MGR ERIC DE MOULINS BEAUFORT

Président de la Conférence des évêques de France et archevêque de Reims, Mgr Éric de Moulins-Beaufort a ouvert ce mardi 19 mars l’Assemblée plénière des évêques réunis à Lourdes jusqu’au 22 mars. Une large part de cette session est consacrée au suivi des dispositifs mis en œuvre pour lutter contre les violences sexuelles et assurer l’accompagnement des personnes victimes. Les évêques travailleront aussi à la nouvelle organisation de la Conférence épiscopale, organe national de l’Église de France.

« Nous travaillons avec persévérance à mettre en œuvre ce que nous avons décidé, a déclaré Mgr de Moulins-Beaufort à propos des violences sexuelles et abus spirituels. Il convient cependant que nous avancions sans faiblir le pas, tant pour progresser dans l’accompagnement de la vie des prêtres que dans la définition d’une charte de l’accompagnement spirituel. » Le président de la CEF a indiqué par ailleurs que les « visites régulières » des évêques s’étaient mises en place, sorte de visite fraternelle effectuée par un autre évêque ou un laïc pour porter un regard autre sur le diocèse : « Deux ont déjà eu lieu et plusieurs autres sont demandées et auront lieu dans les mois qui viennent. »

En mars 2025, un rassemblement des évêques et de laïcs devra faire un point d’étape des mesures prises « pour tirer les leçons de la révélation des violences sexuelles et des abus de pouvoir commis dans notre Église, a poursuivi le président de la CEF. Si nous pouvons finir un jour de prendre des décisions, nous ne finirons pas d’être attentifs, vigilants et de relancer notre dynamisme sur ces sujets afin d’œuvrer pour un changement structurel de culture ».

Réforme structurelle

C’est l’autre part importante de cette session : les évêques travailleront à la réorganisation des structures nationales. Dans la série des décisions à prendre, les évêques devront valider les nouveaux statuts de la Conférence. Les six pôles prévus lors d’une précédente assemblée vont être renforcés par des commissions épiscopales qui pourront s’appuyer sur des personnes extérieures, possiblement laïques.

Une part des échanges sera consacrée cette semaine au diaconat permanent dont l’Église célèbre cette année le 60e anniversaire du rétablissement : « Nous pouvons remercier les hommes qui ont accepté de se laisser appeler pour devenir des ministres ordonnés dans le Corps du Christ et de voir leur vie familiale, professionnelle, sociale, porter de manière nouvelle la marque du Christ, a déclaré Mgr de Moulins-Beaufort. Nous remercions leurs épouses, qui les ont soutenus et les soutiennent dans cette aventure, et leurs enfants et petits-enfants. »

Le président a terminé son intervention en évoquant les questions sociétales : « En nous réunissant ici, nous portons avec nous notre monde fatigué, inquiet, déchiré par des guerres que nous ne pouvons oublier et des tensions que nous ne pouvons négliger. » Il a insisté sur les violences qui peuvent traverser la société : « Nous savons combien nos concitoyens juifs souffrent de gestes, de propos, de sous-entendus antisémites ; nous savons combien nos concitoyens musulmans aspirent à vivre le temps du Ramadan dans la paix et l’estime et la bienveillance de tous. Nous portons dans notre réflexion et notre prière celles et ceux dont l’inflation réduit, pour certains fortement, la capacité de vivre avec tranquillité de cœur et d’esprit. »

Un discours d’ouverture qui n’a pu s’achever sans rappeler l’inquiétude des évêques face au projet de loi sur la fin de vie : « Nous entrons dans cette assemblée en portant l’inquiétude de beaucoup de personnes malades, âgées ou non, de beaucoup de soignants », a souligné le président de la CEF, alors qu’une déclaration commune sera soumise mardi 19 mars au vote de l’assemblée et devrait être rendue publique pour la fin de journée : « Notre voix, sur ce sujet comme sur d’autres, est attendue ; elle est même, plus que sur d’autres, espérée. »

15/03/2024

L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE S'IMMISCE DANS LES SERIES

LA CROIX 15/03/2024/ CULTURE

  1. Les nouvelles technologies génératives font progressivement leur entrée dans le processus de fabrication des œuvres audiovisuelles, suscitant l’intérêt autant que l’inquiétude des professionnels.
  2. Un thème d’actualité dont s’empare cette année le festival Séries Mania, qui ouvre ses portes ce vendredi à Lille.

Le Problème à trois corps est projeté ce soir en ouverture du festival Séries Mania. Dans cette série de science-fiction à gros budget, diffusée sur Netflix à partir du 21 mars, les créateurs de Game of Thrones, David Benioff et D. B. Weiss, imaginent une intelligence artificielle capable d’influer sur le cours de l’histoire. Demain, le public lillois découvrira également Rematch (Arte, en compétition internationale) sur la fameuse partie d’échecs opposant en 1997 le champion Garry Kasparov et Deep Blue, le supercalculateur d’IBM. Un bras de fer entre l’humain et la machine transformé ici en thriller psychologique.

En l’espace de deux jours, deux séries à la tonalité plutôt sombre abordent donc la question de l’intelligence artificielle. Mais l’IA n’est pas qu’un support pour l’imagination. « Ces technologies se diffusent et évoluent très vite, c’est important de s’y préparer », souligne Anne Bouverot. La présidente de Séries Mania est bien placée pour le savoir : titulaire d’un doctorat en intelligence artificielle à l’École normale supérieure, cette ancienne ingénieure télécoms vient de rendre à Emmanuel Macron un rapport dans lequel une quinzaine d’experts dressent 25 recommandations pour accompagner cette « révolution technologique incontournable » dans l’ensemble des secteurs d’activité.

Dans l’industrie audiovisuelle, le développement de l’IA suscite questionnements et inquiétudes dont la sixième édition des « Dialogues de Lille », le rendez-vous professionnel du festival, se fait largement l’écho. Plusieurs tables rondes tentent d’évaluer son impact et la nécessité d’encadrer son utilisation par des accords professionnels ou des politiques publiques. En parallèle des débats, le Séries Mania Institute, qui accueille cette année une centaine de participants, fait intervenir des spécialistes de l’intelligence artificielle dans les formations destinées aux scénaristes et aux producteurs, et projette de lancer l’an prochain une formation dédiée.

Une question flotte sur toutes les lèvres : l’intelligence artificielle représente-t-elle une opportunité ou une menace pour la filière ? Difficile de trancher à ce jour. Comme le montre l’étude prospective réalisée par le cabinet Bearing Point pour le CNC (le Centre national du cinéma et de l’image animée), certaines professions vont être amenées à évoluer, voire à disparaître, à court terme. Avec les progrès exponentiels des effets spéciaux et du « sound design », maquilleurs-prothésistes, cascadeurs, décorateurs ou encore bruiteurs pourraient perdre de leur utilité. Quant au doublage, qui permettait jusqu’ici à de nombreux comédiens de boucler leur fin de mois, il peut désormais être réalisé par des logiciels qui modifient même le mouvement des lèvres en fonction de la langue.

Le cas des scénaristes est plus complexe. Selon un sondage récent réalisé par la Cité des scénaristes et l’Afdas, 34 % d’entre eux ont déjà utilisé une intelligence artificielle. Pour autant, comme le rappelle Frédéric Krivine, élu du conseil d’administration de la Guilde française des scénaristes, « aucune série à ce jour n’a été écrite majoritairement ou même significativement avec cette technologie ». En revanche, les auteurs peuvent puiser des idées dans le dialogue avec la machine : « C’est une sorte d’aide au développement, même si de nombreux scénaristes estiment irremplaçable l’échange humain. »

Seules les séries quotidiennes peuvent y voir un réel gain de productivité : nourri par les centaines d’épisodes des saisons passées, un logiciel pourrait fournir en un temps record de nouveaux scénarios, peaufinés ensuite en atelier. « Trois scénaristes réaliseront en trois jours ce que 25 font actuellement en une semaine », estime Frédéric Krivine. Selon David Defendi, fondateur de Genario, son logiciel peut également effectuer des tâches rébarbatives, comme le découpage en séquences lors de l’adaptation d’un livre en scénario. « Un romancier peut désormais transposer lui-même son texte à l’écran », se réjouit-il. En mettant à la portée de tous des techniques et des compétences autrefois réservées à une élite, l’intelligence artificielle sera, selon lui, un « formidable moyen de favoriser la diversité et l’inclusion ». Il imagine déjà des séries innovantes écrites par des habitants des cités ou des collectifs d’artistes.

Cécile Jaurès Cécile Jaurès - chroniqueuse - Radio France | LinkedInchroniqueuse RADIO FRANCE

14/03/2024

QUE FAIRE DES AUTEURS DE VIOLENCES SEXUELLES DANS L'EGLISE ?

LA CROIX 15 mars 2024

Christophe HenningChristophe Henning

Que faire des auteurs de violences sexuelles dans l’Église ?

  1. Ces dernières années ont permis de mettre la lumière sur le drame des victimes de violences sexuelles dans l’Église et sur les mesures à mettre en œuvre pour les prévenir.
  2. Tout un chantier reste encore à mener pour les responsables d’Église, celui du suivi des auteurs d’abus.
  3. Ce sera l’une des questions abordées lors d’un colloque, ce vendredi 15 mars, intitulé « réparation et pratiques du pardon », aux Facultés Loyola Paris.

Sous le coup de mesures conservatoires après un signalement, condamné à une peine de prison, ou encore visé par une peine canonique sans avoir été condamné par la justice nationale… Où sont les prêtres auteurs de violences sexuelles, relevés de leurs missions, et toujours sous la responsabilité de l’institution ecclésiale ? Peuvent-ils revenir à des charges pastorales ? Ces questions restent un casse-tête pour l’Église de France alors que de nombreux efforts ont été déployés depuis le rapport Sauvé pour mettre la victime au centre.

En avril 2016, la Conférence des évêques de France (CEF) avait mis en place une commission nationale d’expertise sur la pédocriminalité, présidée par Alain Christnacht. Toujours en activité quoique peu sollicitée, cette instance, qui travaille sur dossier, a un rôle de conseil auprès des évêques sur les mesures à prendre vis-à-vis d’un prêtre agresseur. « Si l’auteur reste dans le déni de ses actes, nous ne pouvons pas beaucoup l’aider, explique Alain Christnacht. En revanche, la reconnaissance des faits permet de graduer les mesures d’éloignement. »

Que ce soient les évêques ou les supérieurs de communautés, le premier réflexe est souvent de trouver une solution en interne. « Mais il n’y a plus de place aux archives », ironise un prêtre. Les couvents et abbayes ont longtemps servi de « refuge » pour les auteurs, au risque de perturber la vie de la communauté. Devant la multiplication des demandes, la Conférence monastique de France (CMF) a élaboré une « charte de l’accueil des prêtres pénitents dans les monastères » en 2013. Enfin, le recours à l’aumônerie d’hôpital et même aux postes administratifs, parce qu’il entraîne des contacts avec le public, reste mal perçu. « Il faut pourtant faire quelque chose de ces auteurs. Je ne suis pas favorable à les exclure définitivement, sauf à ce qu’ils présentent un risque de récidive », précise Alain Christnacht.

À la suite de la publication du rapport Sauvé en octobre 2021, les évêques de France ont confié ce sujet à l’un des groupes de travail mis en place conjointement avec la Conférence des religieuses et religieux de France (Corref), chargé de faire des propositions pour « l’accompagnement des mis en cause d’auteurs de violences sexuelles ». Pour son responsable, Bertrand Galichon, « l’auteur est marqué au fer rouge, se trouve dans une grande solitude. » En dépit du choc que provoquent les révélations, « l’accompagnement du mis en cause doit commencer sans délai, dès le signalement, et doit s’inscrire dans la durée », préconise le groupe de travail.

La stigmatisation des abuseurs est renforcée par leur état de prêtre. Plusieurs, mis en cause pour des faits de moindre gravité, n’ont pas supporté l’exposition publique et se sont suicidés : « Il est indispensable de créer un cadre protecteur et bienveillant vis-à-vis de l’auteur », souligne Walter Albardier, psychiatre et responsable en Île-de-France du Centre ressources pour intervenants auprès d’auteurs de violences sexuelles (CRIAVS). Le groupe de travail de la CEF-Corref va jusqu’à formaliser cet accompagnement en conseillant la mise en place d’un « cercle de soutien » auprès de l’auteur.

« S’occuper des auteurs ne minimise certainement pas la gravité des actes ni la douleur des victimes mais permet de mieux comprendre les violences sexuelles dans l’Église », explique le père Nicolas Port, frère de Saint-Jean et chercheur en psychologie. Auteur d’une analyse fine des profils à paraître prochainement, il a pu montrer que « le passage à l’acte ne s’explique pas seulement par la frustration sexuelle, mais implique aussi des éléments comme le pouvoir, l’emprise et les fragilités narcissiques ». Pour Walter Albardier, « les auteurs sont le plus souvent des personnes proches, plutôt chaleureuses qui ont parfois du mal à trouver leur juste place dans la relation à l’autre ». Et Nicolas Port de poursuivre : « On imagine que ce sont des monstres, alors qu’il peut s’agir d’un oncle sympathique ou du curé de la paroisse… ce qui nous frappe d’autant plus. » « La prise en charge des auteurs ne peut pas être exclusivement psychiatrique ou psychologique, insiste Walter Albardier. La parole judiciaire et le cadre social doivent intervenir. » Il y a la mobilisation des différents acteurs, mais aussi le travail personnel de l’abuseur : « Il faut leur donner le temps du retour sur eux-mêmes », prévient Alain Christnacht. Et ce chemin n’est pas plus facile quand les affaires sont révélées très tardivement, l’auteur ayant, d’une certaine façon, bénéficié d’une impunité pendant des années. « Dès qu’il est mis en cause, le prêtre risque d’être écarté définitivement, sa réputation numérique assurant la publicité de la peine pendant des années », constate Bertrand Galichon.

« La mise à l’écart quasi définitive des coupables est une constante de nos sociétés et pas seulement pour les prêtres mis en cause, constate Walter Albardier. Il est vrai que l’Église a été tellement ébranlée par le rapport de la Ciase que les fidèles catholiques ont beaucoup de mal à voir revenir un prêtre dans une mission pastorale. » Quelle place l’Église peut-elle encore accorder aux auteurs ? Le retour à la vie laïque ou le renvoi de la vie religieuse peuvent intervenir lors des cas les plus graves. Les sanctions partielles – interdiction de confesser, de célébrer en public – entravent un réel ministère.

Plusieurs structures existent ou sont en projet pour accueillir pour quelques semaines, voire plusieurs mois les auteurs d’abus mais aussi des prêtres en souffrance ou pris dans des addictions. De ce travail d’accompagnement délicat, les initiateurs – sollicités par La Croix – ne veulent pas parler trop vite, tant la démarche est fragile.

Reste la justice restauratrice qui, en marge des étapes judiciaires et canoniques, participe à la prise en charge à la fois des victimes et des auteurs. « Elle n’est possible qu’avec l’engagement de tous les acteurs, la victime, l’agresseur mais aussi l’entité ecclésiale, diocèse ou communauté, explique le jésuite Guilhem Causse, philosophe et aumônier pénitentiaire qui organise ce vendredi 15 mars un colloque aux Facultés Loyola Paris intitulé « Réparation et pratiques du pardon » (1). « Elle va permettre à l’auteur d’abus, poursuit-il, de prendre conscience de la gravité de ses actes et de dépasser le déni. » Et peut-être aussi, ajoute Walter Albardier, de « réhumaniser l’auteur de l’agression dans l’œil de la victime ».

Christophe Henning

01/03/2024

UN CRI POUR GAZA

Logo Saint-Merry Hors les Murs VioletSAINT MERRY HORS LES MURS

Drapeaux 2

Les articles qui ne pourraient être considérés comme l’expression de la communauté sont publiés dans cette rubrique Tribune, ouverte aux expressions et prises de position individuelles.

Je témoigne pour faire bouger les lignes dans la communauté entre ceux qui sont convaincus que le combat des Palestiniens pour la reconnaissance de leurs droits à la terre est légitime, et ceux qui, bouleversés par le massacre du 7 octobre de 1200 Israéliens, ne voient dans le Hamas qu’une entité islamiste et terroriste.

Je déplore les victimes et je compatis 1, mais aujourd’hui, près de cinq mois après le début du conflit, il y a 30 000 victimes palestiniennes, et un million et demi de Gazaouites déplacés qui vivent sous des tentes dans le froid, la pluie et la boue, rationnés en eau potable et en nourriture ; 80% des infrastructures sont détruites, dont les écoles et les universités, les hôpitaux et les centres de santé, les mosquées et les églises ainsi que plusieurs sites archéologiques.
(NDLR : chiffres provisoires fournis par le Hamas, mais considérés d’un ordre de grandeur fiable par les observateurs internationaux).

A l’origine du Hamas, il y a le Sheikh Yassine, un homme paralysé des quatre membres depuis l’âge de 16 ans, devenu progressivement totalement dépendant de son entourage, qui a vécu avec sa famille dans un camp de réfugiés, puis dans une maison modeste de la banlieue de Gaza. Instituteur de formation, c’était un éducateur qui a guidé plusieurs des actuels dirigeants du Hamas dans leur choix d’études et de métier, puis d’engagement dans leur vie familiale, professionnelle et militante. Son mot d’ordre était l’unité entre les factions palestiniennes qui se combattaient souvent à Gaza 2

A un journaliste qui lui demandait « Haïssez-vous les Juifs ? », il répondait peu de temps avant son assassinat en 2003 : « Nous sommes des fils d’Abraham et des frères. Mais si votre frère vole votre maison, que faire sinon le combattre ? »

Depuis les élections de 2008, l’administration, les systèmes scolaire et universitaire avec deux facultés de médecine, les hôpitaux fonctionnent sous la gouvernance du Hamas 3. C’est dans l’une de ces universités que Ziad Medoukh a dirigé le département de français. A côté des structures gouvernementales, l’agence de l’ONU (UNRWA – United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East) prend en charge les réfugiés palestiniens qui représentent 80% de la population de Gaza. Elle gère des écoles et collèges ainsi que des structures de soins de santé primaires et des services sociaux.

En guise de conclusion, on peut dire que ce conflit est un conflit politique que le gouvernement israélien et les gouvernements qui le soutiennent cherchent à transformer en conflit religieux.
Pour en finir avec lui et arriver à la paix, il faudra considérer le Hamas comme un interlocuteur. C’est ce qu’a fait de Gaulle lorsqu’il a décidé d’ouvrir des négociations avec les ‘’terroristes’’ du FLN, qui ont permis d’aboutir à la paix avec la création d’un état algérien.

Christophe Denantes,
médecin anesthésiste à l’hôpital Avicenne (Bobigny),
membre de la communauté de Saint-Merry Hors-les-Murs,
participant à des missions humanitaires à Gaza depuis 2002 en tant que médecin anesthésiste.

  1. Dans Souvenirs d’une religieuse, son livre posthume, Sœur Emmanuelle écrit :
    « J’ai souvent pensé à cette phrase de Taine qui me parait effrayante de vérité : ‘’Grattez le vernis de cet homme civilisé, vous trouverez un gorille féroce et lubrique.’’ Je flaire en moi une affinité secrète de corruption avec mes malheureux frères humains entrainés vers le mal. Je ressens parfois dans ma chair et mon sang d’étranges fermentations. » ↩︎
  2. Le Hamas n’a jamais figuré sur la liste des organisations terroristes de l’ONU. ↩︎
  3. En effet, le Hamas est en désaccord avec l’autorité palestinienne basée à Ramallah et signataire en 1993 des accords d’Oslo qu’il a dénoncés ; mais il gouverne la bande de Gaza depuis 2007, et a remporté les élections législatives de 2008 dans les Territoires Occupés Palestiniens (comprenant la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est). ↩︎

 

29/02/2024

DU TRACTEUR A LA MERCEDES

TC.GIF

 
 
Publié le
                                    par Henri Lastenouse

Salon de l’Agriculture à Paris, salon de l’Auto à Francfort. De part et d’autre du Rhin, un moment sacré pour chacune des deux nations au temps des fastes du XXe siècle. Dans une Allemagne d’après-guerre « interdite » d’attributs de la puissance militaire, la ferveur patriotique se réfugia dans le succès de l’industrie automobile. Les bolides Porsche ou la fameuse VW Coccinelle, aux constructeurs amnésiques de leur passé, symbolisèrent ainsi le retour de l’Allemagne dans le concert des nations. Pendant près de soixante-dix ans, Francfort fut, avec son million de visiteurs, le plus grand salon automobile au monde… La grand-messe s’est arrêtée en 2019, emportée par la révolution écologique et les manifestations violentes qui, lors de son ouverture, épinglaient la responsabilité du moteur thermique dans le réchauffement climatique. Depuis, réfugié à Munich, le salon a perdu 50 % de son public, alors que l’industrie automobile allemande peine à s’adapter aux défis du véhicule électrique, auquel elle n’a pas cru alors que l’Europe a sonné la fin du moteur thermique pour 2035.

C’est en 1855, au Champ-de-Mars, que se tient le premier Concours agricole universel, à l’aube d’une transformation radicale de la société française qui, dans le siècle qui suivra, provoquera l’exode rural que l’on sait. C’est dire le rôle qu’il jouera et joue toujours dans notre récit national, pour une France qui n’oublie pas qu’elle fut, pendant mille ans, un pays de champs et de clochers que résumait si bien l’affiche électorale de François Mitterrand en 1981. En 1855 était trouvée la formule magique : réunir au centre de Paris « veaux, vaches, cochons ». En 2023, le salon de l’Agriculture présentait ainsi à plus de 700 000 visiteurs quelque 4 000 animaux, pour plus de 400 races. Même s’il se tient toujours à Paris et reste immensément populaire, il est à son tour pris dans la tourmente, comme l’ont démontré les chaotiques journées précédant son ouverture au public.

Du tracteur à la Mercedes, nous payons notre trop longue cécité collective quant à l’avenir de secteurs vitaux de nos économies… et de nos identités. Voilà que s’ouvre hélas un temps de crises que traversent tant bien que mal ces grands-messes patriotiques héritées de nos histoires.

Henri Lastenouse