Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/02/2021

FERMETURE DU CENTRE SAINT MERRY, ET APRES ?

Un constat d’échec

Au-delà des histoires de personnes, pourquoi cette fermeture mérite-t-elle qu’on s’y arrête ? Pourquoi suscite-t-elle autant d’émotion ? Car au fond, si l’archevêque n’avait rien fait, ce Centre, dans peu d’années, serait peut-être mort de sa belle mort, faute de renouvellement générationnel, l’équipe en place, vieillissante, n’ayant pas su, ou pu, faire une place à des plus jeunes…

Pourtant, oui, la fermeture de ce lieu est grave, parce que c’est un constat d’échec. Un échec que l’on ne peut attribuer, ce serait trop facile, ni à une institution ecclésiale trop autoritaire d’un côté, ni à des paroissiens trop idéologues et indépendants de l’autre. Au fond, on peut se gausser du modèle Saint-Merry, dire que ce catholicisme de gauche, ouvert et parfois un peu trop critique, appartient de toute façon au passé, n’attire plus et n’a donc plus d’intérêt aujourd’hui. Soit. Mais alors, la question est tout de même de savoir ce qui vient après ! Saint-Merry, c’était, de la part de laïcs, une vraie expérience de collaboration et de prise de responsabilité dans la vie d’une communauté et d’une paroisse, un engagement énorme de ces personnes pour faire vivre l’Évangile au-delà de la sacristie, s’investir dans la  société, être sensible à ses soubresauts, aller vers les plus fragiles, les plus éloignés de l’Église. C’est ce qui a permis à la paroisse d’offrir un lieu aux marginaux, aux non ou peu croyants, aux plus pauvres, aux migrants, bref, aux fameuses périphéries dont parle le pape François.

La fin d’un modèle?

Ce genre de projets peut-il se développer avec des générations plus jeunes ? On a le sentiment que non. Que le modèle aujourd’hui dominant est celui de paroisses classiquement gérées par des prêtres, avec des laïcs au service mais peu impliqués dans la prise de responsabilité. C’est sans doute plus simple pour tout le monde. Le curé est libre de faire ce qu’il veut. Les laïcs viennent là en simples consommateurs de rite. Le risque, c’est un repli des communautés sur elles-mêmes, uniquement à l’écoute de ceux qui pratiquent chaque dimanche, une frilosité, un fossé qui se creuse entre les paroisses catholiques et la société de plus en plus indifférente. Et au final, une diminution continue du nombre des chrétiens.

Des communautés plus vivantes et tournées vers la société

Est-ce utopique de concevoir l’avenir de l’Église dans une collaboration de laïcs et de prêtres, une collégialité, une communauté où les responsabilités seraient partagées ? Une participation qui permette l’ouverture et la relation avec le monde extérieur. C’est évidemment plus compliqué à concevoir. Mais c’est tout de même l’orientation proposée aujourd’hui au niveau universel par le pape François. Quand il nomme un binôme prêtre-laïc, avec la religieuse Nathalie Becquart, au Synode des évêques, une institution de collégialité de l’Église universelle, c’est bien vers cette coresponsabilité qu’il veut tendre, pour en finir avec un certain cléricalisme où toutes les responsabilités sont aux mains des seuls prêtres. C’était toute la logique conciliaire de Vatican II. Le modèle Saint-Merry n’était pas parfait, évidemment. Mais comment reprendre le flambeau de ce que portent ces chrétiens depuis quarante-cinq ans ? Puisse la crise actuelle obliger chacun à réfléchir à l’héritage de ces chrétiens du seuil.

20/02/2021

LE MEPRIS DES FEMMES MET LE CATHOLICISME EN DANGER

LE MONDE.GIF

Alors qu’une femme, Nathalie BECQUART, a pour la première fois été nommée au Synode des évêques, la féministe catholique souligne les limites de cette décision. Pour elle, le pontificat de François « n’est pas révolutionnaire et à peine réformateur"

La religieuse française Nathalie Becquart vient d’être nommée sous-secrétaire du Synode des évêques, l’un des organes permanents du Vatican. Il s’occupe de l’organisation des synodes romains, ces réunions régulières d’évêques de différents pays qui débattent d’un sujet particulier.

Nathalie Becquart en devient la numéro deux, sous l’autorité de Mgr Mario Grech, qui en est le secrétaire. C’est la première fois qu’une personnalité « laïque », c’est­-à-­dire non ordonnée diacre, prêtre ou évêque, accède à ce niveau de poste – et de surcroît, c’est une femme. A ce titre et à ce niveau de responsabilité, elle détient donc un « droit de vote » dans le cadre des synodes. Le dernier synode en date était sur l’Amazonie (octobre 2019) ; le prochain, en octobre 2022, portera sur la « synodalité » – une sorte de mise en abyme, puisque ce sera une réflexion « synodale » sur la façon de prendre des décisions en synode.

Au Vatican, la synodalité désigne ce que le monde profane appellerait concertation, voire, osons le mot, processus démocratique. C’est une question importante pour le pape François, qui tente de sortir l’Eglise catholique d’un exercice autoritaire, centralisé et clérical du pouvoir. En désignant une femme, le pape fait un geste symbolique de "décléricalisation », alors que le synode va tenter d’amender un fonctionnement trop centralisé.

Le fait qu’il soit précisé que la nomination de Nathalie Becquart comporte l’exercice du droit de vote n’est pas une anecdote puisque lors du synode sur l’Amazonie, s’était levée une fronde légitime des religieuses qui n’avaient pas eu le droit de voter, tandis que leurs homologues masculins, religieux non ­prêtres, avaient pu l’exercer. Condamnées pour l’éternité ? Cette nomination va dans le même ...

Lire l'article ... ChPedotti_MeprisDesFemmes_Le Monde_18fevrier2021.pdf

18/02/2021

PEUT-ON ENCORE ÊTRE CATHOLIQUE

TC.GIF

Peut-on encore être catholique ?

peut on.jpg

Christine Pedotti - février 2021

La question peut sembler provocante, et pourtant elle mérite d’être posée. Mais, d’abord, soyons clairs, c’est bien du catholicisme dont il est question et non du christianisme. Jésus le Christ, l’Évangile et sa nouveauté, l’amour du prochain, y compris l’ennemi ou le coupable, la préférence pour les plus fragiles, les plus pauvres, malades, enfants, femmes… c’est ce que tous les chrétiens partagent et essaient de vivre, avec plus ou moins de réussite et d’engagement. Le catholicisme, lui, n’est que l’une des formes religieuses du christianisme, très ancienne et respectable, certes, mais l’une des formes.

Ce qui le caractérise, c’est, entre autres choses, une organisation hiérarchique appuyée sur la distinction entre les « clercs » – diacres, prêtres, évêques –, des hommes exclusivement, et les baptisés « ordinaires » ou « communs », dits « laïcs », du grec « laos », qui désigne le peuple. Le pouvoir, l’autorité sont concentrés entre les mains des clercs. Gouverner, enseigner, célébrer – sanctifier – sont leur apanage et toute délégation n’est précisément qu’une « délégation ».

Contrairement à ce qui est souvent répété, rien de tout cela ne vient de Jésus lui-même, des Évangiles ou du Nouveau Testament. Ce que nous connaissons s’est installé lentement, au gré de choix qui ont semblé nécessaires et utiles pour « annoncer l’Évangile », qui est la mission originelle dont Jésus est la source. L’Église catholique contemporaine est une forme modelée au long des siècles au gré des contingences.

Ce qu’on peut en dire aujourd’hui, c’est qu’elle se heurte aux valeurs que nos sociétés portent et défendent : forme démocratique de l’exercice du pouvoir, obligation de rendre compte, transparence, égalité des hommes et des femmes, non-discrimination des minorités sexuelles… Cette observation simple explique le malaise qui saisit nombre de catholiques et la situation dans laquelle se trouvent des expériences comme celle de Saint-Merry à Paris. Le Concile, quoi qu’on en dise et qu’on en ait espéré, n’a pas modifié la donne. À quelques aménagements de formulation près, l’ordre hiérarchique n’a pas été renversé et la règle du jeu n’a pas été changée.

Le cléricalisme n’est pas une maladie du catholicisme, il est sa loi d’airain, et les bonnes paroles du pape François n’y changent rien.

Christine PEDOTTI

11/02/2021

RELIGIONS ET PRINCIPES REPUBLICAINS

Le_Rire_-_Séparation_de_lEglise_et_de_lEtat-1250x680.jpg

Religions et principes républicains

En rupture ou dans l’esprit de la loi de 1905 ? Big bang législatif périlleux ou simple changement cosmétique ? La loi dite « contre les séparatismes », malgré des pistes intéressantes, suscite bien des opinions tranchées.

Publié le

En réalité, l’intitulé complexe de la loi cache ce que l’exposé de ses motifs désigne plus clairement : « Un entrisme communautariste, insidieux mais puissant, gangrène lentement les fondements de notre société dans certains territoires. Cet entrisme est pour l’essentiel d’inspiration islamiste. Il est la manifestation d’un projet politique conscient, théorisé, politico-religieux, dont l’ambition est de faire prévaloir des normes religieuses sur la loi commune que nous nous sommes librement donnée. Il enclenche une dynamique séparatiste qui vise à la division. » Il s’agit bien de ce fameux « séparatisme » que le président Macron évoquait dans son discours des Mureaux du 2 octobre 2020.

Notons qu’à l’époque le mot était au pluriel : il s’agissait de lutter contre « les » séparatismes. Mais, dans la bouche du Président, il repassait déjà vite au singulier : « Ce à quoi nous devons nous attaquer, c’est le séparatisme islamiste. C’est un projet conscient, théorisé, politico-religieux, qui se concrétise par des écarts répétés avec les valeurs de la République. » L’exposé des motifs du projet de loi reprend des termes proches mais repasse au pluriel : « Face à l’islamisme radical, face à tous les séparatismes, force est de constater que notre arsenal juridique est insuffisant. » Il faut dire qu’entre le discours d’octobre et ce projet de loi s’est produit le drame de l’assassinat du professeur Samuel Paty, comme une tragique illustration de ce que la présentation du texte de loi appelle « l’idéologie séparatiste » qui « a fait le terreau des principaux drames qui ont endeuillé notre communauté nationale ces dernières années ».

Reste la volonté de faire un texte qui permettrait de lutter contre un « séparatisme » mot absent des termes de la loi et qui ne viserait ni l’« islam » ni les « musulmans », mots qui n’y figurent pas non plus. Il n’y est en effet question que de « religions » et de « cultes ». Et c’est là que le bât blesse. Les instances religieuses protestantes, catholiques et juives protestent contre les modifications que la loi introduit dans les usages actuels, en particulier sur les modalités de contrôle des associations et tout particulièrement des associations cultuelles. Il est vrai que la loi de 1905, devenue aujourd’hui plus sacrée que le Décalogue, avait instauré, en son article 4, une « police des cultes », mais celle-ci ne s’était guère exercée. Si la loi de 1905 édicte l’interdiction de tenir des réunions politiques dans les temples et églises, elle s’abstient de se prononcer en quoi que ce soit sur ce qui y est dit, sauf en cas de diffamation explicite et affichée. Or, voilà que la nouvelle loi impose aux associations recevant des subventions ou éditant des reçus fiscaux une série de vérifications liées à cette fameuse « conformité aux principes de la République » ainsi qu’à la transparence des financements, en particulier de ceux qui proviennent de l’étranger.

La loi est-elle pour autant « liberticide » ? ­Permet-elle à l’État d’exercer un contrôle indu sur les religions en contravention avec le compromis libéral de 1905 ? Outre les responsables des cultes, des spécialistes de l’histoire de la ­laïcité comme Philippe Portier ou Valentine Zuber le soutiennent. Mais, sous couvert de liberté de conscience religieuse, jusqu’où peut-on s’écarter de la loi ? Sans même songer à l’islam, peut-on permettre, que, pour des motifs religieux, on organise des stages pour « réparer l’identité blessée » des homosexuels comme le font certaines officines catholiques et évangéliques dénoncées par les associations de défense des personnes LGBT+ ?

Demeure l’argument de « l’arsenal juridique insuffisant ». Faut-il une loi avec un tel intitulé pour étendre le principe de neutralité aux délégataires d’une mission de service public, vérifier le consentement des époux lors d’un mariage ou contrôler les objectifs et le financement d’associations subventionnées ? Poser la question, c’est y répondre. Avec cette loi, le pouvoir « fait de la politique » et il n’est pas sûr qu’elle soit bonne. Dénoncée par presque tous pour une raison ou son contraire, elle risque fort de diviser plus que d’unir.

https://www.temoignagechretien.fr/religions-et-principes-republicains/

Publié le 

08/02/2021

JOYEUX COMME LES DES ENFANTS PAR TEMPS DE COVID

cours-decole (1).png

Centre pastoral Saint-Merry / L'évangile dans la ville

J’ai le privilège d’habiter à proximité d’une école primaire. Il m’est donc donné d’entendre chaque matin, l’arrivée des enfants de même que leur départ en fin de chaque après-midi. Et naturellement, de les entendre aussi lorsque vient le temps des récréations. S’il vous est arrivé d’en faire l’expérience, vous l’aurez constaté : loin de toute forme de morosité, ce ne sont que des cris joyeux, des cris de vie, des cris de jeux. Jamais je n’avais réalisé à ce point combien les enfants – en tout cas, les plus jeunes – sont heureux de se rendre à l’école, de retrouver leurs copains, de jouer avec eux et sans doute parfois, bien sûr, de se chamailler. 

Lorsqu’est arrivée la fin du premier confinement, ma petite-fille de 4 ans est revenue le soir de son école maternelle, en déclarant à ses parents:« C’est le plus beau jour de ma vie »!

Merci les enfants ! Pour une fois, c’est vous qui nous faites la leçon en nous invitant à ne pas céder à la morosité ambiante. D’ailleurs, si vous vous sentez un peu en déprime du fait des contraintes que nous impose ce fichu virus, allez donc assister à la sortie des enfants d’une école maternelle : vous pouvez être assurés que vous vous sentirez mieux !

Bruno G. Billet du dimanche 7 février 2021

 

21/01/2021

TENIR !

TC.jpg

                                         TENIR !

SUMSUM CORDA.jpg

Serrer les dents, se serrer les coudes et tenir bon ; malgré la menace du variant anglais, malgré les hoquets de la campagne de vaccination – il suffit de lire la presse étrangère pour constater que nulle part cela n’est suffisamment fluide, ni suffisamment rapide.

Tenir malgré ce couvre-feu à 18 heures qui sonne comme une punition pour pensionnaires turbulents, tenir malgré la menace d’un troisième confinement suspendue au-dessus de nos têtes comme une épée de Damoclès.

Que la saison est longue de ce virus qui n’en finit pas, que les soirées sont sombres en ce triste hiver où il nous reste à lire au coin du feu, écumer les vieilles séries télévisées, réécouter des disques trop aimés, deviser avec ceux et celles qui partagent notre toit et, surtout, éviter les chaînes d’information continue, qui déversent leur flot de polémiques suscitées de toutes pièces, de débats entre experts autoproclamés et fugitives gloires de plateau, vite usés, vite renouvelés.

Plus que jamais, il nous faut découvrir au fond de nous-même les sources de la sagesse. Résister aujourd’hui, c’est trouver ou retrouver la patience, et même la bienveillance à l’égard de nous-même et d’autrui. Il nous faut cultiver une forme de détachement, de quasi-nonchalance afin d’échapper à la mélancolie et à la dépression.

Les professionnels du psychisme nous alertent, comme la Bible : « Il n’est pas bon que l’homme – l’humain – soit seul. » Nous manquons de contacts, de chaleur humaine et nous faisons le constat que, même avec la plus grande force d’âme, nous sommes aussi des mammifères. Nous aimons les caresses, les embrassades, les empoignades. En être privés, c’est risquer d’être moins humains. Nous ne sommes pas que de la pensée, de la volonté, de l’intelligence, nous sommes aussi notre corps, et c’est avec ce corps que nous rencontrons le monde.

Il nous reste à cueillir et à partager les petits riens qui réchauffent, les clins d’œil par-dessus un masque, le sourire des yeux, la beauté d’une aube ou celle d’un couchant.

Pour tenir, nous allons inaugurer une rubrique de bonnes nouvelles à partager. Vous pouvez participer en nous les envoyant par courrier ou courriel. Nous les publierons sur le papier ou sur le site.

Sursum corda !  

Christine_Pedotti-100x100 (2).jpg

Témoignage Chrétien

Christine PEDOTTI 

08/01/2021

CHRETIEN SANS LE SAVOIR

CHRETIENS SANSLE SAVOIR.png

Peut-on considérer une personne qui fait le bien comme un « chrétien anonyme »  ??   L’expression du théologien Karl Rahner ouvre le débat sur la mission de l’Église.

« Hors de l’Église, point de salut », soutenait de sa plume l’évêque saint Cyprien sous l’Empire romain pour ériger la religion chrétienne en vérité exclusive. Au fil des siècles, l’adage s’est largement effacé du discours catholique, tandis que les frontières du monde se sont élargies et que d’autres réalités culturelles sont apparues, jusqu’à ce que l’Église opère finalement une grande réforme et s’ouvre de manière inédite aux autres religions. Nous sommes alors en plein concile Vatican II, pour lequel évêques et experts du monde entier sont rassemblés pour penser la foi catholique du XXIe siècle. Parmi les théologiens du Concile, le prêtre allemand Karl Rahner émet la thèse des « chrétiens anonymes ».

Le jésuite avance que tous les êtres humains menant une vie honnête, vertueuse, font inconsciemment acte de foi. À ses yeux, ils sont donc des « chrétiens qui ne savent pas exactement ce qu’ils sont », et obtiendront le salut. Car l’Église contemporaine se situe sur une périlleuse ligne de crête : comment peut-elle devenir plus universelle, ouverte et tolérante vis-à-vis des autres croyances, et affirmer malgré tout l’importance de l’évangélisation, et la vérité de la parole du Christ ?

Lire ... chrétiens sans le savoir LA CROIX 8 2021.pdf

HUMOUR -IL NEIGE EN HIVER - LE BILLET D'ALAIN REMOND -

aremond.jpg

Débats /billet

Il neige en hiver

Alain Rémond

Les journaux télévisés viennent de découvrir avec stupéfaction un phénomène inouï : il neige en hiver. La neige est ce truc blanc qui tombe sur les champs, sur les routes, sur les autoroutes, sur les villes, sur les villages, partout. C’est insensé. En plus, il s’avère que, sur la neige, les voitures glissent, dérapent, peuvent même faire ce qu’on appelle un tête-à-queue. C’est dingue. Heureusement, l’homme, dans son génie, a su concevoir cette invention qui fait honneur à la civilisation : les chaînes. C’est ce que découvrent, tout excités, pour ne pas dire bouleverser, les envoyés spéciaux qui, du coup, filment avec enthousiasme et dans ses moindres détails cette délicate opération, qui consiste à enrouler la chaîne autour de la roue, pour qu’on comprenne bien la portée de la chose, pendant que la neige continue de tomber, vu qu’apparemment c’est tout ce qu’elle sait faire. Soit, pour un seul journal télévisé, trois révélations pour le prix d’une. Premièrement : il neige en hiver et la neige tombe de haut en bas. Deuxièmement : sur la neige, les voitures peuvent glisser et déraper. Troisièmement : pour ne pas glisser et déraper, il convient de mettre des chaînes autour des roues. C’est tout bonnement stupéfiant. Quelque chose, pourtant, me tracasse. Je me demande si l’année dernière (et peut-être même les années d’avant) la télévision ne nous avait pas déjà raconté tout ça. Mais je dois me tromper. Ça se saurait, tout de même.

Journal LA CROIX 6/01/2021

25/12/2020

LE MONDE D'AVANT

le monde d avent.jpg

Chers amis, chères amies, lecteurs et lectrices de TC, j’espère que vous me pardonnerez de me laisser aller à une confidence personnelle. Voici un peu plus de dix-huit mois, mon époux, mon doux bien-aimé, a quitté cette vie, qui était aussi celle que nous partagions depuis trente-huit années, en un instant, foudroyé par une mort subite que rien ne laissait présager.

Le surgissement du Covid et de ses confinements s’est comme ajouté puis confondu au temps du deuil en en revêtant les mêmes signes : le retrait du monde, le repli sur soi, la distance sociale, le sentiment lourd et triste que quelque chose de radical s’est produit et que rien ne sera plus jamais comme avant.

Plus jamais… tous ceux et celles qui ont perdu un être cher savent la cruauté acérée de ces deux mots : « plus jamais ». Si je partage avec vous cette expérience personnelle, c’est parce qu’il m’est apparu ces derniers jours que cette pandémie est pour nous tous une expérience de deuil. Certes, pour certains d’entre nous, nous y perdons des proches, mais pour tous, jeunes et vieux, malades ou bien portants, nous traversons un épisode dont nous savons que, lorsque ce sera fini – et cela le sera –, rien ne sera plus jamais comme avant.

Lors du premier confinement, d’abord sidérés par le choc, nous nous sommes pris à rêver, comme dans une forme de déni, à un utopique « monde d’après ». Ensuite est venue la colère et nous avons accusé ceux qui nous gouvernent, ceux qui n’avaient pas prévu, et nous nous sommes aussi révoltés ; contre les masques, contre les règles, contre l’absurde. Nous avons un peu marchandé et nous le faisons encore, en évaluant nos prises de risque pour les fêtes, mais nous sommes aussi saisis par la tristesse et la morosité, et il faut dire que la saison ne nous aide guère. Il nous reste à accepter vraiment que le monde d’avant est derrière nous et à en « faire notre deuil ». C’est ensuite que nous allons pouvoir reconstruire, retrouver la vie et sa fécondité.

Noël raconte cela aussi, une étincelle au cœur de la nuit, l’espérance fragile incarnée dans ce nouveau-né. Du neuf, infiniment petit, et infiniment porteur de promesses. Amis, amies, nous sommes un peuple qui marche dans les ténèbres et nous voyons se lever une toute petite lumière. Chérissons-la, elle deviendra un feu immense. Joyeux Noël !

TC.jpgChristine Pedotti

05/11/2020

VOUS N'AUREZ PAS LA GUERRE

800px-Christine_Pedotti-100x100 (1).jpg

Publié le 5 novembre 2020

par Christine PEDOTTI

 

Photo : Maya-Anaïs Y. (CC BY 2.0)

Il y a cinq ans, le 13 novembre 2015, après les crimes terroristes du Stade de France, des terrasses et du Bataclan qui firent 130 victimes et plus de 400 blessés, Antoine Leiris, dont l’épouse avait été tuée ce soir-là, écrivait un texte bouleversant intitulé Vous n’aurez pas ma haine. Aujourd’hui, après le meurtre de Samuel Paty et ceux de trois personnes dans la basilique Notre-Dame de Nice, nous devons avec le même courage, la même fermeté d’âme, dire : « Vous n’aurez pas la guerre. »

Il nous faut le dire à ceux qui nous attaquent et espèrent que nous allons nous jeter dans la bataille et rendre coup pour coup. Ceux-là veulent le chaos. Ils imaginent que, si nous perdons notre sang-froid et notre raison, si nous mettons dans le même sac du soupçon tous les musulmans, alors ceux-ci, en France et au-delà, tomberont dans leurs bras. Alors l’islamisme ne sera plus une menace minoritaire n’ayant pour arme que la terreur, mais une véritable puissance politique.

Mais, ce refus de la guerre, nous devons aussi et surtout l’opposer à tous ceux et celles qui, face à l’épouvante réelle que suscitent ces actes, trouvent un intérêt politique à faire monter les enchères. Depuis quelques décennies, nous vivons dans des sociétés paisibles. Les jeunes hommes ne meurent plus au combat, et nous vivons de plus en plus vieux et en bien meilleure santé. Même le terrible coronavirus ne fera guère bouger le curseur de l’espérance de vie.

Nos États sont protecteurs, providents même, et nous assurent la sécurité. Ces drames violents, théâtraux, nous font vaciller car ils atteignent ce qui nous est le plus précieux.

Mais, justement, il s’agit de défendre la paix, de défendre le droit et la justice contre ces crimes, et nous n’y réussirons pas en bradant follement le droit, la justice et la démocratie. Si nous le faisions, non seulement nous n’aurions pas la paix, mais nous y perdrions aussi l’honneur.

Le sang-froid et la raison sont nos seules armes et elles sont de celles qui ne tuent pas. Elles sont souveraines contre tous les délires extrémistes, toutes les chimères radicales ; celles des fous de dieu comme celles des fous de l’ordre. À tous nous disons : « Vous n’aurez pas la guerre. »

Christine Pedotti

Photo : Maya-Anaïs Y. (CC BY 2.0)