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08/01/2022

BONNE ANNEE 2022 - JACQUES GAILLOT

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Jacques Gaillot
Evêque de Partenia/7.01.2022
Bonne Année 2022
Je quitte le réfectoire avant la fin du repas pour me rendre à un rendez-vous dans Paris. Un Africain me rattrape en courant : « Je voudrais vous parler deux minutes ». Nous allons nous asseoir.
Je ne connais pas celui qui m’adresse la parole : « Je viens d’être nommé évêque d’un diocèse du Congo. J’aimerais un conseil de vous».
 Sans hésiter je lui réponds : « Ne supporte pas l’injustice. Si tu te bats pour la justice, ta lumière jaillira comme l’aurore (prophète Isaïe). Si tu te bats pour la justice, tu seras une bénédiction pour ton peuple. » L’Africain me regarda fixement : « Ça me va ».   Nous nous sommes quittés.
Desmond Tutu, archevêque Sud-Africain, était un soutien inconditionnel de la cause palestinienne. Curieusement, à l’occasion de sa mort, les médias ont passé sous silence ce soutien du Prix Nobel de la Paix.
En mars 2009, il déclarait à une rencontre internationale : « J’ai été témoin des routes et des maisons réservées aux Juifs et de l’humiliation infligée de manière systématique par l’armée israélienne aux femmes, aux hommes et aux enfants palestiniens…En Afrique du Sud, nous n’aurions pas pu parvenir à une démocratie sans l’aide des gens du monde entier qui ont lutté de manière non violente, par le biais du boycott et du désinvestissement. Et ce sont les mêmes questions d’inégalité, d’injustice qui motivent aujourd’hui le mouvement de boycott et désinvestissement, qui vise à mettre un terme à une occupation des terres palestiniennes qui se poursuit depuis des décennies. »
« Les peuples dont on nie la dignité et les droits méritent la solidarité des autres êtres humains. Ceux qui se taisent face à cette injustice la perpétuent "  
« Se dire neutre face à une situation injuste, c’est en fait choisir le camp de l’oppresseur. Peu importe où nous vivons et en quoi nous croyons. Nous sommes tous membres de la même famille… »
 
Si nous nous battons pour la justice, je parie que l’année 2022 sera bonne.
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Jacques Gaillot
Evêque de Partenia
 Paris 7-1-2022

06/01/2022

LES COULEURS DE LA VIE

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Photo : Jez Elliott (CC BY 2.0)

L’image était pourtant belle ; en haut de ces Champs-Élysées que l’on nomme sans modestie « la plus belle avenue du monde », sous l’Arc de Triomphe, l’immense drapeau bleu semé d’étoiles de l’Europe flottait dans la brise tiède de cet étrange faux printemps qui accueillait la nouvelle année. La France prenant la présidence du Conseil de l’Europe pour six mois affichait ainsi son engagement. Qu’y avait-il à redire ?

Il y eut… et d’abondance. Sans surprise, évidemment, les cris de l’extrême droite et de la droite extrême, Le Pen et Zemmour, puis de la droite qui penche très à droite, avec Valérie Pécresse exigeant qu’on y adjoigne le drapeau français comme l’avait fait Nicolas Sarkozy. Jean-Luc Mélenchon lui aussi y alla de son couplet, mais il s’était déjà scandalisé de la présence de ce même drapeau à l’Assemblée nationale, et, pour finir, Fabien Roussel, le communiste… À droite, on n’hésita pas à parler d’outrage national et à sortir les mânes du malheureux inconnu inhumé sous l’Arc, à gauche, de l’Europe des délocalisations… Ce bref épisode – le drapeau sitôt suspendu fut retiré « comme prévu » prétendit l’exécutif, le symbole ne devant s’afficher que le jour de l’an – augure fort mal de la qualité du débat politique français en ce début d’année électorale.

Rappelons quand même, pour mémoire, et surtout pour l’histoire, que l’Arc de Triomphe, voulu par Napoléon 1er et inauguré en 1836 par le roi Louis-Philippe, est dédié aux armées de la Révolution et de l’Empire, lesquelles n’ont pas été précisément des modèles de paix et de concorde européenne, mais bien, au moins pour l’Empire, de politique expansionniste. Quant au soldat inconnu de 14-18, il est d’abord la victime des politiques agressives et nationalistes qui ensanglantèrent l’Europe au siècle dernier.

Le drapeau bleu, lui, est le symbole de la volonté de paix des pères fondateurs et des peuples contre les folies nationalistes et les xénophobies meurtrières. Réaffirmer cette option radicale pour la paix, pour la négociation, les accords et les traités, alors que d’inquiétants bruits de bottes résonnent à l’Est était une belle façon de commencer 2022.

Alors, Bonne Année quand même, en bleu, en tricolore et surtout dans toutes les couleurs et nuances de la vie.

Christine Pedotti Christine Pedotti

Photo : Jez Elliott (CC BY 2.0)

23/12/2021

DOUCE FRANCE

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TC.GIFDOUCE FRANCE

Nous espérions qu’en 2021 nous en aurions fini avec le « maudit virus ». Hélas, les perspectives pour 2022 demeurent inquiétantes, même si l’efficacité de la vaccination est grande et atténue les effets des vagues épidémiques. Le virus circule à vive allure et ne cesse de muter. Si les pays développés ont une forte couverture vaccinale, des pans entiers du reste du monde se heurtent à la fois à la non-disponibilité du vaccin, à des problèmes logistiques considérables et à des hostilités vaccinales extrêmement vives. Tout cela mêlé peut nous faire craindre que 2022 soit encore une année « Covid ». Pourtant, à l’aube de cette nouvelle année, plutôt que de nous laisser aller au découragement, prenons le temps de nous réjouir. Oui, osons nous dire qu’il fait bon vivre en France. Je sais tout ce qui peut être objecté à ces mots, mais prenons le temps de regarder ce qui va, ce qui est beau, bon et juste, afin d’y trouver la force de le défendre, d’entreprendre d’autres conquêtes et de le partager plus largement.

Reparlons donc du virus, des soins et des vaccins, et réjouissons-nous de vivre dans un pays capable de soigner tout le monde, sans exclure qui que ce soit pour des raisons financières. Vivre en France, même sans titre, ouvre le droit à la santé et à des soins de qualité. S’il faut se battre pour sauver une cathédrale, que ce soit celle-ci, celle de la « sécu » pour tous et toutes. Bien sûr, on peut – et il faut – faire encore mieux, rénover l’hôpital et l’offre de soins, mais ne boudons pas ce que nous avons.

Oui, le système de protection sociale – maladie, chômage, famille, retraite, logement, handicap – est lourd et complexe et peut et doit être amélioré, mais il existe et il fonctionne. Et c’est notre honneur de ne le soumettre qu’à des conditions de ressources et non d’origine.

Oui, l’Éducation nationale est une pesante machinerie qui peut et doit être améliorée, mais elle accueille tous et toutes, de la maternelle à l’université, gratuitement ou à très faible coût comparé à bien d’autres pays.

Oui, tant la justice que la police pourraient mieux fonctionner, mais, même cahin-caha, quoi qu’on en dise, la France est l’un des pays les plus sûrs et les plus paisibles au monde.

Réjouissons-nous de ce que nous avons, fruit des luttes, des conquêtes, des révolutions, des réformes. Et protégeons-le jalousement ; c’est la véritable identité de la France.

Publié le
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17/12/2021

CE BEAU DON DE L'AMITIE

Greiner.GIFDominique Greiner,  rédacteur en chef de Croire-La Croix

ÉDITO

Ce beau don de l’amitié

La semaine dernière, j’évoquais ici les rumeurs qui ont conduit le pape à accepter la démission de Mgr Aupetit. Entre-temps, un hebdomadaire à sensation publiait des pages pleines d’insinuations sur les liens de l’archevêque désormais émérite de Paris avec une femme qui fait partie de ses amis. Le procédé est ignoble. Non seulement il foule aux pieds les règles de base de la déontologie journalistique, mais il salit une amitié spirituelle en la suspectant d’être autre chose que cela. Comme si une telle amitié entre un homme et une femme n’était pas de l’ordre du possible.

Pourtant, qu’il est bon d’avoir des amis – et des amies – sur qui l'on peut compter, surtout dans les moments difficiles. « L'ami aime en toute circonstance, et dans le malheur il se montre un frère », lit-on dans le livre des Proverbes (17, 17). Et quand Jésus dit à ses disciples « je ne vous appelle plus serviteurs mais amis » (Jn 15, 15), il donne une nouvelle intensité au beau mot d’amitié. L’amitié qu’il nous porte devient le modèle de toute amitié.

« L’amitié qui doit exister entre nous prend naissance dans le Christ, se maintient conformément au Christ, atteint son but et devient d’autant plus profitable qu’elle est tournée vers le Christ », écrit Aelred de Rievaulx (1110-1166) dans son Traité sur l’amitié spirituelle. Pour le cistercien, l’amitié que peuvent se porter deux chercheurs de Dieu est même une préfiguration du Royaume à venir. Une telle conception de l’amitié, qui n’exclut pas la prudence, ne peut se comprendre que dans un monde qui croit à la grâce. Une grâce qui vient de Dieu pour guérir, rendre digne, parfaire notre condition humaine, jusque dans son intimité la plus profonde.

Qu’on puisse douter et salir une amitié spirituelle entre un homme et une femme dans les médias n’est finalement que le symptôme d’une époque qui ne croit plus guère à la grâce, d’une société obnubilée par le sexe, incapable de concevoir que deux êtres puissent nouer une relation profonde et chaste.

Dans ce monde désenchanté, les amitiés qu'il nous est donné de vivre apparaissent d’autant plus précieuses. Soignons-les. Respectons celles des autres. Elles disent quelque chose de Dieu et nous rendent meilleurs.

09/12/2021

LA FRANCE, LA FRANCE

Photo : Faces Of The World (CC BY 2.0)

Cette fois, nous y sommes ou presque ; les « petits chevaux » sont presque tous alignés sur la ligne de départ pour la grande course présidentielle. Il manque certes le président sortant, mais il ne fait guère de doute qu’il sera candidat à sa succession et, à date, le prétendant le plus sérieux pour le titre, de sorte que tous les autres sont pour l’instant des challengers.

Que dire sinon gémir de tristesse devant l’affligeant émiettement de la gauche ? Au-delà de son incapacité dramatique à présenter un candidat ou une candidate ayant un espoir de figurer au second tour, sa faiblesse et sa dispersion ne lui permettent même pas de peser sur le positionnement d’Emmanuel Macron, qui cherchera plutôt à rattraper des électeurs et des électrices fuyant une droite tendue vers l’extrême. Car c’est bien à droite que ça se passe, une droite dont les différentes nuances n’atténuent pas les couleurs criardes et violentes. Marine Le Pen se retrouve bizarrement à incarner la droite populaire du gros rouge qui tache et du (faux) « bon sens près de chez vous ». Sa bonhomie en deviendrait rassurante comparée à la figure de Zemmour, tout recuit de ressentiment, en appelant à une France pétaino-pompidolienne fantomatique, une France issue de l’accouplement improbable de Dupont Lajoie et de Brasillach. Il a été rejoint, sans grande surprise, par les militants de Sens commun – rebaptisé Mouvement conservateur en 2020 –, une formation droitière issue du combat contre le mariage pour tous.

La campagne de désignation du champion des Républicains quant à elle a d’abord montré des candidats infléchissant leur propos sur des positions de plus en plus nationalistes, xénophobes et autoritaires. Le premier tour a placé Éric Ciotti en tête et, s’il s’est finalement incliné devant Valérie Pécresse, il a quand même atteint 40 % des suffrages en ne cachant pas sa proximité avec l’autre Éric. Il n’a d’ailleurs pas attendu vingt-quatre heures pour peser sur la vainqueure en prétendant lui dicter des choix de campagne aussi radicaux qu’un « Guantánamo à la française » dans la lutte antiterroriste.

Que reste-t-il de la France dans tous ces délires ? La France « millénaire » et fantasmatique de certains est-elle une autre France que celle des Lumières, de l’universalisme, des droits humains, de la liberté, de l’égalité, de la fraternité et de la laïcité ?

Christine_Pedotti-100x100 (2).jpgChristine Pedotti  TC.GIF

 

06/12/2021

« La juste place de chacun » par Pierre-Alain LEJEUNE curé de quatre paroisses du Diocèse de Bordeaux

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Nous avons tous été profondément meurtris par les révélations du rapport de la CIASE : non seulement les abus sexuels commis par des prêtres et religieux mais aussi la manière dont ces scandales ont été étouffés pendant des décennies. 

     Un groupe de paroissiens a entrepris la lecture du rapport et je me suis joint à eux la semaine dernière. L’une des nombreuses questions que nous avons abordées vendredi dernier, est celle de la place du prêtre dans la communauté chrétienne. En effet, lorsque le prêtre est un homme à part, intouchable, en position de surplomb, personne n’osera dénoncer même les pires agissements. C’est d’ailleurs probablement la recherche de cette position dominante leur garantissant l’impunité, qui a attiré vers le sacerdoce des hommes présentant de graves déséquilibres psycho-sexuels. Nous comprenons mieux aujourd’hui que ce n’est pas le sacerdoce qui pousse à la pédo-criminalité mais plutôt les pédo-criminels qui sont attirés par le sacerdoce. 

     Pour cela, il est essentiel de redonner au prêtre sa juste place : le voir non pas sur un piédestal mais comme un serviteur. Mieux comprendre la place du prêtre, c’est d’abord redécouvrir que la différence prêtre/laïcs n’est pas « essentielle ». Ce qui est essentiel, c’est le baptême que nous avons tous reçu ; c’est notre trésor commun et pour ma part, je considère que je n’ai rien reçu de plus grand que le baptême. Le ministère de prêtre confié à quelques-uns ne leur confère aucune supériorité mais fait d’eux des serviteurs. Le prêtre ne fait pas le lien entre vous et le Christ car chaque baptisé est en lien direct avec le Christ. Le prêtre en revanche est au service de ce lien qui nous unit au Christ Jésus, au service de la vocation des baptisés. Il ne doit jamais être un intermédiaire mais un serviteur. 

     Évidemment, dans la mesure où il exerce la mission de pasteur, le prêtre (et plus encore l’évêque) est investi d’une autorité et il ne s’agit en aucun cas de refuser ou de fuir cette responsabilité. Il faut l’assumer. Mais dès qu’il y a autorité, il y a danger ; le danger que viennent s’y loger le péché de l’homme et son désir de toute-puissance. Nul ne peut se croire à l’abri de ce risque. Les apôtres eux-mêmes dans l’Évangile seront repris par Jésus sur ce point. Il est donc essentiel que cette autorité soit vécue comme un service du peuple de Dieu et en collaboration avec une équipe de paroissiens. C’est en cela que le prêtre a autant besoin des paroissiens que les paroissiens ont besoin du prêtre. C’est ensemble que nous nous aidons à assumer pleinement nos vocations respectives. 

     Un jour, Saint Augustin a mis des mots d’une grande justesse sur la relation du pasteur au peuple qui lui est confié, des mots qui peuvent grandement nous éclairer aujourd’hui : "Si ce que je suis pour vous m'épouvante, ce que je suis avec vous me rassure. Pour vous en effet, je suis l'évêque ; avec vous je suis chrétien. Évêque, c'est le titre d'une charge qu'on assume ; chrétien, c'est le nom de la grâce qu'on reçoit. Titre périlleux, nom salutaire".

     Cette juste place me semble être une question décisive car je crois que la juste place du prêtre détermine la juste place de chaque baptisé. Si le prêtre est perçu comme un « super chrétien » alors les baptisés auront tendance à se considérer comme des chrétiens de seconde zone, pouvant être dispensés de vivre l’Évangile dans toute sa radicalité. A l’inverse, lorsque le prêtre est accueilli comme un serviteur de notre vie baptismale, alors nous sommes tous entraînés à vivre pleinement notre baptême. 

     Cette crise majeure que traverse l’Église est sans doute un signe des temps et il nous faut saisir cette occasion pour grandir dans la foi. De cette crise,  nous sortirons par le haut et nous sortirons grandis, si du moins nous savons nous mettre ensemble à l’écoute de l’Esprit Saint. La démarche synodale est en cela une opportunité et une grâce qu’il ne faut pas manquer ! 

Pierre Alain Lejeune / Crédit photo : Paroisses des Jalles

01/12/2021

MIGRANTS, CHANGER DE VISION

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Si loin, si proches
Migrants, changer de vision
Jean-Christophe Ploquin, rédacteur en chef à La Croix

Pendant quelques jours, on a pu croire que l’Europe allait être envahie. Ce n’était pas les Huns ni l’Armée rouge mais quand même « la plus grande tentative de dé-stabilisation de l’Europe » depuis la guerre froide, selon le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki. Des milliers de migrants attendaient en Biélorussie de pouvoir franchir la frontière. Pour les en empêcher, Varsovie a bouclé la zone, déployé plusieurs milliers de soldats, gardes-frontières et policiers. Des clandestins ont été débusqués jusque dans les hôpitaux.

Ce flux migratoire ne devait rien au hasard. Les Européens ont établi que la Biélorussie avait délibérément acheminé les migrants à cette frontière, après avoir délivré des visas et affrété des vols à partir de capitales du Moyen-Orient. L’autocrate Alexandre Loukachenko se vengeait ainsi des sanctions infligées à son régime depuis l’élection présidentielle truquée d’août 2020, qu’il affirme avoir emportée. Ses services ont activé des réseaux de passeurs au Kurdistan, en Syrie, au Liban, faisant miroiter un accès facile vers l’Allemagne, nouvel eldorado. Les mafias ont récolté une manne en suscitant l’élan d’hommes et de femmes jeunes, parfois avec enfants, désireux de fuir un avenir désespérant. La Pologne affirme avoir enregistré au total plus de 34 000 tentatives de franchissement de sa frontière, avec un pic en octobre. La Biélorussie a évoqué le chiffre de 7 000 migrants sur son sol, dont plusieurs centaines ont été depuis rapatriés. Selon les ONG, 11 personnes sont mortes durant la traque, de froid ou de maladie.

L’Union européenne a fini par faire reculer le potentat de Minsk. La compagnie aérienne biélorusse va être punie et la Commission propose un texte visant à pouvoir sanctionner à l’avenir « les sociétés complices de traite et de trafic de migrants ».

Fin de l’épisode ? La question des migrants est récurrente depuis vingt ans mais rarement elle aura pu être appréhendée avec autant de facilité. Les spectateurs que nous étions en ont perçu toute la dramaturgie : comme dans une tragédie grecque, la raison d’État a broyé les destinées humaines. Mais comment ne pas en garder un profond goût d’amertume. Quoi ? Étions-nous vraiment menacés par ces milliers de personnes cherchant un avenir meilleur ? N’était-il pas possible de trouver des solutions plus respectueuses de la dignité humaine ?

La question migratoire est difficile et malheureusement dans une impasse à l’échelle européenne. La plupart des gouvernements sont tétanisés par la dimension politique de l’enjeu. L’Union ne réussit pas à dégager de nouvelles formes de solidarité entre ses membres. Elle parvient malgré tout à peser sur ses voisins en vue de limiter les flux migratoires et de faire respecter ses frontières. Mais elle est sur la défensive et manque d’assurance. Une nouvelle stratégie nécessiterait de travailler sur les représentations que les citoyens ont des migrants. Une attitude plus confiante dans la rencontre et l’altérité devrait être stimulée, notamment en observant le passé. L’Europe a toujours été un continent d’arrivées et de départs. C’est ce que raconte l’exposition « Picasso l’étranger », au Musée national de l’histoire de l’immigration, à Paris (1). L’exilé catalan est devenu une figure mondiale de l’art en France. Picasso n’a pourtant jamais été naturalisé français et il a, de ce fait, longtemps vécu dans l’insécurité.

(1) Jusqu’au 13 février. histoire-immigration.fr

30/11/2021

LETTRE OUVERTE DE GUY AURENCHE A MGR MICHEL AUPETIT

28/11/2021/ SAINT MERRY HORS LES MURS

Frère Michel, 
Dans le brouhaha qui vous assaille, rassurez-vous : je n’éprouve aucune satisfaction, mais plutôt de  la tristesse. Je réprouve le mélange fait scandaleusement, par certains médias, entre une supposée relation affectueuse que vous auriez éprouvée et les questions de fond que pose la réforme de l’Église. 

Marcher ensemble !
Contrairement à ce qu’affirment certains, Saint-Merry Hors-les-Murs, n’est aucunement impliqué dans une quelconque cabale contre vous. Au contraire depuis neuf mois il a multiplié les démarches pour que vous acceptiez le dialogue. 
Je sais d’expérience que la richesse de l’Église est d’être plurielle : « À l’heure actuelle, il est si important de marcher ensemble, de se rencontrer, de s’écouter et de discerner ensemble… » (Cardinal De Kesel, Études, décembre 2021).
Votre décision de remettre « entre les mains du pape » votre mandat ne répond à aucune des urgences que souligne la démarche synodale souhaitée par le pape François. Au contraire elle va figer les positions de chacun ; la vôtre confortée par votre confirmation, comme celle de ceux qui vous reprochent un exercice autoritaire et peu évangélique dans l’animation du diocèse.
Acceptons de parler en vérité au service de l’annonce de l’Évangile. Pour cela, comme modeste membre de ce Peuple de Dieu, je vous suggère d’organiser pour juin 2022 un grand Rassemblement du Peuple de Dieu qui vit à Paris. En retenant par exemple ces trois questions. 

Vivre en Peuple de Dieu
Comment répondre à l’ecclésiologie du Peuple de Dieu affirmée par le concile Vatican II ? Comment faire participer le plus possible ledit peuple dans sa diversité femmes/hommes, la variété des sensibilités spirituelles, les différences dans la lecture des Écritures. « De la crise actuelle émergera l’Église de demain… L’Église sera véritablement perçue comme une société de personnes volontaires. En tant que petite société, elle sera amenée à faire beaucoup plus souvent appel à l’initiative de ses membres », écrivait en 1969 le cardinal Ratzinger. À Paris quel conseil pluraliste faut-il créer ? Quels mécanismes seront mis sur pieds pour entendre la voix de tous et en particulier des plus fragiles ? Quel processus éclairera ceux (pourquoi pas celles) qui prendront les décisions ? 

Spécificité de la mission du prêtre 
Comment oser mettre à plat la question de la spécificité de la mission confiée aux prêtres ? Il ne s’agit en rien d’une « lutte des classes », ni de permettre aux laïcs d’exercer le pouvoir à la place de… ! « Vivre la coresponsabilité pour nous… c’était se donner la possibilité de changer le visage de l’Église » (J.-C. Thomas, Et vous m’avez accueilli. Contributions pour une Église vivante, éditions Salvator, 2021). 
À plusieurs reprises a été mise en cause la « sacralisation » de la personne du prêtre et de son rôle. « Le positionnement doctrinal reconnu au prêtre par la tradition peut se voir détourné par certains au profit d’abus de pouvoir, d’abus spirituels, voire de violences sexuelles », constatait le rapport de la Ciase, invitant l’Église à « s’interroger (sur) des causes structurelles », systémiques, des abus sexuels. Yves Congar, l’un des théologiens français ayant pesé sur la discussion lors du concile Vatican II, éclairait le service confié au prêtre en faisant de lui le témoin d’un « triple signe ». Une symbolique temporelle : le prêtre reliant la communauté au passé de toute l’Église. Une symbolique spatiale en veillant à chaque personne dans le groupe et en intégrant celui-ci dans l’universalité de l’Église. Une symbolique d’altérité en rappelant à chacun(e) que la mission lui est confiée par un Autre. Il faut y ajouter une symbolique d’invitation : le prêtre invitant toute la communauté au grand repas partagé par Jésus-Christ. 

Un langage au service de l’Évangile
Comment, pour être au service de l’annonce de l’Évangile, adapter les mots, le langage, les gestes de l’Église afin qu’ils soient compréhensibles par nos contemporains ? Dire une Bonne nouvelle exige, au moins, de se soucier d’être compris par ses interlocuteurs. L’Église n’a pas à s’adapter à toutes les modes de son temps, mais, à chaque génération, elle doit tenir compte des « peines et des joies » du monde qui l’entoure. Aussi bien dans les messages de vie qu’elle propose que dans la liturgie qu’elle célèbre. Le rendez-vous principal de l’Église, son unique rendez-vous sans doute, est bien de se laisser imprégner de l’Esprit d’Évangile et de savoir le partager.
Le grand rassemblement du Peuple de Dieu qui vit à Paris prendrait alors toute sa place dans la démarche synodale, « le rendez-vous que Dieu désire pour l’Église du 3e millénaire » (pape François). 
Oui, au-delà de légitimes divergences, riches de nos diversités, désireux de répondre à l’appel de la mission, rencontrons-nous sans tarder, et construisons ensemble. 

 Guy Aurenche : "Construire une société française qui choisit d'accueillir".  - Université d'été 2019 - CVX -Guy Aurenche, né en 1946, est un avocat français, militant des droits de l'homme, président d’honneur de la Fédération internationale de l'action des chrétiens pour l'abolition de la torture et ancien président du Comité catholique contre la faim et pour le développement. 

29/11/2021

FAIM ET DIGNITE : L'ETAT DE LA PAUVRETE EN FRANCE

Le Secours Catholique-Caritas France a publié jeudi 18 novembre son rapport statistique annuel État de la pauvreté en France 2021. Constats et analyses sur la précarité issus de l’observation sur l’ensemble du territoire national de plus de 38 800 situations (sur les 777 000 personnes accueillies en 2020).

Pour son rapport 2021 qui alerte sur la dégradation du niveau de vie des plus pauvres, l’association a complété son étude d’une enquête approfondie sur la question spécifique de l’aide alimentaire et de l’accès à l’alimentation, à travers une enquête menée auprès de 1 088 ménages qui ont eu recours à l’aide alimentaire d’urgence allouée par le Secours Catholique durant le premier confinement, de mars à mai 2020.

La crise sanitaire a agi comme un puissant révélateur d’une insécurité alimentaire déjà bien ancrée pour des millions de Français. La pandémie de Covid-19 a déstabilisé des situations budgétaires déjà très serrées. Quand les maigres ressources baissent alors que les dépenses augmentent (du fait de la fermeture des cantines scolaires ou de l’augmentation des dépenses d’électricité), les privations deviennent dès lors quotidiennes.

Le Secours Catholique rappelle que la précarité alimentaire est liée à une unique constante : l’insuffisance et l’instabilité des ressources. 

22 % des ménages accueillis ne disposent d’aucunes ressources financières.

1/3 des ménages accueillis n’ont pas accès à un logement stable.

27 % ne mangent pas pendant 1 journée entière ou davantage.

Pour  télécharger le rapport, cliquer sur :

https://www.secours-catholique.org/sites/scinternet/files/publications/rs21.pdf

 

25/11/2021

VOYAGE AU VATICAN

Les visites de chefs d’État au Vatican sont toujours un étrange objet diplomatique et politique. On se souvient que celle de Mikhaïl Gorbatchev en décembre 1989 entérina la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide. À cette occasion, de façon très singulière, la diplomatie soviétique accorda le point au pape en le canonisant vainqueur du communisme… une façon habile de ne pas le donner aux États-Unis. On n’oubliera pas non plus le visage fermé, voire hostile, de François à l’égard de Donald Trump ; il est des silences renfrognés plus ravageurs que les mots. Hélas, nous avons encore honte de la burlesque visite de Nicolas Sarkozy accompagné de l’humoriste Bigard. Plus récemment, du côté français, la rencontre avec François Hollande fut un peu guindée et protocolaire, tandis que la visite d’Emmanuel Macron sembla plus cordiale et familière. On en déduisit qu’entre le pape disciple d’Ignace et l’ancien élève des jésuites s’était trouvée une communauté de culture.

Les conditions dans lesquelles le président français se rend une nouvelle fois au Vatican en cette fin de novembre sont plus étonnantes. D’abord parce que, de tradition, le pape s’abstient de recevoir des dirigeants en campagne ou près de l’être. Ensuite, parce que l’émoi soulevé par le rapport de la Ciase sur les violences sexuelles et leur dissimulation ne peut laisser ni le pape ni le chef de l’État indifférents. Voilà trois années, nous plaidions en faveur d’une enquête menée de façon indépendante, suggérant une commission parlementaire au motif d’un trouble à l’ordre public qui subvertissait les règles ordinaires de la séparation des Églises et de l’État.

Les conclusions de la Ciase confirment notre inquiétude. Les religieux et religieuses, puis les évêques ont reconnu leur responsabilité institutionnelle. Ils entrent dans un processus de réparation par le biais de l’écoute et de l’indemnisation des victimes. Mais il reste une lourde interrogation quant à la gestion des risques. Quels changements doivent être engagés dans l’organisation des institutions afin de mettre les enfants à l’abri ? Les 330 000 victimes agressées dans le cadre des activités du catholicisme ne sont pas des sous-citoyens parce que catholiques. Espérons que cette grave question sera au centre de l’entretien qui se tiendra au Vatican le 26 novembre.

Publié le