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01/07/2023

POUR UNE SPIRITUALITE A VENIR - OLIVIER CHAZY

Texte du blog de Denis CHAUTARD  chautard.info

Je remercie Aude-Anne CHAZY (la sœur d’Olivier Chazy, membre de la Communauté Mission de France, 11 décembre 1947 – 26 avril 2023) de m’avoir transmis ce témoignage d’Olivier de 2016. C’est un véritable « testament spirituel ». Je vous le recommande. Il nous dit la force et la nouveauté de l’Evangile. 

POUR UNE SPIRITUALITE A VENIR - OLIVIER CHAZY.pdf

Pour une spiritualité à venir

En ces temps de mutation, le langage et la pratique de la foi chrétienne perdent en force de signification et appellent à des refondations. J’aime ce chantier. J’ai vécu durant de longues années au cœur du service public et j’ai pu mesurer la consistance d’un monde séculier sans référence religieuse. Pour moi, trouver, en ce monde séculier les paroles et les attitudes qui font aimer la vie, qui font sens, qui mobilisent, qui rejoignent ceux qui n’ont pas ou plus de références religieuses, est un pari passionnant. Je l’ai vécu au travers du dialogue avec les acteurs de terrain dans mes responsabilités professionnelles, mais aussi dans mes engagements syndicaux et de solidarité internationale.

Pour ceux et celles qui sont inscrits dans la longue filiation chrétienne, et j’en suis, l’évangile est l’une de ces sources toujours vivantes, qui nous est transmise du fond des âges par une longue file de témoins ayant appartenu aux civilisations juive puis grecque, puis latine, et nous invite à saisir en nous-même ces valeurs de l’universalisme, de la rencontre, de l’ouverture du cœur, du partage chaleureux, de l’engagement pour la justice, de la solidarité humaine, enracinées dans le messianisme juif revisité par Jésus, à distance de l’argent, du pouvoir, des normes pour s’attacher à l’esprit, au fond.

L’évangile témoigne d’un Jésus enraciné dans la vie, libre, engagé, aimant la justice et la vérité, subversif et résilient. Son message est à la fois psychologique et spirituel, un brin politique, il rend résistant et persévérant à l’adversité, il élève la vision de l’homme et de l’histoire humaine, il est loin des dogmatismes, il ne dit pas ce que chacun doit faire, mais il propose de sortir de l’enfermement de routine et de cœur, il éclaire le chemin, il donne du sens à la quête existentielle, de la profondeur et du bonheur à la vie, comme une ondée à sa présence. Il donne la force, comme le disait l’abbé Pierre, à construire, par temps de destruction, à parler de paix par temps de guerre, à croire, par temps de désespoir, à aimer, même si les autres distillent la haine.

La parole c’est du sens qui circule entre des personnes. Dans l’allégorie évangélique de la nature, il y a fécondation de la semence enfouie en terre, la semence se transforme en nouveau germe de vie végétale, fécondée par la terre nourricière, par analogie on peut dire qu’il y a une société séculière qui peut être fécondée par la parole évangélique et ses témoins, il y a un regard séculier sur l’évangile et réciproquement un regard des évangiles sur ce monde séculier, cela prend du temps, c’est à l’échelle d’une vie. Il semble bien que les évangiles soient faits pour ensemencer, faire émerger une spiritualité, J’ai vécu cette double dimension séculière et religieuse, j’ai découvert que l’unité profonde des deux était possible et que ce monde séculier pouvait porter une dimension spirituelle non religieuse et éclairer ma route. J’ai été confronté massivement aux deux laïcités produites de notre histoire celle de 1789 : en colère contre la religion, celle des années 70 déçue, indifférente, aspirée par d’autres valeurs. Ces deux laïcités peuvent dire quelque chose à l’Eglise et à la compréhension des évangiles.

Ce monde séculier n’est pas nécessairement une terre aride, il est aussi porteur d’intuitions et de sensibilités essentielles, d’un savoir sans cesse en évolution, de combats exemplaires. Aucun être humain ne peut se priver de la recherche du sens surtout dans la confusion ou nous nous trouvons.

LES HÉSITATIONS DE L’EGLISE

L’Eglise a longuement hésité dans son histoire entre son ouverture au monde et un affrontement avec la modernité. Nous sommes tributaires de ces hésitations historiques qui ont freiné ou favorisé la fécondité de la semence évangélique en monde séculier, quand l’Eglise a été dans l’affrontement, elle a suscité une grande hostilité des forces vives de ce monde séculier, quand elle a été dans l’ouverture, et c’est sans doute le cas présentement avec un Pape venu d’un pays du sud, nous avons un propos qui surprend mais qui rencontre un écho fort, y compris dans les milieux éloignés de l’Eglise.

L’Evangile est dans le code génétique de l’Eglise et la totalité de ses dimensions doivent être honorées, c’est un risque et une responsabilité majeure confiée par Jésus lui-même à l’Eglise « tout ce que vous lierez sur terre sera lié au ciel, tout ce que vous délierez sur terre sera délié au ciel » il y a tout simplement le risque de barrer la route de la quête spirituelle de beaucoup. Je pense particulièrement à la place accordée à requête de justice. La perte historique de vigueur de l’exigence évangélique de justice, a fait de graves dégâts spirituels et a conduit à l’hostilité contre l’Eglise mais aussi à une certaine désorientation. Cette quête est constitutive de notre humanité, elle passe par une vigilance, à la fois comme citoyens, mais aussi comme disciple des évangiles. L’évangile porte également un regard aigu sur les institutions, leurs mensonges, leurs abus. Dans la période où nous nous trouvons elles sont porteuses de tous les enjeux sur le droit des pauvres, la citoyenneté, le développement, l’environnement, la justice et doivent être interpellées a tout niveau : pour leurs complexités, leurs fermetures, leurs conflits d’intérêt, leur dérives et laxismes, leurs compromissions avec les puissants, leurs brutalités parfois….

ET SON NOUVEL ENGAGEMENT

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 Il est frappant d’observer que l’actuel positionnement du Pape François, s’accompagne d’une forte interpellation des institutions et d’un soutien aux pauvres en lutte. C’est une surprise et une grande joie de l’entendre parler de cette « dictature subtile de l’argent, aux relents de fumier du diable » reprenant une expression de Basile de Césarée, Père de l’Eglise, de dénoncer la corruption « qui pue comme un animal mort », de venir interpeller l’occident à Lampedusa sur cette mondialisation de l’indifférence qui nous a ôté notre capacité de pleurer », de le voir convoquer deux rencontres mondiales des mouvements populaires en lutte en octobre 2014 et juillet 2015 avec les paysans sans terre, le mouvement pour la paix en Israël, les organisations de bidonville de vendeurs ambulants.....C’est aussi une parole qui rappelle aux gestionnaires de l’institution chrétienne qu’ils doivent, avant tout, être des témoins par leur façon de vivre.

LA DIMENSION UNIVERSELLE DE L’OFFRE DE FRATERNITÉ ET DE JUSTICE

Deux textes évangéliques sont enracinés en moi : les béatitudes et le jugement dernier, Mathieu V et Mathieu XXV. L’esprit de paix, d’humilité, de bienveillance, la mise en œuvre du droit des pauvres, de la justice, de la solidarité avec les opprimés, l’attention particulière aux souffrants. Cette invitation me parait toujours aussi neuve dans notre modernité dont  la requête centrale est l’autonomie de la personne, elle s’enrichit dans la diversité des cultures et des identités ou nous nous trouvons aujourd’hui. Il est clairement établi que la violence, la domination, la volonté d’humilier, le refus de l’étranger ne sont pas la spécificité de tel ou tel groupe mais sont inscrits dans notre code génétique d’être humain. C’est ainsi que nous nous enracinons dans l’histoire humaine, et tout à la fois dans l’horizon du royaume de Dieu.

VIVRE L’OUVERTURE DU CŒUR ET LE COMBAT POUR LA JUSTICE DANS L’UNITÉ SPIRITUELLE ET SÉCULIÈRE

J’ai pu un jour poser la question suivante à l’abbé Pierre : qu’est-ce que la foi dans ce monde d’incertitude ? Il m’a répondu « la foi est une ouverture du cœur qui conduit à la rencontre » sa réponse est restée gravée en moi, peut être par ce qu’elle permettait de dire ce qu’est la foi dans un langage séculier. Oui l’évangile nous invite à vivre concrètement à la fois une conversation intérieure, et un engagement radical pour la justice, ou les pauvres soient les acteurs de leur lutte. Cela fait sens dans l’horizon séculier ou nous nous trouvons. L’abbé Pierre a su faire l’unité entre la mystique du moine qu’il était et cette dimension séculière de la lutte contre la misère dont il a dit qu’elle était « un devoir sacré et une loi de l’humanité » C’est ainsi qu’à sa mort le journal « Le Monde » a pu titrer « Hommage de la République et de l’Eglise » Réciproquement il arrive que des voix s’élèvent au sein du monde séculier pour nous donner des paroles essentielles qui fassent vivre, je pense à ce passage d’Albert Camus, dans son roman l’été « je redécouvrais à Tipasa qu’il fallait garder intacte en soi une fraîcheur, une source de joie, aimer le jour qui échappe à l’injustice, et retourner au combat avec cette lumière conquise.

 Le message évangélique est sans vie s’il n’est pas incarné

L’Evangile se dit « Bessorah » en Hébreux, probable langue initiale des évangiles, et peut se traduire à la fois par « bonne nouvelle » et « donner chair à la parole » Tout passe par les témoins, c’est eux qui donnent vie au texte avec leur ferveur, leur persévérance, qui le mettent à jour, trempant leur plume dans notre réalité toujours nouvelle. J’ai eu le privilège de rencontrer quelques grandes figures de prêtres ouvriers de la Mission de France et j’ai humblement mis mes pas dans leurs traces, comme je l’ai pu. J’ai retenu la radicalité de leur engagement, fait de disponibilité, d’intériorité et de ferveur, de fidélité aux petits et aux souffrants, et à leur suite j’ai tenté d’inscrire cette radicalité dans ma vie, j’ai ouvert mon domicile à de grands marginaux puis a des familles sans logement, tout en travaillant toute ma vie comme chargé de mission au ministère des affaires sociales, J’ai été un enfant de 1968, J’ai fait du syndicalisme, et j’ai milité pour la révolution sandiniste, imprégnée des évangiles, j’ai rejoint le mouvement Emmaüs, je me suis engagé en Roumanie avec lui, enfin je suis allé au Congo RDC pour ramener des enfants des rues dans leur famille. J’ai vécu toutes ces dimensions en recherche du sens profond de ma vie et avec la conscience qu’il était urgent de changer ce monde.

J’ai dans le cœur les souvenirs de mes engagements passés, celles des ferveurs sandinistes prêts a donner leur vie par amour pour leur peuple pauvre, J’ai aimé ces animateurs d’ « Emmaüs Coup de main » de Roumanie totalement investis dans la cause des jeunes de la rue ; ces travailleurs sociaux des Cemea à la mission presqu’impossible auprès des zonards ; ces psychologues identifiés a la cause des adolescents en souffrance, tenant bon malgré l’incertitude ou les pouvoirs publics les entrainaient, ces très jeunes enfants, ayant vécus dans les rues de Kinshasa, accourus en nombre exprimer leur joie pour le soutien reçu, j’ai le privilège aujourd’hui de partager ma vie quotidienne avec des familles migrantes et d’y rencontrer un monde bien réel de personnes qui peuvent être aussi bien généreuses et ouvertes qu’installées dans la méfiance relationnelle ou la défiance vis-à-vis des institutions, j’ai aimé ces petits déjeuner organisés à 4 heure du matin pour les zonard et jeunes encanaillés du festival d’Aurillac, ou ces jeunes racontaient leur vie  en confiance dans ce lieu suspendu a nulle part.

Les enjeux de notre situation actuelle :

Comment ignorer la situation indigne et dégradante réservée aux « Roms », aux sans-abris ? la souffrance imposée aux migrants et aux chômeurs ? Pour avoir pris ma part dans la solidarité avec

les « Roms », j’ai vu les brutalités institutionnelles qu’ils subissent, les privant de façon parfaitement illégale, d’école pour les enfants, d’eau potable pour leurs campements et de ramassage des ordures.

Comment ignorer également les systèmes financiers et de crédits internationaux qui asphyxient les peuples pauvres, et parfois les affament, les Institutions internationales qui agissent sous l’emprise d’idéologies économiques libérales meurtrières. Le pays parmi les plus pauvres de la planète que je fréquente chaque année, le Congo RDC, consacre 20% de son budget d’Etat annuel de 8 milliards de dollars a rembourser une dette abusivement considérée comme soutenable, qui n’a servi qu’a la consommation de luxe de l’ancien chef d’Etat Mobutu.

Comment ignorer les déséquilibres majeurs des politiques publiques : c’est ainsi que, en France, 18 départements connaissent une crise structurelle de logement tandis que 2,6 millions de logements sont vacants sur le reste de la France, que l’aménagement du territoire en cours va encore aggraver l’emprise de l’Ile de France sur le reste du pays alors que la région absorbe 85% des emplois supérieurs sur 2% du territoire.

Comment ignorer les racines de domination, d’humiliation et d’exclusion qui génèrent le terrorisme mondialisé au quel nous assistons.

Nous avons en nous les soifs qui annoncent les spiritualités à venir, nous le pressentons, toute vie peut s’accomplir dans un élan d’amour de la vie, accéder à cet « été invincible au milieu de l’hiver » dont parlait Albert Camus.

Daesh affirme « nous vaincrons par ce que nous aimons plus la mort que vous n’aimez la vie » C’est un message en creux invitant à aimer la vie. Je me suis trouvé place de la République quelques jours après les attentats, la foule mêlée a quelques proches des victimes était recueillie, un groupe dansait en se tenant les mains à côté d’un piano couvert de bougies, on se regardait, on me donnait une bougie, j’aidais une dame à prendre une photo, contre la barbarie était né un moment de fraternité, un père d’une victime a dit que cette fraternité l’aidait à traverser l’épreuve.

REJOINDRE LE MONDE RÉEL, LA JUSTICE ET L’ESPÉRANCE DES HOMMES

Tout être humain porte en lui un potentiel d’amour de la vie, semblable à celui qui inspire les évangiles, une énergie pour se mettre en marche, pour être acteur, pour sortir de l’indifférence au monde, pour préserver sa droiture et sa hauteur de vue, se réconcilier, résister pour que toute leurs places soit laissée aux pauvres, aux étrangers, aux exclus dans nos relations de proximité comme l’espace publique et les décisions collectives. Restreindre ce potentiel évangélique à sa seule libération spirituelle me parait une limitation tragique, de même que l’enfermer dans un discours coupé de la vie réelle, dans un faux transcendant « vieux comme la mort » disait Marie Dominique Chenu, ce grand théologien qui demandait à l’Eglise d’entrer dans l’histoire. Il nous faut continuer d’abattre le mur de séparation avec la vie réelle, avec ceux de nos contemporains qui cherchent sincèrement la justice et le droit des pauvres et y ajouter toujours la ferveur et la fraternité.

Olivier CHAZY 2016

COMMUNIQUE DU 30 JUIN 2023 DES RESPONSABLES DES CULTES EN FRANCE

.CRCF.

Conférence des responsables de culte en France  

Responsables religieux de France et engagés depuis longtemps pour la concorde et la fraternité, en ces heures si éprouvantes pour nos quartiers et notre pays, nous voulons en appeler ensemble au dialogue et à la paix.

Nous partageons la douleur de la famille de Nahel et prions pour elle, tout spécialement pour sa maman. Nous entendons les souffrances et les colères qui s’expriment.

Nous affirmons aussi d’une seule voix que la violence n’est jamais un bon chemin.

Nous déplorons vivement les destructions d’écoles, de magasins, de mairies, des moyens de transport… Les premiers à souffrir des conséquences de cela sont justement les habitants, les familles et les enfants de ces quartiers.

Dans ces moments difficiles, nous appelons à la sauvegarde et la consolidation du lien de confiance nécessaire entre la population et les forces de l’ordre qui ont tant donné lors des épreuves que notre pays a traversées Nous encourageons nos gouvernants et les élus de la Nation à œuvrer ensemble, avec responsabilité, pour ramener la justice et la paix.

Que tous les croyants soient aujourd’hui plus que jamais des serviteurs de la paix et du bien commun. Nous sommes tous ensemble disponibles pour y contribuer.

COMMUNIQUE DU 30 JUIN 2023 DES RESPONSABLES DES CULTES EN FRANCE

 

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Les responsables de la Conférence des responsables de culte en France (CRCF)
Me Chems-eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris
Le Grand Rabbin Haïm Korsia, Grand Rabbin de France
Mohammed Moussaoui, Président du CFCM
Mgr Éric de Moulins-Beaufort, Président de la Conférence des évêques de France
Mgr Demetrios Ploumios, Président de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France
Pasteur Christian Krieger, Président de la Fédération Protestante de France
Antony Boussemart, Président de l’Union Bouddhiste de France

 
 

24/06/2023

L'ART DU CONTRE-PIED

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Photo : Mario Duran-Ortiz (CC BY-SA 2.0)

Le pape François fut, paraît-il, un danseur de tango doué et demeure un amateur de football passionné, deux exercices dans lesquels il est bon de maîtriser l’art du contre-pied, pour renverser la partenaire dans la danse ou feinter défenseurs et gardien sur le terrain. Et, de fait, on peut avoir le sentiment de retrouver l’exercice de cet art chez un pape jésuite qui publie une « Lettre apostolique » en hommage à Blaise Pascal pour les quatre cents ans de la naissance du philosophe et mathématicien français, le 19 juin 1623.

En effet, si la foi chrétienne brûlante de Pascal ne fait aucun doute, son hostilité résolue aux jésuites de son temps n’est pas un mystère non plus, Les Provinciales en témoignent abondamment. Faisons à François l’hommage d’être sans rancune. Et pourtant, les critiques de certains courants catholiques à son égard ressemblent à s’y méprendre à celle que Pascal faisait aux jésuites, à savoir d’être beaucoup trop miséricordieux en confession, arrangeants, même, et de faire ainsi perdre à leurs pénitents le sens de l’exigence chrétienne. Mais qui sait si Pascal, tout à son zèle, et si proche de Port-Royal et des jansénistes, n’aurait pas fait le même reproche à Jésus lui-même ?

Dans un autre genre, lors des commémorations du 18-Juin, Emmanuel Macron a annoncé la prochaine entrée au Panthéon de Missak Manouchian et de son épouse Mélinée. La figure héroïque de Manouchian est indiscutable : Arménien rescapé du génocide de 1915, réfugié en France en situation d’apatridie, ouvrier et poète, communiste, il s’engage dans la Résistance en 1942. Arrêté en novembre 1943, il est fusillé en février 1944 au Mont-Valérien. La fameuse « affiche rouge » publiée par l’occupant allemand pour susciter un sursaut xénophobe contre ces résistants étrangers, collectivement dénommés « l’armée du crime », obtient le résultat inverse et fait de ces hommes des héros, au premier rang desquels figure Missak Manouchian. Louis Aragon mettra en poème les derniers mots de sa lettre à sa femme et Léo Ferré, en les mettant en musique, les gravera dans notre mémoire.

Là encore, paradoxe et contre-pied de la part d’Emmanuel Macron en plein débat sur l’immigration et les moyens de lutter contre le Rassemblement national. Le Président, il est vrai, a étudié chez les jésuites.

Christine Pedotti Christine_Pedotti-100x100 (2).jpg

 

25/05/2023

DEMANDEZ ET L'ON VOUS DONNERA

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25 mai 2023

Président ZELINSKI

Aussi insistant qu’une veuve de l’Évangile, le président Zelensky est en passe d’obtenir tout ce qu’il réclame depuis maintenant quinze mois que l’agression russe a commencé. Qui, avant février 2022, connaissait vraiment ce jeune dirigeant, ancien acteur, humoriste et héros d’une série au titre et au sujet prémonitoire, Serviteur du peuple, dans laquelle il incarnait un petit professeur d’histoire qui devenait président de l’Ukraine ?

Les photos montrent la transformation physique du jeune homme d’avant la guerre, au visage poupin et à l’allure de gendre parfait, en leader déterminé, résistant indomptable, incarnation du refus de l’Ukraine de passer sous le joug russe. Ses traits se sont marqués, il porte désormais la légère barbe de ceux qui n’ont pas le temps de se raser de près tous les jours et n’apparaît plus que revêtu d’un pantalon militaire kaki et d’un tee-shirt assorti orné du trident ukrainien. Il est devenu le logo de l’Ukraine, son image de marque.

Au premier jour du conflit, il crée sa légende en répondant aux Américains qui lui proposent de l’exfiltrer afin de le mettre en sécurité : « Je n’ai pas besoin d’un taxi, j’ai besoin d’armes. » Ces armes, il les demande depuis avec obstination. Jamais rebuté par les refus. Songeons qu’au début du conflit les livraisons ne sont que de casques et de gilets pare-balles. Aujourd’hui, invité surprise et star du sommet du G7, il obtient enfin son Graal, les États-Unis acceptant que des avions F-16 soient livrés à l’Ukraine.

L’héroïsme de la population ukrainienne, qui subit les bombardements quotidiens de Moscou, celui de ses combattants et combattantes sont essentiels dans l’échec de l’invasion russe. Mais s’y ajoute la présence de ce petit homme sur tous les écrans de la planète, dans toutes les enceintes internationales, d’abord de façon virtuelle, et désormais physiquement. Des circonstances exceptionnelles ont forgé un destin qui ne l’est pas moins. Celui de Volodymyr Zelensky raconte une forme d’incarnation, non celle du pouvoir mais celle de la résistance et de l’espérance.

L’histoire nous montre aussi que les peuples, au retour de la paix, tournent la page et cherchent des dirigeants moins exceptionnels, moins héroïques. Churchill et de Gaulle en ont fait l’amère expérience. Telle est l’épreuve qui attend probablement le président ukrainien.

Christine PEDOTTI800px-Christine_Pedotti-100x100 (1).jpgpublié le 25 mai 2023

07/05/2023

CHARLES III : L'AUDACE D'UN COURONNEMENT RELIGIEUX

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Charles III : l’audace d’un couronnement religieux / chronique Isabelle de Gaulmyn Rédactrice en chef / 05/05 2023 à 15:31

Que signifie au XXIe siècle le couronnement chrétien d’un chef d’État qui est aussi défenseur de la foi anglicane ? Dans une Grande-Bretagne archi sécularisée, c’est peut-être une manière de mettre un peu de spiritualité pour ressouder un peuple… 

Charles III : l’audace d’un couronnement religieux

Isabelle de Gaulmyn/BRUNO LEVY
 

Des représentants des autres religions

Surtout, pour la première fois, des représentants des diverses religions se trouveront au cœur de la célébration anglicane, puisque non seulement les autres confessions chrétiennes, mais aussi les responsables hindous, sikhs, juifs, musulmans, bouddhistes, salueront le nouveau roi comme « voisin dans la foi ». Quant à Charles III, il prononcera une bénédiction pour les enfants de « toutes fois et de toutes convictions ».

Comment organiser une célébration religieuse pour introniser un chef d’État qui est aussi chef d’une Église dans nos pays d’Europe sécularisés et plurireligieux ? C’est le casse-tête sur lequel planchent depuis plusieurs mois les responsables du protocole royal en Grande-Bretagne. Le roi est oint et couronné lors d’une messe par l’archevêque de Canterbury, comme « défenseur de la foi anglicane » en vertu d’une tradition qui date de… 1 521.

On sait que Charles est soucieux de devenir le roi de l’ensemble des habitants du Royaume-Uni, quelle que soit leur religion. Et qu’il est sensible aux autres spiritualités, mais il était évidemment impossible de surseoir au caractère traditionnel de la cérémonie. Donc on reste dans l’anglicanisme, tout en faisant une place aux autres religions. Signe de ce souci de Charles : il a invité le rabbin de Londres à venir dormir chez lui, au palais, car le couronnement ayant lieu un samedi, jour de shabbat, il n’aurait pu s’y rendre en voiture…

Quelle signification religieuse ?

On voit mal l’héritier du trône être intronisé autrement que par l’archevêque anglican. Et pourtant, quelle est la profonde signification de cela ? Le Royaume-Uni peut bien avoir un chef d’État défenseur de la foi anglicane, le pays est encore bien plus sécularisé que la France. Depuis 2016, les non-croyants sont plus nombreux que les croyants. Et 3 % de la population seulement serait pratiquante régulière de l’Église anglicane, dont Charles III est le défenseur… Par ailleurs, la Grande-Bretagne est, là encore plus que notre France très laïque, un pays multireligieux, où les différents cultes cohabitent depuis longtemps.

Que comprendront les (télé) spectateurs à la cérémonie religieuse ? Sans doute pas grand-chose, au regard du très bas taux de pratique anglicane. D’autant plus que la célébration prévoit toute une série de rites pour le moins abscons aux esprits du XXIe siècle. Même si la BBC présente depuis quelques semaines des vidéos pédagogiques pour les enfants fort bien faites. Les passionnés de couronne qui sommeillent en chacun de nous y verront sans doute plus la fin d’une série de télévision sur Netflix qu’une cérémonie religieuse, tant, en la matière, la fiction a depuis longtemps dépassé la réalité.

Mais gageons qu’il se trouvera aussi des Anglais émus par ce qu’ils ressentiront de l’aspect plus spirituel de la célébration ce samedi, même s’ils n’en saisiront pas tous les gestes. Les institutions religieuses connaissent une influence sérieusement en baisse. Il reste néanmoins un besoin de foi, indéterminé, mais bien réel. Même si dans notre France laïque, nous avons tendance à la minorer, voire la cacher, cette aspiration spirituelle là est aussi une manière de souder un peuple.

 L'Hebdo Logo chronique Isabelle de Gaulmyn Rédactrice en chef / 05/05 2023 à 15:31

 

28/04/2023

QUATRE ANS

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Quatre ans

Voici une année qu’Emmanuel Macron a été réélu à la présidence et, si l’on en croit sondages et éditoriaux, l’humeur n’est pas à « Un an déjà », mais à « Encore quatre ans ». Après l’épisode houleux de la réforme de l’âge de départ à la retraite, la cote de popularité du président est à son plus bas et la question plus ou moins clairement exprimée est : « Comment le supporter encore quatre ans ? » Un sondage récent calcule que, si l’élection présidentielle de l’an dernier avait lieu maintenant, c’est Marine Le Pen qui en sortirait grande vainqueure, avec 55 % des suffrages à l’issue du second tour, devant Emmanuel Macron. Le résultat a de quoi effrayer, parce qu’il est le signe que la société française, et tout particulièrement la France dite populaire, ne penche pas à gauche mais à droite. Une question brûlante pour la gauche…

Faut-il pour autant nous laisser aller à la dépression ? Sûrement pas car la prochaine élection présidentielle est programmée dans quatre ans, et quatre ans, en politique, c’est très long. Souvenons-nous des épisodes précédents. Qui, à l’approche de 2002, devant l’usure de Chirac et la bonne performance du gouvernement Jospin, aurait pu prédire l’élimination du socialiste et l’arrivée de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour ? Qui, avant 2007, avait vu arriver Ségolène Royal comme challengeuse d’un Nicolas Sarkozy cornérisé par Chirac et Villepin ? Qui aurait parié sur Hollande début mai 2011, alors que Dominique Strauss-Kahn avait les faveurs sondagières de plus de 60 % des Français ? Et, début 2016, ne soupirait-on pas d’ennui à l’idée d’un inéluctable nouvel affrontement Hollande/Sarkozy ? D’Emmanuel Macron, nous ne connaissions alors pas même le nom.

À quatre années de distance, aucun sondage, aucune prédiction ne tient. Nous ne savons rien des circonstances à venir. Au cours des dernières années nous avons affronté une terrible menace terroriste, une pandémie mondiale inimaginable, une guerre de haute intensité sur les terres européennes… L’avenir appartient à lui-même et aux femmes et aux hommes qui vont l’habiter et le faire advenir. Ne l’insultons pas. Une seule chose est certaine : Emmanuel Macron ne sera pas candidat. Pour le reste, tout peut arriver, le pire comme le meilleur.

Christine Pedotti

26/04/2023

SAVONS-NOUS ENCORE DEBATTRE ?

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Savons-nous encore débattre ? Publié le par Garrigues et Sentiers

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Des bienfaits de l’altérité 

Sans accueil de l’altérité, la vie devient vite impossible. « La paix sociale est difficile à construire, elle est artisanale. Il serait plus facile de limiter les libertés et les différences par un peu d’astuce et de moyens… Ce qui est bon c’est de créer des processus de rencontre qui bâtissent un peuple capable d’accueillir les différences. Outillons nos enfants des armes du dialogue. Enseignons-leur le bon combat de la rencontre » (Pape François, Tous Frères, n° 217).

Tentons d’apprendre l’art du débat à tout âge : écouter l’autre même si sa parole dérange. Lui laisser une durée d’expression suffisante. Prohiber tous termes humiliants. Distribuer la parole y compris aux plus silencieux. Se mettre d’accord sur le contenu des principales propositions échangées. Enfin tenter de trouver un consensus minimal pour énoncer des recommandations pouvant être partagées par tous.

Débats citoyens, aujourd’hui

Ainsi la proposition d’un Grand Débat après l’épisode des Gilets Jaunes. La consultation populaire pour construire un budget participatif. L’instauration de conventions citoyennes dont le statut et les modalités doivent être précisées : leur composition, indépendance et place dans les mécanismes démocratiques décisionnels ?

À propos du projet de loi sur les retraites, nombre de citoyens ont regretté que la question du sens du travail ne soit pas abordée préalablement. Ou pour légiférer sur l’aide à la fin de vie — je préfère parler de l’aide à vivre la fin de sa vie– ne faut-il pas préalablement instaurer un débat, certes difficile, sur le sens de la vie et de sa finitude ?

Chasser le dissident ?

Comment gérer la divergence d’opinion dans l’Église catholique ? Le décès récent de Jacques Gaillot rappelle la difficulté qu’il y a à relever le défi de la diversité dans une communauté légitimement soucieuse de communion. Il manifesta très vite son « originalité » en adoptant, à la lumière des exigences évangéliques, des points de vue très divergents de ceux de la majorité de ses frères évêques ; et en défendant son opinion dans de multiples médias, toujours friands de désaccords.

Il fut accusé de tenir des propos « irresponsables, de contredire publiquement la discipline de l’Église dont il était évêque ». En 1995 le Vatican le démit de ses fonctions d’évêque d’Évreux pour lui confier un diocèse disparu depuis des siècles. Il poursuivit heureusement son témoignage évangélique autrement, souvent sur des sujets aujourd’hui d’actualité.

Diversité et communion

La tension entre un débat nécessaire et fécond d’une part et l’affirmation d’une position commune d’autre part est très difficile à gérer. Cette question interroge les modalités de la pratique du débat, y compris public et du respect de la diversité. Comment faire pour qu’une voix discordante ne brouille pas le message qu’une communauté souhaite proposer à la société ? Mais quelle est la valeur d’un message qui ne supporte pas la libre contestation ? La diversité peut aider à rester fidèle au message de la Bonne Nouvelle, sans interdire de vivre l’esprit de communion qui n’est pas celui de l’uniformité. À Saint-Merry Hors-les-Murs nous en faisons souvent l’expérience, par exemple chaque dimanche lors du partage autour de la Parole ou en rejoignant les pratiques d’autres communautés. Et bientôt, en vivant l’Assemblée générale !

Nous le savons : le débat crée toujours un risque.
Ne pas le prendre conduit toute société à l’infécondité.

Guy Aurenche

Source : https://saintmerry-hors-les-murs.com/2023/04/19/savons-no...

20/04/2023

LA RUPTURE GAILLOT

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20 04 2023

La rupture Gaillot

 

Au-delà des qualités de l’homme, ce qu’il faut appeler « l’affaire Gaillot » continuera de faire date dans l’histoire de l’Église catholique en France. Pourquoi un homme dont les positions et les prises de parole sont si proches de celles du pape François a-t-il été considéré comme un danger pour l’Église au point d’être démissionné, une procédure rarissime, opérée avec une extrême brutalité, alors que bien des évêques coupables de crime sexuel sur mineurs ou de dissimulation de crime ont bénéficié, à la même époque, de la plus grande bienveillance romaine ?

Si Jacques Gaillot dérange, c’est parce qu’au milieu de la dernière décennie du XXe siècle, l’heure n’est pas à l’ouverture dans l’Église, bien au contraire. Le pape polonais, qui vient d’obtenir gain de cause avec la chute du communisme, poursuit son grand dessein de réarmement de l’Église catholique. Pour ce faire, il veut de la puissance et donc, de la part de ses « lieutenants », les évêques, de la discipline, de l’obéissance et de l’esprit de corps. Le tout a fort peu à voir avec l’Évangile, mais peu importe, la fin – restaurer une Église puissante – justifie les moyens. Gaillot est en quelque sorte un dégât collatéral de cette politique. Ce n’est d’ailleurs même pas Jean Paul II qui l’exécute, mais l’un de ses bras armés, le cardinal Gantin, lequel prouve que venir d’un pays d’Afrique n’est nullement une garantie d’ouverture ou de modernité.

Mais c’est sans doute le terrible silence des évêques français – osons le mot, leur couardise –, sans même parler de ceux qui ont, sciemment et par idéologie, mis de l’huile sur le feu, qui marque la régression du corps clérical. Les prélats qui avaient participé à l’élan conciliaire ont été lentement mais sûrement remplacés par des hommes liges, des vassaux d’une Rome qui ne veut voir qu’une seule tête, qui débite son catéchisme comme pensée unique, fait taire toute voix discordante, éteint la recherche théologique, et condamne à tour de bras ceux qui font preuve d’indépendance d’esprit. À cette période, l’avenir radieux du catholicisme n’est pas une voix prophétique comme celle de Jacques Gaillot mais les communautés nouvelles, dites charismatiques, mais surtout obéissantes. On sait quels désastres en sont advenus. Par comparaison, la voix dissonante de l’évêque d’Évreux avait la fraîcheur des sources d’eau vives, de celles qui ne tarissent pas.

Christine Pedotti  Publié le

05/04/2023

VIE ETERNELLE SURVIE DE L'HUMANITE

Logo Saint-Merry Hors les Murs VioletSAINT MERRY HORS LES MURS

Vie éternelle individuelle ou survie de l'HUMANITE - - Splendeur de la planète - Photos marcus-dall sur-unsplash

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Cela a-t-il un sens de nous préoccuper de notre “vie éternelle individuelle” alors que notre planète se meurt ? Le sens de la résurrection va jusque là ! Trois milliards de chrétiens ont reçu en propre la grâce de la résurrection, qui est aussi une responsabilité inouïe, celle d’avoir les clefs du salut du monde, trois milliards qui ont entendu « Lève-toi et marche », « Suis-moi ! », trois milliards qui sont convoqués en « Galilée », en ces « carrefours des nations », où se joue l’avenir de l’humanité. La fin de la chronique de Colette Deremble

La planète a connu dans son histoire au moins cinq extinctions de masse durant les derniers 500 millions d’années, avec des causes différentes – glaciation, volcanisme, irruption de météorite…-, toutes indépendantes des hôtes de la terre.
Aujourd’hui, la cohorte des spécialistes du climat, du vivant, des océans, des glaciers… nous répète, à qui mieux mieux, que la sixième extinction de masse a débuté, qu’elle s’emballe d’année en année. Depuis la révolution industrielle, les disparitions d’espèces ont été multipliées par 100, rythme sans équivalent depuis l’extinction des dinosaures, il y a 66 millions d’années.
La particularité de cette sixième extinction est que ses causes sont anthropiques : elles viennent, c’est désormais incontestable, de l’homme et de ses activités.

« L’humanité est devenue une arme d’extinction massive » 

ANTONIO GUTERRES, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ONU

C’est avec ces mots terribles qu’Antonio Guterres a ouvert la dernière conférence de l’ONU sur la biodiversité. La surexploitation des sols et des espèces, la pollution, l’élévation des températures due à la surchauffe de l’activité industrielle, la démographie galopante… et tout ce que nous savons désormais sur tous ces drames convergents, nous placent devant ce constat implacable que notre recherche exponentielle de confort coûtera la vie de millions d’individus, animaux, végétaux et sans doute la survie de l’humanité, car les humains ne peuvent vivre cloisonnés dans des blocs climatisés : ils ne peuvent vivre que dans la biodiversité, et, pas plus que les végétaux et les animaux, ils ne pourront s’adapter au rythme vertigineux du réchauffement climatique.

Pendant que nous, chrétiens, pensons à notre propre mort et à l’espérance de revivre sans fin, dans les bras d’un Dieu consolateur, dans un « au-delà du temps et de l’espace », il est question, tout simplement, de la mort de l’humanité, de la mort du vivant.
Cette question de l’extinction des espèces, inimaginable, de l’ordre de la fabulation et de la science-fiction jusqu’à il y a peu, devient un horizon vraisemblable, terrifiant.
Elle pose différemment la question de la résurrection individuelle : dois-je tout miser sur l’espoir de vivre éternellement, tout en sachant que l’humanité va s’éteindre, faute, pour chacun d’entre nous, de chercher, par tous les moyens, à freiner cette évolution fatale ? Certes, nous savons depuis longtemps que la planète n’est pas éternelle, que son extinction, un jour, est inéluctable. Mais l’idée que nous contribuons consciemment à accélérer cette mort est insupportable. Les problématiques qui nous sont brutalement et violemment projetées à la figure par la rapide désertification des terres, les incendies de forêts, la disparition de la biodiversité, la raréfaction de l’eau, la montée des océans, la libération de virus du permafrost qui fond, la famine qui menace des centaines de millions d’individus, les migrations massives et guerres de survie que tout cela va engendrer, et que cela engendre déjà, nous obligent à poser de manière radicalement différente la question de ma « vie éternelle », ou en tout cas, peut-être, à poser, d’abord, celle de la survie de l’humanité.

Photo Dikaseva Sur Unsplash

Photo Chris Gallagher Sur Unsplash

Les chrétiens que nous sommes ont une responsabilité forte en cette croisée de chemins. Car nous avons la chance d’avoir été « éveillés » à l’amour. Nous avons la grâce de savoir que l’humanité a reçu un « souffle » divin, cette « nefesh » dont parle la Genèse. Ce souffle, c’est la force absolue d’aimer, le pouvoir divin d’aimer l’autre plus que nous-mêmes, l’autre que nous avons à nos côtés, ce prochain qui est aussi l’autre de demain, les enfants des enfants de nos enfants…, mais aussi les abeilles, les vers de terre et les arbres… qui nous font vivre et dont nous sommes responsables, solidaires, dépendants.

Vivre Ensemble
Vivre ensemble

« L’Amour ne passera jamais »

PAUL, 1 COR 13, 8

Il ne passera pas si nous le voulons. Il y a aujourd’hui sur terre près de trois milliards de chrétiens, trois milliards qui ont reçu en propre cette grâce, qui est aussi une responsabilité inouïe, celle d’avoir les clefs du salut du monde, trois milliards qui ont entendu « Lève-toi et marche », « Suis-moi ! », trois milliards qui sont convoqués en « Galilée », en ces « carrefours des nations », où se joue l’avenir de l’humanité.  "Yes, we can ! »

Le jour de Pâques, nous clamons : « Christ est ressuscité, Christ est vivant ! ». De ce Christ, l’humanité et toute la magnifique, inouïe splendeur de la vie sur la planète, avec ses échanges, ses solidarités, son interdépendance, sont le corps.
Puisse cette acclamation ne pas en rester à l’émotion liturgique, celle qu’on éprouve à la lumière des cierges et des chants qui réchauffent mais illusionnent aussi !

Ensemble, chrétiens en premier, car nous sommes dépositaires du message du salut, nous pouvons nous « lever », nous « éveiller » pour que, toute affaire cessante, nous nous sentions en charge de la vie du monde à venir.
Nous en avons reçu la force, la mission.

Et il ne s’agit plus de dire, comme beaucoup d’entre nous : « Soyons dans l’espérance ! », ou bien « l’humanité s’en est toujours sortie… elle trouvera des technologies nouvelles, des parades… ».
L’espérance n’est pas un vœu pieux.
Elle est engagement, un engagement qui passe par des actes personnels, mais, plus que tout, par des actes communautaires, politiques.

Du concret, pas des mots
Photo Ehimetalor Akhere Unuabona sur Unsplash

Notre sobriété individuelle, celle qui consiste à ne plus manger de viande, de produits transformés, de fraises ou d’ananas venus du bout du monde, à ne plus nous vêtir de tee-shirts asiatiques, à ne plus consommer de l’inutile jetable, à ne plus télécharger de films, à ne plus engranger nos milliers de photos-souvenirs sur des « clouds » responsables de la surchauffe, à ne plus (ou peu) nous chauffer, à ne plus nous éblouir d’une profusion de lumières, à ne plus remplir nos piscines, à ne plus prendre nos voitures ou l’avion, à ne plus utiliser le moindre plastique, à isoler nos murs, à utiliser parcimonieusement nos portables et nos ordinateurs…, est nécessaire, et chacun de nous est invité, courageusement, à cocher, une à une, toutes les cases, sans pour autant nous culpabiliser pour nos retards et nos paresses, sans accuser non plus ceux qui ne vont pas assez vite (arrêtons de dire : « Tant que les chinois ne le font pas… » !), sans regarder la paille qui est dans l’œil du voisin car chacun doit avancer, vite, mais à sa mesure et sans stress, sans non plus chercher des alibis (« pouvons-nous empêcher les pays émergents d’accéder à notre confort ? » : il ne s’agit pas de cela, mais de commencer à réduire notre propre train de vie), comme celui qui demandait à Jésus un délai pour enterrer son père.

« Suis-moi ! » MAT 8, 22

Mais cette ascèse individuelle ne servira à rien, si nous ne la faisons pas collectivement, en masse :

  • si nos églises ne bruissent pas de tous nos projets de conversion communautaire,
  • si nous ne signalons pas en permanence à nos évêques et autres pasteurs que nous les chargeons de cette mission urgente, absolument prioritaire, d’emmener le peuple de Dieu vers son salut,
  • si nous ne passons pas notre temps à informer, convaincre autour de nous, de nous savoir envoyés en cette mission de survie,
  • si nous ne signalons pas, par nos votes, à nos responsables politiques, à tous les niveaux, que nous choisissons la vie pour la planète, que nous ne voulons plus de gaz de schiste, de charbon, de bombes, d’avions de chasse… et que nous préférons d’urgence revoir tous nos choix de société, de consommation, d’alimentation, d’habitation, d’agriculture, de relation à l’eau et à l’énergie… tant qu’il est encore temps.

Le projet est exaltant.
Christ est vivant !

30/03/2023

LS EVANGELIQUES A LA CONQUÊTE DU MONDE

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A voir sur ARTE le 4 avril à 20h45 et sur ARTE TV

© Artline Films

Les Évangéliques à la conquête du monde

Photo © Artline Films

Certes, le titre de cette enquête est un peu racoleur. Mais elle s’avère fort éclairante sur une réalité très mal connue par le public français. Ce travail, guère empathique on le devine, donnera de bonnes bases au néophyte.

La première partie, intitulée « La grande croisade », retrace les origines religieuses du boom évangélique, fruit du dernier mouvement de « réveil » observé chez les héritiers de Luther, après 1945 aux États-Unis. Elle met en avant la figure majeure de Billy Graham (1918-2018), prédicateur à la renommée mondiale, qui remplira les stades et utilisera la télévision pour diffuser la bonne parole. C’est avec lui que la parole évangélique rencontre le politique, du côté du parti républicain. On y apprend que Graham tenait à ne pas séparer Blancs et Noirs dans les foules lors de ses prêches, et qu’il fut proche de Martin Luther King, mais sans jamais faire siennes ses idées égalitaristes, de peur de diviser ses fidèles. À la fin de sa vie, Graham prendra toutefois de la distance avec le monde politique.

Une sagesse que n’auront pas ses héritiers, comme on le voit dans le second volet de la série. Ainsi, la pasteure Paula White fut une influente conseillère spirituelle de Donald Trump à la ­Maison-Blanche, pour le « protéger des forces du mal ». L’autre grande réussite de l’évangélisme politique se nomme Jair Bolsonaro. Le documentaire montre le président brésilien s’écriant devant 3 millions de fidèles, à la tribune de la marche pour Jésus de São Paulo en 2019 : « Le Brésil au-dessus de tout. Dieu au-dessus de tout » ! C’est surtout sur le terrain de l’éthique familiale que ces courants évangéliques prospèrent. Au service de la campagne de Ronald Reagan, président des États-Unis de 1980 à 1988, le pasteur Jerry Falwell a lancé l’idée d’une « majorité morale » contre le « sécularisme fédéral ». On y trouve l’apologie du modèle patriote et blanc, et les refus absolus de l’avortement et de l’homosexualité. Désormais, les lobbys sont au cœur de la vie politique américaine. En ­janvier 2021, en pleine insurrection, des émeutiers se mettent à prier au sein même du Capitole – ces images hallucinantes font l’ouverture du dernier volet, « Dieu au-dessus de tout ? ». Quand Trump décide de transférer l’ambassade des États-Unis en Israël de Tel Aviv à Jérusalem, des proches lui attribuent un rôle de héros biblique. Le même Trump brandira le Livre saint comme réponse universelle face aux manifestants de Black Lives Matter, créant une alliance toxique entre Bible et suprématisme blanc.

La fin de la série présente des oppositions à cette mainmise. Car la famille évangélique est en réalité très diverse, dans ses composantes ethniques comme dans son apostolat. Aux États-Unis, le réseau Évangéliques pour l’action sociale a ainsi choisi de se rebaptiser « Chrétiens », tellement la dénomination initiale apparaît connotée aujourd’hui. Et un pasteur est parti en lutte contre le deuxième amendement de la Constitution, qui permet à tout citoyen de détenir une arme, alors qu’il est si cher à la « majorité morale ».

Seule référence à l’évangélisme à la française dans la série : l’Église Martin Luther King de Créteil montre un dynamisme évident. Mais sans aucune velléité politique, que d’ailleurs notre tradition nationale laïque ne tolérerait pas. Par contre, on découvre qu’un axe d’extrême droite européen, autour du dirigeant hongrois Viktor Orbán, mobilise largement les mêmes thématiques de défense d’un continent judéo-chrétien en résistance contre le mal cosmopolite contemporain. Mais, pour l’heure, sans connexion avec un mouvement religieux.

Cette enquête ne laisse pas d’inquiéter sur le talent commercial indéniable de cet évangélisme politique à l’œuvre dans de grandes démocraties. Les auteurs veulent clairement alerter sur les risques, en donnant largement la parole à des chercheurs et à des ex-militants repentis. « Nous formons des leaders à cette résistance, pour ne pas faire la même erreur que l’Église protestante allemande dans les années 1930, explique Robert Schenck, fondateur de l’Institut Dietrich-Bonhoeffer, du nom du célèbre pasteur allemand exécuté dans un camp nazi en 1945, qui n’eut de cesse de prévenir contre le péril hitlérien, sans succès.

Philippe Clanché est journaliste depuis 1992. Il travaille principalement sur les questions religieuses et sociales pour divers titres (Témoignage chrétien, La Vie, Marianne, le Canard enchaîné…). Auteur de l’essai Mariage pour tous, divorce chez les cathos (Plon, 2013), il est membre du collectif de pigistes Extra Muros. Par ailleurs il est secrétaire adjoint de l’association inter-convictionnelle « Les Voix de la paix ».