Pierre Dharréville revient sur les réactions qu’a suscitées l’appel du pape François à mieux accueillir les migrants. Pour le député communiste, celles-ci vont à contre-courant de l’idéal républicain et révolutionnaire de l’égale dignité des personnes.
On pouvait penser qu’il manifestait ainsi sa volonté d’incarner non pas une Église des puissants mais une Église de la justice, non pas une Église cloîtrée mais une Église dans le monde. Cherchant à se rendre utile à ces humains abandonnés aux eaux imprévisibles de la Méditerranée, il entrait dans sa fonction en posant immédiatement la question du lien entre la foi et les actes.
Dix ans après, et combien de drames, il est venu à nouveau porter cette interpellation salutaire depuis Marseille. Elle s’adresse à celles et ceux qui partagent sa foi, mais elle s’adresse à toutes et tous. Elle n’est pas la seule mais elle prend sa part.
Certains, cultivant leur indifférence, semblent tentés de trouver tout ça généreux et touchant en lui tapotant sur le bras comme si tout cela n’était que le passage obligé d’un grand moment de folklore. Et à lire les commentaires anonymes qui défilent sous les différentes vidéos publiées sur Internet, d’autres se sentent à ce point pris en défaut qu’ils s’enfoncent, au-delà du déni et de l’indifférence, dans la haine et l’égoïsme. J’ai été profondément blessé par la violence de ces réactions.
Une réponse politique
Quels humains sommes-nous, quelle humanité ? Quels humains, quelle humanité voulons-nous être ?
Il faut répondre aux craintes et à la crise sociale, et affronter les discours de haine, d’égoïsme et de repli. Je sais la force de la solidarité populaire. Elle se vit au quotidien même si pour beaucoup d’entre nous, la vie est difficile.
Il s’agit d’une question politique. C’est ensemble que nous pouvons être solidaires. Suffisamment de richesses sont produites dans notre pays pour vivre mieux et pour partager avec d’autres. Ces richesses sont aujourd’hui accaparées par un tout petit nombre et par le tout petit monde de la finance.
Rôle de l’État pour un accueil digne
Depuis les origines, l’humanité sillonne la planète. L’idée d’une Europe forteresse est une illusion insensée. Il n’y a d’avenir que dans la solidarité, dans la construction de la paix, dans le partage des richesses, dans la relation. Il y a besoin que les institutions et les États travaillent à trouver les voies de solutions communes dans une démarche d’accueil digne, respectueuse des humains et des libertés fondamentales et des droits tels que définis dans les conventions et traités internationaux.
Le énième projet de loi sur l’immigration qui vient m’inquiète parce qu’il va encore durcir le droit et créer des situations de détresse ; parce qu’il va ouvrir la porte à tous les fantasmes, à toutes les instrumentalisations, à tous les discours violents du rejet.
Capitalisme contre l’humanisme
La loi de l’argent, la loi du plus fort, les volontés de domination, le chacun pour soi conduisent l’humanité dans une impasse. Cette société qui culpabilise les plus faibles et légitime l’injustice et les inégalités sociales renforce le repli sur soi. Ces logiques sont à contre-courant de l’histoire de l’humanité, de sa nature même ; elles nous divisent, elles nous opposent, elles viennent rabougrir l’humain en nous.
Notre République affirme que les femmes et les hommes naissent – où qu’ils naissent – et demeurent – où qu’ils demeurent – libres et égaux en droits. Cette idée révolutionnaire a bousculé le monde, et elle nous unit. Elle pose un principe fondamental, celui de l’égale dignité humaine. Il y a urgence à changer de paradigme pour bâtir une civilisation profondément humaine.