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09/09/2021

LES PLUS DE VINGT ANS

Christine PedottiPublié le 

Comme tous ceux et celles qui avaient l’âge de comprendre, je me souviens de ma stupeur devant des images qui semblaient sortir tout droit d’une super production hollywoodienne. Le 11 septembre 2001 est l’une de ces dates dont chacun se souvient. Nous savons ce que nous faisions, comment nous l’avons appris, comment nous sommes demeurés incrédules devant les écrans. On a dit que cette date marquait le véritable début du XXIe siècle. Elle marque en effet l’entrée dans un monde d’inquiétudes, d’affrontements et de violences dont le sombre chapelet s’égrène ; Madrid 11 mars 2004, Londres 7 juillet 2005, Paris 2015, Bruxelles, Nice, Berlin 2016… Mais la liste est infiniment plus longue et, si les grandes capitales occidentales ont payé un lourd tribut, il ne faut pas oublier Moscou, de façon répétée, l’Inde, l’Égypte, le Nigeria, le Liban, l’Irak, la Syrie… et, tout récemment, l’aéroport de Kaboul, 170 morts, plus de 200 blessés. Le macabre décompte totaliserait plus de 20 000 morts – principalement des musulmans. Il reste que le 11 septembre 2001 restera fixé dans les mémoires à cause du nombre des victimes, de la puissance des images et du mode opératoire : des avions civils détournés et utilisés comme armes, comme le seront de simples camions à Nice ou à Berlin. Pendant près de dix ans, jusqu’à ce jour funeste de septembre 2001, nous avions pu croire, avec la fin de la guerre froide et l’effondrement de l’URSS, à l’émergence d’un monde apaisé, voire à la « fin de l’histoire ». L’illusion fut de courte durée. Elle s’est évanouie avec la chute des tours du World Trade Center. Est-ce une guerre ? Oui, sans aucun doute. Elle se déroule parfois sur notre sol, le plus souvent ailleurs, en Afghanistan, au Mali, en Irak, en Syrie… Si les victimes ne sont pas majoritairement occidentales, loin de là, c’est bien le mode de vie occidental – la démocratie, les droits humains, particulièrement ceux des femmes, et le droit à l’éducation pour tous, l’une des cibles de Boko Haram – qui est attaqué. Comment la gagner ? Par le renseignement en déjouant les attentats, bien sûr, mais surtout en ne confondant pas l’idéologie des terroristes – un islamisme violent – avec le rigorisme religieux et, surtout, avec la foi ordinaire de millions de musulmans. Considérer tout musulman comme un terroriste en puissance, c’est donner la victoire à Ben Laden et à ses épigones. Nos meilleures armes demeurent le droit, la démocratie et la raison.

Christine Pedotti dans   mobile-logo

Photo : Robert J. Fisch, CC BY-SA 2.0, via Wikimedia Commons

06/09/2021

DRÔLE DE TEMPS

Christine PedottiPublié le 2 septembre 2021 par Christine PEDOTTI   

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Force est de constater que, dans la bataille entre le vaccin et les variants, le combat est toujours en cours. La situation outre-mer met sous nos yeux les conséquences d’un trop faible taux de vaccination, et la virulence du variant Delta est telle qu’un rappel de vaccin est dès maintenant ouvert en France aux plus de 65 ans.

Nous n’avons pas fini d’observer et de tenter de comprendre ce que cette pandémie mondiale aura porté de rupture dans nos modes de vie : travail, tourisme et loisirs, vie sociale… Pourtant, de façon paradoxale, alors que le Covid nous donne le sentiment que le temps a été fendu en deux, séparant un avant qui ne reviendra pas d’un après encore indécis, les événements d’Afghanistan donnent, tout au contraire, le sentiment que le temps s’est comme enroulé sur lui-même, avec un retour des talibans qui ramènerait le pays vingt années en arrière. Mais peut-être n’est-ce qu’une illusion d’optique. Le pays a changé ; il n’est pas certain qu’il puisse se passer si aisément du travail et des compétences des femmes et, même si les populations rurales pèsent en faveur du conservatisme, les nouveaux urbains n’accepteront peut-être pas si aisément les règles folles de l’islam radical, intransigeant et – disons le mot – inhumain, des talibans. Pour prendre deux exemples : en vingt ans, le taux de scolarisation primaire des filles est passé de 0 % à 90 % et le nombre d’abonnements de téléphonie mobile, même s’il est inférieur de moitié à la moyenne mondiale (109 %), est aujourd’hui de 59 pour 100 habitants.

Reste, pour nous inquiéter, le terrible rapport du Giec sur l’évolution probable du climat. Il est parfaitement clair que nous sommes sur la trajectoire d’une catastrophe et, quoique nous le sachions, nous – l’ensemble des humains – ne semblons pas davantage capables ou désireux de la maîtriser que les Américains n’ont su anticiper la chute de Kaboul et le désastre de l’évacuation en urgence dans le chaos et le drame. Kaboul est peut-être comme une triste fable de notre aveuglement.

Mais reste aussi, pour nous réconforter, la puissance de la mobilisation qui a permis de trouver, avec les vaccins, un rempart contre le Covid. Preuve que les humains sont capables du meilleur et du pire. Nous – TC – allons nous efforcer, avec vous, d’éviter la déploration et l’indignation stériles pour mettre en lumière les signes d’espérance et de fraternité ; la résistance spirituelle, toujours !

Christine Pedotti     mobile-logo

 

15/07/2021

SANTE PUBLIQUE

Photo : Prefeitura Campinas, PDM-owner, via Wikimedia Commons

Pendant de longs siècles, la santé était une bénédiction – un vœu que l’on formait, un bien pour lequel on priait – et la maladie une fatalité. Les progrès extraordinaires de la médecine ont totalement transformé cette vision. Ces progrès, associés à l’extrême enrichissement des sociétés contemporaines occidentales, on permis de mutualiser le risque de la maladie et d’assurer à tous et toutes un soin efficace et, qui plus est, équitable. Ce privilège dont nous jouissions un peu sans le savoir est d’ailleurs devenu un objectif pour l’ensemble de la population humaine.

La pandémie a mis en lumière ce radical changement par rapport à la longue histoire humaine. Désormais, la santé est un bien commun et collectif. Certes l’éternité n’est pas promise, sauf par quelques utopistes, mais assurer au plus grand nombre une longue vie en bonne santé est devenu une obligation de l’État moderne, au même titre que la sécurité des biens et des personnes par le biais de la justice et de la police. La santé n’est plus un bien individuel soumis aux aléas de la nature et de la malchance mais un objet public. On parle d’ailleurs de « santé publique ».

Sans que nous ne nous en rendions véritablement compte, la santé est entrée dans le domaine régalien. Assurer la santé de tous est devenu le devoir de la puissance publique et les contraintes lourdes des confinements successifs ont bien eu pour but de « préserver le système de santé », c’est-à-dire de permettre à ce système de continuer à ouvrir à tous et toutes l’accès aux soins, pour le Covid mais aussi et surtout pour toutes les autres maladies.

Dès lors, la vaccination ne peut strictement plus appartenir au domaine du choix individuel. La santé, en ce qu’elle est devenue un bien collectif, n’est plus du ressort de l’exercice de la liberté individuelle. Elle entre dans le champ politique et son contrôle est celui de la démocratie. L’État a donc le droit d’imposer la vaccination afin de garantir la sécurité de tous et toutes, et nous avons le devoir de l’accepter comme nous nous soumettons à la loi et consentons à l’impôt. Cette règle peut souffrir quelques exceptions, les situations particulières et, peut-être, l’objection de conscience.

Demeure, à l’heure où ces lignes sont écrites, le jugement d’opportunité : quel est le choix le plus rapidement efficace, la contrainte ou l’art de la conviction ?

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12/07/2021

QUELLE SOLIDARITE AVEC GAZA APRES LES FRAPPES ISRAELIENNES DE MAI 2021??

A LIRE ... Intéressant bien qu'un peu long

Quelle solidarité avec Gaza après les frappes israéliennes de mai 2021 ??

Dimanche 4 juillet, l'Atelier Israël-Palestine du GAIC a organisé une rencontre sous forme de tables rondes dans la salle de conférences de la Grande Mosquée de Massy pour apporter des éléments de réponse à cette question: après les bombardements israéliens de mai 2021, comment manifester sa solidarité avec Gaza? 

Dans la troisième de ces tables rondes, des représentants du CCFD-Terre solidaire et du Secours Islamique France ont donné des exemples concrets de leur action pour aider Gaza à se relever de ses ruines et l'ensemble des Palestiniens à ne pas courber l'échine sous le joug israélien. En diffusant ces informations, le GAIC entend s'associer modestement aux efforts de ces deux associations et les remercier pour leur fidèle et généreux partenariat.

Intervention sur l'action du CCFD-Terre solidaire auprès des Palestiniens 

Exprimer sa solidarité c’est prendre position lorsque les circonstances l’imposent

Par trois fois et sous des formes différentes, le CCFD s'est ainsi manifesté:

1. le CCFD-Terre Solidaire a Soutenu « l’Appel à l’action pour mettre fin aux expulsions de familles palestiniennes à Jérusalem-Est »  lancé par les Associations CIDSE -Ensemble pour une justice mondiale[1] – et  Alliance ACT [2]-  c’était le 12/05/2021

2. Mme Manuèle Derolez, déléguée générale du CCFD, a publié dans La Croix du 19 mai un article « Il faut mettre fin à l’occupation illégale de la Palestine ».

Lire l'article : 

 

 Il faut mettre fin à l’occupation illégale de la Palestine »

3. Le CCFD-Terre Soildaire a publié sur son site le 20 mai dernier un document pédagogique intitulé: "Comprendre la colonisation à Jérusalem en 3 minutes":

 

07/07/2021

L'IMPASSE DEPASSEE

Maison en ruine images libres de droit, photos de Maison en ruine |  Depositphotos

Publié le par Garrigues et Sentiers

L’impasse Adiexode est située au fin fond de la ville. À l’extrémité, en haut d’un talus, on pouvait apercevoir une cabane. Faite de planches, de tôles, de plastique, elle était vaste. Pourquoi son occupant, Nemo, un SDF, donc « bien connu des services de Police », mais à qui personne n’avait demandé son nom, se serait-il contenté d’un logement exigu ? Il y avait de la place et personne ne la lui disputait tellement elle était difficile d’accès, sans eau ni électricité, bloquée dans un cul-de-sac.

L’impasse Adiexode, elle, se trouvait en contrebas, une zone inondable. Elle avait vu s’y édifier de part et d’autre des maisons pauvres mais en dur.

Tous les riverains, ou presque, étaient des laissés-pour compte qui d’expulsion en expulsion s’étaient retrouvés là. D’un côté les Musulmans (ou les Arabes, tout le monde confondait), de l’autre les chrétiens, « bons chrétiens » évidemment, on n’est pas des chiens. Et de ci de là ceux qui ne se reconnaissaient ni avec les uns ni avec les autres, les « sans-dieu » comme on disait. Cela faisait trois groupes qui s’ignoraient. Tous des mécréants au dire des Musulmans, des Arabes ou des renégats pour les « bons chrétiens », des gens pleins de superstitions au dire du troisième groupe.

Au-dessus de tous ceux-là planait Nemo, dans sa cabane surplombant les lieux. Il faisait l’unanimité et même l’union de tous les habitants, contre lui, bien sûr. Son installation leur était insupportable. De plus il avait construit le plus grand logement, minable mais le plus grand. Il faisait la manche. Certainement il dormait sur un trésor amoncelé. Alors on ne ratait pas une occasion de lui crier dessus, de lui faucher ce qu’il apportait, de le vilipender, bref de lui rendre la vie impossible.

Mais tout SDF qu’il était, habitué depuis longtemps aux mauvais traitements, Nemo commença à se rebeller.

Il alla voir le curé pour se plaindre de ce que des « bons chrétiens » lui faisaient subir. Le curé l’écouta, avec compassion, évidemment, lui demanda pourquoi il ne venait jamais à la messe, et lui promit d’agir mais voulait le revoir un peu dans son église. Depuis lors chaque dimanche Nemo vint à l’église. Il en profitait d’ailleurs pour faire la manche à la porte... en sortant de la messe un « bon chrétien » se doit bien de donner une petite pièce ! Et les chrétiens ne le molestèrent plus le dimanche, c’était un mieux.

Il se rendit ensuite chez l’imam qui lui promit d’intervenir, mais ne pouvant le faire pour un mécréant, il serait bon qu’on le voie à la prière du vendredi. Et Nemo se rendit chaque vendredi à la mosquée, jour où seuls les chrétiens purent encore le molester.

Mais de nos jours les SDF en veulent toujours plus, les valeurs de retenue, de discrétion, de soumission à sa condition sont malheureusement bien passées. Nemo décida qu’il ne pouvait se contenter du mieux limité aux vendredis et dimanches. Il alla voir un avocat. Ce dernier l’écouta, lui demanda cent euros pour la consultation, et lui expliqua que les faits n’étaient pas assez caractérisés pour intervenir en justice, à moins que la police ne s’en occupe. Il se rendit au commissariat, il était bien connu de ses services, et l’officier de permanence lui expliqua que c’était à lui de se comporter comme un bon citoyen, avec une maison comme tout le monde.

En désespoir de cause il se tourna vers les « sans-dieu » car parmi eux il y avait un militant. Ce dernier l’écouta, lui proposa de prendre une cotisation à l’association, il y avait des prix cassés pour les pauvres. Nemo paya 5 euros et le militant composa un tract qu’il distribua le vendredi à la sortie de la mosquée, le dimanche à la sortie de l’église, exigeant le respect des droits pour tous. Pour une telle action et pour avoir amené un nouveau membre à l’association, il fut d’ailleurs promu au bureau de sa section.

Mais, vous vous en doutez, rien ne changea. Alors Nemo, qui ne croyait ni à dieu ni à diable, se mit à prier le ciel pour le cas où s’y trouverait un dieu ou un diable. Il demanda au ciel de les punir tous et de les faire disparaître. Personne ne sait quelle discussion se déroula là-haut dans un bruit de tonnerre, toujours est-il qu’après ce tonnerre une pluie diluvienne s’abattit sur l’impasse qui fut totalement inondée, l’eau entrait dans toutes les maisons, les gens couraient de partout pour colmater les ruisseaux, pour vider l’eau de leurs logements, mais en vain. Tout allait disparaître sous ce déluge.

Du haut de son talus, Nemo les regardait, étonné de toute cette agitation et pas tellement mécontent. Mais au bout d’un moment tout le monde le vit, là-haut, protégé de l’inondation, ils se tournèrent vers lui qui ressemblait à un ange protecteur, ou vengeur, allez savoir. Alors il leur fit de grands signes pour qu’ils montent s’abriter dans son domaine. Tout le monde se précipita. On vit même des chrétiens aider des fatmas à escalader le talus, des Arabes porter dans leurs bras les petits enfants, musulmans ou chrétiens, peu importait. Et les « sans-dieu » ne furent pas les derniers à aider. Dans la cabane, assez vaste pour tous les contenir, Nemo servit le café et ses réserves de biscuits, alluma un feu pour que tout le monde se sèche.

Et la pluie cessa brusquement, l’eau se retira très vite de l’impasse tandis qu’apparut un bel arc-en-ciel, signe de la paix du ciel qui dépose son arc. Et depuis lors, vous l’aurez deviné, l’impasse Adiexode devint le lieu de paix et de convivialité de la ville dont tous avaient été exclus. Personne n’imaginait qu’elle soit une impasse.

Et le dieu des bons chrétiens, ainsi que celui des Musulmans, n’eut plus besoin de la visite hebdomadaire de Nemo.

Lucien Grémaud

Source : https://www.famille.centremazenod.org/un-petit-conte-de-l...

GARRIGUES ET SENTIERS, Espaces de liberté, de foi et de réflexion chrétiennes

02/07/2021

LA SEULE REPONSE A NOS QUESTIONS EST L'OUVERTURE D'UN CHEMIN

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La seule réponse à nos questions est l’ouverture d’un chemin (Maurice Bellet)

Publié le par Garrigues et Sentiers

Dans une chronique publiée par l’hebdomadaire Réforme intitulée Maurice Bellet nous manque, Jean-Claude Guillebaud nous dit à quel point la pensée de ce prêtre philosophe, théologien et psychanalyste mort en 2018 à l’âge de 94 ans peut nous éclairer dans la phase de mutation qui s’impose aux sociétés et donc aux Églises. Il en souligne l’axe fondamental : l’Évangile est Parole avant d’être écriture : « Gardons ici en tête la première phrase de l’Évangile de Jean : « Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. » L’Évangile n’est pas un livre qui aurait été interprété une fois pour toutes. Ce n’est pas un «  savoir » intellectuel ni une « érudition » intimidante. Il est vivant, comme toute expérience humaine. Il revit d’une manière différente à chaque lecture. Comme toute parole, il n’a jamais le même grain, le même accent. Depuis deux mille ans, cette parole rebelle défie la mise en cage. Nul ne peut la prendre en otage ou la couler dans le bronze. Elle n’est pas faite pour être enrégimentée. Elle reste magnifiquement subversive » (1).

Évoquant le conflit entre « intégrisme » et « modernisme » qui traverse les Églises, Maurice Bellet écrit : « En vérité, ce conflit chrétien s’inscrit dans un conflit plus vaste où la modernité se déchire : entre esprit doctrinaire et relativisme. C’est-à-dire entre deux prétentions : à un savoir établi, qui juge de tout, à une position supérieure qui… juge de tout. Rien d’étonnant à ce que ces deux attitudes aient des traits communs ! (…) Apparaît alors que le motif profond de l’intégrisme, du fondamentalisme, des toutes les convictions religieuses apparemment sans fissure, c’est, fondamentalement, l’angoisse. L’angoisse de la perte, la perte de l’absolu, du ce-qui-ne-peut-manquer, du point d’appui qui ne glisse pas. Cette angoisse est chez les humains extrêmement profonde, même lorsqu’elle est dissimulée dans des attitudes en apparence contraires – et c’est justement le cas du relativisme religieux. L’intégrisme est dans l’angoisse de perdre la Vérité ; son ennemi est dans l’angoisse de perdre la Réalité, le « monde contemporain », l’ensemble de relations qui fait qu’on est dans ce réel partagé, qui nous éloigne des délires et des enfermements. La violente surdité des intégristes est bien connue. Mais il y a une intolérance des contestataires et des esprits « libérés » qui n’est pas médiocre non plus ; je crains les contestataires au pouvoir (…). » À l’heure où tout un chacun est invité à penser « le monde d’après la pandémie », ce propos me paraît important à méditer par tout « réformateur », bien au-delà des Églises chrétiennes.

Maurice Bellet dénonce le danger, pour les Églises et plus généralement pour toute institution, de s’enfermer dans ce qu’il appelle des « textes inertes » : « C’est une parole qui n’écoute pas. (…) Le discours se tient par lui-même ; aucun retour de critique ou d’expérience ne saurait vraiment le troubler ; il sait les réponses avant les questionsSon modèle naïf est le catéchisme. Mais on peut argumenter dans l’érudition et l’abstraction en gardant la même structure »Ne nous y trompons pas. Cette inertie est moins dans le texte que dans la relation de chacun à la parole : « Où est-il, ce texte inerte ? Là où se manifeste son inertie. C’est pourquoi il faut se garder de classer ici les bons et les mauvais ! Ce qui est en cause est la relation à la parole et elle dépend, de façon décisive, de qui entend. La Bible peut être un texte inerte. Inversement, des textes assez misérablement conformistes peuvent éveiller des âmes à la vie mystique » (2). Pour Maurice Bellet, l’essentiel est de rester à l’écoute des paroles premières et fondatrices.

Cela signifie que la seule réponse à nos questions est la poursuite d’une quête : « Nos questions seront d’emblée celles qui se posent aux humains pour la part que nous pouvons entendre. Et nos réponses ? Pas de réponse. Pas de celles en tout cas qui font mourir la question (…) La question, si, elle est forte, n’est pas autre chose que l’être humain aux prises avec lui-même et tout ce qui l’entoure et tout ce qui, en lui, lui donne de subsister. La question devient quête ; à la place de la solution, le chemin est l’œuvre toujours inaccomplie » (3)

Bernard GINISTY

  1. Jean-Claude GUILLEBAUD : <www.reforme.net/chronique/2021/04/29/maurice-bellet-nous-...>
  2. Maurice BELLET : Translation. Croyants (ou non), passons ailleurs pour tout sauver !, éditions Bayard, 2011, p. 25-34.
  3. Maurice BELLET : Un chemin sans chemin, éditions Bayard, 2016, p. 151.

01/07/2021

PASSION FRANCAISE

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Publié le 1/07/2021
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Le constat ne peut guère être discuté ; ces deux derniers dimanches de juin, les Français et les Françaises ont voté, même si deux sur trois l’ont fait avec leurs pieds et non en glissant un bulletin dans l’urne. Le peuple français est un peuple trop politique depuis trop longtemps pour que l’on puisse attribuer à une prétendue « fatigue démocratique » un si ample mouvement d’abstention. Et, s’ils ne sont pas allés voter, c’est qu’ils avaient de bonnes raisons politiques de ne pas le faire : ça ne les intéressait pas.

La première conséquence de cette abstention a été de reconduire les sortants ; résultat logique d’un scrutin qui n’a suscité ni haines ni passions. Après tout, les exécutifs régionaux et locaux n’ont sans doute pas démérité dans la sphère d’exécution et d’initiative qui est la leur. Car là se trouve l’une des vérités de cette élection : les régions françaises ont « déconcentré » le pouvoir mais elles ne l’ont certainement pas « décentralisé ». Soyons lucides, la gestion des lycées et celle d’une part des transports ou des déchets sont certainement des questions importantes mais elles ne déchaînent pas les passions politiques. Pour le reste, les régions et les départements soutiennent des orientations qui sont initiées et financées « au centre ». À quoi il faut ajouter que la réforme de 2015 a constitué de grandes régions dont beaucoup n’ont pas – pas encore – d’identité historique et culturelle.

Les électeurs et électrices ont donc snobé un scrutin « sans importance », se réservant pour la mère de toutes les batailles, la présidentielle, cette passion française. On peut bien déplorer la focalisation de la politique sur ce moment-là, les experts peuvent expliquer à quel point le phénomène est pervers, on adore ça. Du sang, des larmes, des traîtres, des rebondissements, du suspens. Pourquoi s’en priverait-on, d’autant que c’est nous qui pour l’essentiel choisissons les acteurs, écrivons le scénario et surtout décidons de l’issue. Pourquoi s’infliger le documentaire insipide des régionales et départementales alors que l’année qui vient nous promet une superproduction ?

Allez, encore un tout petit peu de patience, le casting est déjà en cours, le spectacle va commencer.

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28/06/2021

LIBERTE, LIBERTE CHERIE !

La chronique de Guillaume de FONCLARE

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                                                            Liberté, liberté chérie ! 

Cette antienne résonne dans ma tête depuis que les dernières mesures de couvre-feu ont été levées, et que nous pouvons à nouveau circuler à visage découvert dans les rues, boulevards et avenues de nos métropoles. Ce vers de notre hymne national (sixième couplet) prend une dimension nouvelle en ces temps de libération, alors que les libertés publiques reprennent place en notre belle démocratie. D’aucuns de prétendre, un peu abusivement il me semble, que nous sommes à l’aube d’années folles, à l’image de celles qui ont succédé à la fin de la Première Guerre mondiale. Nous n’avons pas connu la guerre, et le chiffre des morts n’égale pas, et de loin, celui des victimes du premier conflit mondial. Certes, la pandémie, si tant est qu’elle soit derrière nous, a été éprouvante, éprouvante pour nos anciens, éprouvante pour tous ces jeunes isolés et dépités, mais elle n’est pas à l’aune d’une confrontation guerrière.

Il n’en demeure pas moins que nous avons retrouvé le plaisir de vaquer comme bon nous semble, bas les masques, retrouvé la joie de partager des moments de convivialité à la française dans nos bars et restaurants, retrouvé la possibilité de célébrer la musique ensemble, à l’unisson. Et pourtant, ce sentiment de liberté si particulier, si intimement lié à notre organisation démocratique, il nous paraît si naturel que nous en oublions un peu vite qu’il est tout à fait original à l’échelle de notre planète, rare et à préserver coûte que coûte. Le taux d’abstention des élections régionales démontre une usure, une lassitude des citoyens qui doit interpeller les consciences. Nous qui nous réjouissons de pouvoir, à nouveau, exercer pleinement nos droits à circuler et à nous réunir sans contraintes, nous délaissons les urnes, nous abandonnons notre devoir civique à l’abstention, remisant dans les oubliettes de la négligence notre liberté à choisir nos représentants, liberté conquise de haute lutte par ceux qui nous ont précédés, et qui ont parfois payé du prix fort cette conquête collective. Nos aïeux ont cru qu’en établissant la République, il permettrait à chacun, par son droit de vote, de peser sur le destin de tous. Il faut convenir que nous avons perdu le sens de cette leçon, et que notre système est à un point de rupture.

Ce parallèle entre le déconfinement général et les élections locales peut paraître osé. Il ne l’est pas, pourtant, car, privés de libertés essentielles pendant presque un an, nous avons pu mesurer ce qui doit compter en termes de droits fondamentaux, et l’attachement à la démocratie aurait pu, aurait dû en sortir grandi. Le fait que ce ne le soit pas n’est pas un épiphénomène ; c’est une révolution en devenir. Le fossé entre les citoyens et ceux qui sont censés les représenter s’est tellement creusé qu’il a désormais tout du gouffre. À qui la faute ? Aux politiques eux-mêmes, qui ont si facilement tendance à nous infantiliser ? Aux citoyens, qui n’ont plus conscience des atouts qu’incarne le système représentatif et qui oublient un peu vite que vivre en démocratie est une chance auguste ? Je ne saurais le dire. Néanmoins, si l’on s’intéresse à l’actualité internationale et à l’histoire de notre planète, je regrette amèrement qu’on ne se compare pas davantage à tous ceux dont les cris sont étouffés par la censure et la répression. Eux mesurent ce qu’être privé de liberté veut dire. Et nos atermoiements collectifs les laissent sans doute pantois.

Voter, c’est choisir. Et à ces élections, le panel de choix était immense. Refuser de voter, c’est montrer sa volonté de refuser de choisir. Je le comprends, et j’en comprends partiellement les raisons. Beaucoup de promesses nous ont été faites, et peu ont été tenues au cours de ces dernières décennies. Cela ne doit pas empêcher l’espoir de demeurer vivace, et de s’intéresser à la chose publique. C’est à nous de faire entendre la voix du changement, et de mener le combat pour maintenir nos privilèges démocratiques, sociaux, républicains. Je ne suis pas un censeur, simplement un citoyen qui réfléchit, qui s’inquiète, et qui attend un sursaut qui ne vient pas. Non, ami lecteur, je ne jette la pierre à personne ; je m’interroge pourtant sur notre désir commun de vivre ensemble, dans une société libre et démocratique, et je me questionne sur notre détermination à construire main dans la main un destin collectif. Alors, oui, plus que jamais, chantons notre amour sacré de la Patrie. Liberté, Liberté chérie !

Journal LA CROIX 28 06 2021

25/06/2021

ENVIE D'AVOIR ENVIE ?

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Ce sont les paroles d’une chanson populaire signée Johnny Hallyday, et le moins que l’on puisse dire, c’est que les Français et les Françaises n’ont pas eu l’air d’avoir grande envie de quoi que ce soit lors du premier tour des élections régionales et départementales de ce dimanche. Pas envie de voter, c’est la première évidence, mais guère envie d’en découdre de quelque façon que ce soit. Contrairement à ce qui semblait être la règle des derniers scrutins, du moins nationaux, les sortants n’ont pas été sortis. Tout au contraire, il y a fort à parier que la plupart des présidents et présidentes sortants seront reconduits.

Faut-il se réjouir que les électeurs du Rassemblement national aient, plus encore que les autres électorats, boudé les urnes ? C’est sans doute aller trop vite en besogne ; Marine Le Pen, hélas, saura attiser les rancœurs et le ressentiment lors du scrutin national. Faut-il enterrer la République en marche ? Pour l’enterrer, il eût fallu qu’elle existât, et rien depuis quatre ans ne permet de l’affirmer. Comme nous le disions voici quelques semaines ici même, la REM vient de confirmer qu’elle n’est finalement que le comité électoral du président.

On dira que le clivage gauche/droite est de retour, mais, là aussi, il est à craindre une illusion d’optique dans la mesure où ce sont les plus politisés et sûrement les plus polarisés des votants qui se sont déplacés ; ceux qui ont encore « envie » de politique, de débats et d’affrontements. À gauche s’ébauchent ici et là des logiques d’alliances entre listes pour se présenter unis au second tour. Ces jeux politiques convaincront-ils les abstentionnistes ? On peut en douter, et le tableau au plan national montre combien ces alliances sont peu aisées alors même que l’arbitrage du premier tour a eu lieu. Il est à craindre que, pour les présidentielles, il soit très difficile de négocier une candidature commune de premier tour susceptible de qualifier la gauche au deuxième. Quant à la droite, pour l’heure, ses trois poulains favoris, Bertrand, Pécresse et Wauquiez, font la course en tête dans leur région. Sans que rien pour l’heure ne permette de les départager en vue de 2021 : les tragédies fratricides sont à venir.

Tout cela ne donne en effet pas très envie ; mais n’oublions pas que voter est un privilège et un devoir. Alors, votons !

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23/06/2021

RESSENTIMENT

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Publié le 17 juin 2021
par Christine Pedotti

Il faut revenir sur l’épisode de la gifle infligée au président de la République lors de son déplacement la semaine dernière. D’abord, pour lui donner raison sur le fait qu’il ne faut pas en exagérer la portée. En effet, tout homme ou femme politique se sait être une cible potentielle. Et qu’est-ce qu’une gifle comparée à l’attentat du Petit-Clamart contre Charles de Gaulle – 150 balles tirées, 14 atteignant le véhicule.

Plus intéressants sont les réactions et commentaires à l’évènement, lesquels dénoncent une « montée de la violence » en politique. Le rappel des attentats d’autrefois montre que la violence a toujours existé. Et pourtant, nous avons le sentiment diffus et certain que nous sommes entrés dans des temps brutaux. Il est vrai que le mouvement des gilets jaunes s’est singularisé par des scènes de violences urbaines dont le but avoué était d’atteindre le cœur de l’État ; il a fallu barricader l’Élysée, une porte de ministère a été défoncée, la préfecture a été incendiée au Puy-en-Velay, et de nombreux élus de la majorité ont été pris à partie jusqu’à leur domicile tandis que leurs permanences étaient mises à sac. Une montée de la violence policière contre les manifestants y a répondu. Mais, là aussi, un peu de profondeur historique nous rappellerait que les années 1970 connurent des niveaux de brutalité bien supérieurs avec des lois dites « anticasseurs » et les attentats d’Action directe.

La violence est-elle aujourd’hui plus « commune » ? Sans doute, les réseaux sociaux permettent-ils à monsieur et madame tout-le-monde de se croire plus écoutés et entendus qu’ils ne l’étaient autrefois au Bar du commerce ou devant la machine à café. Les mots « pour rire » dépassent la pensée. On se moque en traitant le président de « tête à claques »… et voilà qu’il en prend une. Ce passage à l’acte presque « impensé » est aussi ce qui a caractérisé l’assaut du Capitole en janvier dernier à Washington.

Finalement, c’est peut-être l’analyse de Cynthia Fleury, interrogée dans TC cet hiver, qui est à la fois la plus pertinente et la plus inquiétante. Elle voit se lever « l’homme du ressentiment », rassasié de jalousie et d’amertume, levain du fascisme.

Il est certes naturel d’être irrité, agacé, et même « en colère » ; reste que Camus a toujours raison : « Un homme, ça s’empêche. »

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