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23/02/2024

CHRISTOPH THEOBALD : UN NOUVEAU CONCILE QUI NE DIT PAS SON NOM ?

 

Vatican : la "Révolution culturelle" selon François

Et si Christoph Théobald finissait par nous rendre optimistes sur l’issue du Synode… 

Il est, pour chacun de nous, des livres qui font date parce qu’ils nous font entrer dans une autre dimension de la réflexion sur des sujets qui nous importent. C’est ce qui vient de m’arriver avec Un nouveau concile qui ne dit pas son nom ? du théologien jésuite franco-allemand Christoph Théobald (1). L’ouvrage documente l‘enracinement de la synodalité dans la Tradition de l’Église. Il décrit et argumente l’élargissement opéré par le pape François : de la collégialité épiscopale chère à Vatican II à la synodalité de l’ensemble du Peuple du Dieu, conforme à l’esprit du Concile. Mais surtout il finit par nous convaincre que ce pourrait être là l’entrée du Catholicisme dans une nouvelle ère « messianique » de son histoire. Et que cette évidence finira par s’imposer contre toutes les réticences, notamment ecclésiastiques. A lire, d’urgence ! 

Christoph Théobald, qui est l’un de nos meilleurs théologiens, a participé, comme expert, à la première Assemblée qui s’est tenue à Rome au mois d’octobre 2023. Il l’a donc vécue de l’intérieur après en avoir observé et analysé les phases préparatoires. Son livre nous remet en mémoire les jalons essentiels de ce Synode sur la synodalité : sa convocation officielle par le pape François le 10 octobre 2021, les différentes étapes : paroissiales, diocésaines, nationales puis continentales de la consultation préalable, jusqu’à la tenue de la première session. Il souligne les traits majeurs, parfois convergents, parfois divergents, des différents textes de synthèses issus des Églises de tous les pays et continents, fidèlement assumés dans les documents officiels comme l’Instrumentum laboris. Mais surtout, il met sa riche culture théologique et historique au service d’une mise en contexte et en perspective de ce synode. Et c’est là qu’il devient passionnant.

Le synode « nouveau » comme mise en œuvre du Concile

Ce n’est pas un hasard si l’auteur ouvre son premier chapitre sur le rappel des propos du cardinal Martini, archevêque de Milan aujourd’hui disparu, lors du Synode sur l’Europe de 1999. Évoquant dans son intervention « des nœuds disciplinaires et doctrinaux peu évoqués ces jours-ci… » il en avait appelé, publiquement, à l’urgence d’un nouveau concile. On sait que Vatican II naquit de la perception par le « bon » pape Jean XXIII de la nécessité d’un “aggiornamento“ (mise à jour) de l’Église catholique pour tenter de combler un peu du fossé qui s’était creusé avec le monde moderne. Or, dans l’esprit même du Concile, cet aggiornamento ne pouvait être tenu pour terminé à la clôture de ses travaux. C’est la raison pour laquelle Paul VI avait, dès 1965, institué le Synode des évêques. Avec les limites que l’on sait et que souligne – trente-cinq ans plus tard à peine – la proposition de nouveau Concile du cardinal Martini. Aujourd’hui, rapporte Christophe Théobald, la Commission théologique internationale interprète la synodalité selon le pape François comme une invitation à franchir le « seuil d’un nouveau départ… dans les traces du Concile Vatican II. » (2)

En réponse à nombre d’objections formulées, ici et là, notamment dans le milieu ecclésiastique et reprises par certains fidèles, le livre insiste sur l’inscription de la pratique synodale dans la Tradition. « Depuis les débuts de l’Église et des Assemblées de Jérusalem, écrit-il, la voie synodale est la seule qui a toujours permis de régler les conflits ». C’est bien en effet l’Assemblée de Jérusalem, en présence des deux “piliers“ de l’Église naissante qu’étaient Pierre et Paul, qui décida de ne pas imposer la circoncision aux convertis venus du paganisme. On lit dans les Actes des Apôtres : « D’accord avec toute l’Église, les apôtres et les anciens décidèrent alors… » (Act.15, 22) Il y a donc bien eu “discernement“ collectif… de toute l’Église ! 

Dans la foi, le peuple de Dieu est infaillible 

Christoph Théobald souligne que le retour à cette pratique originelle constitue l’innovation majeure introduite par le pape François dans le dispositif plus restreint institué par Paul VI. On passe d’une synodalité réservée aux seuls évêques, au titre de la collégialité, à une synodalité de l’ensemble du Peuple de Dieu, comme à l’origine. Et cela aussi bien dans la phase de consultation initiale (questionnaire mondial) que dans le discernement final puisque l’Assemblée a été élargie à soixante-dix non évêques. Ce « glissement », commente le théologien, est parfaitement conforme aux textes conciliaires qui reconnaissent « l’infaillibilité dans la foi » de l’ensemble des baptisés. (LG 12) Même si dans l’Église, la décision finale reste de type hiérarchique, comme, semble-t-il, lors de l’Assemblée de Jérusalem.

La synodalité comme mode de régulation de la vie en Église 

Autre caractéristique de l’évolution introduite par le pape François : passer d’un synode – qu’il soit diocésain, national, continental ou universel – conçu comme “événement“ ponctuel, convoqué de loin en loin par l’autorité légitime, à la synodalité comme “processus“ habituel de délibération et de discernement dans la vie ecclésiale. Ce qui faisait dire au cardinal Hollerich, secrétaire général du Synode, dans une conférence de novembre dernier : « La synodalité commencera en paroisse ou elle ne sera pas. » (3) C’est là, d’évidence, le premier lieu où, de manière régulière, les fidèles et les clercs peuvent, dans une égale dignité baptismale, apprendre à s’écouter, faire relecture de ce qu’ils ont vécu, décider ce qui est souhaitable pour la communauté et discerner parmi eux comment chacun, en fonction des charismes qui lui sont reconnus, peut y aider. 

Cette volonté de partir de la vie, donc de réalités culturelles différentes, à tous les échelons : paroisses, diocèses, églises par pays ou continents… n’est pas sans conséquence. Elle ouvre à la possibilité de réponses différentes selon les besoins des uns et des autres. Ce qui ébranle d’évidence le centralisme romain. Christoph Théobald commente : « Ce qui est en jeu c’est la difficile sortie d’une uniformisation post-Grégorienne (à partir du XIe siècle) et surtout “coloniale“ de l’Église latine, et le passage à sa différenciation géographique et culturelle. » C’est de fait tout l’enjeu d’un « synode sur la synodalité » dont François attend d’abord, plus que des réponses à telle ou telle question ponctuelle (célibat sacerdotal, place des femmes dans l’Église…) qu’il valide le principe d’une plus large autonomie des Églises particulières pour mieux répondre aux besoins, et en précise les modalités. (4) Pour Christoph Théobald, nul doute : « La synodalisation de l’Église est une véritable “révolution culturelle“ ». 

Un synode qui ne gomme aucune des « questions qui fâchent »

Difficile d’entrer ici dans une présentation exhaustive de l’ouvrage. Disons encore que Christoph Théobald ne tait aucune des interrogations et réticences suscitées par ce processus, nourries de la crainte, légitime, d’une mise en danger de l’Unité de l’Église voire même de l’intégrité du dépôt de la foi. Mais il souligne combien la conscience vive de ces « risques » traverse les documents préparatoires du synode eux-mêmes qui ont choisi de n’éluder aucune des « questions qui fâchent ». Y compris les conséquences possibles d’avancées pastorales pouvant interroger les fondements de la doctrine. Jamais, sans doute, l’institution elle-même ne s’était aussi ouvertement « mise en danger » en acceptant de tout mettre sur la table. Non pour se fragiliser ou pour « détruire l’Église » comme on l’entend ici ou là, mais au contraire en faisant le pari qu’éclairé par l’Esprit Saint le « peuple de Dieu » réuni autour de ses pasteurs, saura dépasser ses divisions et trouver des chemins d’avenir. « La synodalité est le chemin que Dieu attend de l’Église au troisième millénaire » disait déjà le pape François en 2015 dans son discours pour les 50 ans de l’institution synodale.

Former partout dans l’Église à la « conversation dans l’Esprit. »

Dès lors la manière de dépasser de possibles dissensions pour parvenir à un consensus, même provisoire au regard de la « longue marche » de l’Église, réside dans la « conversation dans l’Esprit » comme méthode de travail. C’est elle, nous rappelle le théologien, qui a prévalu aux différentes étapes du processus synodal. Comme à Rome où l’on a vu, par exemple, siéger à la même table de huit personnes (il y en avait une cinquantaine) une jeune femme et un cardinal de Curie, à égalité de temps de parole. Chacun s’exprimant successivement puis évoquant, lors d’un second tour, ce qu’il avait retenu de positif dans les interventions des autres, avant que ne s’engage un débat destiné à construire une position commune. Bref : la mise en œuvre d’un processus de conversion personnelle ouvrant sur la conscience commune des réformes à engager. Le décompte des votes de l’Assemblée d’octobre indique que la plupart des 273 scrutins ont été acquis à des majorités supérieures à 95% de participants : cardinaux, évêques et non-évêques, clercs et laïcs, hommes et femmes, venus des cinq continents. 

Sauf que l’expérience de 370 délégués réunis à Rome autour du pape, si riche soit-elle, n‘est pas immédiatement transmissible à 1,3 milliards de catholiques à travers le monde, s’ils ne font pas eux-mêmes l‘expérience de cette « synodalité ». D’où l’urgence paroissiale soulignée plus haut. Cette évidence conduit l’auteur à s’avouer incertain sur l’issue finale du Synode, compte tenu des réticences rencontrées. Et pourtant sa conviction semble bien assurée : « Ce n’est qu’en prenant au sérieux les résistances de divers niveaux (…) qu’on peut espérer que l’actuel processus synodal se transforme en voie de pacification, voire de réconciliation et de créativité au service de la présence missionnaire de l’Église dans nos sociétés et sur notre planète. » Et plus loin : « L’actuel processus synodal nous offre l’occasion inattendue (un Kaïros) de sortir d’une répétition stérile de ces oppositions.» 

Pour un « messianisme chrétien » renouvelé ?

Mais le livre de Christoph Théobald nous invite à aller plus loin encore dans la réflexion. Pour lui, il existe deux lectures possibles de la synodalité dans l’Église. « Soit elle s’inscrit – pour faire bref, comme une concession – dans la structure hiérarchique de l’Église qui domine le deuxième millénaire de son histoire, soit elle devient la base d’une nouvelle figure de l’ecclésialité chrétienne et catholique ajustée à notre contexte. » Or le contexte est précisément celui que François décrit comme un “Changement d’époque“ dont Vatican II n’a pas totalement pris la mesure, du moins dans sa mise en œuvre. Par incapacité à clarifier ou dépasser la distinction entre « pouvoir sacré » et « statut séculier », incapacité à s’ouvrir à un “messianisme chrétien“ de totale altérité vis-à-vis “de l’autre et de tous les autres“, autrement-croyants, qu’ils soient juifs, adeptes d’autres religions ou athées. Si la synodalité est invitation à “marcher ensemble“ c’est bien, in fine, à l’ensemble de l’humanité que s’adresse la proposition, invitation étant faite à chacun, quelles que soient ses convictions, d’entrer en dialogue, de prendre le temps de la rencontre, de l’écoute et du discernement au service de tous et de l’avenir de notre “maison commune : la terre. Quitte, pour le chrétien, à confesser en chemin Celui qui le fait vivre. Car c’est bien là la vocation ultime d’une Église dont nul ne connaît les contours… 

De l’inquiétude à l’espérance…

Que l’on me permette ici un ultime développement personnel. J’ai retrouvé, avec ce livre, l’émotion qui m’a saisi à vingt ans, à la lecture des premiers textes du Concile publiés par les éditions du Centurion, comme à l’été 2013, à celle de l’interview du pape François aux revues jésuites (5). J’y avais consacré un billet de ce blog titré : « Comme une lettre reçue quarante-cinq ans après », allusion à la clôture d’un Concile dont, avec d’autres, je me sentais orphelin. Or voilà que Christoph Théobald nourrit ici ma certitude que le pontificat de François est bien à lire comme dépassement de « la lettre » de Vatican II et inscription dans la fidélité du meilleur de l’Esprit qui le portait. Il cite cette phrase du bénédictin Ghislain Lafont : « Ma conviction est qu’avec Vatican II ce n’est pas d’une nouvelle réforme qu’il s’agit mais d’une nouvelle étape de l’histoire de l’Église qui a commencé. » 

Ceux qui lisent ce blog régulièrement savent combien mon adhésion au processus synodal engagé par le pape François s’accompagne depuis le début d’une réelle inquiétude. Elle porte pour une part sur l’inconnu des propositions qui seront formulées, à l’automne prochain, au terme de la seconde session de l’Assemblée synodale. Elle porte aussi sur les conclusions qu’en retiendra le pape François dans son exhortation apostolique qui aura, dès lors, valeur magistérielle. 

À dire vrai, mon inquiétude porte surtout sur la manière dont ce synode sera « reçu » au sens d’accepté, compris et loyalement mis en œuvre. Elle se nourrit du peu d’empressement perçu chez nombre de nos évêques et plus encore dans une frange non négligeable du clergé, souvent jeune, comme l’ont relevé bien des observateurs, en France et dans d’autres pays. Le paradoxe, dit avec des mots dont j’assume la subjectivité et peut-être l’injustice, étant de sentir l’action prophétique d’un pape possiblement freinée par des clercs nostalgiques d’une autre vision de l’Église, plus traditionnelle, proche d’un catholicisme identitaire voire simplement patrimonial. Ce pressentiment, chez moi, vient de loin. En 2018 je titrais déjà un article de ce blog : Le pape François sera-t-il le Gorbatchev de l’Église catholique ? c’est-à-dire plus admiré à l’extérieur qu’écouté parmi les fidèles. La question, pour moi, reste posée, tant sont nombreux ceux qui persistent à considérer que François n’aura été qu’un “mauvais moment à passer » avant de retrouver l’Église “de toujours“ bien assurée dans le sentiment de détenir – et elle seule – l’unique Vérité. Au regard d’une succession qui finira bien par arriver, je redoute moins un éventuel retour de balancier qu’une désobéissance généralisée. Pardon pour ceux que ce propos pourrait heurter.

Mon sentiment – ma crainte – était que la déception et le découragement de certains ne soient alors proportionnés à l’espérance nourrie en eux par le pontificat de Jorge Mario Bergoglio. Avec pour conséquence qu’ils prennent, après bien d’autres, le chemin d’un exil sans retour. J’en étais là il y a huit jours encore en ouvrant le livre de Christoph Théobald. J’ai trouvé à sa lecture un tel réconfort, une telle conviction que la vision de François était réellement prophétique pour faire entrer le catholicisme dans une ère nouvelle, qu’une forme de peur s’est dissipée. Parce que m’est apparue l’alternative possible à l’exil. Celle de communautés de croyants mettant en œuvre cette ecclésiologie “comme des grands“, avec ou sans leurs prêtres et leurs évêques, sans rien demander à personne mais en espérant tout ! « il faut même qu’il y ait des scissions parmi vous, écrivait saint Paul, afin qu’on voie ceux d’entre vous qui résistent à cette épreuve. »  (1, Cor 11,19).

René Poujol 

  1. Christoph Théobald, Un nouveau concile qui ne dit pas son nom ? Ed. Salvator, 2023, 192 p., 18 €.
  2. Commission théologique internationale, La synodalité dans la vie et la mission de l’Église. 1918. n°9. Texte consultable sur les site du Vatican. 
  3. Cardinal Hollereich, Conférence 15 novembre 2023 à Arlon (Belgique) Cathobel
  4. Comment ne pas projeter cette grille de lecture sur la tourmente présente autour de Fiducia supplicans ?
  5. Interview reprise dans le livre L’Église que j’espère. Flammarion/Etudes 2013, 240 p.

Source : https://www.renepoujol.fr/vatican-la-revolution-culturelle-selon-francois/

22/02/2024

MISSAK MANOUCHIAN, UN DESTIN EXCEPTIONNEL RACONTE PAR LES ARCHIVES

Missak Manouchian, un destin exceptionnel Missak Manouchian, un destin exceptionnel raconté par les archives

Missak et Mélinée Manouchian. Deux orphelins du génocide des Arméniens engagés dans la Résistance française (de Astrig Atamian, Claire Mouradian, Denis PeschanskTextuel, 192 pages, 39 €)

Deux cent cinquante documents, issus de fonds d’archives publics et privés, en France mais aussi au Liban, en Arménie, en Europe et aux États-Unis. Au moment de la panthéonisation de Missak Manouchian, accompagné de son épouse Mélinée, cet ouvrage permet de reconstituer avec précision leur trajectoire. Construit en quatre parties, il revient sur leur enfance, fauchée par le génocide des Arméniens qui fit 200 000 orphelins, suit leur engagement au sein de la mouvance communiste puis dans la lutte armée, avant d’éclairer le long processus qui a inscrit le poète arménien dans la mémoire collective.

En direct du PANTHEON: https://www.la-croix.com/france/direct-missak-manouchian-pantheon-pantheonisation-groupe-affiche-rouge-melinee-aujourdhui-20240221

 

CARÊME ET RAMADAN: MÊME DEMARCHE ? UNE RELIGIEUSE ET UN IMAM EN DEBATTENT.

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  • Sœur Juliette Ploquin religieuse xavière
  • Kalilou Sylla, imam de la Grande Mosquée de Strasbourg

Cette année, le Carême, qui a débuté ce mercredi 14 février, se superposera avec le Ramadan. À cette occasion, La Croix fait dialoguer la religieuse xavière Juliette Ploquin et l’imam de la Grande Mosquée de Strasbourg Kalilou Sylla sur le sens de cette période. Jeûne, prière, charité : les deux démarches partagent des points communs mais demeurent bien différentes.

Carême, Ramadan : même démarche ? Une religieuse et un imam en débattent

Soeur Juliette Ploquin et l’imam Kalilou Sylla, le 5 février -  Bruno Levy pour La Croix

entretien : Marguerite de Lasa et Héloïse de Neuville,

Deux temps précieux pour les croyants chrétiens et musulmans

Dans notre société plurielle où l’islam progresse et la culture religieuse recule, l’association se fait de plus en plus fréquemment : le Carême est assimilé au « Ramadan des chrétiens », et vice versa. Pour bon nombre de Français, ces périodes d’ascèse, de jeûne et de prière se ressembleraient, quitte à se confondre.

Pourtant, leur sens est bien différent. Nous avons voulu mettre en regard Carême et Ramadan dont les dates, cette année, se superposent en partie, pour comprendre comment catholiques et musulmans vivent aujourd’hui ce temps fort de leur vie de foi, leurs différences radicales, leurs influences possibles, mais aussi leur perméabilité aux tendances contemporaines. D’un côté, le Carême est une période privilégiée de conversion – « s’abaisser » en suivant le Christ jusqu’à Pâques –, de l’autre, le Ramadan apparaît comme une voie de progression personnelle – pour « monter d’un cran » dans sa ferveur de croyant…

Voilà quelques-unes des distinctions qui apparaissent dans le dialogue entre sœur Juliette Ploquin, religieuse xavière, et Kalilou Sylla, imam de la Grande Mosquée de Strasbourg. S’ils ne sont pas les ambassadeurs de leur religion respective, dont les courants et sensibilités sont multiples, tous deux sont, par leurs missions respectives et leur âge – moins de 40 ans –, des observateurs privilégiés de la manière dont les jeunes catholiques et musulmans se réapproprient ces temps forts de leur religion.

La Croix : Dans notre société où la culture religieuse recule, Carême et Ramadan ont de plus en plus tendance à être associés. Que représentent-ils dans vos religions respectives ?

Sœur Juliette Ploquin : Le Carême est la période des quarante jours qui précèdent Pâques. Ce sont quarante jours de préparation, de jeûne, de conversion pour préparer son cœur à la plus grande fête des chrétiens, la résurrection du Christ. Au sens strict, le mercredi des Cendres et le Vendredi saint sont des jours de jeûne. Pendant le reste du Carême, nous sommes invités à nous priver de ce qui est superflu, et à porter une attention particulière à la vie spirituelle. Et puis, nous essayons de nous tourner à la fois vers Dieu et vers l’autre, notamment les pauvres, malades ou souffrants. Personnellement, c’est un temps qui m’aide à faire un travail de relecture et de discernement, pour demander dans la prière : Seigneur, là où j’en suis aujourd’hui, quelle est la conversion à laquelle tu m’appelles ?

Kalilou Sylla : Le Ramadan est le nom du neuvième mois du calendrier lunaire, utilisé par les musulmans dans leur pratique religieuse. À ce mois est associée une adoration particulière : le jeûne, qui constitue l’un des cinq piliers de l’islam. Le jeûne consiste à s’abstenir de manger, de boire et d’avoir des relations intimes de l’aube au coucher du soleil. Pendant le mois du Ramadan, cette obligation s’appuie sur la deuxième sourate du Coran où Dieu dit : « Ô vous qui avez cru, nous avons prescrit le jeûne, comme on l’a prescrit aux communautés qui vous ont précédés. Ainsi, peut-être atteindrez-vous la piété. »

Dans le Ramadan, l’effort de privation semble vraiment physique, tandis que dans le Carême, il se joue peut-être quelque chose de plus immatériel. Qu’en pensez-vous ?

K. S. : Quand on parle du jeûne du Ramadan, on fait généralement allusion à l’obligation légale du Coran, mais cette période comporte aussi une vraie dimension spirituelle : un jeûne intérieur. Des courants de l’islam ont tendance à appuyer sur cet aspect technique et prescriptif. Or jeûner c’est bien, mais jeûner avec un objectif, en sachant quelle interprétation on donne à cette privation, c’est mieux.

Nous savons que nous n’allons pas manger ni boire, mais nous tentons aussi de nous détourner de tout ce qui n’est pas Dieu et de nous connecter le plus possible à notre Seigneur. Il s’agit donc vraiment de dépasser le seul jeûne technique, pour aller vers quelque chose de beaucoup plus spirituel. En écoutant votre définition du Carême, j’ai le sentiment qu’on pourrait presque l’utiliser comme définition du jeûne spirituel dans l’islam.

Y a-t-il un modèle à suivre pendant le Ramadan ?

K. S. : Pendant le Ramadan, nous disons que l’idée est de prendre exemple sur les anges, qui ne mangent pas, ne boivent pas, n’ont pas de relations intimes, et passent leur temps à adorer Dieu. Nous avons cette recommandation de multiplier les actes de bienfaisance et particulièrement de lire le Coran – qui a été révélé pendant le Ramadan au prophète Mohammed – que nous pouvons lire entièrement pendant tout le mois.

Sœur Juliette, ces dernières années l’ascèse retrouve un certain succès chez les catholiques. Faut-il y voir une influence du Ramadan ?

S. J. P. : Il peut y avoir une tendance chez les chrétiens à se dire que le Carême est uniquement spirituel, qu’on peut donc mettre de côté tous les efforts concrets. Je pense que, sur ce sujet, les musulmans viennent en effet nous interpeller. Voir des amis musulmans qui, eux, font le Ramadan sans la pudeur que nous avons parfois comme catholiques, interpelle les chrétiens qui peuvent se demander : « Et moi ? Qu’est-ce que c’est, mon Carême ? »

J’ai l’impression qu’aujourd’hui, certains jeunes redécouvrent ce temps, avec une soif de pratiques concrètes et parfois radicales : temps de Carême de 90 jours, jeûne d’alcool ou de viande, douches froides…

Le Carême est un chemin vers la plus grande fête chrétienne, la résurrection du Christ. Quelle est la perspective du Ramadan ?

K. S. : Le Ramadan est la période qui nous permet de « monter d’un cran ». C’est aussi le mois qui permet de renforcer l’éducation spirituelle, dans laquelle doit se lancer tout croyant pendant sa vie : l’objectif est de se purifier autant que possible des défauts spirituels – comme la haine, la méchanceté, l’envie, l’avarice – pour se rapprocher autant que faire se peut de l’excellence – « al-ihsân » – ou du bel-agir, c’est-à-dire la meilleure manière de faire les choses. L’idée est de dompter son ego.

Pendant cette période, la dimension de progression est très présente : beaucoup de jeunes tiennent d’ailleurs une sorte de calendrier pour noter les passages du Coran qu’ils lisent chaque jour, le nombre de prières qu’ils font… Il s’agit vraiment de mettre les bouchées doubles, de recharger ses batteries pour garder la même constance toute l’année. Et monter encore d’un cran l’année suivante.

L’objectif du Carême est-il également d’atteindre une forme de virtuosité religieuse ?

S. J. P. : La notion de virtuosité est piégeuse : dans la foi chrétienne, pour progresser, il faut commencer par s’abaisser. Je crois que nous sommes plutôt invités à reconnaître nos péchés et à faire l’expérience de la dépendance totale à Dieu. La dimension de vertu morale – même si elle est présente – me semble presque secondaire.

Pendant le Carême, nous partons avec le Christ traverser ce qu’il a vécu : les quarante jours dans le désert, la Semaine sainte qui s’ouvre lorsque Jésus entre dans Jérusalem, puis nous faisons tout le parcours avec lui jusqu’à sa Passion, sa mort et sa résurrection. C’est une façon d’inscrire dans notre temps et dans notre chair le cœur de la foi chrétienne. Cette notion de progression est présente et, en même temps, elle ne va pas sans la grâce. C’est-à-dire que, quels que soient nos efforts, ce n’est pas nous qui nous sauvons, c’est le Christ qui nous sauve par sa mort et sa résurrection.

Aujourd’hui, ces formes de jeûne peuvent être assimilées à des pratiques de développement personnel qui se multiplient en dehors des religions traditionnelles. Le Carême et le Ramadan suivent-ils ces logiques ? S’agit-il de devenir la meilleure version de soi-même ?

S. J. P. : Effectivement, c’est une tendance très volontariste qu’on observe parfois chez des jeunes chrétiens. Pourtant je crois qu’être chrétien, ce n’est pas vouloir devenir la meilleure version de soi-même, mais chercher à ce que le Christ vive en nous. Cela signifie mourir à soi-même et, en un sens, c’est l’opposé du développement personnel. Dans le développement personnel, on est soi-même son propre but : on va se ciseler un corps parfait, une âme forte, etc. Or ce qui est fondamental, c’est la relation à Dieu.

Il est nécessaire de discerner ce qui est bon pour nous pour approfondir cette relation, et ne pas tomber dans la tentation de la toute-puissance ou de la maîtrise absolue. Parce que le Christ que nous suivons est tout-puissant, mais pas de la manière dont on l’imagine : c’est la toute-puissance de l’amour qui passe par l’humilité et le don de soi.

Kalilou Sylla, que vous inspire cet objectif de devenir « la meilleure version de soi-même » ? Pendant le Ramadan, n’est-ce pas ce que l’on recherche ?

K. S. : J’ai envie de dire si ! (Rires.) Nous nous fondons sur des textes importants pour nous, dans lequel le prophète dit : « Dieu a prescrit l’excellence en toute chose. » Dans la tradition musulmane, Dieu nous a donné un cadre et, en fonction du contexte, de la place qui est la nôtre, chacun doit essayer d’être, autant qu’il lui est possible, le meilleur qu’il peut. Jusqu’à parvenir à l’excellence dans la manière de vivre.

Nous devons vivre comme si nous voyions Dieu – « car si tu ne Le vois pas, Lui, Il te voit », dit la tradition prophétique. Mais malgré tous nos efforts, nous savons que nous n’aurons jamais fait tout ce qui est nécessaire et qui sied à la majesté divine.

Le Carême et le Ramadan sont deux périodes qui peuvent être éprouvantes. Qu’y trouvez-vous de gratifiant ?

S. J. P. : C’est de faire l’expérience que cela me rapproche de Dieu. La liturgie catholique est vraiment magnifique pour cela : nous progressons de dimanche en dimanche, pour creuser ce désir de Dieu qui est très fort, et finalement arriver à Pâques. J’ai en tête une image amoureuse : pendant quarante jours je l’attends, je l’attends, je l’attends… Et enfin, à Pâques, il est là, c’est incroyable, c’est la fête.

Pendant tout le Carême, dans la liturgie catholique, nous ne chantons jamais l’Alléluia, parce que c’est un temps de pénitence. Et à la vigile pascale, pendant la nuit, nous vivons cette messe très longue où nous relisons toute l’histoire du salut. Et enfin, on entend le premier Alléluia qui résonne depuis quarante jours. Que c’est beau de pouvoir chanter Dieu ! C’est vraiment la vie qui revient.

K. S. : Je rejoins un peu ce que dit sœur Juliette : pendant le Ramadan, nous prenons conscience qu’une autre vie est possible. Nous voyons que nous avons la capacité de vivre autrement, de nous priver d’un certain nombre de choses. À la fin du mois, on se rend compte qu’on a fait énormément d’efforts. Alors pourquoi ne pas poursuivre ?

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Deux animateurs tournés vers les jeunes

Sœur Juliette Ploquin a 36 ans, elle est entrée dans la vie religieuse il y a huit ans. Xavière, elle vit actuellement en communauté à Créteil, suit des études de théologie et participe à animer le réseau Magis, qui regroupe des jeunes de 18 à 35 ans. Cette année, elle a participé à élaborer un calendrier de Carême pour les jeunes.

Kalilou Sylla a 28 ans, il est imam de la Grande Mosquée de Strasbourg. Originaire de Sevran (Seine-Saint-Denis), il est parti après son bac étudier la théologie musulmane à l’Institut Mohammed-VI de formation des imams, au Maroc. Dans le cadre de ses fonctions d’imam, il a lancé les assises de la jeunesse, des séances hebdomadaires d’échanges avec les jeunes.

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09/02/2024

MORT DE ROBERT BADINTER : QUAND l'ANCIEN GARDE DES SCEAUX S'OPPOSAIT FERMEMENT A L'EUTHANASIE

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Robert Badinter est mort dans la nuit du 8 au 9 février, à 95 ans. « La vie, nul ne peut la retirer à autrui dans une démocratie », avait affirmé, en 2008 l’ancien garde des sceaux devant une mission sur la fin de vie à l’Assemblée nationale.

  • Pierre Bienvault, 

Mort de Robert Badinter : quand l’ancien garde des sceaux s’opposait fermement à l’euthanasie

C’est une phrase prononcée en 2008 qui est restée ancrée dans la mémoire des opposants à l’euthanasie. Régulièrement, ils la brandissent en rappelant que celui qui l’a prononcée est le ministre ayant aboli la peine de mort en France. « La vie, nul ne peut la retirer à autrui dans une démocratie », a dit Robert Badinter le 16 septembre 2008 à l’Assemblée nationale devant une mission sur la fin de vie, placée notamment sous la responsabilité du député Jean Leonetti. « Ma position fondamentale, bien connue, est simple et catégorique : le droit à la vie est le premier des droits de tout être humain – c’est le fondement contemporain de l’abolition de la peine de mort – et je ne saurais en aucune manière me départir de ce principe. Tout être humain a droit au respect de sa vie, y compris de la part de l’État, surtout en démocratie », avait ajouté l’ancien garde des sceaux.

:Cette mission sur la fin de vie intervenait trois ans après le vote de la loi Leonetti du 22 avril 2005 qui avait notamment interdit l’obstination déraisonnable. L’objectif de la mission de l’Assemblée nationale était de voir s’il convenait d’apporter des compléments à ce texte législatif. Elle avait été mise en place après le suicide en mars 2008 de Chantal Sébire, une enseignante atteinte d’une tumeur incurable au visage, qui avait réclamé une aide active à mourir.

En réponse à une forte émotion de l’opinion, des voix s’étaient fait entendre pour réclamer l’instauration d’une « exception d’euthanasie ». De manière concrète, certains réclamaient qu’un comité puisse réfléchir sur les cas difficiles, à la demande du malade, de son entourage ou du médecin, pour se prononcer sur le caractère licite ou non de la demande d’euthanasie.

C’est dans ce contexte que Robert Badinter, alors sénateur socialiste des Hauts-de-Seine, avait été auditionné. Il avait d’abord souligné que le droit pénal n’a pas uniquement une « fonction répressive » mais aussi « expressive ». À ce titre, « il doit traduire les valeurs d’une société », avait estimé l’ancien président du Conseil constitutionnel, avant d’ajouter que cela faisait soixante ans qu’il entendait parler du débat sur l’euthanasie. « Dans ce débat qui se poursuit depuis si longtemps et qui n’est pas près de s’arrêter, ma position est celle que je viens d’évoquer : fournir à autrui des moyens de se donner la mort, ce n’est pas donner la mort, c’est prêter la main à un suicide. Autre chose est le fait de donner la mort à autrui parce qu’il la réclame et pour ma part, je n’irai jamais dans cette direction », avait martelé Robert Badinter.

L’ancien ministre de la justice s’était opposé à l’instauration d’un comité chargé d’étudier les demandes exceptionnelles d’euthanasie. « Je ne concevrais pas qu’un comité puisse donner une autorisation de tuer (…). Je ne concevrais pas que, dans notre pays, dans notre démocratie, on délègue cette décision à des personnes qui ne sont pas médecins ou soignants, qu’on demande à des tiers d’apprécier et de donner une autorisation de procéder à une injection létale ou à un autre processus quel qu’il soit d’euthanasie », avait affirmé Robert Badinter. « Si on légalise l’exception d’euthanasie, vous aurez des zones d’ombre. Au sein d’une famille, certains diront : “Non, grand-mère ne voulait pas mourir !”, et d’autres : “Si, elle m’a dit qu’elle voulait mourir !” Il m’est arrivé de connaître de telles situations et d’entendre de tels propos. »

Tout en disant son refus de l’acharnement thérapeutique, Robert Badinter avait exprimé son soutien au développement des soins palliatifs et au respect des volontés du malade dûment informé. « Je ne défends pas du tout une vision stoïcienne ou extrêmement religieuse, selon laquelle la souffrance fait partie de la condition humaine (…) ! Tel n’est pas du tout mon état d’esprit, avait-il assuré. En revanche, je soutiendrai toujours que la vie d’autrui n’est à la disposition de personne. Dans le cadre de la fonction médicale, cela s’inscrit d’une façon différente. Et je rappelle que chacun est libre, dans la mesure où il a la capacité de choisir, de décider de sa fin et de se suicider. »

24/01/2024

JOURNEE INTERNATIONALE DE LA FRATERNITE HUMAINE

Pour la journée internationale de la Fraternité humaine, le GAIC vous invite à des chants chrétiens et musulmans, dimanche 4 février 2024 à 14h30, église N-D d'Espérance, 75011 PARIS

Pour la journée internationale de la Fraternité humaine,

le Groupe d'Amitié Islamo-Chrétienne (GAIC) vous invite

dimanche 4 février 2024 à 14h30

Eglise Notre Dame d'Espérance
47 rue de la Roquette
75011 PARIS

Chants religieux chrétiens et musulmans

interprétés par Murielle CHEVALIER et Mohamed RASSANI

 

TRIBUNE DE LA MISSION DE FRANCE SUR LA LOI "IMMIGRATION"

Migrations, hospitalité et espace commun

photo-manifestation contre la loi immigration (2).jpg

Les migrations sont un des phénomènes les plus anciens qui soient. Elles sont liées aux conflits de pouvoir, à la violence, aux conditions climatiques, à l’alimentation, à l’espérance d’une vie meilleure. La mondialisation accélère tant de choses, et les mouvements migratoires n’y échappent pas. Structurée par l’échange économique, la société occidentale veut les filtrer sur ce seul registre, négligeant d’autres formes d’échanges comme la culture, la santé, la connaissance ou les pratiques environnementales plus respectueuses et moins extractives. Installée sur un mode de vie confortable et énergivore, elle a souvent la mémoire courte oubliant qu’elle tient son aisance de racines plus lointaines comme la traite négrière, l’expansion coloniale, l’appel à de la main-d’œuvre bon marché pour ses usines, pour des emplois aux conditions de travail pénibles dont les occidentaux ne veulent plus.

Toute forme d’émigration, volontaire ou contrainte, provoque des séparations, des exodes et des déchirements. En pratiquant l’hospitalité, ce n’est pas la misère du monde, qui est accueillie mais des hommes et des femmes qui ont quitté leur terre familière et pris le chemin de l’exil pour de multiples raisons dont nous ne pouvons nous dédouaner si nous avons un minimum conscience de l’origine de nos richesses. Ce parti pris nous oblige à considérer la possibilité d’établir un espace commun juste. Un espace commun qui rend possible la dignité de tous, avec des droits et des devoirs semblables, sans lesquels aucun apaisement social ne sera possible. Avec le recul, observons que notre société est le fruit de métissages successifs, souvent douloureux, que le temps a apaisé après deux ou trois générations. C’est une tragique erreur de penser une loi immigration de plus sur le registre du rempart et de la barricade hostile. Puisque la République française affiche fièrement la fraternité sur le fronton de ses mairies, quel espace commun durable pourra s’établir avec celles et ceux qui nous demandent l’hospitalité ?

Chrétiens, engagés avec la Mission de France, nous n’avons jamais considéré que la religion nous mettait à part des inquiétudes et des défis contemporains. Au contraire, nombreux sommes-nous à être investis dans l’espace commun de la citoyenneté, de la fraternité avec quiconque, que ce soit avec des personnes migrantes ou en difficultés sociales et familiales. Certes, les fondamentalismes religieux sont un grave problème que nous devons mieux appréhender et mieux combattre. Mais nous ne pouvons nous résoudre à ce que des lois soient votées sur la stigmatisation de l’étranger, attisée par la peur et la suspicion. Immenses sont les drames dans leurs vies, et pourtant, ils ne cessent de croire possible un avenir plus juste, voulant contribuer à la société dans laquelle ils prennent part. Lors de son voyage à Marseille, le Pape François nous rappelait que « trop de personnes fuyant les conflits, la pauvreté et les catastrophes environnementales trouvent dans les flots de la Méditerranée, [dans le froid des montagnes] le rejet définitif d’un avenir meilleur ». Dans nos sociétés qui se replient, celles et ceux qui affrontent des risques démesurés, se voient refuser les droits de toute personne résidant en France, relégués au statut de citoyen de seconde zone. Ces hommes, ces femmes et ces enfants, souvent stigmatisés, le deviennent encore davantage suite au vote de la loi immigration. Aujourd’hui, quelques-uns sont reconnus du fait de leur apport réel ou potentiel à la richesse nationale, les autres sont criminalisés.

La spiritualité nous appelle à un regard sur la vie qui dépasse les frontières nées des circonstances historiques, des conditions sociales ou des traditions culturelles et religieuses. Porteurs d’un regard spirituel, nous considérons que tout homme, toute femme ont une dignité qui dépasse leur situation économique et professionnelle, leur âge ou leur nationalité. Et pour nous chrétiens, ils sont des frères et sœurs aimés de Dieu.

La présence des personnes migrantes doit nous aider à redire les fondamentaux de la société que nous voulons. Peut-on se résoudre à la clandestinité d’hommes et de femmes qui travaillent et n’auraient pas accès aux soins, à la nourriture, au logement et à l’instruction ? Peut-on penser qu’une société si attachée à l’égalité fasse le tri entre ses membres, sans leur donner les moyens de contribuer positivement à l’espace commun national et européen.

Nous croyons de toutes nos forces que l’hospitalité est préférable à l’hostilité.

Nous croyons de toutes nos forces que des lois préservant la dignité de chacun vivant sur notre sol contribuent à vivre ensemble plus pacifiquement.

Nous croyons de toutes nos forces qu’un espace commun plus juste et plus fraternel sera plus fécond dès maintenant et pour les générations futures.

au nom de la Mission de France

Hervé Giraud, évêque-prélat 

Henri Védrine, Vicaire général

Anne Soncarrieu, Déléguée générale

LOI IMMIGRATION - PRISE DE PAROLE DE LA MISSION DE FRANCE

www.missiondefrance.fr 

SEMAINE DE L UNITE DES CHRETIENS - 18 AU 25 01 2024

"TU AIMERAS LE SEIGNEUR TON DIEU… ET TON PROCHAIN COMME TOI-MÊME"

Les chrétiens sont appelés à agir comme le Christ en aimant comme le Bon Samaritain, en montrant de la pitié et de la compassion pour ceux qui sont dans le besoin quelle que soit leur identité religieuse, ethnique ou sociale. Ce qui doit nous inciter à venir en aide aux autres, ce n’est pas l’identité commune, mais l’amour de notre «prochain».

Toutefois, la vision de l’amour de notre prochain que Jésus nous présente est battue en brèche dans le monde d’aujourd’hui. Guerres dans beaucoup de régions, déséquilibres dans les relations internationales et inégalités causées par les ajustements structurels imposés par les puissances occidentales ou par d’autres agents extérieurs inhibent notre capacité d’aimer comme le Christ. C’est en apprenant à s’aimer les uns les autres au-delà de leurs différences que les chrétiens peuvent devenir des « prochains », comme le Samaritain de l’Évangile.

https://unitedeschretiens.fr/semaine-de-priere-pour-unite-chretiens/materiel-a-telecharger-2024/

 

19/01/2024

JOURNEE INTERNATIONALE DE LA FRATERNITE HUMAINE

                                                                     GROUPE D'AMITIE ISLAMO-CHRETIENNE

Croyants chrétiens et musulmans pour contribuer au développement d'une meilleure connaissance mutuelle et promouvoir les valeurs éthiques et spirituelles communes à l'islam et au christianisme.

                     COMMUNIQUE DE PRESSE
                     Journée internationale de la fraternité humaine
                     Présentation du baromètre de la fraternité

Lors de son assemblée générale de décembre 2020, l’ONU a décidé d’instaurer une Journée internationale de la fraternité humaine, célébrée chaque année le 4 février. Avec une ambition forte : « Encourager les activités destinées à promouvoir le dialogue entre les religions et les cultures de manière à renforcer la paix et la stabilité sociale, le respect de la diversité et le respect mutuel et à créer […] un climat propice à la paix et à la compréhension mutuelle ».
L’édition 2022 du baromètre de la fraternité, publié en sortie de crise sanitaire, confirmait une dégradation générale du ressenti des Français vis-à-vis de leurs pays, avec seulement 54% des Français d’entre eux qui considéraient la France comme un pays de fraternité, 43% comme un pays d’égalité et 59% comme un pays respectueux des différences.
Quid aujourd’hui ? Dans un contexte particulièrement tendu, tant au niveau international, notamment au Proche-Orient, que dans notre pays, avec, notamment, le vote de la loi « Asile et immigration », l’invisibilisation des plus précaires accentuée pour les Jeux Olympiques, la fraternité est plus que jamais mise à l’épreuve.
Des acteurs* associatifs, représentants des cultes ou responsables d’ONG et d’institutions, confessionnelles ou non, engagées dans l’action solidaire et éducative, soucieuses de bâtir ensemble un monde fraternel et durable ont souhaité répondre à cette résolution de l’ONU en célébrant collectivement cette journée internationale de la fraternité humaine le dimanche 4 février 2024.
Pour eux, « l’engagement pour la fraternité doit être l’affaire de toutes et tous. Il concerne chaque citoyen de notre pays, quel que soit son âge, son origine, sa culture, son milieu social, sa religion ou ses convictions philosophiques. » C’est pourquoi ils souhaitent que leur appel rejoigne les plus exclus et les plus fragiles. Qu’il rejoigne aussi les jeunes à travers les écoles, les collèges, les lycées, les centres sociaux et tous les mouvements d’éducation populaire.
Ils entendent ainsi s’associer à toutes les initiatives (marches, colloques, fêtes, rencontres, célébrations…)
qui auront lieu à travers le monde pour célébrer cette journée et sensibiliser le plus grand nombre à l’urgence de la fraternité.
À cette occasion sera publiée la 6ème édition du Baromètre de la fraternité, piloté par le Labo de la fraternité en lien avec l’IFOP. Il sera cette année focalisé sur la mise en lumière de nouveaux leviers de fraternité.
Pour vous présenter les initiatives du collectif et pour célébrer le 4 février à la lumière des résultats du Baromètre de la fraternité 2024, nous vous invitons à une conférence de presse, suivie d’un déjeuner
                                              Mercredi 31 janvier 2024 à 12h
                                    à la Maison de la Conversation - 12 Rue Maurice Grimaud, 75018 Paris
Contact presse pour le Baromètre de la fraternité 2024 :
Sofiene Harabi 06 38 03 20 60
Eloi Deschamps 07 70 56 40 50
Laure Celier 06 66 02 51 34
Contacts presse pour le collectif du 4 février « Pour que la fraternité soit l’affaire de toutes et tous » :
Agnès Willaume - 06 87 84 79 61
Laurent Grzybowski - 06 83 04 81 31
Site Appel 4 février : fraternitéhumaine4fevrier.fr
Site Labo de la Fraternité : www.labodelafraternité.fr
Mél : fraternitehumaine4fevrier@gmail.com

* Liste des contributeurs à la 6eme édition du baromètre et/ou des signataires de l’appel « pour que la fraternité soit l’affaire de toutes et tous » - cette liste est susceptible d’évoluer d’ici le 31/01.
Action Catholique des Enfants (ACE)
Activ’Action
Agir pour la fraternité - paris 15
Amitié Judéo Musulmane de France- Paris
Bleu Blanc Zèbre
CCFD – Terre Solidaire
Chrétiens de la méditerranée
Citizen Corps
Coexister
Conférence mondiale des Religions pour la paix - France
Coordination Interreligieuse et Interconvictionnelle du Grand Paris
Démocratie et Spiritualité
Droits devant !!
Ensemble avec Marie
Entourage
Entraide Asnières Bois-Colombes
Fabrique Spinoza
France Fraternités
Fraternité d'Abraham
Fraternité séculière Charles de Foucauld
Groupe d’Amitié Islamo Chrétienne
Institut de Science et de Théologie des Religions – ISTR Paris
Kawaa
La Fabrique du Nous
La Maison de la Conversation
La Vie Nouvelle
Les petites Cantines
Observatoire Pharos
Œuvre d'Orient
Pacte civique
Pax Christi
Saint merry
Scouts et Guides de France
Secours Catholique - Caritas France
Secrétariat général de l'enseignement catholique
Service national des relations avec les musulmans (Conférence des évêques de France)
Social Bar
Société Saint Vincent de Paul
Yes We Camp

"JE PENSAIS VIVRE DANS UN PAYS ..."

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GAUVAIN SERS est né le 30 octobre 1989 à Limoges. Cest un auteur-compositeur-interprète français

 

18/01/2024

LE TOURNANT

mobile-logoPhoto : Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons - cc-by-sa-3.0, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Photo : Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons – cc-by-sa-3.0CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Ce titre pourrait viser le remaniement du Gouvernement et emboîter le pas à bien des analystes qui commentent un « tournant à droite ». Mais, si ces petites affaires politiques agitent beaucoup le marigot politico-médiatique, les Français et les Françaises, si l’on en croit les sondages, haussent un peu les épaules, apprécient quelques nouveautés, dont la jeunesse du Premier ministre, et attendent pour voir… Ce que nous allons faire aussi.

Non, si tournant il y a, c’est du côté d’une institution beaucoup plus ancienne que la Ve République, à savoir l’Église catholique. Depuis son élection voilà presque onze années, le pape François nous avait marqués par un évident changement de style, observable dès la première minute de son pontificat. Tous les signes et symboles de la puissance et du pouvoir étaient subvertis afin de redonner à la papauté des atours et des usages beaucoup plus évangéliques. En cette matière, François n’a pas épargné sa peine. Il nous a étonnés en nous demandant dès le premier soir de prier pour lui, nous a émus en jetant une couronne de fleurs à la mer à la mémoire des migrants engloutis en Méditerranée, nous a fait rire avec sa diatribe sur les maladies de la Curie… Ses textes sur la fraternité, sur l’écologie ont fait date. Mais, jusque-là, on pouvait à raison se demander ce qui resterait de son pontificat. La Rome catholique, héritière de la romanité antique, est une institution juridique. Ce qui compte, ce ne sont pas tant les gestes et les paroles que les textes. Il ne suffit pas de parler, il faut « graver ». Alors, oui, François avait dit, à propos des personnes homosexuelles, « qui suis-je pour juger », des mots qui faisaient du bien mais qui n’engageaient que lui.

La Déclaration Fiducia supplicans, elle, entre dans le corpus des textes officiels. Toute timide qu’elle soit, elle est gravée, et c’est bien pourquoi elle soulève une telle levée de boucliers de la part des gardiens du temple.

La question qui se pose désormais est la suivante : François ira-t-il plus loin ? A-t-il franchi le Rubicon, est-il prêt à toucher sinon à la doctrine – quoique –, du moins à la discipline ? Le séisme qu’il a provoqué est-il un tournant ou un faux pas, le premier acte d’une stratégie ou une erreur d’appréciation ? La suite nous le dira…

Christine Pedotti