Premiers jours de septembre, l’été flambe encore et pourtant les écoles, collèges et lycées rouvrent leurs portes. La question de l’école et de ses missions envahit les conversations et l’actualité. Éducation, instruction, ordre et autorité, autonomie, liberté, laïcité, tous ces mots se bousculent, avec pour la plupart d’entre nous une part de nostalgie, comme celle du poète René Guy Cadou : « La vieille classe de mon père, / Pleine de guêpes écrasées, / Sentait l’encre, le bois, la craie […] » À l’aube de l’école obligatoire de Jules Ferry, voilà presque un siècle et demi, il fallait arracher les enfants aux travaux des champs pour les asseoir sur les bancs de l’école, leur apprendre à lire, écrire, compter, leur enseigner un peu d’histoire et de géographie pour en faire des citoyens « éclairés » ; le rêve des Lumières pour tous et toutes.
Depuis lors, les missions de l’école se sont comme empilées, peut-être parce que former un citoyen ou une citoyenne est une opération de plus en plus complexe. Il faut certes, toujours, et d’abord, lire, écrire et compter, mais le champ des savoirs est de plus en plus vaste. Faut-il être savant en mathématiques, en latin, en droit, en informatique ? L’enseignant, qui est souvent une enseignante – 70 % en moyenne et 86 % en primaire –, est-il un maître, celui qui sait, un pédagogue, celui accompagne, un éducateur, celui qui conduit vers le dehors – vers l’autonomie de jugement ?
On voudrait que l’école forme sans formater, qu’elle donne un socle commun sans uniformiser, qu’elle assure et restaure l’égalité tout en fournissant les futures élites de la nation. Et, même si ce n’est pas une consolation, il est illusoire de penser que « ça va mieux ailleurs ». Partout dans le monde, et tout particulièrement dans les pays développés, l’école est en crise. Et si les « modèles » asiatiques semblent plus performants, c’est au prix de contraintes extrêmes exercées sur la jeunesse, lesquelles génèrent des niveaux de stress qui peuvent conduire au suicide élèves et enseignants.
Ajoutons que l’école est aussi le lieu de socialisation par excellence, celui où l’on échappe à l’emprise du milieu familial, où l’on construit entre pairs une culture générationnelle.
C’est un peu la quadrature du cercle, mais ça en vaut la peine, alors, à tous et toutes, enseignants et élèves, bonne rentrée.
Christine Pedotti