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23/03/2023

QU'EST-CE QUE LE RAMADAN ?

    CLIC ... https://youtu.be/7JbKT8ik7xs

S’il devait identifier une différence entre sa manière de vivre le Ramadan et celle de ses parents, Mohammed parlerait de la nourriture. Au moment de la rupture du jeûne, après le coucher du soleil et la prière de Maghreb, ses parents préparent une table garnie de nombreux plats traditionnels – chorba (1) ou bricks – symbole d’un moment de grande convivialité et de partage vécu en famille pendant ce mois « béni » en islam.

Mais Mohammed, lui, accorde moins d’importance à l’abondance du repas. Le jeune homme de 28 ans voudrait se contenter du minimum pour pouvoir jeûner le lendemain, et préfère éviter de manger trop gras ou trop sucré. « C’est un moment où le corps peut se purifier, et c’est dommage de le gâcher avec une mauvaise alimentation », estime ce sportif. Pour lui, le Ramadan est une sorte d’entraînement spirituel, qui se vit aussi bien dans son corps que dans son âme. Il s’est fixé un objectif : lire entièrement le Coran en arabe. Chaque année, il a le sentiment de sortir de ce temps « purifié », d’être « plus proche de Dieu et de son coran ».

Pendant le Ramadan, qui débute jeudi 23 mars, s’exprime chez les nouvelles générations de musulmans un recentrage sur la dimension spirituelle du jeûne, le souci d’une alimentation plus saine et sobre, ainsi qu’un effort d’organisation optimale pour atteindre ses objectifs spirituels. Cette subtile évolution traduit l’ascension sociale de jeunes générations de musulmans dont les aspirations se mêlent à celles des classes moyennes et supérieures, mais surtout - chez certains - le passage d’un islam culturel à un islam plus spirituel et intériorisé.

« Une expérience spirituelle »

« On observe une sorte d’embourgeoisement d’une partie des populations musulmanes en France, liées à des trajectoires d’ascension sociale, par rapport à la génération de primo-arrivants qui était majoritairement issue de classes populaires », explique Sarah Aïter, doctorante en sociologie politique et spécialiste de l’islam. « La génération suivante, qui a davantage accès à l’éducation et aux études supérieures, adopte les modes de consommation de la société majoritaire », décrit-elle. Ce souci d’une alimentation saine pendant le Ramadan se décline ainsi le reste de l’année par le développement d’une demande de produits halal éthiques, voire bio.

Le rapport à la religion, lui aussi, évolue. « Pour la génération précédente, l’islam représente un héritage culturel qui n’a pas forcément été réinterrogé personnellement et intimement », développe Sarah Aïter. Parmi les plus jeunes, certains vivent encore leur religion sur un mode identitaire, ou se focalisent sur l’observation stricte des rites. « Mais une partie de la nouvelle génération a un souci de spiritualité beaucoup plus fort. Pendant le Ramadan, il ne s’agit pas seulement de jeûner et de faire une belle table, mais de vivre une expérience spirituelle. »

Cette situation se retrouve chez Emira, lycéenne de 17 ans à Strasbourg. Sa mère, tunisienne, jeûne la journée, cuisine deux heures toutes les après-midi pour préparer l’iftar (2), et réveille ses filles avant le lever du soleil pour qu’elles fassent leur prière, mais elle-même ne prie pas. Sa fille, Emira, s’efforce, elle, de faire toutes ses prières à l’heure et se rend à la mosquée le soir après la prière de ichaa, pour effectuer les tarawih, prières nocturnes surérogatoires, autrement dit non obligatoires. « Pour les nouvelles générations de musulmans, je n’hérite pas seulement de l’islam, je le rechoisis, précise Sarah Aïter. Il y a une volonté de redonner un sens aux pratiques. »

« Le mois du contrôle de soi »

Le Ramadan est ainsi vécu comme le mois du changement, celui de l’examen spirituel et de conscience. « Vous avez un mois pour changer vos habitudes », disent souvent les imams dans les mosquées, rapporte Sarah Aïter. Oussama, 23 ans, étudiant à Strasbourg, attend ce mois-là avec impatience. C’est le moment où il tourne la page de l’année précédente et prend de bonnes résolutions. « C’est une renaissance », décrit-il. « Notre corps se débarrasse des impuretés, on essaie de se passer du superflu, de ne penser qu’à Dieu, aux bonnes actions et d’être attentif aux autres. C’est le mois du contrôle de soi », poursuit celui qui prévoit de débrancher ses réseaux sociaux et s’est fixé un programme de lecture du Coran.

De fait, le souci d’organisation est particulièrement présent dans les préparatifs de ce temps très exigeant. Oussama va s’efforcer de concilier les prières, la lecture du Coran, le manque de sommeil dû aux prières nocturnes, avec sa licence de langues et son service civique. Mafory, 15 ans, s’est aussi procuré un « planner » de Ramadan, de ceux qui fleurissent sur les présentoirs des librairies musulmanes, pour cocher toutes les prières qu’elle fait et l’avancement de ses lectures spirituelles. « On observe un recoupement de notions spirituelles et de développement personnel », commente Sarah Aïter, qui note l’attention à « optimiser son temps » et à « se fixer des objectifs ».« C’est un peu comme un challenge, conclut Oussama. Un mois où Dieu va nous tester. »

(1) La chorba est une soupe traditionnelle d’Afrique du Nord. Pendant le Ramadan, elle est servie traditionnellement après la rupture du jeûne.

(2) Repas de rupture du jeûne, après le coucher du soleil.

21/03/2023

JOURNEE MONDIALE DU MIGRANT: "LIBRES DE CHOISIR ENTRE MIGRER OU RESTER"

Le Pape François en compagnie de migrants à Bologne.

Journée mondiale du migrant: «Libres Le choisir entre migrer ou rester»

Pour la 109ème journée mondiale du migrant et du réfugié, qui se tiendra le 24 septembre prochain, le Pape François a choisi le thème «Libres de choisir entre migrer ou rester». Il a été rendu public mardi 21 mars dans un communiqué du dicastère pour le Service du développement humain intégral.
Vatican News
Le choix de ce titre fait par le Saint-Père a pour objectif de promouvoir une nouvelle réflexion sur un droit qui n’a pas encore été codifié au niveau international: «le droit de n’avoir pas à émigrer– en d’autres termes – le droit de pouvoir rester sur sa terre».

La nature forcée de nombreux flux migratoires actuels oblige à un examen attentif des causes des migrations contemporaines, indique le communiqué, soulignant que le droit de rester est antérieur, plus profond et plus vaste, que le droit d’émigrer. «Il inclut la possibilité de participer au bien commun, le droit de vivre dans la dignité et l’accès au développement durable, peut-on lire dans la note, autant de droits qui devraient être effectivement garantis dans les nations d’origine grâce à un véritable exercice de coresponsabilité de la part de la communauté internationale».

Le dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral, qui entend mieux préparer la célébration de cette journée dédiée aux migrants et au réfugiés, lancera une campagne de communication visant à favoriser une compréhension approfondie du thème choisi, à travers des réflexions théologiques, des documents d’information et des supports multimédias.

En 2022, François dans son message avait invité à accueillir les migrants et à valoriser leur présence, soulignant que «l’histoire nous enseigne que la contribution des migrants et des réfugiés a été fondamentale pour la croissance sociale et économique de nos sociétés»

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06/03/2023

LE MAL QUE NOUS DISONS DES AUTRES

LA CROIX 6 mars 2023

Autrement dit : À vif /chronique par Jean de Saint-Cheron (Essayiste)

Le mal que nous disons des autres

«Je mets en fait que si tous les hommes savaient ce qu’ils disent les uns des autres, il n’y aurait pas quatre amis dans le monde. » La phrase est signée Blaise Pascal, qui n’a pas fait fortune en brossant son lecteur dans le sens du poil. Mais sa clairvoyance, sa connaissance du cœur de l’homme et son discours loin de l’optimisme des « livres qui font du bien » me donnent, personnellement, un bien fou. Car si Blaise n’est pas un professionnel des phrases onctueuses qui trompent essentiellement ceux qui – inquiétude ou vanité – choisissent d’y croire, il n’est pas pour autant du parti des pessimistes. Pas plus qu’il n’accable quiconque d’un défaut incurable. Les deux grands irréalismes qui consistent à dire d’un côté « tout va bien » ou « vous êtes parfait », et de l’autre « tout va mal » ou « vous êtes ignoble » peuvent avoir la conséquence funeste de faire stagner qui les entend ou bien dans une fausse béatitude (que les malheurs de la vie viendront bientôt dérider), ou bien dans une mélancolie difficile à vaincre. Pour en revenir à l’affirmation dure et salutaire qui ouvre cette chronique, s’il serait invivable d’entendre le mal que nombre de ceux qui nous entourent, y compris nos amis, peuvent dire de nous (parfois peut-être sans le penser vraiment : nous savons bien comment il nous arrive de parler d’eux), il est utile d’avoir un Blaise Pascal à portée de main pour nous dire nos quatre vérités comme il convient : « Que l’homme maintenant s’estime son prix. Qu’il s’aime, car il y a en lui une nature capable de bien, mais qu’il n’aime pas pour cela les bassesses qui y sont. » Pourquoi a-t-il donc fallu que l’auteur des Pensées emploie son intelligence hors normes à nous mettre en garde contre les deux écueils du tout blanc et du tout noir ? C’est parce qu’il savait que la « connaissance (de l’homme) s’est obscurcie par les passions ». Or cela vaut aussi bien pour le regard que nous portons sur nous-mêmes que pour la manière dont nous jugeons les autres. Ainsi nous suffit-il souvent d’être vexés, jaloux ou frustrés pour accuser de tous les maux ceux que nous tenons pour responsables de notre humiliation. Et nous sommes au contraire capables de bénir ceux qui nous encensent, nous valorisent, flattent notre vanité. Lorsque nous parlons les uns des autres, le plus difficile est donc de laisser nos affects de côté pour nous en tenir à la réalité.

C’est de ce difficile équilibre, qui n’est pas rendu plus simple par l’air du temps, que parle le très subtil Tár, de Todd Field. Unanimement louée par le public, ses pairs et la critique, une cheffe d’orchestre au talent immense et à l’ambition maladive (Cate Blanchett) se retrouve en quelques semaines la proie d’une cabale symptomatique de notre époque. Si « libération de la parole » a d’évidents avantages, elle peut aussi confiner, comme ici, à la calomnie et à la haine. Là est la justesse du propos de Todd Field : dans le premier tiers du film, le narcissisme et la dureté de Lydia Tár pèsent sur son entourage comme sur le spectateur, qui se prend à la haïr. Et lorsque le processus vengeur – motivé en grande partie par la jalousie et l’idéologie – se met en place, son « annulation » par un monde qui avait tant contribué à la faire briller contient une part d’injustice et de mensonge d’autant plus effrayante qu’elle a, y compris pour le spectateur, le goût de la vengeance. Accusée d’emprise, de racisme, voire de la mort d’une concurrente, Lydia Tár ne trouvera aucune échappatoire. C’est la chute, sans personne pour lui tendre la main, faire la part des choses ou la juger équitablement. « Tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, dit le Seigneur dans l’Évangile, faites-le pour eux, vous aussi : voilà ce que disent la Loi et les prophètes. »

Résultat de recherche d'images pour "jean saint cheron essayiste" Jean de SAINT-CHERON,essayiste

03/03/2023

DROITS DES FEMMES

Droits des femmes

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À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, France 5 propose un documentaire fiction, Journal d’une bonne, de Valérie Manns, sur l’hallucinante condition des domestiques du début du XXe siècle, qui étaient au nombre d’un million, dont 90 % de femmes. Ces jeunes filles, issues de familles nombreuses rurales incapables de les nourrir, étaient employées par des familles bourgeoises pour un travail harassant et peu protégé. La documentariste a rassemblé des images d’archives et des écrits pour composer le portrait d’une femme qui finira, à 50 ans, par se libérer de son fardeau.

On peut rapprocher ce film impressionnant de deux autres, qui évoquent le quotidien des femmes et sortent simultanément en salle. Le premier, Women Talking, réalisé par la cinéaste canadienne Sarah Polley, se déroule dans une communauté religieuse très fermée. Un matin, une jeune fille se réveille dans un lit taché de sang. Sa mère alerte d’autres mères et un conseil de femmes se met en place. Elles prennent conscience qu’elles se sont en réalité fait agresser par des hommes et non par un démon comme on veut le leur faire croire. La cinéaste s’est inspirée d’un livre de la romancière canadienne Miriam Toews, Ce qu’elles disent, publié en 2019, qui relate les abus sexuels perpétrés entre 2005 et 2010 dans une communauté mennonite.

Nettement moins éprouvant mais tout aussi éclairant sur la condition féminine, le documentaire autobiographique de Valérie Guillaudot Femme de mère en fille raconte trois générations, celle de sa grand-mère, fermière dans les années 1950, celle de sa mère, fonctionnaire dans les années 1970, et la sienne, avec ses cousines et ses amies dialoguant sur le thème inépuisable de la vie des femmes mariées. Cerise sur le gâteau, l’historienne Michelle Perrot survole les trois époques pour en commenter les progrès et les limites.

On relève ainsi dans ces trois films les immenses avancées mais aussi les blocages intimes toujours présents en attendant que les femmes se trouvent un jour à égalité de vie avec leurs compagnons.

François QUENIN   François Quenin (@fquenin) / Twitter

Journal d’une bonne, de Valérie Manns, 0 h 52, France 5, dimanche 5 mars, 22 h 50.

Women Talking, de Sarah Polley, 1 h 44, et Femme de mère en fille, de Valérie Guillaudot, 1 h 14, en salle le 8 mars.

Photo : © Compagnie des Phares et Balises (CPB Films)

27/02/2023

"2022, ANNEE CHARNIERE"

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Présentation de notre dossier « 2022, année charnière »

Zeitenwende, « changement d’époque » : c’est le terme qu’utilise le chancelier allemand Olaf Scholz le dimanche 27 février 2022 dans son discours devant le Bundestag. Nous sommes trois jours après le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Il est toujours hasardeux de désigner ces moments de l’histoire qui marquent des changements d’époque. On admet communément que la bascule des siècles n’obéit pas au calendrier. Ainsi, 1715, fin du règne de Louis XIV, ferait passer du XVIIe au XVIIIe siècle, 1815, chute de Napoléon et congrès de Vienne, dans le XIXe, et 1914 et la Première Guerre mondiale dans le XXe. La lecture devient ensuite plus délicate.

Indiscutablement, 1989 et la chute du Mur nous ont amené à un nouvel équilibre, ou peut-être à un déséquilibre. Nous avons voulu voir l’attentat du World Trade Center à New York comme l’année du passage dans le deuxième millénaire. Certes, cette date marque un avant et un après, mais est-ce un changement d’époque ? Pas certain.

L’irruption du Covid à la fin de l’hiver 2020 et les grands confinements qui ont suivi nous ont fait fantasmer sur le « monde d’après », et il a bien fallu se rendre à l’évidence que cet après ressemblait comme un jumeau à l’avant.

Alors, au nom de quoi prétendre que 2022 sera reconnue comme l’année du Zeitenwende ? C’est à cette relecture de l’année que nous avons voulu vous inviter, et nous l’avons fait en nous relisant nous-mêmes, qui, avec vous, observons chaque semaine le monde tel qu’il est, tel qu’il va, tel qu’il devient.

La grande bascule de 2022 est bien sûr d’abord géopolitique. Elle voit la rupture de nos certitudes les mieux ancrées, dont celle de l’impossibilité d’une guerre à l’échelle de celle qui se déploie en Ukraine, sur le territoire européen. On objectera que la dernière décennie du siècle dernier (1991-2001) a vu se développer sur le sol européen celles qu’on nomme guerres de Yougoslavie ou guerres des Balkans. Leur bilan est élevé : entre 130 000 et 140 000 morts en dix ans. Cependant, ni l’équilibre des forces en Europe, ni la géostratégie mondiale n’en ont été bouleversés. La disparition conflictuelle de l’ex-Yougoslavie s’apparente, avec son lot d’atrocités, à une guerre civile, et son théâtre reste limité.

La guerre d’Ukraine, en revanche, oblige les uns et les autres à se positionner, et les alliances à s’affirmer ou à disparaître. Paradoxalement, c’est l’agresseur lui-même qui désigne ses ennemis, non pas l’Ukraine, qui n’est qu’une proie dont l’identité nationale est niée, mais l’« Occident global », selon la terminologie poutinienne.

De fait, c’est bien cet Occident qui se forge de nouveau une identité autour de ce conflit ; à travers l’Otan, miraculeusement ressuscité, à travers l’Union européenne, qui, contrairement à ce que Poutine escomptait, ne s’est pas déchirée, bien au contraire.

La Chine en arbitre muet

Ce retour d’un conflit de bombes, de sang, de chair, de larmes sur la terre européenne fait ressurgir à quatre-vingts ans de distance les spectres atroces de la précédente guerre : Bakhmout est comparée à Stalingrad, où, en mémoire de la victoire de 1943, Poutine inaugure un buste de Staline. Zelensky, traité de nazi – quoique juif – par la propagande russe est admiré à l’Ouest pour son côté churchillien. Le spectre d’un conflit nucléaire est agité. L’histoire bégaie en ce qu’elle a de plus tragique.

Le reste du monde observe. Si les alliés directs et actifs de la Russie sont peu nombreux, et déjà au ban de la société mondiale – Iran et Corée du Nord –, la plupart des autres nations s’abstiennent de condamner l’agresseur russe. Dans ce paysage, la Chine fait figure de grand modérateur : l’affirmation de son amitié indéfectible à l’égard de la Russie ne va cependant pas jusqu’à lui fournir la moindre arme. L’évidence est que, bien que dangereuse en ce qu’elle possède un arsenal nucléaire considérable, la Russie, même gonflée de l’orgueil démesuré de son président, ne fait plus partie des « grands » en termes de géopolitique mondiale.

Si 2022 est une année charnière, c’est peut-être parce que le conflit ukrainien et ses conséquences, bien plus que l’épidémie mondiale de Covid, met un terme à l’illusion d’une mondialisation paisible, sinon heureuse, dans laquelle le commerce universel garantirait stabilité et équilibre à l’échelle de la planète. La crise de l’énergie générée par le conflit oblige à revoir les politiques d’approvisionnement. L’énergie nucléaire est redevenue acceptable, du moins dans le temps de la transition, c’est-à-dire pour quelques décennies. Mais, plus généralement, la question de l’autosuffisance vient déranger les logiques de délocalisation qui prévalaient jusqu’alors. C’est le cas pour de nombreux médicaments et pour les composants électroniques.

La recomposition des forces et des alliances est en cours et loin d’être achevée ; espérons qu’elle se fera sans générer de nouveaux conflits. L’autre point de rupture de cette année 2022 a bien évidemment trait au changement climatique. Cette fois, la conscience d’un point de non-retour est devenue massive. Pour autant, il est toujours aussi difficile de prendre collectivement des décisions extrêmement coûteuses en termes de confort de vie. Et cette difficulté concerne aussi bien les nations développées, qui n’envisagent pas de perdre leur bien-être, que les nations émergentes, qui veulent obtenir un niveau de développement équivalent à celui des vieux pays. Le Giec a d’ailleurs orienté sa communication vers les possibilités d’adaptation tout en alertant sur le seuil au-delà duquel la vie humaine, mais aussi animale et végétale, telle que nous la connaissons sera sinon impossible, du moins totalement modifiée. Il est hélas probable que les tensions internationales ne soient pas favorables à des décisions collectives pourtant indispensables.

L’Église catholique en chute libre

En France, malgré les échéances électorales importantes, l’heure est plutôt à la continuité, avec en point de mire une très légitime inquiétude quant à la montée des extrêmes et tout particulièrement de l’extrême droite, qui se normalise de plus en plus. En cette matière, la navrante neutralité des autorités catholiques a permis à de nombreux catholiques de basculer vers un vote qui jusqu’alors était considéré comme inenvisageable.

C’est une responsabilité bien lourde que portent les évêques de cette génération et c’est d’autant plus incompréhensible que le pape François est, lui, d’une totale clarté sur les choix qu’impose l’Évangile. Sur un tout autre plan, les historiens auront à se prononcer sur la gravité de la chute du catholicisme liée aux effroyables affaires d’abus sexuels et d’emprise sur les consciences, concernant des victimes tant mineures que majeures. La perte de crédibilité de l’Église catholique atteint un paroxysme, tandis que les signaux de la pratique religieuse sont tous au rouge. Quels que soient les défauts de l’institution, il n’y a guère lieu de se réjouir d’un tel cataclysme : devant les défis qui s’offrent à l’humanité, nous demeurons convaincus que la dimension de l’espérance et de la fraternité portée par le christianisme est plus que jamais nécessaire.

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26/02/2023

4000 MILLE NUMEROS

Les anniversaires sont des dates frontières. Ils sont l’occasion tout à la fois de se retourner vers le passé et de se projeter dans l’avenir. Le passé de TC est glorieux. La naissance du journal dans l’un des moments les plus sombres de l’histoire de la France et du monde est à la fois une immense fierté et un poids. Au cours de sa longue vie, plus de quatre-vingts ans, TC a porté et cette gloire et ce poids. Notons d’ailleurs qu’en hébreu, la gloire, kabod, signifie précisément « être lourd ». Ce poids a été, au long des années, difficile à porter. C’est que les circonstances ne sont pas toujours, et même rarement, héroïques. Et c’est tant mieux : l’héroïsme est bien trop épuisant pour être un vêtement de tous les jours. Au long de ces quatre mille numéros, il y a eu bien des jours ordinaires.

Les temps qui viennent vont-ils de nouveau être ceux de l’héroïsme ? Espérons que non. Et pourtant, avec la guerre qui rugit aux marges de l’Europe, nous sommes en train de nous souvenir que la vie quotidienne et banale a du bon, et nous souhaitons qu’elle dure longtemps encore.

Que sera le monde au numéro 5000 ? Bien malin qui peut le dire. La prospective à distance d’une année est déjà un exercice périlleux, alors à vingt ans…

Ce qui est certain, c’est que l’« histoire », celle qui raconte les équilibres des forces, la montée des périls et des puissances, la naissance des nations, la chute des empires, et dont Francis Fukuyama avait prédit la fin en 1992, cette histoire s’est remise en marche. La suprématie d’une démocratie libérale qui s’étendrait lentement, sûrement et irréversiblement dans un monde apaisé se révèle être un rêve, une illusion dissipée par le retour de l’affrontement des empires. Ces lourdes tensions, grosses de futurs conflits, s’accroissent, tandis que, simultanément, la menace environnementale liée à la surexploitation de la planète se rapproche.

Que pouvons-nous faire ? Parce que le monde est compliqué, il nous faut d’abord accepter cette complexité, tout faire pour la comprendre et refuser tous les simplismes, les raisonnements binaires, les anathèmes et les excommunications. C’est un héroïsme du quotidien et c’est en son nom que nous vous donnons rendez-vous… dans un premier temps la semaine prochaine, pour le numéro 4001.

 Publié le
Christine Pedotti

18/02/2023

TOTEM ET TABOU

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FEVRIER 2023

La France est un pays bien singulier. C’est du moins l’avis des nations qui nous entourent à la vue du spectacle que nous sommes en train de produire autour de la réforme des retraites. Là où l’affaire devrait donner lieu à quelques débats législatifs après discussions avec les principaux représentants des forces économiques, la France rêve de s’offrir un remake de la prise de la Bastille, de la Commune de Paris, du Front populaire et de Mai 68 tout à la fois. La cause vaut-elle cette théâtralité, les invectives des uns, les postures martiales des autres ? Personne ne trouve agréable de devoir travailler deux années de plus, c’est l’évidence. Et c’est d’autant plus vrai pour ceux et celles qui ont exercé un métier éreintant, usant, assommant. Faut-il pour autant refuser toute réforme ?

Rappel de quelques réalités. Non, le système ne s’écroulera pas si on ne bouge pas l’âge légal de départ. Il sera, certes, chroniquement déficitaire, mais il y a bien d’autres déficits. Oui, la France est une exception en Europe et dans l’OCDE, mais la France, quoiqu’on y travaille moins longtemps chaque jour, chaque semaine, chaque année et qu’on y parte en retraite plus tôt qu’ailleurs, a une productivité exceptionnelle. C’est peut-être pour ça que nous sommes fatigués. Nous travaillons peu mais très intensément. En revanche, il est vrai que la part des retraites rapportée à la richesse nationale est très élevée. Aujourd’hui, 14,4 % du PIB, 332 milliards, quand le budget général de l’État dépasse tout juste 400 milliards.

De fait, c’est bien la question du poids relatif des retraites dont il s’agit, car ce qui est dépensé ici ne l’est pas là. La solution « prendre l’argent aux riches » fonctionne de la même façon : ce qui serait dévolu au financement des retraites ne le serait pas à l’amélioration de la santé publique et de l’éducation car même « l’argent magique » ne se dépense qu’une fois.

Toutes ces questions, nous devrions pouvoir les discuter, les soupeser afin de faire un arbitrage juste. Cela supposerait que les uns et les autres se parlent « vrai », sans totem ni tabou. On en est très loin quand on voit les positions respectives du gouvernement, des oppositions et des syndicats. Nous allons donc continuer le show sous les yeux de nos voisins incrédules et amusés.

Christine PEDOTTIPublié le

03/02/2023

28ème RAPPORT SUR L'ETAT DU MAL LOGEMENT EN FRANCE 2023 - ABBE PIERRE -

Fondation Abbé Pierre

Après la crise sanitaire liée au Covid-19, qui a fragilisé de nombreuses personnes sur le fil, l’année 2022 a été marquée par une hausse des prix inédite depuis 30 ans.

Cliquez ici pour accéder directement au téléchargement du 28e rapport 2023.

La facture logement, liée à trois décennies de hausse des prix à l’achat et à la location, est encore alourdie par des dépenses énergétiques devenues insoutenables pour de nombreux ménages modestes qui doivent régulièrement choisir entre se chauffer, manger et se soigner convenablement, payer leur loyer.

 

Dans ce contexte économique et social tendu, alors que le logement occupe une place de plus en plus importante dans le développement de l’exclusion et des inégalités, la puissance publique et le gouvernement ne semblent pas avoir pris toute la mesure de l’enjeu.

Face à des situations indignes, à l’heure où des milliers de personnes, notamment des enfants, sont refusées chaque soir par le 115 faute de places d’hébergement, il est pourtant devenu urgent de relancer la politique du « Logement d’abord » et de cesser les coupes budgétaires sur les allocataires des APL et sur le monde Hlm.

Face à la pénurie de logements accessibles, à la hausse des coûts de construction et à la panne de production de logements sociaux, il est pourtant essentiel que les pouvoirs publics investissent à nouveau fortement dans la construction et la rénovation de logements à prix modérés. 

« LE GENRE DU MAL-LOGEMENT »

Jusqu’à présent le sexe a rarement été considéré comme un facteur déclenchant ou aggravant du mal-logement. Pourtant, face au logement, être un homme ou une femme, ou appartenir à une minorité sexuelle, affecte considérablement les risques de subir diverses dimensions du mal-logement et bouleverse la manière même de vivre ce mal-logement.

C’est pourquoi, par-delà ces analyses critiques sur l’action des pouvoirs publics face au mal-logement, ce 28e rapport se focalise sur « le genre du mal-logement » : dans quelle mesure et comment les femmes et les minorités de genre sont-elles particulièrement touchées par les difficultés de logement ?

 
À bien des moments-clés de leur vie, qu’il s’agisse de la décohabitation de chez les parents, de la séparation conjugale, de la prise en charge des enfants pour les mères célibataires, de l’héritage ou du veuvage, les femmes et les personnes LGBT+ subissent des ruptures résidentielles douloureuses, sont parfois victimes de violences sexuelles et sexistes et de discriminations qui reflètent les rapports de domination qu’elles subissent encore trop souvent dans la famille, le couple et le monde du travail.

Même à logement équivalent, les femmes sont également souvent en première ligne pour affronter les conséquences domestiques de l’habitat indigne, du surpeuplement ou de l’errance résidentielle.

La surreprésentation de la monoparentalité dans les situations de mal-logement, et les fragilités que rencontrent les femmes et les autres minorités de genre dans leur rapport au logement au cours de leur vie mettent en lumière toute une série d’inégalités, d’obstacles et de discriminations liés au genre.
 
La forte présence des violences de genre, qui constitue la toile de fond plus ou moins tacite de nombreuses situations d’exclusion sociale, représente une cause structurelle du mal-logement et de l’invisibilisation des victimes, au sein des familles, dans l’espace public mais aussi au sein du système de veille sociale et d’hébergement.
 
Ces enjeux posent la question de la spécificité de l’accueil en structures d’hébergement et de la non-mixité. Les réponses à apporter ont un caractère multidimensionnel et plurisectoriel dans la mesure où cette question touche à des registres de la politique du logement qui entretiennent des liens avec d’autres politiques publiques (emploi, justice, fiscale, sociale, etc.).

TÉLÉCHARGER LE 28E RAPPORT SUR L'ÉTAT DU MAL-LOGEMENT EN FRANCE 2023

LE RAPPORT INTÉGRAL
Le 28e rapport sur l’état du mal-logement en France 2023.

LE DOSSIER DE SYNTHÈSE
Le dossier de synthèse complet du 28e rapport sur l’état du mal-logement en France 2023.
– D’une crise à l’autre. Une politique du logement sans ambition face à une situation sociale dégradée
– Le genre du mal-logement
– 2022 : année de transition ou année perdue ?
 Les chiffres du mal-logement.

TÉLÉCHARGEMENT DU RAPPORT PAR PARTIES
Partie 1 – Le genre du mal-logement
Partie 2 – 2022 : année de transition ou année perdue ?

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30/01/2023

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

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Chronique À vif 30/01/2023 / Ayyam Sureau, philosophe

"Penser ne vise pas tant à répondre a une question qu'a répondre du sens qu'on lui donnera. A en être responsable donc. C'est pourquoi une pensée porte le nom de la personne qui l'a exprimée."

Intelligence artificielle

Lorsqu’un membre du gouvernement dit « les Français… », on devine que les mots qui vont suivre sont « et les Françaises ». Prédiction facile. Mais si nous pouvions prédire le reste du discours, un mot après l’autre, à partir des schémas de langage repérés dans une énorme quantité de textes ? Ce serait extraordinaire et en dirait long sur l’inventivité de nos politiques. Le programme ChatGPT a été entraîné à générer du texte à partir du traitement d’un océan de textes digitaux.

Lancé par OpenAI, un laboratoire de recherche privé en Californie, ChatGPT suscite fascination et inquiétude. Accessible au public, nous sommes des millions à l’avoir essayé. La machine surdouée répond sur tout sujet. L’influence de Marcel Proust sur la littérature américaine ; les avantages comparés de différents régimes politiques ; ce qu’il convient d’offrir à un enfant de 10 ans ; le rôle des protéines dans l’alimentation. ChatGPT peut aussi coder, traduire, rédiger ; imiter le style de la Bible, du rappeur Eminem ou de Marguerite Duras. Ses réponses sont plutôt justes, parfois drôles, rédigées dans le style d’une conversation humaine.

Comment les enseignants évalueront-ils désormais les devoirs faits à la maison ? Combien d’entre nous perdront leur emploi ? La machine diffuse-t-elle, sans les discerner, des informations fausses, biaisées, dangereuses ? Peut-elle devenir un outil de propagande ? On nous met en garde : le système n’est pas parfait. Mais quelle place désormais pour l’intelligence humaine face à ce succès de l’intelligence artificielle ?

Ces questions ouvrent sur d’autres interrogations. Depuis quand croyons-nous que parler, écrire, penser consistent à générer du texte ? Les réponses de ChatGPT sont une suite de mots machinalement générés à partir de textes antérieurs dont les auteurs originaux ne sont, par ailleurs, jamais cités. Un piratage statistique indécelable. Est-ce cela que nous demandons à nos étudiants ? D’être des perroquets hypermnésiques capables d’une synthèse anonyme ? Si c’est le cas, c’est inquiétant. Si une machine peut produire, comme nous, des devoirs scolaires, des discours, des tweets, des chansons, des poèmes ou des mails, il me semble que cela en dit davantage sur notre propre rapport au langage, sur l’indigence de nos créations, sur nos automatismes acquis, que sur l’évolution de la machine. Celle-ci pourrait nous rétorquer, comme un enfant, si nous lui reprochions de nous imiter : « C’est toi qui as commencé. »

L’activité humaine de penser demeure peu comparable à la prédiction d’un fil de mots basée sur la seule ingestion des productions antérieures. Elle me paraît, au contraire, tenir autant de l’oubli que de la mémoire, davantage du vide que du plein. Ce n’est pas une somme de savoir qui caractérise une intelligence incarnée, mais une certaine relation au savoir. Une manière d’appréhender ce qu’on ne sait pas, ce qui est enfoui, ce qui n’est pas encore. La pensée travaille dans le creux entre les mots et ce qu’ils peuvent signifier. Elle ne génère pas de réponses, mais d’autres questions. En cela, loin de restituer le langage selon les schémas connus, qu’elle tâche au contraire d’éviter, elle lui offre un avenir. Incarnée, elle émane d’une personne vivante, ancrée dans une expérience réelle, douée d’une sensibilité singulière. Penser ne vise pas tant à répondre à une question qu’à répondre du sens qu’on lui donnera. À en être responsable donc. C’est pourquoi une pensée porte le nom de la personne qui l’a exprimée.

Les larges modèles de langage, comme ChatGPT, constituent une avancée technologique considérable qui nous libérera de tâches machinales à condition que nous parvenions à nous en servir sans en dépendre. Ces machines doivent leur existence à des siècles de patience, de réflexion et de créativité. Il ne nous reste plus qu’à nous réjouir de n’avoir plus à parler, écrire et penser comme des machines.

Refugees Playing Britannicus Ayyam SUREAU, philosophe

27/01/2023

REQUIEM SOCIALISTE

« Jadis », mot terrible qui à lui seul enterre une époque. Jadis, le parti socialiste français constituait un espoir pour les classes moyennes et populaires et pour les intellectuels qui, tout en refusant de céder à la tentation du communisme, voulaient une société vivante, dans laquelle les assignations de classe et de milieu culturel pouvaient être contestées. Même si, souvent, la rhétorique conservait des accents révolutionnaires, tous et toutes savaient que les socialistes français, comme leurs voisins sociodémocrates, étaient à la fois pragmatiques et réalistes et qu’ils préféraient réformer plutôt que de nier le réel et, plus grave encore, « changer le peuple ».

La relecture de l’histoire longue en Europe montre que cette social-démocratie a été porteuse de l’amélioration des conditions de vie et de travail du plus grand nombre, de l’élévation du niveau de vie et d’éducation, et de la mise en place des grands systèmes de protection sociale – retraite, maladie, minima sociaux. Comme le chantaient les amis de Coluche voilà quarante ans, « aujourd’hui, on n’a plus le droit d’avoir faim ni d’avoir froid ». Certes, il y a encore des « trous dans la raquette », des mailles trop larges dans le filet, des situations de non-recours, mais, au bout du compte, à l’instigation de cette social-démocratie, la gauche, en luttant, et la droite, en acquiesçant de guerre lasse, ont instauré cette « providence » de nos sociétés, une situation unique dans l’histoire.

La question posée aujourd’hui est la suivante : « Et après ? » La déréliction actuelle des socialistes français dit assez le manque de carburant idéologique et intellectuel. Les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon hurlent : « Faisons payer les riches. » Bonne idée, sous réserve d’être sûr d’avoir toujours des riches : pour taxer la richesse, il faut la produire. Et c’est bien cette question de production des richesses qui n’est pas élucidée. Les enjeux environnementaux ne nous facilitent pas la tâche : la mise à l’arrêt des économies riches pendant le Covid a eu pour conséquence de précipiter 200 millions de personnes dans l’extrême misère. Face à ces immenses défis, il n’y a pas de réponses simplistes. Voilà pourquoi on pleure de voir les socialistes français disparaître dans de misérables guerres aussi picrocholines que narcissiques.

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