Un constat d’échec
Au-delà des histoires de personnes, pourquoi cette fermeture mérite-t-elle qu’on s’y arrête ? Pourquoi suscite-t-elle autant d’émotion ? Car au fond, si l’archevêque n’avait rien fait, ce Centre, dans peu d’années, serait peut-être mort de sa belle mort, faute de renouvellement générationnel, l’équipe en place, vieillissante, n’ayant pas su, ou pu, faire une place à des plus jeunes…
Pourtant, oui, la fermeture de ce lieu est grave, parce que c’est un constat d’échec. Un échec que l’on ne peut attribuer, ce serait trop facile, ni à une institution ecclésiale trop autoritaire d’un côté, ni à des paroissiens trop idéologues et indépendants de l’autre. Au fond, on peut se gausser du modèle Saint-Merry, dire que ce catholicisme de gauche, ouvert et parfois un peu trop critique, appartient de toute façon au passé, n’attire plus et n’a donc plus d’intérêt aujourd’hui. Soit. Mais alors, la question est tout de même de savoir ce qui vient après ! Saint-Merry, c’était, de la part de laïcs, une vraie expérience de collaboration et de prise de responsabilité dans la vie d’une communauté et d’une paroisse, un engagement énorme de ces personnes pour faire vivre l’Évangile au-delà de la sacristie, s’investir dans la société, être sensible à ses soubresauts, aller vers les plus fragiles, les plus éloignés de l’Église. C’est ce qui a permis à la paroisse d’offrir un lieu aux marginaux, aux non ou peu croyants, aux plus pauvres, aux migrants, bref, aux fameuses périphéries dont parle le pape François.
La fin d’un modèle?
Ce genre de projets peut-il se développer avec des générations plus jeunes ? On a le sentiment que non. Que le modèle aujourd’hui dominant est celui de paroisses classiquement gérées par des prêtres, avec des laïcs au service mais peu impliqués dans la prise de responsabilité. C’est sans doute plus simple pour tout le monde. Le curé est libre de faire ce qu’il veut. Les laïcs viennent là en simples consommateurs de rite. Le risque, c’est un repli des communautés sur elles-mêmes, uniquement à l’écoute de ceux qui pratiquent chaque dimanche, une frilosité, un fossé qui se creuse entre les paroisses catholiques et la société de plus en plus indifférente. Et au final, une diminution continue du nombre des chrétiens.
Des communautés plus vivantes et tournées vers la société
Est-ce utopique de concevoir l’avenir de l’Église dans une collaboration de laïcs et de prêtres, une collégialité, une communauté où les responsabilités seraient partagées ? Une participation qui permette l’ouverture et la relation avec le monde extérieur. C’est évidemment plus compliqué à concevoir. Mais c’est tout de même l’orientation proposée aujourd’hui au niveau universel par le pape François. Quand il nomme un binôme prêtre-laïc, avec la religieuse Nathalie Becquart, au Synode des évêques, une institution de collégialité de l’Église universelle, c’est bien vers cette coresponsabilité qu’il veut tendre, pour en finir avec un certain cléricalisme où toutes les responsabilités sont aux mains des seuls prêtres. C’était toute la logique conciliaire de Vatican II. Le modèle Saint-Merry n’était pas parfait, évidemment. Mais comment reprendre le flambeau de ce que portent ces chrétiens depuis quarante-cinq ans ? Puisse la crise actuelle obliger chacun à réfléchir à l’héritage de ces chrétiens du seuil.