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11/11/2021

DE LA COMMISSION SAUVE A LA COMMISSION DERAIN

Parmi les décisions actées par la Conférence des évêques de France (CEF) à la suite de son assemblée plénière figure la création d’une Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation chargée de prendre en compte les besoins des victimes. Elle sera dirigée par la juriste spécialiste des droits de l’enfant Marie Derain de Vaucresson(1).L’ancienne défenseure des enfants, actuellement cadre du ministère de la Justice, est confiante mais réaliste devant l’ampleur de la tâche.

Après avoir fait partie de la commission Christnacht, qui travaillait sur la situation des prêtres coupables de violences sexuelles, quel est votre plan de bataille pour accompagner les victimes ?

Mon cadre de départ, c’est celui de la justice restauratrice, qui passe par la reconnaissance des faits et de la responsabilité institutionnelle, la manifestation d’une honte, la présentation d’excuses publiques, la prise de mesures préventives et la réparation individuelle, objet de la future commission que je suis appelée à présider. Mais les étapes qui précèdent sont essentielles et, jusqu’à vendredi midi, elles n’étaient pas acquises.

Aujourd’hui, je suis nommée pour constituer en toute liberté une commission. Elle sera probablement constituée d’un noyau dur d’une dizaine de professionnels bénévoles afin de répondre au besoin d’expertise forte : juristes, médecins, psychologues et psychiatres qui connaissent les psychotraumas. J’ai aussi le projet d’associer les victimes, dont le savoir expérientiel sera précieux. Comme l’a esquissé le recueil De victimes à témoins, elles doivent maintenant être actrices de cette construction. Il est inconcevable de travailler sans elles. Enfin, il faudra nous entourer de professionnels de la médiation, pourquoi pas rémunérés. Mes seuls critères de sélection seront les compétences et la capacité à travailler ensemble, avec sans doute un mandat limité dans le temps.

J’ai eu avec Éric de Moulins-Beaufort de très bons échanges, qui me portent à croire que je pourrai compter sur le soutien de la CEF, comme Jean-Marc Sauvé a pu le faire. Nous allons d’ailleurs très probablement hériter des locaux de la Ciase. Si j’en crois les discussions engagées, les moyens ne seront pas un empêchement.

Quelle méthode de travail envisagez-vous pour les mois à venir ?

J’estime qu’il faudrait réussir à apporter les premières réponses aux victimes à partir de janvier 2022. C’est un objectif ambitieux mais pas téméraire ! D’ici là, il va nous falloir trouver un mode de traitement commun des sollicitations. Peut-être un portail numérique, premier point d’entrée, pour s’adresser indifféremment à la CEF ou à la Conférence des religieux et religieuses de France. Ce n’est pas aux victimes de savoir à qui s’adresser, c’est à nous de créer des ponts et d’aiguiller les dossiers. Mon expérience me dicte qu’on ne balade pas les victimes, ne serait-ce que pour ne pas les obliger à répéter leur histoire !

Je suis également en lien avec Jean-Marc Sauvé pour déterminer comment nous pourrons éventuellement faire suivre les témoignages Ciase et prendre contact avec leurs auteurs s’ils le souhaitent. D’autres victimes ne se sont pas encore déclarées, il importe de faire connaître notre commission, avec l’aide des diocèses, afin qu’elles puissent se manifester.

Souhaitez-vous vous appuyer sur l’échelle allemande d’indemnisations suggérée par la Ciase ?

Pas nécessairement. Je ne suis pas favorable à des automatismes d’indemnisation. On ne peut pas appliquer un barème systématique qui s’appuierait sur la seule nature des faits. Il faut partir de l’accompagnement des victimes et de l’expression de leurs besoins, qui évoluera peut-être au fil du temps. Elles ne sont pas toutes en demande de compensation financière. Certaines ont besoin de reconnaissance, de rencontrer les responsables ou les évêques en place au moment des faits, d’obtenir une confrontation, un échange… D’autres ont des besoins matériels précis en lien avec leur traumatisme, des soins médicaux, un suivi psy, une voiture pour aller au travail et échapper à la foule par exemple. Mais il faut être lucide : le no limit que certains appellent de leurs vœux va se heurter au principe de réalité.

J’ai été interpellée récemment par l’Évangile dans lequel Jésus demande à l’aveugle Bartimée : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » (Lc 18, 35-43.) C’est tout l’enjeu de notre commission.

Propos recueillis par Agnès Willaume.

(1) Membre de la Communauté Mission de France

10/11/2021

LA CONTAGION DES MURS

camion gaillot.jpgAvez-vous remarqué cette contagion des murs à travers le monde? Des murs qui séparent des peuples et les  empêchent de circuler. Des murs de la honte. Mur entre Israéliens et Palestiniens, entre Américains et Mexicains, entre Espagnols et Africains…
A la télévision, je regardais avec indignation ce mur de barbelés élevé par la Pologne pour empêcher les migrants venant de Biélorussie d’entrer chez elle. Aujourd’hui, c’est au tour de la Lituanie d’élever son mur de barbelés.
Quand le mur de Berlin a été détruit le 9 novembre 1989, je n’imaginais pas que l’Europe deviendrait une forteresse ! Les murs ne sont-ils pas faits pour être détruits un jour?
Mais il y a, en nous, des murs qui nous séparent les uns des autres.
Le mur de l’argent entre riches et pauvres.
Le mur des préjugés et de la méfiance qui divise tant de familles et de groupes!
Le mur de l’indifférence qui fait que l’on s’ignore.
Le mur de l’oubli qui fait tomber une chape de plomb sur ce que l’on a vécu avec d’autres.
Le mur de la haine surtout, qui crée une séparation apparemment infranchissable entre les humains.
L’homme de Nazareth a passé sa vie à faire tomber des murs.
J’aime qu’il soit né hors les murs et qu’il soit mort hors les murs. Par sa mort sur la croix, il a  détruit le mur de la haine qui nous séparait les uns des autres.
La planète appartient à la famille humaine. Nous sommes faits pour circuler et vivre ensemble. On ne fait  pas la paix avec du béton et des barbelés qui emprisonnent les gens.
Jacques Gaillot GAILLOT JACQUES.jpg
Evêque de Partenia
9 /11/2021

 

L'EGLISE CATHOLIQUE FACE AU CHANGEMENT

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Comme la cathédrale de Paris hier, l’Église de France est aujourd’hui en feu ! Le tocsin sonne. Au moment de se réunir à Lourdes pour décider de son avenir, les évêques l’entendront-ils ?

À l’origine de l’incendie, le terrible rapport Sauvé, qui a révélé le nombre effarant d’abus sexuels pratiqués par des prêtres et des religieux, et le silence organisé de fait par un système qui a d’abord protégé les coupables et non les victimes. L’opinion publique ne peut comprendre et donc pardonner cette cruelle faillite, qui enlève pratiquement toute crédibilité à la parole catholique. En commandant le rapport Sauvé en toute indépendance, l’Église a cependant ouvert un contre-feu en prenant enfin le parti de la vérité, une initiative courageuse dont d’autres institutions ou secteurs de la société, d’autres religions également, pourraient s’inspirer.

Mais, plus largement, l’Église doit aussi prendre en compte le fait qu’un monde est en train de mourir alors que celui de demain est imprévisible tellement l’accélération des changements, principalement en raison des révolutions scientifiques et technologiques, bouleverse nos schémas de pensée et notre capacité à les comprendre. Il y avait un choc des civilisations ; il y a maintenant le risque d’une mort des civilisations. Cette radicale remise en cause des modes d’organisation sociétale a comme première conséquence celle de toutes les institutions, y compris la démocratie, institutions qui étaient hier les principaux piliers du « vivre ensemble ». L’Église, en tant qu’institution, ne peut y échapper. Au pied du mur, face aux gigantesques défis du monde de demain, elle doit – tout comme la société – se réinventer.

La situation est pour l’Église d’autant plus cruelle que sa mission est d’abord d’être « une parole » qui ouvre un espace nouveau à l’homme pour qu’il devienne « sujet » de son histoire. Et c’est précisément ce devenir-là qui est en cause dans les bouleversements mettant en jeu l’avenir de l’humain. Pour répondre à sa vocation, l’Église ne retrouvera une parole crédible que si celle-ci passe par des actes significatifs, c’est-à-dire par des décisions qui permettent une vérification aux yeux de tous. Les trois priorités pour une parole prophétique sont :

– la place des femmes. Elle ne sera pleinement reconnue dans l’Église que lorsque des femmes pourront être ordonnées prêtres ;

– la place des laïcs. Elle ne sera pleinement reconnue que lorsque la responsabilité de la pastorale et la gestion des paroisses seront partagées avec des laïcs, hommes et femmes élus par leur communauté ;

– la désacralisation du prêtre. La prise en compte des deux premières priorités y participera. De plus, la réalité sociale et économique va imposer d’autres décisions allant dans le même sens. Face à la chute des vocations, l’ordination d’hommes mariés est inévitable pour que, partout où des catholiques désirent célébrer la messe, ils puissent se réunir en lien avec l’évêque. Il s’agit alors de déconnecter la vocation sacerdotale de celle du célibat. D’autre part, l’Église n’ayant plus d’argent pour faire face à ses charges, les prêtres de demain devront avoir un métier pour subvenir à leur propre besoin. Ils en seront d’autant plus insérés dans la société.

De telles décisions nécessitent une modification du droit canon dans le seul cadre qui en aurait l’autorité, à savoir un nouveau concile, Vatican III. Le synode sur la façon de faire Église demain, récemment lancé par le pape François pour 2022, pourrait préparer une telle initiative. N’est-ce pas une belle occasion pour les évêques de France de se tourner vers Rome pour réclamer un tel aggiornamento ? Mais qui dit nouveau concile dit nouvelles modalités, afin qu’il soit le signe et le porteur d’un changement radical : double parité dans le vote, celle prêtres/laïcs, et, parmi les laïcs, celle hommes/femmes.

Alors, mais alors seulement, l’Église répondrait à la nécessité d’un nouveau paradigme pour une parole vivante et significative pour tous.

Daniel Duigou, prêtre du diocèse de Paris, journaliste et psychologue-psychanalyste

.L'appel d'un présentateur de JT devenu curé pour en finir avec le célibat  des prêtres

 

08/11/2021

Va où ton coeur te mène - Gabriel Ringlet

"Va où ton cœur te mène", le dernier livre de Gabriel Ringlet

Original et alerte, ce petit livre (1) se lit d’une traite et mène, par des détours inattendus, à dépasser radicalement la représentation de Dieu qui a prédominé et qui prévaut encore dans la tradition judéo-chrétienne. La glorieuse puissance du Très-Haut s’efface pour laisser se révéler une divinité humble et miséricordieuse dans le secret des cœurs. Reprenant la rocambolesque saga des prophètes Élie et Élisée, Gabriel Ringlet fascine par ses intuitions théologiques marquées du sceau de l’Évangile, et touche le lecteur par sa délicate et profonde sensibilité aux gens et aux choses. Sa créativité poétique survole d’instinct les doutes et réserves qui peuvent surgir ici ou là au fil des pages. Pour entendre le subtil message spirituel mis en musique par l’auteur, le lecteur est invité à s’ouvrir à un ailleurs indicible échappant à toute saisie – « De l’âme du violon, oseriez-vous relever les empreintes digitales ? » (Gilles Baudry, cité en exergue)…

Il va sans dire que nous ne pouvons plus croire que les histoires rappelées dans ce livre se sont réellement passées comme relatées dans la Bible – le miraculeux approvisionnement en farine et huile chez la veuve de Sarepta (à l’instar de la manne) et, entre autres prodiges, la résurrection du fils de cette femme par Élie, la foudroyante issue de la compétition sacrificielle entre les prêtres de Baal et le prophète de Yahvé, l’horrible carnage qui s’en est suivi pour imposer la domination du Dieu d'Israël, la traversée à pied sec du Jourdain (calquée sur le franchissement de la Mer Rouge par les Hébreux), l’irruption d’un char de feu pour emporter Élie… Et l’exigence critique ne s’arrête pas là : nous ne pouvons plus adhérer – qu’il s’agisse de l’Ancien ou du Nouveau Testament – à la sacralisation plus ou moins fondamentaliste des Écritures quand, proclamées « Parole de Dieu », elles sont considérées comme l’unique, complète et ultime Révélation divine. Cela étant, comment résoudre les multiples ambiguïtés et contradictions de ces textes pour discerner la Parole qui, en amont des mots, est véhiculée à travers la relativité des langages empruntés par ces récits ? De la Création de l’univers à la Nativité et à la Résurrection de Jésus, tout est à réinterroger sans céder aux interprétations qui arrangent – comme la transmutation de la toute-puissance providentielle en sublime impuissance par exemple, etc. L’Ascension de Jésus qui parachève sa résurrection n’est aujourd’hui pas plus crédible en tant que phénomène physique que l’enlèvement au ciel du prophète Élie ou, d’après le Coran, le voyage céleste du prophète Mahomet sur la jument Al-Borak.
Pourtant, c’est un enrichissant voyage spirituel et théologique que Gabriel Ringlet nous offre dans ce livre en méditant les incroyables événements des récits bibliques concernant le prophète Élie et son disciple Élisée. Un voyage qui transcende l’enracinement culturel de ces narrations vieilles de près de trois mille ans, et qui ouvre des horizons à même d'éclairer nos questionnements actuels. Pour ce faire, l’auteur recourt – avec sa coutumière maîtrise dans ce domaine – au registre de la littérature et de la transfiguration poétique, estimant que les émotions, notamment esthétiques et religieuses, peuvent avantageusement contribuer à dévoiler la portée intrinsèque des Écritures au double niveau symbolique et existentiel, par-delà les déconstructions et reconstructions critiques. Que cette relecture de la vie d’Élie soit ou non conforme à ce qui a été effectivement vécu par ce prophète importe moins, dans cette perspective, que la fécondité des réflexions que l’auteur propose en privilégiant les éléments qui expriment le mieux, selon lui, les enjeux spirituels majeurs des récits plus ou moins mythiques de la Bible. Dieu ne se réduit jamais à ce qui en est dit et l’homme ne peut, en tout état de cause, accéder qu’aux vérités fragmentaires qu’il découvre progressivement en élucidant les croyances du passé et en s’ouvrant aux rencontres et aux connaissances nouvelles. Pourquoi, dès lors, les anges qu’affectionne Gabriel Ringlet ne pourraient-ils pas, qu’ils soient ailés ou simples poètes, parler à leur façon des cieux aux femmes et aux hommes désireux de faire luire un peu de ciel sur notre terre ?

Il s’avère de fait crucial pour l’avenir de la foi de passer, comme ce livre le propose, de la figure archaïque d’un Dieu jaloux et violent à une divinité d’une tendre et universelle compassion. « Dieu, au-delà de Dieu » suggère Gabriel Ringlet : une quête déjà ancienne, mais qui se renouvelle dans l'environnement culturel et scientifique contemporain. « Dieu, après Dieu ? » s’interroge le post-théisme… Alors que plus de la moitié des Français déclarent ne plus croire en Dieu et que les « pratiquants » ne constituent plus que 2 % de la population, comment les Églises peuvent-elles continuer à répéter leurs sermons et leurs rites sans s’interroger sérieusement sur le désamour ou le rejet dont elles font l’objet ? Le cléricalisme systémique et les multiples abus qui en ont découlé ont assurément hâté le naufrage du catholicisme, mais l’indifférence aux questions religieuses a des racines plus profondes. Qui peut encore croire en un Dieu tout-puissant qu’il faut, sous la conduite d’une caste sacerdotale sacralisée, glorifier et supplier selon des modalités analogues à celles autrefois exigées à leur profit par les puissants de ce monde ? Pour retrouver sa ferveur et sa force originelles, le christianisme devra renaître selon l'Évangile en acceptant de mourir dans sa forme actuelle. Le prophétisme biblique porte à sortir du conservatisme et des enfermements religieux, et Jésus a assumé cette vocation jusque sur la croix. Avant de s’abandonner à Dieu en ces termes : « Entre tes mains, Seigneur, je remets ma vie », il a traversé la pire déréliction devant l’issue du projet qu’il avait prêté à Dieu en rapport avec les croyances de son temps : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Dans le sillage de l’expérience religieuse vécue par le prophète Élie, Gabriel Ringlet termine son livre par une évocation très personnelle de l’intime et féconde proximité de Dieu au cœur de la perpétuelle fragilité de l’homme et de notre monde. Les confidences qu’il livre sur ses échanges avec un petit enfant nommé Élie, le dernier-né de ses filleuls, en parlent en termes émouvants. Qu’advienne, au diapason du « Souffle ténu  » qui chante les Béatitudes après son silencieux dévoilement sur le mont Horeb, un monde nouveau dans lequel chacun pourra se réaliser pleinement en toute liberté – « libre, vraiment, y compris libre de Dieu » ! Alors, loin des pulsions individualistes que le consumérisme à la mode présente fallacieusement comme génératrices de bien-être et de développement personnel, nous pourrons entendre et suivre l’exigeante exhortation prophétique qui – empruntée à Qohélet et faisant écho à la fameuse maxime Ama et fac quod vis ! de saint Augustin – a été choisie comme titre pour ce livre : « Va où ton cœur te mène ».Jean-Marie Kohler

(1) Gabriel Ringlet, Va où ton cœur te mène, éd. Albin Michel, septembre 2021, 152 p.,

06/11/2021

AUX SEIGNEURS DE LOURDES

Quatre semaines après la remise du rapport de la Ciase sur les violences sexuelles et leur dissimulation dans l’Église catholique, les évêques français sont au pied du mur alors qu’ils sont réunis à Lourdes en assemblée plénière. D’abord, on reste interloqués qu’ils aient décidé in extremis d’ajouter une journée à leurs débats afin de traiter de la question. Sérieusement, y a-t-il une autre urgence ? On ne sait si la maison brûle ou si le navire coule, mais c’est de survie dont il s’agit ; ce dont les seigneurs catholiques ne semblent pas avoir pris réellement conscience. Le sondage que nous avons commandé, lui, montre sans ambiguïté l’étendue du cataclysme. La parole institutionnelle est démonétisée. Et chacun, pratiquant ou non, semble avoir bien compris que la réforme ne peut pas être cosmétique.

À ceux qui voudraient se réfugier derrière les règles romaines pour couvrir leur immobilisme nous demandons : « À quoi croyez-vous ? Vous dites que vous avez donné votre vie, mais pour qui ? Pour quoi ? » Les mots les plus rudes de Jésus sonnent comme un glas : « Qui veut sauver sa vie la perdra, qui perd sa vie à cause de moi [Jésus] et de l’Évangile la sauvera. »

Alors, seigneurs catholiques, que voulez-vous sauver ? Vos têtes, vos mitres, vos carrières, vos certitudes, votre doctrine ou l’Évangile ? Lesquels d’entre vous vont avoir le courage de se lever et de dire : « C’en est assez des demi-paroles, des demi-mensonges, des demi-vérités, des demi-aveux, des demi-pas. »

En écrivant, ces mots, je songe à la négociation d’Abraham devant Sodome, que Dieu dans sa colère veut détruire tout entière. Abraham tente de sauver la cité au nom de quelques justes qu’on pourrait y trouver. Alors, parmi vous, seigneurs catholiques, combien de justes ?

Allez vous demeurer dans ce pacte mortifère de silence, de paralysie, de crainte ? Croyez-vous qu’il suffit d’attendre que « ça se tasse ». Ouvrez les yeux et les oreilles : les catholiques ont parlé, haut, fort et clair. Ils veulent des changements profonds et ils les veulent de façon quasiment unanime. Comme le dit le pape François, il est plus que temps que vous soyez « des pasteurs qui portent l’odeur de leurs brebis ».

800px-Christine_Pedotti-100x100 (1).jpgChristine Pedotti 

Consultez le sondage Odoxa-TC en intégralité sur http://www.odoxa.fr/sondage/le-rapport-sauve-au-coeur-de-...

28/10/2021

HONNEUR AUX PRÊTRES

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Publié le 

La publication du rapport de la Ciase sur les violences sexuelles et leur dissimulation dans l’Église catholique continue de soulever une immense vague de stupeur, d’indignation et de colère parmi les catholiques.

Dans ces colonnes, nous avons appelé à la démission des évêques, seul acte qui permettrait de rendre compte de la reconnaissance des faits et de l’acceptation par le système institutionnel de sa responsabilité. Nous avons appelé à cette démission à cause du puissant caractère symbolique qu’elle représenterait. Il ne s’agit pas de se débarrasser de tel ou tel, moins encore de tous, mais que soit montré à tous et toutes et en premier lieu aux innombrables victimes qu’est assumée la responsabilité de l’Église à leur égard. Qui d’autre que les responsables institutionnels peuvent le faire ? Ainsi que le disent si justement les victimes, il faut passer « De la parole aux actes ».

Et les prêtres ? Pour l’heure, ce sont les grands absents. Un tout petit nombre d’entre eux sont coupables (environ 3 %). Mais tous les autres ? Aujourd’hui pèse sur eux un insupportable soupçon. Sont-ils les complices d’une organisation à laquelle ils ont promis obéissance ou au contraire en sont-ils d’une certaine façon eux aussi les victimes ? Peu d’entre eux parlent. Mais certains osent dire que, non, ils ne se prennent pas pour Dieu ; non, ils ne veulent pas – ou plus — être des « mis à part ».

À tous, il est utile et nécessaire de dire que les préconisations du rapport Sauvé ne les condamnent pas mais tout au contraire les libèrent. Qu’eux aussi s’en saisissent. Le régime hiérarchique fait d’eux des rouages d’un système qui s’intéresse à leur fonction et fort peu à leur humanité. Pourtant, pour la plupart des catholiques, l’Évangile s’est incarné, au sens plein du terme, dans l’humanité d’un prêtre, pas d’un surhomme, pas d’un demi-dieu, juste d’un être humain qui se laissait traverser, habiter par une Parole vivante et qui nous l’a offerte.

Amies, amis, appelons les prêtres à se joindre au mouvement de libération de la parole, de libération de l’Évangile qui vient parce que nous sommes en train de le faire advenir.

Christine Pedotti Christine_Pedotti-100x100 (2).jpg

60 ANS CCFD - COMITE CATHOLIQUE CONTRE LA FAIM ET POUR LE DEVELOPPEMENT

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18/10/2021

AUJOURD'HUI, PRÊTRE - PIERRE ALAIN LEJEUNE, prêtre à Bordeaux

6 octobre 2021       Aujourd’hui, prêtre

 
 

En ce mardi gris d’octobre, j’ai continué mon travail comme une bête de somme traçant le labour sous la pluie froide. J’ai poursuivi en essayant de ne pas trop me retourner, de ne pas perdre le rythme du cheval de trait qui sait qu’il ne doit pas s’arrêter au milieu du sillon. Et pourtant, Dieu sait si j’ai eu envie de lâcher l’attelage, accablé par le rapport de la CIASE rendu public ce matin. Dieu sait si j’ai souvent pensé aller, toutes affaires cessantes, me réfugier dans l’église voisine, fermer la porte et pleurer devant Dieu pour tant de misère.

Aujourd’hui j’ai continué mon travail, la honte au front et le cœur brisé ; j’ai continué parce que je ne pouvais pas laisser seul le vieil homme qui attendait de recevoir l’onction des malades, ni renoncer à visiter une famille endeuillée, ni oublier ces fiancés préparant leur mariage. J’ai continué avec toutes ces questions se bousculant en moi : Pourquoi ai-je voulu devenir prêtre ? Pourquoi me suis-je mis au service de cette Église dont j’ignorais tout de la face hideuse qui est révélée au grand jour ? A l’époque, aurais-je répondu de la même manière, si j’avais su ?

Aujourd’hui j’ai continué à poser les gestes du ministère en faisant le dos rond, portant dans ma prière douloureuse les milliers de vies brisées et les silences complices : les victimes et les bourreaux. J’ai fait le dos rond, sentant autour de moi, la suspicion portée sur mon habit de prêtre et l’état de vie que j’ai choisi : le célibat. Ce célibat qui depuis 25 ans, je dois le dire, m’a procuré bien plus de joies que de peines.

Aujourd’hui j’ai continué tant bien que mal à rejoindre des personnes en attente d’une parole ou d’un geste, j’ai continué à faire mon métier de prêtre. Et si ce n’était qu’un métier, je pourrais au moins démissionner et chercher à gagner autrement ma vie. Mais voilà… on devient prêtre par amour du Christ et de son Église. Et l’on ne quitte pas celle que l’on aime simplement parce qu’un matin ténébreux, elle nous apparaît laide. On ne la quitte pas même si l’on se découvre soudainement éclaboussé par sa laideur.

Aujourd’hui, j’ai continué à répondre au téléphone et aux nombreux messages quotidiens de celles et ceux qui cherchent un peu de lumière dans l’ordinaire de leur vie ou dans les drames profonds qui les traversent ; j’ai continué en me demandant pourquoi il me fallait porter le poids d’un péché commis par d’autres, porter au front la honte de ce que je n’ai pas commis. Sans doute cette douleur nous rapproche t-elle un peu des victimes d’abus sexuels qui, plus que tout autre, payent pour un crime qu’elles n’ont pas commis. Peut-être nous rapproche t-elle un peu de notre Seigneur Jésus Christ qui, d’une manière unique, a payé pour les péchés qu’il n’a jamais commis.

J’ai continué en priant de tout mon cœur pour les innombrables victimes de ces prêtres prédateurs qui ont usé d’une si belle vocation comme d’un filet de chasseur pour mieux capter leurs proies. J’ai continué en priant aussi pour tous ceux qui seront pris par l’envie de quitter le navire de l’Eglise. Bruyamment ou sur la pointe des pieds. J’ai continué pour résister à l’illusion qu’en nous éloignant des bourreaux nous serions innocentés de tout mal. J’ai continué en m’efforçant de ne pas déserter le champ de bataille. Or le champ de bataille, ce n’est pas seulement l’Église salie par la faute de ses membres ; le champ de bataille est en chacun de nos cœurs. Le mal n’est pas seulement chez l’autre ou chez les autres ; le mal est en chacun de nous, sous des formes diverses certes, mais il est là, tapi comme une bête sauvage qu’il nous faut dominer. J’ai continué en essayant de ne pas déserter mon cœur meurtri.

Christian de Chergé, moine de Tibhrine en Algérie, assassiné en 1995, écrivait quelques mois avant sa mort : « J’ai suffisamment vécu pour me savoir complice moi aussi, du mal qui semble, hélas, prévaloir dans le monde ». Lui le saint ! Lui, l’homme de paix, se reconnaissait complice du mal qui allait pousser ses propres bourreaux à le tuer. Et il priait pour eux… C’est peut-être cela la sainteté : ne pas se croire innocent d’un mal reconnu chez les autres, même le pire ; savoir que le vrai combat se joue à la porte de notre cœur.

Aujourd’hui j’ai continué à pédaler sous la pluie et dans le vent froid d’automne pour aller célébrer la messe avec quelques fidèles aussi blessés que moi par cette dure réalité. Ensemble nous avons célébré le mystère du Christ mort pour nos péchés ; lui l’innocent, mort pour sauver le criminel. Et ensemble nous avons crié vers Dieu : « délivre-nous du mal» !

Aujourd’hui, en ce sombre mardi d’octobre, j’ai continué à être prêtre parce que je sais que cette mission est plus grande que moi et que je n’en serai jamais digne ; j’ai continué à donner Dieu aux gens que je rencontrais, ce Dieu que je ne possède pas mais qui, un jour, s’est saisi de mes pauvres mains d’homme pour se donner au monde. Aujourd’hui, j’ai continué à être prêtre par amour du Christ et des hommes qu’il aime.

Pierre Alain LEJEUNE, prêtre  PA LEJEUNE.GIF

SYNODE ... QUEL CHEMIN A VIVRE ENSEMBLE ?

Synode... Quel chemin à vivre ensemble ?

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Publié le par Garrigues et Sentiers

La démarche dite "synodale", telle que présentée par François et/ou le document préparatoire au Synode romain, riche de questions très intéressantes, apparaît malgré tout très centrée sur l'Église.

Il s'agit de rénover sa réalité comme son image, de permettre de fantasmer, d'imaginer, d'expérimenter une Église renouvelée, plus belle, parlante pour le monde, et évangélisatrice. Mais l'objectif est toujours l'Église ! Et au rythme que voudra l'Église.

Et cette Église, elle est invitée à se rénover grâce à la parole et à la participation de tous certes, animée par un leadership plus horizontal, mais, malgré tout, ayant l'autorité, car l'Église ce n'est pas une démocratie, précise le document romain.

Personnellement il me semble que nous sommes en présence d'une erreur de regard : l'Église est prise pour centre, pour une entité, celle qui garde les commandes et le tempo, une réalité à sauver, une quasi personne, alors que l'Église, à mon avis, n'est que la résultante, l'expression du peuple en marche, seule réalité fondamentale, espace d'action de l'Esprit qui, comme le vent, souffle où il veut... "et tu ne sais ni d'où il vient, ni où il va " !

Et ce peuple en marche ne comprend ni supérieurs, ni inférieurs : il est un peuple d'hommes et de femmes investis dans la même réalité qu'est notre monde au quotidien, ėventuellement plongés dans le même baptême, dans le même compagnonnage avec Jésus et voulant en vivre au cœur de l'aujourd'hui.

Ce qui est merveilleux c'est de vouloir marcher ensemble.

Mais je n'ai pas envie de marcher pour refaire l'Église. Marcher ensemble, oui ! Mais pour être au cœur du monde, simplement riches de Jésus et de sa parole.

"Être en chemin avec" pour vivre et rencontrer les hommes et les femmes de notre temps aux prises avec la vie et les problèmes d'aujourd'hui : immigration, covid, sexualité et l'ensemble des questions autour de la vie,  affrontement de la mort, égalité femmes/hommes, modifications culturelles et religieuses, changement climatique, guerre et brutalité de toutes sortes, etc...etc...

C'est cela notre monde, c'est là que Jésus nous appelle à marcher ensemble, à inventer, à être avec : ce n'est pas de refaire ou d'améliorer l'Église. Pardonnez-moi ! Mais, pour moi, ce ne sont que des questions d'"intendance", même si elles peuvent apparaître capitales et urgentes à affronter. On y consomme temps et énergie, et c'est parfois – mais pas toujours –indispensable, toutefois cela ne doit pas faire oublier l'appel radical : non pas l'Église, mais le monde dans lequel nous vivons. En fait, L'Église, aux yeux de l'observateur, comme à ceux du croyant j'ose l'espérer, c'est comme le "film descriptif émerveillé, attristé et/ou rejoui" de ce peuple de marcheurs, la vie et la manifestation de gens animés d'une passion fondamentale pour les enfants, les femmes et les hommes aux prises avec toutes les interpellations de leur temps.

La seule grande question me semble-t-il, pour nous croyants : comment allons-nous pouvoir rester animés par ce Jésus et sa parole au cœur de ce monde pour lequel nos paroles, nos rites, nos envolées sur Dieu, ou nos discours théologiques ne parlent plus ?

Comment allons-nous pouvoir nous ressourcer pour être entièrement centrés sur cette marche au cœur du monde ?

Là, il y a un chemin à inventer et vivre ensemble : les autres croyants me sont indispensables pour partager la parole et me nourrir du pain. C'est cela mon nécessaire si je veux rester sur les traces de Jésus. Et j'en ai besoin, non pas pour m'occuper des problèmes d'Église (à moins qu'il ne s'agisse de problèmes existentiels immédiats d'hommes, de femmes, d'enfants), mais pour vivre l'urgence que sont la terre et tous les humains.

Oui ! En route ! Lâchons nos questionnements et nos visions auto-centrées d'Église, et osons cheminer ensemble en plein monde de 2021.

"Celui qui met la main à la charrue et qui regarde en arrière n'est pas digne de moi" dit Jésus. 

Jean-Luc Lecat

16/10/2021

HOMÉLIE DE JEAN-MARC AVELINE, ARCHEVÊQUE DE MARSEILLE, LORS DU CONGRÈS MISSION

 Chers amis,

Au terme de ce Congrès, j’aimerais ne pas vous laisser quitter Marseille sans vous remettre une petite boussole pour vous orienter sur les chemins de la mission. Cette boussole, comme toutes les boussoles, a quatre points cardinaux, qui sont comme quatre conseils que je voudrais vous partager pour qu’ils vous aident dans votre vie de disciples appelés à prendre part à la mission de l’Église. 

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Le premier conseil est celui-ci : attachez-vous au Christ ! C’est lui le Fils de Dieu, le Sauveur du monde. Vous l’avez gravé sur vos tee-shirt, inscrit sur vos sacs, et sur tout ce que vous ramènerez chez vous après ce week-end : c’est Jésus qui sauve ! Ne cherchez pas à sauver à sa place. Ne vous prenez pas pour des sauveurs ! Nous ne sommes que des serviteurs, et même des « serviteurs inutiles » (Lc 17, 10) ! Inutiles parce que Dieu, qui est tout puissant, n’a pas besoin de nous pour sauver le monde ; mais serviteurs, parce que Dieu, qui est tout puissant, a cependant voulu compter sur nous en nous confiant une mission, et en nous demandant, nous ses serviteurs, de devenir ses amis. « Je ne vous appelle plus serviteurs, a dit Jésus, je vous appelle mes amis. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande, et ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15). ... Chers amis Mgr JM AVELINE.pdf