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19/04/2023

JACQUES MON FRERE

Jacques mon frère Publié par Max  16 Avril 2023, 16:49pm

Catégories : #Eglise

Jacques mon frère

En 1982 quand Jacques Gaillot a été ordonné évêque d'Evreux, j'étais un paroissien régulier, plus consommateur qu'acteur. Je me suis alors engagé progressivement dans la paroisse où il n'y avait plus de curé résident et à l'aumônerie de l'enseignement public.

Quand Jacques Gaillot a souhaité en 1985 que Pax Christi soit présent dans le diocèse, je me suis retrouvé dans l'équipe diocésaine et c'est à ce moment que j'ai commencé à fréquenter notre évêque, à le suivre et à l'aimer.

J'ai alors mis mes pas dans les siens car j'ai reconnu en lui celui qui suivait le Christ. Suivre le Christ c'est aller vers les plus pauvres, c'est faire de la place à ceux qui sont délaissés, visiter les malades et les prisonniers...

Quand Jacques a décidé de mettre en route un synode diocésain, j'ai participé à cette initiative, cet élan missionnaire et je me souviens de la célébration finale en 1991 qui marquait le début d'une nouvelle aire pour le diocèse d'Evreux.

C'est alors que je fus appelé au diaconat et plusieurs rencontres décisives avec Jacques m'ont orienté vers une meilleure compréhension de ce ministère. Jacques était notre évêque bien sûr mais il manifestait dans sa vie et ses engagements qu'il était lui aussi et serait toujours diacre, c'est à dire serviteur.

L'appel décisif au diaconat eut lieu fin 1994 et la date de mon ordination, conjointe avec mon frère Dominique fut fixée. Le coup de tonnerre du 13 janvier 1995 me plongea dans le doute et le questionnement au sujet de notre Eglise.

Ainsi, dénoncer la guerre, accueillir les homosexuels et les prostituées... seraient contraires à l'Evangile ?

Nous n'avions apparemment pas tous la même lecture de la Parole de Dieu !

Dés le 15 janvier je me suis retrouvé avec quelques compagnons à créer Evreux Sans frontières pour défendre Jacques.

Le 22 janvier pour la messe d'au revoir en la cathédrale d'Evreux on lisait Luc au chapitre 4 « Les aveugles voient, les boiteux marchent... C'est aujourd'hui que cette parole s'accomplit » Quel beau clin d'oeil de l'Esprit Saint !

Ce fut un temps de belles rencontres avec tout un peuple dont beaucoup ne professaient pas notre foi mais pour lesquels l'humain était prioritaire.

Des milliers de lettres furent reçues, analysées par une équipe de bénévoles.

En septembre nous partîmes en délégation (l'administrateur diocésain, un prêtre, un diacre permanent, une laïque du conseil diocésain de pastorale et moi-même comme président d'Evreux sans frontières) pour porter au cardinal Gantin à Rome un échantillon des lettres reçues. Une malle remplie de lettres avaient déjà était envoyée.

La décision de poursuivre le chemin du diaconat fut prise avec l'aide mon équipe d'accompagnement car nous pensions qu'il fallait rester dans l'Eglise et non la quitter.

Au cours d'une visite à Jacques dans le squatt de la rue du dragon à Paris, il m'encouragea dans ce cheminement qui est celui qui conduit vers le Père par Jésus.

Je suis resté en contact avec Jacques pendant toutes ces années, souvent de manière épistolaire et suivant tous ces beaux combats qu'il menait maintenant librement pour les sans abri et les sans de toutes sortes.

Pour mon ordination en novembre 1995 j'avais choisi les paroles de Mathieu 25 « Ce que vous avez fait au plus petit d'entre les miens c'est à moi que vous l'avez fait. »

J'essaie de mettre en œuvre à mon petit niveau ce que Jacques a fait toute sa vie.

Merci Jacques pour le chemin que tu nous as tracé. Merci de nous montrer le Christ présent en toute femme et en tout homme. Merci, tu es maintenant auprès de Celui que tu as servi fidèlement.

14/04/2023

MORT DE JACQUES GAILLOT

MICHEL COOL TADEL sur facebook 13/03/2023

Mort de Jacques Gaillot

Froideur du communiqué des évêques de France. A lire, l’excellente synthèse de la vie de Jacques Gaillot parue dans La Voix du nord (cliquer sur le lien ci-dessous).
https://www.lavoixdunord.fr

GAILLOT JACQUES.jpgLa première réaction de la Conférence Évêques de France hier soir à l’annonce du décès de l’ex-évêque d’Evreux, publiée l’AFP: « Au delà de certaines prises de position qui ont pu diviser, nous nous rappelons qu’il a surtout gardé le souci des plus pauvres et des périphéries. » (AFP) Cette réaction est stupéfiante par sa froideur son expression d’une rancoeur tenace, et qui ne passe toujours pas. Même à l’heure du « grand passage » de celui qui fut un frère dans l’épiscopat. Dommage! Encore une occasion de réconciliation et de communion manquée. Tandis que, selon plusieurs sources, beaucoup de personnes cherchent à connaître la date et le lieu des funérailles pour s’y rendre. « Au delà de certaines prises de position qui ont pu diviser, nous nous rappelons qu’il a surtout gardé le souci des plus pauvres et des périphéries. » (AFP)

La voix du Nord

Mort de Monseigneur Jacques Gaillot, évêque des exclus et des minorités « Électron libre », « évêque des marges » et à la tête d’un diocèse fantôme après son éviction du diocèse d’Evreux, Monseigneur Jacques Gaillot, mort mercredi à Paris, fut l’une des figures les plus controversées et populaires de l’Eglise de France. Jacques Gaillot était en faveur du mariage des prêtres et des préservatifs pour lutter contre le sida, mais il défendait aussi les occupations d’immeubles inoccupés par des familles de mal-logés. - Photo archives AFP

Par AFP/ Publié: 12 Avril 2023 à 22h54/4 min
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« Au delà de certaines prises de position qui ont pu diviser, nous nous rappelons qu’il a surtout gardé le souci des plus pauvres et des périphéries », a déclaré mercredi soir la Conférence des évêques de France à l’AFP. Né le 11 septembre 1935, à Saint-Dizier (Haute-Marne), fils de négociants en vins, Jacques Gaillot, licencié en théologie et diplômé de l’institut de liturgie, est ordonné prêtre en mars 1961, après avoir été mobilisé 28 mois en Algérie. Jacques Gaillot est décédé à Paris mercredi après- midi, à la suite d’un cancer fulgurant, a précisé à l’AFP un proche de l’évêque. Après une ascension régulière dans la hiérarchie ecclésiastique, il est nommé évêque d’Evreux en mai 1982. C’est là que ses prises de position volontiers provocatrices (il est en faveur du mariage des prêtres et des préservatifs pour lutter contre le sida par exemple) vont lui valoir progressivement une image d’évêque marginal, en conflit de plus en plus ouvert avec l’Église. Le bateau tangue une première fois en février 1989, lorsque Mgr Gaillot accorde une interview au mensuel Lui et à l’hebdomadaire des homosexuels Gay-Pied. Le Vatican, "désorienté »,demande alors aux évêques de France de faire le ménage chez eux. Le Vatican lui retire sa charge en janvier 1995. Cette éviction d’un évêque populaire, médiatique et perçu comme progressiste suscita une forte émotion en France, avec de nombreuses manifestations de soutien. A Evreux, plusieurs milliers de personnes assistent à sa messe d’adieu le 22 janvier 1995.
Préservatifs et Rainbow Warrior Après son départ d’Evreux, il est nommé à titre honorifique évêque « in partibus » de Partenia, un diocèse en Mauritanie sitifienne (région de Sétif en Algérie) disparu au Ve siècle et aujourd’hui dit « fantôme » car sans églises ni catholiques depuis des siècles. Mgr Gaillot fait alors de ce diocèse un instrument de défense des exclus (sans-papiers, sans-abri, etc). Il était co-président de l’association « Droits devant ! », qu’il avait créée en 1994 avec le chanteur Jacques Higelin, le médecin Léon Schwartzenberg et le philosophe Albert Jacquard, et qui lutte contre la précarité et l’exclusion. Invité régulier sur les plateaux de télévision, il défendait les occupations d’immeubles inoccupés par des familles de mal-logés, l’utilisation de préservatifs pour lutter contre le SIDA, la pilule abortive, l’ordination d’hommes mariés. En juillet 1995, il embarque à bord du Rainbow Warrior lors de la campagne de Greenpeace contre la reprise des essais nucléaires français dans le Pacifique. A l’été 1996, il participe activement à l’occupation de l’église Saint-Bernard à Paris par quelque 300 Africains sans- papiers. Une rencontre avec le pape en 2015 Vingt ans après son départ d’Evreux, Mgr Gaillot avait été reçu par le pape François pendant près d’une heure, en septembre 2015. Il avait alors confié à l’AFP avoir été « déstabilisé » par l’accueil informel de François au Vatican. « J’étais dans un parloir de la Maison Sainte-Marthe (où réside le pape) et une porte s’ouvre : c’est le pape qui rentre, simplement. La réunion s’est passée de manière familiale, sans protocole. C’est vraiment un homme libre. A un moment il s’est levé et a dit : vous avez un photographe ? Comme il n’y en avait pas, nous avons pris (une photo) avec un (téléphone) portable », avait-il alors raconté.... 

30/03/2023

LS EVANGELIQUES A LA CONQUÊTE DU MONDE

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A voir sur ARTE le 4 avril à 20h45 et sur ARTE TV

© Artline Films

Les Évangéliques à la conquête du monde

Photo © Artline Films

Certes, le titre de cette enquête est un peu racoleur. Mais elle s’avère fort éclairante sur une réalité très mal connue par le public français. Ce travail, guère empathique on le devine, donnera de bonnes bases au néophyte.

La première partie, intitulée « La grande croisade », retrace les origines religieuses du boom évangélique, fruit du dernier mouvement de « réveil » observé chez les héritiers de Luther, après 1945 aux États-Unis. Elle met en avant la figure majeure de Billy Graham (1918-2018), prédicateur à la renommée mondiale, qui remplira les stades et utilisera la télévision pour diffuser la bonne parole. C’est avec lui que la parole évangélique rencontre le politique, du côté du parti républicain. On y apprend que Graham tenait à ne pas séparer Blancs et Noirs dans les foules lors de ses prêches, et qu’il fut proche de Martin Luther King, mais sans jamais faire siennes ses idées égalitaristes, de peur de diviser ses fidèles. À la fin de sa vie, Graham prendra toutefois de la distance avec le monde politique.

Une sagesse que n’auront pas ses héritiers, comme on le voit dans le second volet de la série. Ainsi, la pasteure Paula White fut une influente conseillère spirituelle de Donald Trump à la ­Maison-Blanche, pour le « protéger des forces du mal ». L’autre grande réussite de l’évangélisme politique se nomme Jair Bolsonaro. Le documentaire montre le président brésilien s’écriant devant 3 millions de fidèles, à la tribune de la marche pour Jésus de São Paulo en 2019 : « Le Brésil au-dessus de tout. Dieu au-dessus de tout » ! C’est surtout sur le terrain de l’éthique familiale que ces courants évangéliques prospèrent. Au service de la campagne de Ronald Reagan, président des États-Unis de 1980 à 1988, le pasteur Jerry Falwell a lancé l’idée d’une « majorité morale » contre le « sécularisme fédéral ». On y trouve l’apologie du modèle patriote et blanc, et les refus absolus de l’avortement et de l’homosexualité. Désormais, les lobbys sont au cœur de la vie politique américaine. En ­janvier 2021, en pleine insurrection, des émeutiers se mettent à prier au sein même du Capitole – ces images hallucinantes font l’ouverture du dernier volet, « Dieu au-dessus de tout ? ». Quand Trump décide de transférer l’ambassade des États-Unis en Israël de Tel Aviv à Jérusalem, des proches lui attribuent un rôle de héros biblique. Le même Trump brandira le Livre saint comme réponse universelle face aux manifestants de Black Lives Matter, créant une alliance toxique entre Bible et suprématisme blanc.

La fin de la série présente des oppositions à cette mainmise. Car la famille évangélique est en réalité très diverse, dans ses composantes ethniques comme dans son apostolat. Aux États-Unis, le réseau Évangéliques pour l’action sociale a ainsi choisi de se rebaptiser « Chrétiens », tellement la dénomination initiale apparaît connotée aujourd’hui. Et un pasteur est parti en lutte contre le deuxième amendement de la Constitution, qui permet à tout citoyen de détenir une arme, alors qu’il est si cher à la « majorité morale ».

Seule référence à l’évangélisme à la française dans la série : l’Église Martin Luther King de Créteil montre un dynamisme évident. Mais sans aucune velléité politique, que d’ailleurs notre tradition nationale laïque ne tolérerait pas. Par contre, on découvre qu’un axe d’extrême droite européen, autour du dirigeant hongrois Viktor Orbán, mobilise largement les mêmes thématiques de défense d’un continent judéo-chrétien en résistance contre le mal cosmopolite contemporain. Mais, pour l’heure, sans connexion avec un mouvement religieux.

Cette enquête ne laisse pas d’inquiéter sur le talent commercial indéniable de cet évangélisme politique à l’œuvre dans de grandes démocraties. Les auteurs veulent clairement alerter sur les risques, en donnant largement la parole à des chercheurs et à des ex-militants repentis. « Nous formons des leaders à cette résistance, pour ne pas faire la même erreur que l’Église protestante allemande dans les années 1930, explique Robert Schenck, fondateur de l’Institut Dietrich-Bonhoeffer, du nom du célèbre pasteur allemand exécuté dans un camp nazi en 1945, qui n’eut de cesse de prévenir contre le péril hitlérien, sans succès.

Philippe Clanché est journaliste depuis 1992. Il travaille principalement sur les questions religieuses et sociales pour divers titres (Témoignage chrétien, La Vie, Marianne, le Canard enchaîné…). Auteur de l’essai Mariage pour tous, divorce chez les cathos (Plon, 2013), il est membre du collectif de pigistes Extra Muros. Par ailleurs il est secrétaire adjoint de l’association inter-convictionnelle « Les Voix de la paix ».

 

23/03/2023

URGENCE ET RESPONBILITE

TC.GIFUrgence et responsabilités

Publié le

Dans cette affaire de réforme des retraites, la première des responsabilités incombe évidemment à celui qui a décidé de la mettre en route, l’exécutif, et donc à sa tête, Emmanuel Macron. Pourquoi une réforme ? Est-elle nécessaire, impérative, opportune ? Certes, les arguments ont varié, mais il faut reconnaître que nous n’avons pas été pris en traître. Emmanuel Macron l’a annoncée dès sa candidature, voici un an, ce qui d’ailleurs lui a fait immédiatement perdre des points dans les sondages. Lui aussi était prévenu.

La perte de la majorité absolue à l’Assemblée augurait un parcours difficile, qui s’est confirmé. Les syndicats, eux, n’ont pas varié. La CFDT, souvent ouverte à la négociation, avait déjà opposé un refus net à l’âge pivot d’Édouard Philippe lors de la réforme avortée de la retraite à points de l’hiver 2020. Côté gauche de l’assemblée, le choix fut au chahut jusqu’au chaos, mais c’est à droite que les divisions ont surgi, au point de pulvériser le parti LR, d’où le recours au seul juge de paix, l’article 49 alinéa 3… et le sauvetage de justesse du gouvernement d’Élisabeth Borne.

Restent désormais celui qui a voulu la réforme, Emmanuel Macron, et un pays qui n’en peut plus des divisions. S’il y a désormais une urgence absolue, c’est celle de rassembler, de raccommoder.

Comment faire ? Osons une proposition. La loi va aller au bout du processus de contrôle démocratique au Conseil constitutionnel, mais, ensuite, offrons à ce pays un moratoire et une respiration. La mise en œuvre de la loi peut attendre quelques mois. Et parlons enfin du véritable sujet : notre rapport au travail, à nos carrières, à notre formation, initiale et continue, à l’égalité entre les hommes et les femmes, aux travaux pénibles, aux filières en manque de main-d’œuvre, à celles qui vont disparaître. Parlons de reconversion professionnelle, d’entrée progressive en retraite… Le chantier est immense, il nous intéresse tous et toutes. Faisons de vrais états généraux, un vrai débat… Qui sait, cela pourrait peut-être amener à modifier cette loi sans crise ni humiliation.

Et vous verrez, Monsieur le Président, qu’il est plus aisé de parler avec les Français et les Françaises qu’avec des députés braillards, et plus sûr de négocier avec Laurent Berger qu’avec Éric Ciotti. Et ça évitera peut-être qu’à la fin ce soit Marine Le Pen qui gagne !

Christine Pedotti  

Photo : Jeanne Menjoulet (CC BY 2.0)

QU'EST-CE QUE LE RAMADAN ?

    CLIC ... https://youtu.be/7JbKT8ik7xs

S’il devait identifier une différence entre sa manière de vivre le Ramadan et celle de ses parents, Mohammed parlerait de la nourriture. Au moment de la rupture du jeûne, après le coucher du soleil et la prière de Maghreb, ses parents préparent une table garnie de nombreux plats traditionnels – chorba (1) ou bricks – symbole d’un moment de grande convivialité et de partage vécu en famille pendant ce mois « béni » en islam.

Mais Mohammed, lui, accorde moins d’importance à l’abondance du repas. Le jeune homme de 28 ans voudrait se contenter du minimum pour pouvoir jeûner le lendemain, et préfère éviter de manger trop gras ou trop sucré. « C’est un moment où le corps peut se purifier, et c’est dommage de le gâcher avec une mauvaise alimentation », estime ce sportif. Pour lui, le Ramadan est une sorte d’entraînement spirituel, qui se vit aussi bien dans son corps que dans son âme. Il s’est fixé un objectif : lire entièrement le Coran en arabe. Chaque année, il a le sentiment de sortir de ce temps « purifié », d’être « plus proche de Dieu et de son coran ».

Pendant le Ramadan, qui débute jeudi 23 mars, s’exprime chez les nouvelles générations de musulmans un recentrage sur la dimension spirituelle du jeûne, le souci d’une alimentation plus saine et sobre, ainsi qu’un effort d’organisation optimale pour atteindre ses objectifs spirituels. Cette subtile évolution traduit l’ascension sociale de jeunes générations de musulmans dont les aspirations se mêlent à celles des classes moyennes et supérieures, mais surtout - chez certains - le passage d’un islam culturel à un islam plus spirituel et intériorisé.

« Une expérience spirituelle »

« On observe une sorte d’embourgeoisement d’une partie des populations musulmanes en France, liées à des trajectoires d’ascension sociale, par rapport à la génération de primo-arrivants qui était majoritairement issue de classes populaires », explique Sarah Aïter, doctorante en sociologie politique et spécialiste de l’islam. « La génération suivante, qui a davantage accès à l’éducation et aux études supérieures, adopte les modes de consommation de la société majoritaire », décrit-elle. Ce souci d’une alimentation saine pendant le Ramadan se décline ainsi le reste de l’année par le développement d’une demande de produits halal éthiques, voire bio.

Le rapport à la religion, lui aussi, évolue. « Pour la génération précédente, l’islam représente un héritage culturel qui n’a pas forcément été réinterrogé personnellement et intimement », développe Sarah Aïter. Parmi les plus jeunes, certains vivent encore leur religion sur un mode identitaire, ou se focalisent sur l’observation stricte des rites. « Mais une partie de la nouvelle génération a un souci de spiritualité beaucoup plus fort. Pendant le Ramadan, il ne s’agit pas seulement de jeûner et de faire une belle table, mais de vivre une expérience spirituelle. »

Cette situation se retrouve chez Emira, lycéenne de 17 ans à Strasbourg. Sa mère, tunisienne, jeûne la journée, cuisine deux heures toutes les après-midi pour préparer l’iftar (2), et réveille ses filles avant le lever du soleil pour qu’elles fassent leur prière, mais elle-même ne prie pas. Sa fille, Emira, s’efforce, elle, de faire toutes ses prières à l’heure et se rend à la mosquée le soir après la prière de ichaa, pour effectuer les tarawih, prières nocturnes surérogatoires, autrement dit non obligatoires. « Pour les nouvelles générations de musulmans, je n’hérite pas seulement de l’islam, je le rechoisis, précise Sarah Aïter. Il y a une volonté de redonner un sens aux pratiques. »

« Le mois du contrôle de soi »

Le Ramadan est ainsi vécu comme le mois du changement, celui de l’examen spirituel et de conscience. « Vous avez un mois pour changer vos habitudes », disent souvent les imams dans les mosquées, rapporte Sarah Aïter. Oussama, 23 ans, étudiant à Strasbourg, attend ce mois-là avec impatience. C’est le moment où il tourne la page de l’année précédente et prend de bonnes résolutions. « C’est une renaissance », décrit-il. « Notre corps se débarrasse des impuretés, on essaie de se passer du superflu, de ne penser qu’à Dieu, aux bonnes actions et d’être attentif aux autres. C’est le mois du contrôle de soi », poursuit celui qui prévoit de débrancher ses réseaux sociaux et s’est fixé un programme de lecture du Coran.

De fait, le souci d’organisation est particulièrement présent dans les préparatifs de ce temps très exigeant. Oussama va s’efforcer de concilier les prières, la lecture du Coran, le manque de sommeil dû aux prières nocturnes, avec sa licence de langues et son service civique. Mafory, 15 ans, s’est aussi procuré un « planner » de Ramadan, de ceux qui fleurissent sur les présentoirs des librairies musulmanes, pour cocher toutes les prières qu’elle fait et l’avancement de ses lectures spirituelles. « On observe un recoupement de notions spirituelles et de développement personnel », commente Sarah Aïter, qui note l’attention à « optimiser son temps » et à « se fixer des objectifs ».« C’est un peu comme un challenge, conclut Oussama. Un mois où Dieu va nous tester. »

(1) La chorba est une soupe traditionnelle d’Afrique du Nord. Pendant le Ramadan, elle est servie traditionnellement après la rupture du jeûne.

(2) Repas de rupture du jeûne, après le coucher du soleil.

21/03/2023

JOURNEE MONDIALE DU MIGRANT: "LIBRES DE CHOISIR ENTRE MIGRER OU RESTER"

Le Pape François en compagnie de migrants à Bologne.

Journée mondiale du migrant: «Libres Le choisir entre migrer ou rester»

Pour la 109ème journée mondiale du migrant et du réfugié, qui se tiendra le 24 septembre prochain, le Pape François a choisi le thème «Libres de choisir entre migrer ou rester». Il a été rendu public mardi 21 mars dans un communiqué du dicastère pour le Service du développement humain intégral.
Vatican News
Le choix de ce titre fait par le Saint-Père a pour objectif de promouvoir une nouvelle réflexion sur un droit qui n’a pas encore été codifié au niveau international: «le droit de n’avoir pas à émigrer– en d’autres termes – le droit de pouvoir rester sur sa terre».

La nature forcée de nombreux flux migratoires actuels oblige à un examen attentif des causes des migrations contemporaines, indique le communiqué, soulignant que le droit de rester est antérieur, plus profond et plus vaste, que le droit d’émigrer. «Il inclut la possibilité de participer au bien commun, le droit de vivre dans la dignité et l’accès au développement durable, peut-on lire dans la note, autant de droits qui devraient être effectivement garantis dans les nations d’origine grâce à un véritable exercice de coresponsabilité de la part de la communauté internationale».

Le dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral, qui entend mieux préparer la célébration de cette journée dédiée aux migrants et au réfugiés, lancera une campagne de communication visant à favoriser une compréhension approfondie du thème choisi, à travers des réflexions théologiques, des documents d’information et des supports multimédias.

En 2022, François dans son message avait invité à accueillir les migrants et à valoriser leur présence, soulignant que «l’histoire nous enseigne que la contribution des migrants et des réfugiés a été fondamentale pour la croissance sociale et économique de nos sociétés»

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06/03/2023

LE MAL QUE NOUS DISONS DES AUTRES

LA CROIX 6 mars 2023

Autrement dit : À vif /chronique par Jean de Saint-Cheron (Essayiste)

Le mal que nous disons des autres

«Je mets en fait que si tous les hommes savaient ce qu’ils disent les uns des autres, il n’y aurait pas quatre amis dans le monde. » La phrase est signée Blaise Pascal, qui n’a pas fait fortune en brossant son lecteur dans le sens du poil. Mais sa clairvoyance, sa connaissance du cœur de l’homme et son discours loin de l’optimisme des « livres qui font du bien » me donnent, personnellement, un bien fou. Car si Blaise n’est pas un professionnel des phrases onctueuses qui trompent essentiellement ceux qui – inquiétude ou vanité – choisissent d’y croire, il n’est pas pour autant du parti des pessimistes. Pas plus qu’il n’accable quiconque d’un défaut incurable. Les deux grands irréalismes qui consistent à dire d’un côté « tout va bien » ou « vous êtes parfait », et de l’autre « tout va mal » ou « vous êtes ignoble » peuvent avoir la conséquence funeste de faire stagner qui les entend ou bien dans une fausse béatitude (que les malheurs de la vie viendront bientôt dérider), ou bien dans une mélancolie difficile à vaincre. Pour en revenir à l’affirmation dure et salutaire qui ouvre cette chronique, s’il serait invivable d’entendre le mal que nombre de ceux qui nous entourent, y compris nos amis, peuvent dire de nous (parfois peut-être sans le penser vraiment : nous savons bien comment il nous arrive de parler d’eux), il est utile d’avoir un Blaise Pascal à portée de main pour nous dire nos quatre vérités comme il convient : « Que l’homme maintenant s’estime son prix. Qu’il s’aime, car il y a en lui une nature capable de bien, mais qu’il n’aime pas pour cela les bassesses qui y sont. » Pourquoi a-t-il donc fallu que l’auteur des Pensées emploie son intelligence hors normes à nous mettre en garde contre les deux écueils du tout blanc et du tout noir ? C’est parce qu’il savait que la « connaissance (de l’homme) s’est obscurcie par les passions ». Or cela vaut aussi bien pour le regard que nous portons sur nous-mêmes que pour la manière dont nous jugeons les autres. Ainsi nous suffit-il souvent d’être vexés, jaloux ou frustrés pour accuser de tous les maux ceux que nous tenons pour responsables de notre humiliation. Et nous sommes au contraire capables de bénir ceux qui nous encensent, nous valorisent, flattent notre vanité. Lorsque nous parlons les uns des autres, le plus difficile est donc de laisser nos affects de côté pour nous en tenir à la réalité.

C’est de ce difficile équilibre, qui n’est pas rendu plus simple par l’air du temps, que parle le très subtil Tár, de Todd Field. Unanimement louée par le public, ses pairs et la critique, une cheffe d’orchestre au talent immense et à l’ambition maladive (Cate Blanchett) se retrouve en quelques semaines la proie d’une cabale symptomatique de notre époque. Si « libération de la parole » a d’évidents avantages, elle peut aussi confiner, comme ici, à la calomnie et à la haine. Là est la justesse du propos de Todd Field : dans le premier tiers du film, le narcissisme et la dureté de Lydia Tár pèsent sur son entourage comme sur le spectateur, qui se prend à la haïr. Et lorsque le processus vengeur – motivé en grande partie par la jalousie et l’idéologie – se met en place, son « annulation » par un monde qui avait tant contribué à la faire briller contient une part d’injustice et de mensonge d’autant plus effrayante qu’elle a, y compris pour le spectateur, le goût de la vengeance. Accusée d’emprise, de racisme, voire de la mort d’une concurrente, Lydia Tár ne trouvera aucune échappatoire. C’est la chute, sans personne pour lui tendre la main, faire la part des choses ou la juger équitablement. « Tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, dit le Seigneur dans l’Évangile, faites-le pour eux, vous aussi : voilà ce que disent la Loi et les prophètes. »

Résultat de recherche d'images pour "jean saint cheron essayiste" Jean de SAINT-CHERON,essayiste

27/02/2023

"2022, ANNEE CHARNIERE"

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Présentation de notre dossier « 2022, année charnière »

Zeitenwende, « changement d’époque » : c’est le terme qu’utilise le chancelier allemand Olaf Scholz le dimanche 27 février 2022 dans son discours devant le Bundestag. Nous sommes trois jours après le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Il est toujours hasardeux de désigner ces moments de l’histoire qui marquent des changements d’époque. On admet communément que la bascule des siècles n’obéit pas au calendrier. Ainsi, 1715, fin du règne de Louis XIV, ferait passer du XVIIe au XVIIIe siècle, 1815, chute de Napoléon et congrès de Vienne, dans le XIXe, et 1914 et la Première Guerre mondiale dans le XXe. La lecture devient ensuite plus délicate.

Indiscutablement, 1989 et la chute du Mur nous ont amené à un nouvel équilibre, ou peut-être à un déséquilibre. Nous avons voulu voir l’attentat du World Trade Center à New York comme l’année du passage dans le deuxième millénaire. Certes, cette date marque un avant et un après, mais est-ce un changement d’époque ? Pas certain.

L’irruption du Covid à la fin de l’hiver 2020 et les grands confinements qui ont suivi nous ont fait fantasmer sur le « monde d’après », et il a bien fallu se rendre à l’évidence que cet après ressemblait comme un jumeau à l’avant.

Alors, au nom de quoi prétendre que 2022 sera reconnue comme l’année du Zeitenwende ? C’est à cette relecture de l’année que nous avons voulu vous inviter, et nous l’avons fait en nous relisant nous-mêmes, qui, avec vous, observons chaque semaine le monde tel qu’il est, tel qu’il va, tel qu’il devient.

La grande bascule de 2022 est bien sûr d’abord géopolitique. Elle voit la rupture de nos certitudes les mieux ancrées, dont celle de l’impossibilité d’une guerre à l’échelle de celle qui se déploie en Ukraine, sur le territoire européen. On objectera que la dernière décennie du siècle dernier (1991-2001) a vu se développer sur le sol européen celles qu’on nomme guerres de Yougoslavie ou guerres des Balkans. Leur bilan est élevé : entre 130 000 et 140 000 morts en dix ans. Cependant, ni l’équilibre des forces en Europe, ni la géostratégie mondiale n’en ont été bouleversés. La disparition conflictuelle de l’ex-Yougoslavie s’apparente, avec son lot d’atrocités, à une guerre civile, et son théâtre reste limité.

La guerre d’Ukraine, en revanche, oblige les uns et les autres à se positionner, et les alliances à s’affirmer ou à disparaître. Paradoxalement, c’est l’agresseur lui-même qui désigne ses ennemis, non pas l’Ukraine, qui n’est qu’une proie dont l’identité nationale est niée, mais l’« Occident global », selon la terminologie poutinienne.

De fait, c’est bien cet Occident qui se forge de nouveau une identité autour de ce conflit ; à travers l’Otan, miraculeusement ressuscité, à travers l’Union européenne, qui, contrairement à ce que Poutine escomptait, ne s’est pas déchirée, bien au contraire.

La Chine en arbitre muet

Ce retour d’un conflit de bombes, de sang, de chair, de larmes sur la terre européenne fait ressurgir à quatre-vingts ans de distance les spectres atroces de la précédente guerre : Bakhmout est comparée à Stalingrad, où, en mémoire de la victoire de 1943, Poutine inaugure un buste de Staline. Zelensky, traité de nazi – quoique juif – par la propagande russe est admiré à l’Ouest pour son côté churchillien. Le spectre d’un conflit nucléaire est agité. L’histoire bégaie en ce qu’elle a de plus tragique.

Le reste du monde observe. Si les alliés directs et actifs de la Russie sont peu nombreux, et déjà au ban de la société mondiale – Iran et Corée du Nord –, la plupart des autres nations s’abstiennent de condamner l’agresseur russe. Dans ce paysage, la Chine fait figure de grand modérateur : l’affirmation de son amitié indéfectible à l’égard de la Russie ne va cependant pas jusqu’à lui fournir la moindre arme. L’évidence est que, bien que dangereuse en ce qu’elle possède un arsenal nucléaire considérable, la Russie, même gonflée de l’orgueil démesuré de son président, ne fait plus partie des « grands » en termes de géopolitique mondiale.

Si 2022 est une année charnière, c’est peut-être parce que le conflit ukrainien et ses conséquences, bien plus que l’épidémie mondiale de Covid, met un terme à l’illusion d’une mondialisation paisible, sinon heureuse, dans laquelle le commerce universel garantirait stabilité et équilibre à l’échelle de la planète. La crise de l’énergie générée par le conflit oblige à revoir les politiques d’approvisionnement. L’énergie nucléaire est redevenue acceptable, du moins dans le temps de la transition, c’est-à-dire pour quelques décennies. Mais, plus généralement, la question de l’autosuffisance vient déranger les logiques de délocalisation qui prévalaient jusqu’alors. C’est le cas pour de nombreux médicaments et pour les composants électroniques.

La recomposition des forces et des alliances est en cours et loin d’être achevée ; espérons qu’elle se fera sans générer de nouveaux conflits. L’autre point de rupture de cette année 2022 a bien évidemment trait au changement climatique. Cette fois, la conscience d’un point de non-retour est devenue massive. Pour autant, il est toujours aussi difficile de prendre collectivement des décisions extrêmement coûteuses en termes de confort de vie. Et cette difficulté concerne aussi bien les nations développées, qui n’envisagent pas de perdre leur bien-être, que les nations émergentes, qui veulent obtenir un niveau de développement équivalent à celui des vieux pays. Le Giec a d’ailleurs orienté sa communication vers les possibilités d’adaptation tout en alertant sur le seuil au-delà duquel la vie humaine, mais aussi animale et végétale, telle que nous la connaissons sera sinon impossible, du moins totalement modifiée. Il est hélas probable que les tensions internationales ne soient pas favorables à des décisions collectives pourtant indispensables.

L’Église catholique en chute libre

En France, malgré les échéances électorales importantes, l’heure est plutôt à la continuité, avec en point de mire une très légitime inquiétude quant à la montée des extrêmes et tout particulièrement de l’extrême droite, qui se normalise de plus en plus. En cette matière, la navrante neutralité des autorités catholiques a permis à de nombreux catholiques de basculer vers un vote qui jusqu’alors était considéré comme inenvisageable.

C’est une responsabilité bien lourde que portent les évêques de cette génération et c’est d’autant plus incompréhensible que le pape François est, lui, d’une totale clarté sur les choix qu’impose l’Évangile. Sur un tout autre plan, les historiens auront à se prononcer sur la gravité de la chute du catholicisme liée aux effroyables affaires d’abus sexuels et d’emprise sur les consciences, concernant des victimes tant mineures que majeures. La perte de crédibilité de l’Église catholique atteint un paroxysme, tandis que les signaux de la pratique religieuse sont tous au rouge. Quels que soient les défauts de l’institution, il n’y a guère lieu de se réjouir d’un tel cataclysme : devant les défis qui s’offrent à l’humanité, nous demeurons convaincus que la dimension de l’espérance et de la fraternité portée par le christianisme est plus que jamais nécessaire.

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15/01/2023

RATZINGER, UNE ERREUR DE CASTING

TC.GIFRatzinger, une erreur de casting

 
Publié le par Patrick Nathan

Quand on ne retient d’un personnage illustre décédé que ses premières années et son départ fracassant, il y a lieu de s’interroger. Dans les hommages entendus à l’occasion du décès de Benoît XVI, chez les critiques comme chez les thuriféraires, on a surtout entendu parler du grand penseur et professeur et de sa démission papale inédite. À bien y regarder, tout le parcours épiscopal de Josef Ratzinger relève justement de l’erreur d’orientation la plus flagrante.

En le propulsant archevêque de Munich en 1977, Rome a certes offert un poste prestigieux au professeur Ratzinger, mais l’a arraché, à jamais, à son monde universitaire chéri. Cet homme brillant connu pour sa gentillesse, sa crainte des conflits et son peu d’appétence pour les mondanités était tout sauf le portrait du manager ! Voilà le théologien enseignant perdu pour les travaux intellectuels, et bien à la peine dans un diocèse tourmenté par les contestations internes. Pour le tirer d’une situation inconfortable, et se consacrer tranquillement à son combat géostratégique, Jean Paul II le récupère pour en faire le gardien du dogme à Rome en 1981. Josef Ratzinger ne voulait d’aucun de ses deux postes, qu’avec lucidité et humilité il ne se sentait pas capable d’assumer. Et que dire de l’élection, lors du conclave de 2005, d’un homme qui, deux ans plus tôt, à 75 ans, avait présenté sa démission au pape, aspirant à retrouver, enfin, sa chère Bavière, ses livres et son piano.

Las, par trois fois, la sacro-sainte obéissance ecclésiale a tranché : « Puisque l’Esprit saint, partenaire de toutes les décisions institutionnelles importantes, a validé ta nomination, elle est pertinente et il convient de dire amen. » Tant pis si elle émane d’une administration pour laquelle piété et pensée conforme tiennent lieu de bon CV, et qui ne s’inquiète aucunement des qualités managériales et humaines de l’impétrant puisque « la grâce y pourvoira ». Tant pis pour le désir profond de l’élu et ce à quoi il se sent appelé. Et, quand un choix malheureux est posé, l’Église se retrouve avec à sa tête un homme en difficulté et malheureux. En France, nous avons quelques exemples de nominations épiscopales funestes. Pour éviter de citer les cas plus douloureux, évoquons le parcours de Joseph Doré, brillant intellectuel, professeur à l’Institut catholique de Paris, doyen. Et bing, le voilà à 61 ans nommé archevêque de Strasbourg… où il ne se débrouille pas si mal. Mais, à 69 ans, il démissionne pour raisons de santé et retourne à sa vraie compétence. Depuis, il a publié plusieurs ouvrages et dirigé la somme Jésus, l’encyclopédie (Albin Michel).

Dans quelle fonction est-on le plus utile à l’Église ? Telle doit être la question aujourd’hui. Dans une maison qui brûle et qui doit se réinventer, couper les ailes aux penseurs en les coiffant d’une mitre est une faute et un gâchis. Le nonce apostolique en France reconnaissait récemment qu’un nombre croissant de prêtres refusaient l’épiscopat, preuve que le sujet est sur la table.

Patrick Nathan

Photo : Muu-karhu, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons

05/01/2023

LE MERITE DE BEN0ÎT

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publié le 5/01/2023Photo : Kancelaria Prezydenta RP (GFDL 1.2 or GFDL 1.2), via Wikimedia Commons

Photo : Kancelaria Prezydenta RP (GFDL 1.2 or GFDL 1.2), via Wikimedia Commons

La mort du pape émérite Benoît XVI est l’occasion de réinterroger cet acte incroyablement novateur qui fut le dernier de son pontificat, sa démission. S’il est une raison pour laquelle il entrera dans l’histoire, c’est bien celle-ci. Les puristes auront beau préciser que ce ne fut pas une démission mais une renonciation, la nuance est de peu d’importance.

Le fait seul compte : il a estimé en conscience que l’homme, Josef Ratzinger, n’était plus en état d’assumer la fonction de pape. Et, en séparant l’homme et la fonction, il a en quelque sorte ramené le pontificat sur la terre. La chose est étonnante car elle entre en dissonance avec les pratiques vaticanes depuis au moins le concile de Vatican I (1870) qui avait revêtu le pape – certes sous strictes conditions – de la vertu d’infaillibilité. Elle va à l’encontre aussi de la désolante manie, laquelle s’aggrave de pontificat en pontificat, de canoniser les papes et, de façon générale, avec le cléricalisme ambiant, qui tente de faire des prêtres, évêques et papes des hommes d’une nature distincte de celle du commun des mortels, les laïcs, hommes et femmes.

Le prédécesseur de Benoît XVI, Jean Paul II, usé par la maladie, à bout de forces, avait répondu à la question de sa démission éventuelle que « Jésus n’était pas descendu de la croix », sauf que, précisément, ni le pape, ni les évêques, ni les prêtres ne sont Jésus. Cette exaltation sacrificielle de la figure du prêtre, nous le savons maintenant très bien, est la porte ouverte à toutes les déviances et à tous les abus. C’est pourquoi nous avons un motif de reconnaissance à l’égard de Benoît XVI. Il a libéré le pape de cette folie. L’excellent professeur de théologie qu’il était a fondé et justifié sa décision de telle sorte qu’elle ne puisse être contestée et, paradoxalement, sa réputation de conservatisme y contribua. Le pape François ne s’y est pas trompé, qui, au jour de son élection, se présenta d’abord comme l’évêque de Rome.

Reste à l’Église catholique à se demander s’il est raisonnable de confier tant d’autorité à un seul homme, sans aucun contrôle ni aucun cadre de régulation du pouvoir. Malheureusement, la question ne semble pas à l’ordre du jour.

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